Mais il n'eut pas le temps de s'interroger, les Néraliens arrivaient trop vite. Avec leurs avirons et leurs hautes voiles latines, ils grossissaient à vue d'oeil. Le combat allait être rude, car de nouvelles voiles ne cessaient d'apparaître à l'horizon. Finalement, il y eut neuf galères, fonçant toutes sur le Triomphe.
Blade regarda approcher la première des galères, son éperon bordé d'écume. Alixa le rejoignit. Elle portait une longue mante bleu foncé, avec une large ceinture de cuir rouge, et son cou, ses oreilles, ses doigts étincelaient de bijoux. Blade resta muet de stupeur. Elle sourit amèrement.
— Si nous sommes pris, les Néraliens nous massacreront, nous recruteront ou nous prendront tous en esclavage ; sauf ceux qui auront l'air de valoir une forte rançon, expliqua-t-elle en levant ses mains baguées. Ces bijoux sont mon sauf-conduit, la preuve que je suis une grande dame avec une famille importante capable de payer une grasse rançon. Des pirates aveuglés par le sang ne croiraient peut-être pas mes paroles, mais ils croiront ces pierres.
— Tu as beaucoup de courage, murmura Blade avec un respect sincère.
Il avait deviné qu'en cas de crise elle ne deviendrait pas une fille hystérique et larmoyante, mais il était heureux de constater qu'il avait vu juste.
— Je suis la fille du grand-duc de Royth, dit- elle avec simplicité. D'un homme brave et honnête, ce qui est tout aussi important. Je ne veux pas le déshonorer.
Elle tourna la tête un moment pour regarder les galères ennemies puis elle reprit sur un autre ton :
— S'ils te prennent, tu sera mon fiancé.
Blade se retint de rester bêtement bouche bée.
— Ton fiancé ? Pourquoi ?
— Imbécile ! s'écria-t-elle avec un rire qui atténua l'insulte. Pour être le fiancé de la fille du grand-duc du puissant royaume de Royth, il faut bien être un personnage de haut rang. S'ils le croient, les pirates te garderont pour t'échanger contre rançon, comme moi.
— Très juste.
A part lui, Blade se disait que si le vaisseau était pris, ses chances de vivre assez longtemps pour que les pirates fassent de lui autre chose qu'un cadavre à jeter par-dessus bord étaient plutôt minces. Et puis des cris jaillissant de tous côtés ramenèrent son attention vers les assaillants.
Les neuf galères étaient maintenant à portée d'arc. Mais au lieu de charger à l'abordage, par une ou deux, elles se formaient en une seule ligne, disposée avec une habileté toute professionnelle. Blade entendit les cris faire place à des murmures inquiets et à des jurons tandis que les marins comprenaient qu'ils perdaient leur avantage. Et personne ne savait comment cela s'était fait.