En dépit de la générosité du Premier ministre qui dispensait des crédits, du personnel et des autorisations, le Projet Dimension X avait encore un point faible : Richard Blade. J sourit amèrement à l'idée que Blade, avec son esprit, ses muscles et son expérience, pût être un «point faible ». Et puis son sourire s'effaça.

C'était vrai. La Dimension X ne pouvait être explorée et exploitée sans qu'une personne passe par l'ordinateur. Et jusqu'ici, le seul homme qui en avait été capable, et qui était revenu sain de corps et d'esprit, était Richard Blade. On avait fait un essai avec un autre ; il était revenu fou à lier. D'autres avaient été envisagés, et tous rejetés. Personne n'était aussi parfait que Blade.

Mais il devenait impératif de trouver au moins un autre homme, de préférence plusieurs, qui pourraient survivre à une expédition dans la Dimension X, tant physiquement que mentalement. Blade risquait de s'épuiser. Plus grave encore, s'il craquait ou disparaissait avant que l'on ait trouvé un remplaçant, tout le Projet DX serait en panne, peut-être bien définitivement arrêté. Cela ne servirait à rien ni à personne.

Ce qui expliquait pourquoi J se trouvait dans une Rolls officielle. Il revenait de Washington, où il avait été envoyé en mission par le Premier ministre, pour chercher discrètement si les Américains avaient de bons agents qui pourraient participer à un projet anglo-américain. Le plus délicat avait été d'obtenir des renseignements utiles sans trop éveiller la curiosité des Américains. J pensait avoir réussi. Il avait déjà sept noms, et la promesse de recherches consciencieuses dans les fichiers de tous les services de renseignements des Etats-Unis pour en trouver d'autres. Comme de son côté le Premier ministre britannique enquêtait tout aussi discrètement dans les forces armées, tous les espoirs étaient permis.

J songeait à l'avenir — le sien, celui de Blade, celui du Projet — quand la Rolls s'arrêta devant l'entrée de la Tour. Il descendit et sourit largement aux hommes de la Branche Spéciale qui surgirent de l'ombre, entourant une haute silhouette musclée. Il fut touché que Richard ait tenu à l'attendre à la surface, même s'ils ne pouvaient parler librement tant qu'ils ne seraient pas débarrassés de l'escorte.

Ils le purent enfin quand les portes de bronze massives de l'ascenseur se refermèrent silencieusement sur eux. La cabine entama sa descente vertigineuse. J se tourna vers Blade et lui tendit la main.

Comment allez-vous, Richard ? Je regrette d'arriver si tard. Et encore, c'est uniquement parce que le P.M. a envoyé une voiture officielle à l'aéroport.

Blade sourit en prenant la main offerte.

Ce n'est pas grave. Lord L a dit que nous allions vous attendre le temps qu'il faudrait.