UN SILENCE MORTEL

par Ron Webb

Debout sur la pointe des pieds, Homer Neugent s’efforçait d’atteindre les dernières feuilles de la plante grasse qu’il était en train d’astiquer dans la serre. Tout en s’appliquant à sa tâche, il se disait que cette Dieffenbachia avait quelque chose de primitif et d’assez effrayant.

Les plantes tropicales, le calme et la tranquillité étaient tout le bonheur d’Homer. Ce petit homme qui semblait aussi fragile qu’une coquille d’œuf avait dû cesser d’enseigner la botanique pour cause de surmenage nerveux. L’ensemble de haut-parleurs qui tonitruaient sans cesse au-dessus de sa tête l’avait soumis à ce qu’il appelait : « une violation systématique de ses tympans ».

Il n’était à la retraite que depuis un mois quand il avait eu l’idée d’installer une serre dans la véranda de la maison, un bâtiment victorien et imposant, construit dans une région isolée du nord. Là, il jouissait d’une parfaite tranquillité… autant que le lui permît sa femme.

Il y avait des moments où il pensait que le papotage continuel de celle-ci allait le faire sortir de ses gonds… et pourtant, Homer était doux et patient ! Il en vint à communier de plus en plus avec la nature et de moins en moins avec Geneva.

Quand il faisait la cour à Geneva, il y avait des années de cela, c’était une blonde élancée au charme exquis. Homer, d’un naturel timide et taciturne, avait été conquis par le flot intarissable de paroles frivoles et enfantines qui s’écoulait de sa bouche. On eût dit le babillage maladroit d’un enfant, pensait-il alors, ou le pépiement d’un oiseau. Les années passant, Homer avait d’abord découvert que ce bavardage était agaçant, puis il l’avait trouvé franchement exaspérant. Il avait maintenant cessé depuis longtemps d’y prêter attention. La pauvre Geneva, frustrée par ce mur de silence qui entourait Homer, avait découvert combien les plaisirs de la table pouvaient être agréables. Elle commençait, pensait Homer, à ressembler à une saucisse piquée sur deux bâtonnets, car ses jambes persistaient à rester fluettes alors que son corps ne cessait d’enfler. La vivacité enfantine qui l’avait séduit il y avait si longtemps, avait dégénéré en demandes et en ordres formulés sur un ton plaintif, le seul moyen qui lui restait d’attirer l’attention de son mari.

Neugent savourait donc avec délices la tranquillité de sa retraite quand la voix geignarde de sa femme, s’insinuant à travers la barrière de feuillages, chassa la douce quiétude.

— Homer ! Je n’arrive pas à trouver mes mouchoirs en papier.

Cette lamentation fut accompagnée d’un sanglot sonore.

— Une petite seconde, Geneva, répondit-il machinalement, et il retomba en contemplation devant la Dieffenbachia. Ses grandes feuilles vert foncé étaient magnifiques avec leurs mouchetures vert pâle semblables à celles d’un serpent. C’était un crime de comparer cette pure merveille avec les petits arbustes bâtards que des milliers de gens essayaient de faire pousser chez eux sous le nom de Dieffenbachia. Mais il est vrai qu’ils devaient acheter les leurs au supermarché du coin… Il ricana avec un subtil dédain à la pensée de cette populace barbare qui ne savait pas faire la différence entre une Dieffenbachia et un vulgaire caoutchouc !

— Homer ! (La voix se faisait plus forte et plus pressante.) M’entendez-vous ? Je ne trouve pas mes mouchoirs et j’en ai besoin.

Haussant les épaules, Homer entra dans la bibliothèque et aperçut la boîte de mouchoirs posée sur le guéridon près de la porte, à proximité des regards de sa femme blottie sur le sofa, les yeux boursouflés de larmes. Secouées par les sanglots, ses énormes épaules entraînaient dans leurs soubresauts le restant de la masse, provoquant les grincements furieux des ressorts du divan.

Elle agita un livre en direction d’Homer :

— C’est tellement triste. Tellement, tellement triste ! (Ses grands yeux bleus laissèrent encore échapper un flot de larmes.) La pauvre chère petite… Et tout ce temps où elle croyait que son mari l’aimait, il ne pensait qu’à se débarrasser d’elle.

Homer prit un air sévère.

— Geneva, faites-moi voir ce livre.

Geneva lui permit de retirer le volume de ses petits doigts bouffis.

— Mais, c’est Dragonwyck, dit-il tout surpris. Qu’est-ce que vous pouvez bien trouver de si navrant dans Dragonwyck ?

— Cette pauvre chère femme… renifla Geneva en guise de réponse.

— Geneva, je vous supplie de vous contrôler un peu. Bien, maintenant qu’est-ce qui vous met dans cet état-là ?

— C’est Johanna Van Ryn, gémit-elle. La pauvre petite. Elle pensait que c’était pour lui faire plaisir que Nicolas lui avait apporté ce gâteau appétissant…

Et, Homer… (Les petites paupières bouffies de Geneva se levèrent.) Homer… il avait haché des feuilles d’Oleander pour les mettre dans le gâteau… et elle les a mangées.

— C’est bien ça, en effet, dit pensivement Homer.

Les paupières arquées se levèrent encore un peu plus.

— Homer…, murmura-t-elle. Elle en est morte !

Les petites lèvres roses de Geneva se froncèrent en avant comme un bouton de rose encore tout fripé et ses cils battirent tandis qu’elle essayait bravement de retenir ses larmes. Elle se moucha bruyamment, perçant le mouchoir en papier, et se ragaillardit avec un chocolat qu’elle prit dans une boîte à demi vide, à côté d’elle.

— … Si triste, conclut-elle. Si affreusement triste.

— Très triste, accorda Homer, tournant les talons. Il faut que j’aille travailler dans ma serre.

Geneva le saisit par la manche :

— Homer, débarrassez-vous de ces plantes, je ne peux plus les supporter. Vous passez plus de temps avec elles qu’avec moi qui suis pourtant votre femme… ! (Sa voix se transforma en un murmure chevrotant.) Homer, je suis un être de chair et de sang. Je dois présenter plus d’intérêt pour vous qu’un arbuste ? Pas vrai ? acheva-t-elle en le tirant par la manche avec anxiété.

— Bien sûr, Geneva, répondit-il inconsidérément.

Elle rayonna :

— Alors vous allez vous débarrasser de ces affreuses choses, n’est-ce pas, Homer ? Vous verrez, elles ne vous manqueront pas. Pensez un peu à tout ce temps que nous pourrons passer ensemble.

La perspective d’être à jamais condamné à écouter Geneva traversa l’esprit d’Homer.

— Nous en avons déjà parlé : je ne me séparerai pas de ma serre.

Geneva fit la moue.

— Homer, pleurnicha-t-elle. Il le faut pourtant, ces plantes sont dangereuses. C’est écrit… là-dedans… dit-elle en tapotant le livre. Vous aussi, vous avez un Oleander. Je le sais ! Et Dieu sait combien d’autres choses tout aussi affreuses. Homer, j’y suis allée une fois dans votre serre, et j’ai respiré le parfum des fleurs d’Oleander. Savez-vous qu’elles sentent le sucre ? (Son petit menton rond tremblota.) Et si j’en avais goûté une ?

Homer se raidit.

— Vous êtes allée dans ma serre ! Vous n’avez rien à faire dans cet endroit et je ne veux pas vous y voir, je vous l’ai déjà dit ! ajouta-t-il indigné.

Geneva s’accrocha aux revers de son veston :

— Homer, il y a des années que j’attendais le moment où nous serions ensemble plus souvent. J’étais si heureuse quand vous avez décidé de prendre votre retraite, renifla-t-elle pitoyablement. Je pensais que nous jouirions enfin de notre compagnie réciproque, mais vous avez installé cette infâme serre et maintenant je vous vois encore moins souvent qu’avant… Homer… quand cela va-t-il cesser ? ajouta-t-elle d’une voix soudain hystérique. Quand allez-vous cesser de passer tout votre temps avec vos plantes ?

— Jamais !

Il quitta la pièce en toute hâte et courut se réfugier dans son sanctuaire où on échappait miraculeusement aux gémissements de Geneva rien qu’en fermant une porte.

Là, dans la pénombre de la serre, il fouilla dans la poche de sa veste, en sortit une petite boîte, l’ouvrit et avala un tranquillisant.

L’état de ses nerfs avait empiré depuis qu’il restait à la maison avec Geneva. Définitivement empiré, pensa-t-il, tout en caressant machinalement du bout des doigts les feuilles d’un arbuste en fleurs. C’était à cause du babillage incessant de Geneva. Des torrents intarissables de paroles jaillissaient de ses petites lèvres roses. La seule manière d’endiguer le flot c’était de lui donner quelque chose à manger.

Bien sûr, Geneva savait combien sa loquacité l’exaspérait. Elle prétendait qu’elle essayait de se contenir. Mais la façon dont elle lui demandait sans cesse s’il l’aimait et s’il avait besoin d’elle était vraiment intolérable. C’en était presque indécent. Et toute cette histoire pour Dragonwyck et l’Oleander ! C’en était trop. Elle allait s’en rendre malade pendant des jours. Si encore cela pouvait la faire taire… juste un peu.

— L’Oleander la ferait taire à jamais.

Horrifié, Homer réalisa qu’il avait pensé à haute voix. Quelle horreur ! Non, il ne pouvait pas avoir eu cette idée. Pas du tout ! D’un sens, tout en rechignant, il était plutôt attaché à Geneva… n’est-ce pas ? Allons, bien sûr… il avait de l’affection pour elle… si seulement elle pouvait se taire un peu… au fond, il était habitué à sa présence.

Homer regarda avec agitation son Oleander en fleurs. S’il n’était pas si… mortel. Ses yeux firent nerveusement le tour de la pièce et vinrent se fixer sur sa chère Dieffenbachia. L’idée qui le frappa à ce moment l’obligea à se laisser choir sur sa chaise pour essayer d’apaiser son exaltation. La Dieffenbachia ! Communément appelé « l’arbre qui rend muet ». Pas mortel, oh non ! Pas mortel du tout, mais que ne pouvait-on faire avec un petit morceau de Dieffenbachia ! Si on en écrasait une petite portion de feuille dans… mettons un gâteau… et qu’on mangeât la préparation, on avait la langue qui enflait et on perdait momentanément la parole. Homer tituba de joie. Quelle idée remarquable, pensa-t-il. Remarquable… si cela marchait, il pourrait essayer encore… et encore !

Il fut obligé de prendre une autre pilule pour atténuer l’euphorie qui l’envahissait à la pensée d’une Geneva temporairement muette.

Il décida enfin que sa première idée était tout à fait réalisable. En faisant entrer dans la composition du gâteau des fruits d’une saveur assez forte, il masquerait le goût de la plante et comme il n’aimait pas les sucreries, Geneva ne s’étonnerait pas s’il refusait d’y goûter.

Se glissant furtivement hors de la maison, Homer se faufila sur le siège avant de sa vieille guimbarde et fit les dix kilomètres qui le séparaient de la ville. Il s’arrêta devant chez Mortimer, la boutique spécialisée dans l’importation des fruits, des vins et de la confiserie. Avec ce qu’il pensait être une subtile astuce, il murmura au vendeur quelque chose sur une « surprise pour un anniversaire » et examina l’étalage de gâteaux aux fruits. Il lui en fallait un spongieux et qui contint une grande quantité de citron vert.

Il fit son choix, paya et repartit dans son auto pétaradante, toujours soutenu par la certitude que les jours où il devait prêter une oreille récalcitrante étaient désormais comptés.

De retour à la maison, Homer s’introduisit dans la cuisine, s’arma d’un couteau à découper et d’une planchette et retourna tout droit à sa serre.

Il choisit une feuille placée derrière le tronc de la Dieffenbachia pour éviter que le vide ne se voit. Posant tendrement la feuille sur la planchette, il saisit le coutelas de ses petits doigts tremblants et commença son travail. C’était une entreprise de longue haleine, apprit-il, que de hacher et de couper une Dieffenbachia en fragments assez petits pour passer inaperçus.

Il était sur le point d’avoir terminé quand il réalisa avec horreur que quelqu’un marchait dans le hall et se dirigeait vers la serre. Faisant disparaître à la hâte les hachures gluantes de la planchette dans son mouchoir, il fourra chiffon et couteau dans sa poche et lança la planchette derrière un palmier en pot, juste à temps car Geneva pénétrait dans la pièce.

Toute la masse de son corps était carrée dans l’ouverture de la porte, et elle levait les yeux vers lui, l’air mal assuré.

— Homer, j’ai entendu un bruit très bizarre ! Est-ce que tout va bien ?

Elle sait tout, pensa-t-il désespéré. Elle m’a entendu hacher la Dieffenbachia… il n’y a rien d’autre à faire que de bluffer :

— Geneva, vous savez que je vous ai défendu d’entrer ici. Je ne me souviens pas de vous en avoir donné la permission pour cette circonstance particulière ?

— Excusez-moi, Homer, dit-elle, désorientée. Je pensais… c’est-à-dire, je…

— C’est bon, Geneva. Maintenant si ça ne vous fait rien…

Il se tut d’une façon significative, l’air glacial mais le cœur battant la chamade.

Geneva saisit l’allusion. Comme elle quittait rapidement la pièce sur ses petits pieds bouffis, Homer poussa deux gros soupirs tremblants et prit une autre pilule.

Quand il fut sûr qu’elle était bien partie, il alla récupérer la planchette et fila à la cuisine pour finir de préparer son cadeau. Pouah, c’est écœurant ! pensa-t-il en regardant le gâteau. Il était garni de fruits confits de toutes les couleurs, de noix et d’une couche de citron vert qui constituait une surface idéale pour y parsemer les fragments de feuilles. À force de chercher dans les tiroirs et les placards, Homer finit par découvrir une spatule et commença à transférer les miettes de Dieffenbachia de son mouchoir sur le sommet du gâteau. Il eut à cœur de faire un travail artistique, plaçant délicatement les morceaux en quinconce entre les fruits. Pour couronner son œuvre, il empila ce qui restait au centre d’une tranche d’ananas et l’aplatit avec le manche de la spatule.

Voilà, pensa-t-il, ça peut aller. Le gâteau n’était pas très gros et Geneva le mangerait certainement tout entier. Il sourit diaboliquement en pensant à ce qu’elle dirait. D’abord elle en demanderait juste un petit morceau, « à cause de ma ligne, vous savez ». Puis elle s’en couperait une autre tranche légèrement plus copieuse que la première, parce qu’il était « si délicieux ». Et alors elle lui rappellerait que puisqu’il n’en voulait pas, il était inutile de laisser perdre le reste.

Mais au moment du dîner, Homer se trouva assailli de doutes. Est-ce que Geneva soupçonnait quelque chose ? Et si elle refusait son gâteau ? Pire encore, si son dentier se décrochait avant qu’elle ait pu le dévorer ? Ou, comble de malheur, si elle décidait de le garder pour des visiteurs ? Homer s’étouffa presque avec son ragoût de mouton en pensant à cette éventualité.

— Qu’est-ce qu’il y a ? demanda Geneva avec sollicitude comme il déglutissait péniblement sa cuillerée.

— Oh rien, j’étais seulement en train de penser… c’est-à-dire… euh… j’étais en train de penser que je mangeais trop vite.

— Ah bon ! dit laconiquement Geneva en avalant une grande cuillerée de ragoût. Puis elle se plongea dans un compte rendu détaillé de la page féminine de l'Evening News.

Hochant la tête de temps à autre en guise de réponse, Homer l’observait attentivement quand elle interrompait son monologue pour engloutir bruyamment une grosse bouchée de pain, et il respirait soulagé quand elle reprenait le fil de son discours avec son dentier encore intact.

Homer présenta son cadeau quand ils s’assirent au salon pour prendre le café. Geneva se mit à pleurer et il pensa qu’elle avait tout compris.

— Homer, dit-elle enfin, vous n’avez jamais été si gentil pour moi ! Je ne pensais pas que vous auriez encore l’idée de me faire une si belle surprise. Et vous l’avez acheté chez Mortimer ! Ça fait des années que je voulais goûter les gâteaux de cette boutique, mais ils sont si chers !

Ses grands yeux s’inondèrent copieusement tandis qu’elle se coupait une tranche généreuse :

— Vous y goûterez bien, n’est-ce pas Homer ? (Elle sourit malicieusement.) Il faudra m’aider à le finir, vous savez. Je suis au régime et je ne pourrai pas tout manger, je gagnerais des kilos !

— Allons donc, Geneva ! Le gâteau ne pèse qu’une demi-livre.

Encouragée par cette pensée, Geneva mordit dans sa tranche.

— Reprenez-en, suggéra Homer quand elle eut fini.

— Euh… il est délicieux… êtes-vous bien sûr que je ne gagnerai pas plus de deux cent cinquante grammes ?

— C’est logique, répondit-il, la regardant avec satisfaction engloutir la seconde tranche.

— Vous savez, dit-elle en voyant ce qui restait du gâteau, ce serait dommage de le laisser perdre. Puisque vous n’en voulez pas je pourrais aussi bien le finir.

— Bien sûr, assura Homer le plus naturellement possible. Tout excité, il la regarda prendre le dernier morceau qu’il vit disparaître peu à peu dans sa bouche. C’était écœurant, la façon dont elle mangeait. Et tout ce qu’elle engloutissait… rien que cette pensée le rendait malade… tiens, c’est drôle, il se sentait réellement malade… la nausée… la tête qui tourne… Homer glissa lentement de sa chaise et tomba sur le tapis. Son cœur battait à tout rompre et il se sentait pris de vertige.

Au-dessus de lui, la tête de Geneva ballottait comme un ballon de baudruche :

— J’espère que vous n’êtes pas trop malade, Homer ?

— Trop malade ? Il essaya de la maintenir sous son regard. Qu’est-ce que vous voulez dire, Geneva ?

— Je ne voulais pas que vous soyez très malade juste un peu, mais maintenant je m’en veux de l’avoir fait. C’était si gentil à vous de penser à me rapporter ce gâteau, et vous vous êtes intéressé à tout ce que j’ai dit pendant le dîner. J’avais peut-être tort de penser que vous ne faisiez plus attention à moi.

Elle se tut pour reprendre son souffle.

— Geneva, qu’avez-vous fait ?

— Je voulais que nous soyons heureux. Je pensais que si vous étiez malade, je pourrais vous soigner et que vous perdriez votre passion pour vos vieilles plantes. Mais quand vous m’avez offert ce délicieux gâteau de chez Mortimer, j’ai été sincèrement désolée d’avoir mis de l’Oleander dans votre ragoût de mouton.

— Dieu du ciel !

Homer essaya de se lever et retomba, étourdi et faible, respirant avec peine.

— Mais Homer, je n’aurais pas fait ça si vous aviez été gentil avec moi quand je suis allée cueillir la feuille d’Oleander. Ne vous tracassez pas, je n’en ai mis qu’une seule dans votre ragoût !

— Une feuille ! Geneva, c’est mortel ! (Il rampa vers elle, submergé par le désespoir.) Appelez le docteur, vite !

— Je ne savais pas, Homer. C’était une toute petite feuille… tout ce que je voulais c’était que nous soyons heureux… je voulais vous faire comprendre combien je me sentais seule pendant que vous étiez tout le temps dans votre serre. Et ces plantes sont dangereuses ! Je voulais vous le montrer…

— Pour l’amour de Dieu, fermez-la et appelez le docteur !

La bouche de Geneva se transforma en petit O tout rose. Elle trottina jusqu’au téléphone et composa le numéro.

— Doct… Geneva porta la main à sa gorge tandis que sa voix se cassait brusquement.

Ils se regardèrent horrifiés.

Puis le regard de Geneva tomba sur l’assiette à gâteau. Son visage se crispa et elle raccrocha le combiné. Les yeux noyés de pleurs, elle s’assit lourdement, croisa les bras et attendit. Impuissant, Homer attendit, lui aussi.

Dumb cane.

Traduction de Marie-Louise Girard.

Table des matières

HISTOIRES DE MORT ET D’HUMOUR 

LE PONT DE VERRE 

LE PREMIER PAS 

L’HEURE DU PERROQUET 

LA PROPHÉTIE 

LA COURSE AUX MILLIONS 

VARIATIONS SUR UN THÈME 

LA JUSTICE DES HOMMES 

AVEC LES AMITIÉS DE SHAKESPEARE 

JE SUIS MORT, CHÉRIE 

LE TÉMOIN AUX TROIS VISAGES 

LA VEUVE D’ÉPHÈSE 

PEINTURE AU SANG 

LES ASSASSINS N’ONT PAS D’AILES 

TOUTES LES MÊMES 

DIX DOLLARS EN TROP 

COMPLIMENTS AU CHEF 

LA VENGEANCE DU MAL PENDU 

UN SILENCE MORTEL 

 

Composition réalisée par C.M.L, Montrouge.

IMPRIMÉ EN FRANCE PAR BRODARD ET TAUPIN Usine de La Flèche (Sarthe).

LIBRAIRIE GÉNÉRALE FRANÇAISE – 6. rue Pierre-Sarrazin – 75006 Paris.

ISBN : 2 – 253 • 04812 – 7 30/3007/9