William TENN :
LE TOUT ET LA PARTIE
Une civilisation galactique avancée peut souhaiter protéger des primitifs – les Terriens – contre toute intrusion malintentionnée. Mais cela implique des principes et une organisation pour les faire respecter. Sur la relativité des conceptions de la décence et l’absurdité des systèmes bureaucratiques, voici une nouvelle ravageuse qui a fait rire toute la galaxie. Et pas seulement aux dépens des Terriens.
GALACTOGRAMME – ORIGINE : SERGENT STELLAIRE O-DIK-VEH, CHEF DU BUREAU DES PATROUILLES D’APPUI – 1001625. DESTINATAIRE : SERGENT HOYVEH-CHALT, G.Q.G. GALACTIQUE, VEGA XXI (INFORMATION DE SERVICE : MESSAGE NON OFFICIEL DE PERSONNE À PERSONNE TAXÉ AU TARIF HYPERSPATIAL NORMAL).
MON cher Hoy, je suis désolé d’avoir à nouveau à t’ennuyer, mais je suis dans un pétrin effroyable ! Cette fois encore, il ne s’agit pas de quelque chose que j’ai mal fait, mais de quelque chose que je n’ai pas bien fait – « une négligence de service patente », cornera certainement le Vieux. Et comme il sera autant dans le cirage que moi-même quand les prisonniers que j’ai expédiés par transport luminique lent arriveront (lorsqu’il lira le rapport que j’ai rédigé et qui lui parviendra en même temps, je vois d’ici ses douze bouches béer simultanément), mon seul espoir est que le message ultra-rapide que je t’envoie te sera délivré suffisamment tôt pour que tu puisses consulter les meilleurs juristes du Q.G. végien et trouver une solution.
Si on ne l’a pas trouvée au moment où le Vieux lira mon rapport, il sera encore plus furieux contre moi. Hélas ! j’ai l’inquiétant pressentiment que le Q.G. nagera autant que mes propres services. Dans ce cas, il est vraisemblable que le Vieux se rappellera ce qui est arrivé la dernière fois au bureau des Patrouilles d’Appui 1001625 – et alors, mon cher Hoy, il ne te restera plus qu’à dire adieu à ton cousin sporulaire !
C’est une sale histoire. Une très sale histoire. Et je pèse mes mots : je veux dire obscène.
Comme tu dois déjà certainement t’en douter, cette fameuse planète, cette planète agaçante, cette planète humide appelée Sol III et que ses habitants nomment généralement Terre, est dans le coup. Ces sacrés bipèdes piailleurs me causent plus d’insomnies que n’importe quelle autre espèce de mon secteur. Suffisamment avancés sur le plan technique pour avoir presque atteint le stade 15 – déplacement interplanétaire – ils sont encore à des siècles de distance du stade généralement coexistant, le stade 15-A – contacts amicaux avec la civilisation galactique.
Ces Terriens sont en conséquence encore sous Surveillance Secrète ce qui signifie que je dois maintenir sur leur planète une équipe de quelque deux cents agents, tous enfermés dans une enveloppe protoplasmique grossière et inconfortable, afin de les empêcher, pauvres idiots qu’ils sont, de sauter avant d’atteindre leur maturité spirituelle.
Par-dessus le marché, ce système solaire ne comporte que neuf planètes et il m’est impossible d’installer mon P. C. permanent plus loin que la planète Pluton, un monde où l’hiver est supportable mais où l’été est d’une rigueur incroyable. Crois-moi, Hoy, quoi qu’en disent les officiers de l’arrière, l’existence d’un sergent stellaire n’est pas pavée de gloor et de skubbet !
Toutefois, je t’avouerai, pour être honnête, que, cette fois, mes ennuis ne sont pas nés sur Sol III. Depuis que, contre toute attente, les Terriens ont découvert, hélas ! la fission de l’atome – tu sais que cela m’a coûté une promotion – j’ai doublé le nombre de mes agents en leur donnant comme consigne rigoureuse de me signaler immédiatement le moindre progrès technique qu’ils seraient amenés à constater. Maintenant que je suis prévenu, je ne pense pas que ces humains soient désormais capables d’inventer quelque chose de plus avancé qu’une machine temporelle rudimentaire.
Non, cette fois, tout a commencé sur Rugh VI que les indigènes nomment Gtet. Si tu compulses un atlas, tu verras que Rugh est une étoile naine de couleur jaune et d’assez belle taille située à la périphérie de la galaxie. Quant à Gtet, c’est une planète tout ce qu’il y a d’insignifiant qui n’est parvenue que tout récemment au stade 19 – citoyenneté interstellaire au premier degré.
Les Gtetiens constituent une race amiboïde modifiée qui cultive de l’ashkebac d’excellente qualité qu’ils vendent à leurs voisins de Rugh IX et de Rugh XII. C’est une race hautement individualiste souffrant encore de nombreux traumatismes inhérents à la centralisation sociale. Bien qu’ils puissent se targuer de posséder depuis plusieurs siècles une civilisation développée, la plupart des Gtetiens considèrent la Loi non pas comme une règle de vie mais comme un obstacle qu’il convient de tourner. C’est là leur problème et leur plus grande joie. Ceux-là et mes bipèdes terriens… Ne trouves-tu pas que c’est vraiment une combinaison idéale ?
Il semble qu’un certain L’payr était l’un des pires trublions de Gtet. Il avait commis à peu près tous les crimes connus, violé à peu près toutes les lois existantes. Même sur une planète où un quart bien tassé de la population subit régulièrement un traitement de rééducation pénale, L’payr était considéré comme un cas. « Tu es comme L’payr, mon vieux : tu ne sais pas quand il faut t’arrêter ! » est un dicton courant sur Gtet d’après ce que je me suis laissé dire.
Toujours est-il que L’payr en était arrivé au point où il lui fallait absolument s’arrêter. Il avait eu à répondre de deux mille trois cent quarante-deux crimes qualifiés. Or, d’après le droit gtetien, à partir du deux mille trois cent quarante-troisième crime, on est considéré comme récidiviste et passible, à ce titre, de la prison à vie. L’payr s’efforça vaillamment de se détourner de la vie publique et de se consacrer à la méditation et aux bonnes œuvres mais il était trop tard. Presque contre sa volonté – il insista sur ce point lorsque je l’ai interrogé – il ne songeait qu’aux forfaits et aux délits qu’il n’avait pas eu le temps de perpétrer.
C’est ainsi qu’un beau jour, en quelque sorte sans presque s’en rendre compte, accidentellement pourrait-on dire, il se rendit coupable d’un nouveau crime, d’un crime majeur. Mais c’était un crime si indiciblement abject, un tel attentat à la morale et au droit commun que la communauté tout entière se détourna de son auteur.
L’payr avait été surpris en train de vendre des images pornographiques à de jeunes Gtetiens !
L’indulgence dont pouvait bénéficier un personnage aussi célèbre céda la place à la colère et au mépris le plus complet. Même l’Association Gtetienne de Défense des Malchanceux Convaincus de leur Deux Millième Délit refusa de payer sa caution. Plus l’heure du procès approchait, plus la certitude grandissait que le compte de L’payr était bon. Il ne lui restait plus qu’un seul espoir : l’évasion.
C’est alors qu’il accomplit l’exploit le plus spectaculaire de sa carrière : il réussit à s’enfuir de l’oubliette hermétiquement scellée où la surveillance était assurée jour et nuit (il a toujours énergiquement refusé de me dire comment il s’y était pris) et à s’introduire dans l’enceinte du port spatial qui se trouvait à proximité de la prison. Là, il parvint à monter à bord de ce qui était l’orgueil de la flotte marchande gtetienne, un vaisseau interstellaire d’un modèle révolutionnaire équipé d’un propulseur hyperspatial à chambres jumelées.
Le bâtiment était vide. Il attendait l’équipage qui devait lui faire accomplir son voyage inaugural.
L’payr mit à profit les quelques heures de répit dont il disposa avant que le bruit de son évasion ne se répandît pour se familiariser avec les commandes, pour décoller et plonger dans l’hyperespace. Toutefois, il ignorait alors que le navire expérimental était muni d’un transmetteur grâce auquel la tour de contrôle était informée en permanence de sa localisation.
En conséquence, bien qu’il ne lui fût pas possible de se lancer aux trousses du fugitif, la police gtetienne savait toujours exactement où se trouvait ce dernier. Une centaine de miliciens amiboïdes se jetèrent à sa poursuite dans des tacots démodés à propulsion classique, mais après avoir fouillé l’espace pendant un mois à une vitesse cent fois inférieure à celle de L’payr, ils renoncèrent et rentrèrent au port.
L’payr cherchait à se réfugier en un lieu primitif et insignifiant de la galaxie. Le secteur de Sol constituait une cachette idéale. Il se matérialisa dans l’espace normal entre la troisième et la quatrième planète. Mais il s’y prit très maladroitement (après tout, Hoy, les membres les plus éminents de sa race commencent à peine à entrevoir le principe de l’hyperpropulsion) et tout son carburant fut consumé pendant l’exécution de la manœuvre. Il parvint quand même à se poser sur la Terre.
L’atterrissage eut lieu de nuit, moteurs coupés, de sorte que personne n’en fut témoin. L’payr savait, les conditions régnant sur Terre étant ce qu’elles sont, que sa mobilité serait extrêmement réduite. Son seul espoir était d’obtenir l’assistance des indigènes. Il lui fallait choisir un endroit où les chances de contact individuel seraient maxima et où, en même temps, le risque d’une découverte accidentelle serait minimum. Il choisit un terrain vague dans les faubourgs de Chicago et se hâta de dissimuler son vaisseau.
Entre-temps, la police gtetienne m’avait alerté en tant qu’officier responsable de la Patrouille galactique. Elle m’indiqua la cachette de L’payr et demanda son extradition. Je répondis que, dans l’état actuel des choses, il m’était juridiquement impossible d’accéder à cette requête : en effet, aucun crime de caractère interstellaire n’avait été commis. Le vol du navire avait été exécuté sur la planète natale de L’payr : il n’avait pas eu lieu dans l’espace. Toutefois, si le fugitif enfreignait la loi galactique pendant qu’il se trouverait sur la Terre, s’il se rendait coupable d’une violation si infime qu’elle soit de l’ordre public…
« Qu’est-ce que vous racontez ? s’exclama le représentant de la police gtetienne. Si nous sommes bien informés, la Terre est sous Surveillance Secrète. Tout contact entre elle et une civilisation supérieure est illégal. Le fait que L’payr ait atterri à bord d’un vaisseau à propulsion hyperspatiale n’est-il pas un délit suffisant pour vous donner le droit de l’appréhender ?
— Ce n’est pas, en soi, un délit suffisant, répondis-je. Il y aurait contravention si un résident local avait vu le bâtiment et compris ce qu’il est. Pour autant que nous le sachions, cette condition n’est pas remplie. Et tant que L’payr restera caché, tant qu’il s’abstiendra de mettre les humains au courant de l’existence de notre civilisation et d’apporter quelque chose de neuf à la technologie terrienne, nous serons contraints de respecter son habeas corpus de citoyen galactique. Je ne dispose d’aucune base légale pour l’arrêter. »
Évidemment, les Gtetiens grognèrent (« Alors, à quoi servent les impôts stellaires que nous payons ? ») mais ils finirent par se rendre à mes raisons. Toutefois, ils m’avertirent que, tôt ou tard, les tendances criminelles de L’payr se manifesteraient.
Il était dans une impasse, soulignèrent-ils : pour se procurer le carburant nécessaire et quitter la Terre avant que ses provisions ne soient épuisées, il était obligé de commettre un délit. Alors, dès qu’il tomberait sous le coup de la loi et serait placé en état d’arrestation, ils exigeaient que suite soit donnée à leur demande d’extradition.
Ai-je besoin de te dire ce que j’éprouvais, mon cher Hoy ? Un criminel amiboïde, passé maître dans sa profession, doué d’une brillante imagination, en liberté sur une planète aussi culturellement instable que la Terre ! Je passai le mot à tous nos agents affectés au continent nord-américain et j’attendis en touchant du bois avec mes tentacules.
L’payr avait entendu la plus grande partie de cette conversation grâce à son récepteur de bord. Naturellement, la première chose qu’il fit fut de débrancher la balise directionnelle qui avait permis à la police gtetienne de le localiser. Ensuite, quand la nuit fut tombée, il gagna avec son vaisseau un autre quartier de la ville – ce dut être exténuant et incroyablement compliqué. Mais, cette fois encore, il passa inaperçu.
Il s’installa dans un îlot insalubre qui devait être détruit pour laisser place à de nouvelles constructions et était par conséquent pratiquement inhabité. Et il se mit à réfléchir à son problème.
Car, note-le bien, Hoy, il avait un problème.
Il ne voulait pas avoir d’ennuis avec la Patrouille mais s’il ne mettait pas rapidement ses pseudopodes sur une substantielle quantité de carburant, L’payr était un amiboïde mort. Mais il n’y avait pas que la question du carburant. Ses convertisseurs – qui, sur ce vaisseau gtetien assez rudimentaire, transformaient les résidus en air et en nourriture – ne tarderaient pas à s’arrêter s’ils n’étaient pas bientôt rechargés.
L’payr était pressé par le temps et ses ressources étaient quasiment nulles. Les spatioscaphes dont était équipé son navire – ils étaient assez ingénieux et on les avait conçus pour satisfaire aux besoins propres à un organisme dont le volume changeait constamment – étaient mal adaptés à une planète aussi primitive que la Terre. Leur efficacité laissait à désirer si on les utilisait pendant une longue période.
L’payr n’ignorait pas que mes services étaient au courant de son atterrissage et que nous attendions qu’il commette une infraction minime. Alors, nous lui sauterions dessus – et, après les formalités diplomatiques officielles, il réintégrerait Gtet : il n’était pas difficile pour une unité de la Patrouille de venir prendre livraison de lui. De toute évidence, il lui fallait renoncer à son plan originel : faire une descente sur un centre de marchandises humain et réunir le matériel qui lui était indispensable.
Il n’avait qu’un seul espoir : faire un troc. Il lui fallait trouver un Terrien et lui proposer quelque chose contre la quantité de carburant nécessaire pour que le vaisseau puisse rallier un coin perdu du cosmos moins surveillé par la police. Mais presque tout ce qu’il y avait à bord était essentiel au fonctionnement du vaisseau. En outre, L’payr devait se soumettre à un double impératif : d’une part, ne rien dévoiler ni de l’existence ni de la nature de la civilisation galactique ; d’autre part, ne fournir aucun stimulant technologique aux habitants de la Terre.
D’après ses propres termes, L’payr tourna et retourna les données du problème jusqu’au moment où son noyau ne fut plus qu’une masse ravinée et crevassée. Il fouilla le bâtiment d’un bout à l’autre à maintes reprises mais tout ce qu’il trouva et qui put avoir quelque valeur pour un humain était ou trop utile ou trop révélateur. Au moment où il allait renoncer, il découvrit enfin ce qu’il voulait.
Il s’agissait tout simplement de l’instrument même de son dernier crime !
Il faut te dire, mon cher Hoy, que, en vertu du droit gtetien, les pièces à conviction demeurent en possession de l’inculpé jusqu’au procès. La chose s’explique par des raisons fort compliquées – entre autres, le fait que, aux yeux de la loi, le détenu est considéré comme coupable jusqu’au moment où, grâce à tout un arsenal de mensonges, de falsifications et d’arguties, il parvient à convaincre un jury cynique composé de ses pairs, qui, et bien qu’il soit parfaitement convaincu du contraire, le déclare innocent. Comme c’est à l’inculpé qu’il appartient de faire la preuve de son innocence, il conserve par-devers lui les pièces à conviction. Et L’payr décida en examinant lesdites pièces que l’affaire était dans le sac.
Il ne lui restait plus qu’à trouver un client. Quelqu’un qui non seulement désirerait acheter ce qu’il avait à vendre mais qui aurait aussi du carburant. Or, les clients de ce genre étaient rares dans le quartier où L’payr avait établi sa base d’opération.
Appartenant au stade 19, les Gtetiens sont capables de pratiquer une forme extrêmement grossière de télépathie – sur des distances très faibles, bien sûr, et pendant des périodes relativement brèves. Aussi, sachant que mes agents avaient déjà commencé à le rechercher et que, lorsqu’ils l’auraient localisé, sa liberté d’action serait encore plus limitée, L’payr entreprit avec l’énergie du désespoir de sonder l’esprit de tous les Terriens qui se trouvaient dans un rayon de trois blocs.
Les jours passèrent. Il sautait d’un cerveau à l’autre comme un insecte enfermé dans un flacon à spécimen qui tente de trouver une issue. Il dut faire marcher ses convertisseurs d’abord à cinquante pour cent, puis à trente pour cent de leur capacité. Cela réduisit d’autant son ravitaillement et il commença à avoir faim. Du fait de son inactivité, ses vacuoles contractiles se recroquevillèrent au point de finir par atteindre le diamètre d’une tête d’épingle. Son endoplasme perdit sa turbidité, devint transparent et d’une minceur malsaine.
Mais un soir, alors qu’il était presque décidé à risquer le tout pour le tout et à voler le carburant qui lui faisait défaut, il capta les pensées d’un passant et, après un instant d’incrédulité, une joie délirante l’envahit. Non seulement cet humain pouvait lui procurer le carburant mais encore – et ce n’était pas le moins important – c’était un amateur potentiel de littérature pornographique gtetienne !
En d’autres termes, Mr. Osborne Blatch.
Ce Blatch, dont la profession était d’enseigner les Terriens adolescents, soutint tout au long des interrogatoires que je lui fis subir que, pour autant qu’il le sût, il n’y avait pas eu de force mentale exercée à son encontre. Il semble qu’il habitait un immeuble neuf de l’autre côté de l’îlot insalubre et avait coutume de faire un détour pour rentrer chez lui en raison de la présence des types humains inférieurs à tendances agressives qui infestaient le quartier. Ce soir-là, une réunion de professeurs l’avait retardé et il avait résolu, ce qui lui était d’ailleurs déjà arrivé une ou deux fois auparavant, de prendre un raccourci afin d’arriver à temps pour dîner. Sa thèse est que cette décision fut un libre choix de sa part.
Osborne Blatch déclare dans sa déposition qu’il marchait d’un pas rapide et désinvolte quand il lui sembla entendre une voix. Il précise que, dès le premier abord, c’est le verbe « sembler » qui lui vint à l’esprit car si la voix en question avait indiscutablement des inflexions et un timbre, elle était curieusement dépourvue de volume.
Cette voix disait : « Hé ! Approche voir, mon pote. »
Piqué de curiosité, Osborne Blatch se retourna et examina la façade délabrée à sa droite. Il ne restait que la partie inférieure de la porte d’entrée de l’immeuble qui se trouvait là autrefois. Tout le reste avait été rasé et il n’existait aucune cachette où un homme aurait pu se dissimuler.
Mais tandis qu’il inspectait les lieux, il entendit à nouveau la voix. C’était une voix grasseyante et chuchotante où il discernait un soupçon d’impatience. « Approche, mon pote. Amène-toi ! »
« Qu’est-ce que… euh… Qu’y a-t-il pour votre service, monsieur ? » demanda-t-il avec circonspection et bonne éducation, en s’approchant de l’endroit d’où venait la voix. Il affirme que la rue brillamment éclairée derrière lui et la solidité du lourd parapluie démodé qu’il portait augmentaient son courage.
« Approche. J’ai quelque chose de chouette à te montrer. Viens voir ! »
Marchant avec précaution au milieu des monceaux de briques et de détritus, Mr. Blatch parvint devant une petite anfractuosité de la maçonnerie, qui béait à côté de l’ancienne porte. Et cette cavité recelait L’payr – ou, tout au moins, pour reprendre la description de l’intéressé, une sorte de petit globule de boue rougeâtre et visqueuse.
Il me faut ici préciser, mon cher Hoy – et les dépositions jointes en font foi – que Mr. Blatch n’identifia jamais cette enveloppe comme un vidoscaphe, de même qu’il ne vit jamais le navire gtetien que L’payr avait dissimulé parmi les gravats après lui avoir fait prendre son état hyperspatial afin qu’il échappât aux regards.
Bien que l’homme, qui était doué d’une bonne imagination et d’un esprit solide, eût immédiatement compris que la créature devant laquelle il se trouvait était un extraterrestre, il lui manquait des indices d’ordre technique pour étayer cette conviction et aucun élément ne pouvait lui faire soupçonner ni la nature ni l’existence de notre civilisation galactique spécifique. Donc, il n’y avait, en l’espèce, aucune infraction punissable par la loi au statut interstellaire 2607193, amendements 126 à 509.
« Qu’avez-vous à me montrer ? » demanda poliment Mr. Blatch à la masse gélatineuse. Et puis-je vous demander d’où vous venez ? De Mars ? De Vénus ?
— Si tu veux mon avis, mon pote, t’aurais intérêt à pas te montrer trop curieux. Regarde. J’ai quelque chose qui t’intéressera. C’est égrillard. Drôlement égrillard ! »
Mr. Blatch, débarrassé de la peur de se faire agresser et dévaliser qui l’avait hanté jusque-là se remémora soudain un voyage à l’étranger qu’il avait fait un certain nombre d’années auparavant. Il se rappela certaines rues obscures de Paris où un petit Français au visage chafouin, affublé d’un chandail déchiré…
« De quoi s’agit-il ? » demanda-t-il.
Il y eut un silence pendant lequel L’payr enregistra les pensées nouvelles de son interlocuteur.
« J’ai quelque chose à faire voir à Monsieur, qui intéressera vraiment beaucoup Monsieur, reprit la voix avec un exécrable accent français. Si Monsieur voulait bien se rapprocher un petit peu… »
Apparemment, Monsieur se rendit à l’invite. Un pseudopode surgit alors de la masse rougeâtre, brandissant plusieurs objets plats et carrés, et la voix télépathique retentit à nouveau dans la tête de Mr. Blatch : « Voilà, M’sieur. Jolies photos. Photos cochonnes ! »
Encore qu’il fût quelque peu décontenancé, l’interpellé se borna à hausser les sourcils d’un air interrogateur et à répondre : « Tiens ? Bien, bien ! »
Il fit passer son parapluie sous son bras gauche et examina les images que lui présentait L’payr les unes après les autres. En reculant légèrement afin de bénéficier de l’éclairage de la rue.
Lorsque tu seras en possession des pièces à conviction, mon cher Hoy, tu te rendras compte toi-même de quoi il s’agissait : d’épreuves grossières destinées à flatter les désirs amiboïdiens les plus frustes. Peut-être as-tu entendu dire que les Gtetiens se reproduisent par simple fission asexuée, mais seulement en présence d’une solution saline, le chlorure de sodium étant relativement rare sur leur monde ?
La première photographie représentait une amibe nue, replète, ses vacuoles alimentaires distendues, étalée au fond d’une cuve métallique dans l’état de détente complète qui précède la phase de multiplication.
La seconde était semblable à la première, à ceci près qu’un filet d’eau salée avait commencé de couler le long de la paroi du récipient et que l’amibe tendait vers lui quelques pseudopodes avec gourmandise. Pour ne rien laisser à l’imagination, un schéma de la molécule de chlorure de sodium était apposé en surimpression sur le coin supérieur droit du cliché.
La troisième photo montrait le Gtetien baignant avec extase dans la solution saline, son corps gonflé au maximum, hérissé de dizaines et de dizaines de pseudopodes frétillants. La chromatine avait commencé de se concentrer à l’équateur du noyau et de former les chromosomes. Pour une amibe, cette photo était sans conteste la plus excitante de toute la collection.
Dans la quatrième, on voyait le noyau s’étrangler et les deux jeux de chromosomes amorcer leur migration.
Dans la cinquième, la division était accomplie.
Les deux noyaux étaient en opposition polaire et le cytoplasme était en train de se contracter sur le plan médian. La sixième montrait les deux Gtetiens résultants émergeant de l’eau salée, languides, leurs désirs assouvis.
Pour te donner un exemple supplémentaire de la dépravation de L’payr, il me suffira de te répéter ce que m’a dit la police gtetienne : non seulement il colportait ce matériel parmi les amiboïdes mineurs mais encore les autorités croient qu’il a pris ces photos lui-même et que le modèle était son propre frère – ou devrais-je dire sa sœur ? L’individu issu, peut-être, de sa propre partition ! Cette affaire présente bien des aspects troublants.
Blatch rendit la dernière photo à L’payr et fit : « Oui… cette collection m’intéresse et je suis preneur. Combien ? »
Le Gtetien fit son prix – en l’occurrence les produits chimiques dont il avait besoin et que Blatch pouvait se procurer dans le laboratoire du collège où il enseignait. Il expliqua au Terrien comment il voulait que ces ingrédients fussent préparés et lui recommanda de ne pas souffler mot de sa présence.
« Sinon, lorsque Monsieur reviendra demain soir, il n’y aura plus d’images. Je serai parti… »
Osborne Blatch n’eut, semble-t-il, guère de difficultés à obtenir et à préparer les produits demandés. Il affirme qu’il s’agissait, eu égard aux critères de sa communauté, d’une quantité minime de produits banals. Il ajoute que, de même qu’il l’avait toujours fait lorsqu’il avait eu à utiliser du matériel appartenant à l’école pour ses propres expériences, il remboursa le laboratoire sur ses deniers. Il admet toutefois qu’il espérait bien que l’amibe lui fournirait beaucoup plus que ces photos. Il espérait, une fois conclu un honnête accord commercial, apprendre de quelle partie du système solaire son visiteur était originaire, à quoi ressemblait son monde natal ainsi que d’autres détails similaires qui présentent un intérêt compréhensible pour une créature dont la civilisation se trouve aux dernières phases du Statut de Surveillance Secrète.
L’échange eut donc lieu mais L’payr abusa de la crédulité de son client. Il lui dit de revenir la nuit suivante : à ce moment-là, comme il aurait du temps, tous deux pourraient discuter à loisir de l’univers. Évidemment, dès que le Terrien eut disparu avec les photographies, le Gtetien chargea ses convertisseurs, opéra les remaniements subnucléaires de sa structure atomique qui s’imposaient et s’enfuit aussi vite qu’un rilg se ruant hors de Gowkuldady.
Pour autant que nous puissions le déterminer, Blatch accueillit philosophiquement cette déconvenue. Après tout, il avait les photos, n’est-ce pas ?
Quand mon officier opérationnel fut informé que L’payr avait quitté la Terre et filait en direction de l’amas M 13 d’Hercule sans avoir laissé de traces, technologiques ou autres, de son passage, nous fûmes tous soulagés d’un grand poids. Le dossier, classé PRIORITÉ ABSOLUE, glissa dans la catégorie AFFAIRES COURANTES.
Selon la pratique habituelle, je cessai de m’occuper directement de l’affaire que je confiai pour suites à donner à mon régent et représentant sur Terre, le caporal stellaire Pah-Chi-Luh. Le vaisseau de L’payr, qui s’éloignait rapidement, fut pris en charge par un rayon traceur et je pus à nouveau me consacrer tout entier à ma tâche fondamentale : retarder le développement du voyage interplanétaire jusqu’au moment où les diverses sociétés humaines auraient atteint le niveau de maturité requis.
Aussi, lorsque six mois terriens plus tard le scandale éclata, ce fut Pah-Chi-Luh qui prit les choses en main. Il ne se résolut à faire appel à moi que lorsque les complications furent devenues inextricables. Je sais que ce n’est pas une excuse : c’est moi qui suis en définitive responsable de tout ce qui se passe dans mon district. Mais, soit dit entre nous, mon cher cousin, je mentionne ces faits pour te montrer que je n’ai pas fait preuve d’une maladresse complète dans cette situation. Ton aide, de toi et du reste de la famille, lorsque le Vieux aura connaissance de l’affaire, ne sera pas simplement un acte de charité envers un parent monocéphale et simple d’esprit.
En réalité, nous étions, la plupart de mes collaborateurs et moi-même, préoccupés par un problème extrêmement complexe. Un mystique musulman résidant en Arabie Saoudite avait tenté d’effacer le vieux schisme opposant sa religion aux sectes shiite et sunnite en communiant avec l’esprit du gendre de Mahomet, Ali, patron des premiers, et d’Abou Bekr, beau-père du Prophète et fondateur de la dynastie sunnite. Le but de cette intervention médiumnique était de parvenir à une sorte de compromis au paradis entre les deux âmes ennemies, arbitrage qui permettrait de déterminer qui avait été le successeur légitime de Mahomet et le premier calife de La Mecque.
Rien n’est simple sur la Terre. Au cours de cette louable incursion dans l’au-delà, ce jeune mystique plein de zèle entra accidentellement en contact avec une civilisation d’intellects désincarnés de Ganymède, le plus grand des satellites de la planète Jupiter – une civilisation, il convient de le préciser, de stade 9. Tu te rends compte ! Ce fut une véritable révolution sur Ganymède comme en Arabie Saoudite. Les pèlerins affluaient avidement aux deux extrémités de la chaîne télépathique, des miracles prodigieux avaient lieu chaque jour… C’était absolument catastrophique !
Nous faisions des heures supplémentaires, cherchant fébrilement à maintenir les choses dans leur simple cadre religieux, essayant d’interdire aux deux communautés de prendre conscience de l’existence d’êtres plus rationnels. L’axiome qui oriente tout le travail de la Patrouille est que rien n’accélère autant l’accession des peuples arriérés à la notion du voyage spatial que la certitude qu’ils ont des voisins célestes intelligents. Je serai franc : si Pah-Chi-Luh était venu me voir à ce moment-là pour me raconter que la pornographie gtetienne s’étalait dans les manuels scolaires terriens, je lui aurai probablement arraché toutes ses têtes les unes après les autres.
Pah-Chi-Luh avait découvert ces, manuels en exerçant ses fonctions d’enquêteur au titre d’une commission du Congrès des États-Unis. C’était sa couverture depuis une dizaine d’années et je dois dire que ce camouflage s’était révélé extrêmement précieux pour mener à bien diverses actions de retardement sur le continent nord-américain. Un livre de biologie à l’usage des écoles secondaires récemment publié avait bénéficié d’un accueil extrêmement favorable de la part des universitaires les plus éminents. Tout naturellement, la commission demanda communication d’un exemplaire de l’ouvrage et confia à son rapporteur le soin de l’examiner.
Le caporal Pah-Chi-Luh commença à le feuilleter et se trouva en présence des documents pornographiques dont il avait été question lors d’une conférence qui s’était tenue six mois plus tôt. Des documents pornographiques publiés en librairie et mis à la disposition de n’importe quel Terrien, tout particulièrement des Terriens mineurs ! Il me dit par la suite d’une voix brisée que, sur le moment, il n’avait vu qu’une chose : une réédition cynique du forfait abject que L’payr avait perpétré sur sa planète natale.
Il déclencha le système d’alerte galactique générale. La consigne était d’appréhender le Gtetien.
L’payr avait commencé une vie nouvelle comme producteur d’ashkebac sur un petit monde calme et civilisé à l’écart des grands axes de communication. S’attachant soigneusement à mener l’existence d’un citoyen respectueux des lois, ses affaires prospéraient et, au moment de son arrestation, il était devenu suffisamment conformiste – et, incidemment, assez gras – pour songer à fonder une famille respectable. Pas une grande famille : il envisageait de ne se diviser qu’une seule fois. Plus tard, si tout allait bien, il se résoudrait peut-être à l’éventualité d’une fission multiple.
Il fut indigné lorsqu’on l’arrêta et qu’on l’incarcéra sur Pluton pour y attendre l’arrivée de la Commission rogatoire gtetienne chargée de procéder aux formalités d’extradition.
« De quels droits vous permettez-vous de troubler l’existence d’un paisible artisan qui ne demande rien à personne, sinon de travailler tranquillement ? » s’exclama-t-il avec chaleur. « J’exige d’être relâché immédiatement et sans conditions, j’exige des excuses et un dédommagement pour mon manque à gagner, ainsi que pour le pretium doloris. Vos supérieurs entendront parler de moi ! L’arrestation sans fondement d’un citoyen galactique – voilà qui peut aller loin !
— Sans aucun doute, répliqua le caporal stellaire Pah-Chi-Luh d’une voix égale. Mais la diffusion de la pornographie est quelque chose d’encore plus grave. Nous considérons qu’il s’agit là d’un crime équivalent à…
— Pornographie ? Quelle pornographie ? » Mon adjoint me dit qu’il regarda longtemps L’payr à travers le mur transparent de la cellule, s’émerveillant de l’effronterie du personnage. En même temps, il commençait à éprouver une vague inquiétude. C’était la première fois qu’il voyait un détenu convaincu d’un crime majeur manifester une aussi complète assurance.
« Vous savez très bien de quoi je parle. Tenez… Regardez vous-même. Il y a vingt mille livres semblables circulant sur tout le territoire des États-Unis et qui sont spécifiquement destinés aux adolescents humains. » Il dématérialisa le manuel de biologie et le fit passer de l’autre côté de la paroi.
L’payr considéra brièvement les photos. « Médiocre reproduction ! Ces humains ont encore une longue route à parcourir dans de nombreux domaines. Toutefois, ils témoignent d’une louable précocité technologique. Mais pourquoi me montrez-vous ce manuel ? Vous ne pensez quand même pas que j’y sois pour quelque chose ? »
Selon les dires de Pah-Chi-Luh, le Gtetien semblait profondément intrigué ; pourtant, il s’exprimait avec douceur et patience comme s’il essayait de démêler le galimatias hystérique d’un enfant frappé de crétinisme congénital.
« Vous le niez ?
— Mais, au nom du Cosmos, qu’y a-t-il à nier ? Laissez-moi voir. » Il ouvrit le livre à la page de titre. « Il s’agit apparemment d’un Manuel de biologie élémentaire ayant pour auteurs un certain Osborne Blatch et un certain Nicodemus Smith. Je pense que vous ne confondez pas et que vous ne me prenez ni pour Blatch ni pour Smith, n’est-ce pas ? Je m’appelle L’payr. Pas Osborne. L’payr. Pas même Nicodemus. L’payr. L’payr tout court. L’payr… ni plus ni moins. Je suis originaire de Gtet, qui est la sixième planète de…
Je connais parfaitement les coordonnées astrographiques de Gtet, dit sèchement Pah-Chi-Luh. Je sais également que vous étiez sur la Terre il y a de cela six mois terriens. Je sais encore que, à cette époque, vous avez conclu un marché avec cet Osborne Blatch qui vous a fourni le carburant nécessaire pour quitter sa planète en échange du lot de photos qui devaient plus tard servir à illustrer ce manuel. Comme vous pouvez vous en rendre compte, notre organisation occulte fonctionne très efficacement. Ce livre est désormais la pièce à conviction A.
C’est là une désignation fort ingénieuse, fit le Gtetien sur un ton admiratif. Pièce à conviction A ! Vous avez choisi parmi tant d’autres l’expression qui convenait le mieux ! Mes compliments ! »
Il était dans son élément, vois-tu, Hoy, en discutant d’un point de droit abscons avec un fonctionnaire de police. Sa brillante carrière de criminel vivant en marge de la loi l’avait préparé à ce duel. Pah-Chi-Luh, en revanche, spécialisé depuis de longues années dans l’espionnage et la manipulation culturelle clandestine, était totalement pris au dépourvu par l’orgie d’arguties juridiques où il allait s’empêtrer. Mais il faut reconnaître que, dans ces circonstances, je ne m’en serais pas mieux tiré que lui. Et toi non plus. Et le Vieux non plus !
« Je me suis borné, souligna L’payr, à vendre une série d’études artistiques à un dénommé Osborne Blatch. Ce que ledit Blatch en a fait ensuite ne me concerne absolument pas. Supposons que je vende à un Terrien une arme autorisée en raison de sa nature techniquement rétrograde – disons une hache de silex ou un chaudron destiné à arroser d’huile bouillante l’envahisseur d’une cité fortifiée – et que ce Terrien se serve de l’arme en question pour massacrer un de ses primitifs congénères. Suis-je coupable ? Certainement pas aux termes des statuts actuels de la Fédération galactique, mon ami. Bien… À présent, que diriez-vous de me verser des dommages et intérêts pour le temps que vous m’avez fait perdre et les ennuis que vous m’avez causés, et de mettre à ma disposition un navire rapide afin que je puisse regagner le centre de mes activités ? »
La discussion se poursuivit ainsi interminablement. Elle tournait en rond. Des dizaines de fois, Pah-Chi-Luh se précipita frénétiquement sur la bibliothèque juridique de la base de Pluton : il en revenait en brandissant le texte d’un décret ou d’une ordonnance mais, invariablement, L’payr lui démontrait que, en vertu de la jurisprudence instituée par le Conseil suprême, il était blanc comme neige. Je puis d’ailleurs personnellement certifier que les Gtetiens paraissent avoir présente à la mémoire l’histoire intégrale du droit depuis les origines.
« Mais vous admettez quand même que vous avez vendu de la pornographie au Terrien Osborne Blatch ? finit par hurler le caporal stellaire.
Pornographie… pornographie…, murmura rêveusement L’payr. Comment définir la pornographie ? Comme quelque chose de bassement lascif, d’obscène, de libidineux et de crapuleux ? C’est bien votre avis ?
— Évidemment.
— En ce cas, caporal, laissez-moi vous poser une question. Trouvez-vous ces photographies égrillardes et croustillantes ?
— Bien sûr que non ! Mais il se trouve que je ne suis pas un amiboïde gtetien.
— Osborne Blatch non plus », rétorqua doucement L’payr.
Je suis persuadé que le caporal Pah-Chi-Luh aurait trouvé un moyen de sortir de l’impasse si la commission rogatoire chargée de négocier l’extradition du détenu n’était arrivée à bord d’une unité spéciale de la Patrouille. Le caporal Pah-Chi-Luh eut alors en face de lui six amiboïdes triés sur le volet et rompus aux finasseries juridiques les plus subtiles. La police de Rugh VI, qui avait eu maintes fois affaire avec L’payr devant les tribunaux gtetiens, n’avait rien voulu laisser au hasard et avait envoyé les juristes les plus qualifiés et les plus retors de la planète.
L’payr aurait pu être écrasé sous le nombre mais rappelle-toi, Hoy, mon bon ami, qu’il s’était préparé à cette confrontation depuis l’instant où il avait quitté la Terre. Et comme pour stimuler davantage encore son intelligence tortueuse et en tirer le maximum, il se trouvait que l’enjeu de la lutte était sa vie – ni plus ni moins. Si ses congénères amiboïdiens pouvaient mettre leurs pseudopodes sur lui, L’payr n’était plus qu’un protozoaire mort.
Pris entre L’payr et la commission gtetienne, le caporal Pah-Chi-Luh commençait à comprendre que tout n’est pas rose dans l’existence d’un représentant de la loi. Se heurtant tour à tour au prisonnier et aux juristes, il trébuchait au milieu des fondrières des opinions contraires, il tombait dans des gouffres de perplexité.
Les membres de la commission étaient bien décidés à ne pas repartir les pseudopodes vides. Pour parvenir à leurs fins, il leur fallait faire reconnaître la légalité de l’arrestation de L’payr ; alors, en tant que défenseurs prioritaires, il leur serait loisible d’exciper de leurs droits à réclamer le châtiment du coupable. Celui-ci, de son côté, était tout aussi résolu à démontrer que son arrestation par la Patrouille était arbitraire ; s’il réussissait à en apporter la preuve, non seulement mon service se serait trouvé dans une position inconfortable, mais encore il ne pouvait plus être extradé et devait être protégé contre ses compatriotes.
Finalement, exténué, les yeux vitreux et atteint d’une extinction de voix, le caporal Pah-Chi-Luh, vacillant sur ses tentacules, s’en fut trouver les commissaires pour les informer que, tout bien réfléchi, il considérait que L’payr ne s’était rendu coupable d’aucun crime lors de son passage sur la Terre.
« C’est absurde ! répliqua le porte-parole de la commission. Un crime a été commis. Il est notoire que du matériel pornographique a été mis en vente et colporté sur cette planète. »
Pah-Chi-Luh retourna auprès de L’payr et lui demanda piteusement ce qu’il pensait de cet argument. Tous les éléments constitutifs d’un délit criminel n’étaient-ils pas réunis ? fit-il d’une voix implorante.
« Il est vrai, répondit L’payr, songeur. Indiscutablement, ils ont raison : il se peut qu’un crime, qu’il reste à définir, ait été commis. Mais pas par moi. Osborne Blatch… »
Cette fois, le caporal stellaire Pah-Chi-Luh perdit les têtes.
Il envoya un message à la Terre ordonnant qu’Osborne Blatch fût appréhendé.
Heureusement pour tout le monde, y compris pour le Vieux, Pah-Chi-Luh n’alla pas jusqu’à délivrer un mandat d’arrêt : le Terrien fut simplement gardé à vue à titre de témoin matériel. Quand je pense où aurait pu nous mener l’arrestation sans fondement d’une créature originaire d’un monde sous statut de Surveillance Secrète, particulièrement s’agissant d’une affaire de cet ordre, j’ai l’impression, mon cher Hoy, que mon sang devient liquide.
Mais Pah-Chi-Luh fit une nouvelle bévue en enfermant Osborne Blatch dans une cellule voisine de celle de L’payr. Tu noteras, mon cher Hoy, que tout tournait en faveur de cet amiboïde – tout, y compris les impairs de mon jeune adjoint.
Lorsque Pah-Chi-Luh fit subir à Blatch son premier interrogatoire, le Terrien avait déjà été stylé par son compagnon de captivité.
« De la pornographie ? s’exclama-t-il en réponse à la première question du caporal. Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Mr. Smith et moi-même travaillions depuis quelque temps déjà à un manuel de biologie élémentaire pour lequel nous espérions trouver des illustrations inédites. Nous voulions des images plus grandes et plus claires, immédiatement compréhensibles pour de jeunes esprits et notre désir était d’en finir avec les croquis confus que l’on retrouve éternellement dans les manuels depuis l’époque de Leewenhoek ou presque. La série de Mr. L’payr sur le cycle de reproduction de l’amibe fut un présent des dieux. En un sens, ces photographies ont constitué la première partie de notre ouvrage.
— Vous ne niez cependant pas que, au moment de la transaction, vous saviez que ces photos avaient un caractère pornographique ? poursuivit impitoyablement le caporal Pah-Chi-Luh. Et que, en toute connaissance de cause, vous les avez utilisées pour flatter la concupiscence des jeunes de votre race ?
— Pas du tout : pour les instruire ! corrigea le professeur. Je puis vous assurer qu’aucun étudiant ayant examiné les photos en question – qui, soit dit en passant, apparaissent comme des dessins dans notre texte – n’a éprouvé à leur spectacle une émotion érotique prématurée. Je reconnais que, lorsque je les ai achetées, j’ai eu l’impression très nette que le monsieur qui occupe la cellule voisine de la mienne et ses compatriotes considéraient que ces illustrations étaient plutôt olé olé…
— Et alors ?
— Mais c’était l’affaire de ce monsieur. Moi, cela ne me regardait pas. Après tout, si j’achète à une créature extraterrestre un objet manufacturé – disons une hache de silex ou un chaudron destiné à arroser d’huile bouillante les assaillants d’une cité fortifiée – et si je me sers de ces objets à des fins pacifiques et utiles – de la hache pour déterrer des oignons et du chaudron pour cuire ces oignons parce que j’ai envie d’une soupe à l’oignon – est-ce que j’accomplis un acte répréhensible ? En fait, notre manuel a été accueilli avec faveur ; les autorités pédagogiques et scientifiques du pays tout entier n’ont pas tari d’éloges sur son compte. Désirez-vous avoir un aperçu de la critique ? Je crois que j’ai justement une ou deux coupures de presse sur moi. Voyons voir… Oui… Quelle chance ! Il se trouve qu’il y en a toute une série dans mes poches. Parfait, parfait, Je ne pensais pas être aussi riche ! Voici ce que je lis dans L’Information pédagogique de la Prairie : « Ce manuel, dense et d’une grande richesse d’information, fera date dans les annales de l’enseignement secondaire. Ses auteurs peuvent être fiers… »
C’est à ce moment que, en désespoir de cause, le caporal Pah-Chi-Luh m’appela à la rescousse.
Par chance, j’étais en mesure, l’affaire de l’Arabie Saoudite et de Ganymède ne présentant plus aucun danger, de consacrer à cette histoire toute mon attention. Eussé-je eu d’autres schorps à fouetter…
Après avoir usé de tous les moyens de diversion possibles, jusqu’à et y compris l’utilisation d’agents secrets déguisés en danseuses, nous avions finalement réussi à embringuer notre jeune mystique dans une colossale querelle théologique à propos de la nature et des conséquences morales des miracles qu’il faisait. Les plus éminents docteurs de la foi de la région avaient rallié l’une ou l’autre thèse en présence et passaient leur temps à citer le Coran et les livres saints des Sunnites. La lutte était si chaude que le mystique en oublia ses desseins originaux et le contact mental avec Ganymède en fut définitivement rompu.
La question n’était pas close en ce qui concernait Ganymède : il semblait que les intellects désincarnés du lieu pourraient parvenir d’une façon ou d’une autre à une approximation de la vérité. Heureusement pour nous, là aussi, les choses avaient été considérées comme un phénomène d’ordre strictement religieux et, une fois le contact télépathique rompu, l’intellect qui était entré en communication avec l’humain et avait ainsi acquis un immense prestige se trouva totalement discrédité. L’opinion lui reprocha d’avoir sciemment et délibérément organisé un truquage en vue de créer un courant de scepticisme au sein de sa race. Un tribunal ecclésiastique condamna le malheureux télépathe à être corporalisé à vie.
C’est donc avec la satisfaction du devoir accompli que je me rendis à mon quartier général de Pluton à l’appel de Pah-Chi-Luh.
Inutile de préciser que mon allégresse se transforma rapidement en épouvante. Après que le caporal épuisé m’eut brossé le tableau de la situation, j’eus une conférence avec la commission gtetienne. Celle-ci, qui avait reçu des instructions de son gouvernement, nous menaçait d’un scandale à l’échelle de la galaxie si l’arrestation de L’payr n’était pas maintenue et si celui-ci ne leur était pas remis.
« Les détails les plus sacrés et les plus intimes de notre vie sexuelle peuvent-ils être ainsi impunément étalés d’un bout à l’autre de l’univers ? s’écria rageusement le porte-parole de la commission. La pornographie est la pornographie. Un crime est un crime. L’intention criminelle est patente et l’acte criminel a été ouvertement perpétré. Nous exigeons que le prisonnier nous soit remis.
— Comment peut-il y avoir pornographie s’il n’y a pas lubricité ? demanda L’payr. Si un Chumblostien vend à un Gtetien une certaine quantité de krrgllwss – qui est un aliment pour les Chumblostiens mais dont nous nous servons pour notre part comme matériau de construction – comment ce produit sera-t-il taxé : comme denrée alimentaire ou comme matériel de construction ? Comme matériel de construction, sergent, vous ne l’ignorez pas. Je demande ma libération immédiate ! »
Mais ce fut Blatch qui me causa la surprise la plus désagréable. Il était assis dans sa cellule en train de sucer la poignée recourbée de son parapluie. Dès qu’il me vit, il s’exclama :
« Eu égard à la réglementation relative au traitement de toutes les races placées sous statut de Surveillance Secrète – et je ne me réfère pas seulement à la Convention Rigel-Sagittaire mais aussi aux statuts du troisième cycle cosmique ainsi qu’aux arrêts prononcés par le Conseil suprême dans le procès Khwomo contre Khwomo et le procès Farziplok contre Antarès XII – je demande à regagner mon habitat normal, la Terre, ainsi qu’à être dédommagé sur la base du barème élaboré par la Commission Nobri lors du dernier symposium de Vivadine. Je demande également…
— Vous avez apparemment acquis une connaissance approfondie du droit interstellaire, fis-je d’une voix lente.
— Oh ! oui, sergent… Oh ! oui ! Mr. L’payr m’a fort obligeamment expliqué quels étaient mes droits et il me semble que je puis prétendre à toute sorte de compensations. Votre culture galactique est des plus intéressantes, sergent. Elle passionnerait un grand nombre, un très grand nombre, de gens sur la Terre. Mais je ne demande pas mieux que de vous épargner l’embarras qu’une telle publicité risquerait de vous causer. Je ne doute pas que deux individus raisonnables comme nous le sommes, vous et moi, soient capables de trouver un terrain d’entente. »
Quand j’accusais L’payr d’avoir violé le secret galactique, il distendit son cytoplasme, ce qui était l’équivalent amiboïdien d’un haussement d’épaules.
« Je ne lui ai absolument rien révélé sur Terre, sergent. Toutes les informations que ce Terrestre a reçues – et je reconnais que le fait qu’il les ait reçues est grave et hautement illégal – sont parvenues à sa connaissance pendant qu’il se trouvait sous la responsabilité de vos propres services. Par ailleurs, accusé calomnieusement d’un crime infâme, d’un crime impensable, j’avais indubitablement le droit de préparer ma défense en parlant de mon affaire avec le seul témoin oculaire existant. J’irai plus loin encore, sergent : Mr. Blatch et moi-même étant en quelque sorte coaccusés, on ne saurait valablement objecter à ce que nous associions nos connaissances juridiques. »
Je regagnai mon bureau et mis le caporal Pah-Chi-Luh au courant de ces derniers développements.
« C’est un véritable marécage, soupira-t-il. Plus on se débat pour en sortir, plus on s’enfonce. Et ce Terrestre ! Les Plutoniens qui l’ont escorté ont failli devenir fous. Il n’arrête pas de poser des questions sur tout et sur n’importe quoi : qu’est-ce que c’est que ceci ? Qu’est-ce que c’est que cela ? Comment ça marche ? Ou bien, il n’a pas assez chaud, l’atmosphère ne lui plaît pas, la nourriture est insipide… Et voilà que maintenant sa gorge le chatouille d’une façon anormale et il demande un gargarisme ! Il a besoin…
— Donnez-lui tout ce qu’il veut dans les limites du raisonnable, répondis-je. Si cette créature meurt tandis qu’elle est sous notre responsabilité, nous nous en tirerons à bon compte, vous et moi, si l’on se contente de nous envoyer faire un tour dans le Trou Noir de la Constellation du Cygne ! Quant au reste… Écoutez-moi bien, caporal : je suis d’accord avec la commission gtetienne. Il faut qu’un crime ait été commis ! »
Le caporal stellaire Pah-Chi-Luh me regarda avec des yeux ronds.
« Vous… Vous voulez dire…
— Je veux dire que si un crime a été commis, l’arrestation de L’payr est légale et il doit être ramené sur Gtet. Comme cela, nous n’entendrons plus parler de lui et nous serons débarrassés de ces avocassiers de Gtetiens et de leurs grands mouvements de pseudopodes. Il ne nous restera plus qu’un seul problème à régler : le problème Osborne Blatch. Mais une fois que L’payr ne sera plus là pour le seconder, je pense que c’est un problème que nous arriverons à régler – d’une manière ou d’une autre. Seulement, caporal Pah-Chi-Luh, d’abord et avant tout, il y a la question du crime : il faut que L’payr ait commis un crime, un crime quelconque, le crime que vous voulez, pendant son séjour sur Terre. Je vous suggère d’installer votre lit dans la bibliothèque juridique. »
Peu après, Pah-Chi-Luh se rendit sur la Terre.
Maintenant, Hoy, je te prie de m’épargner tes commentaires moralisateurs ! Tu sais aussi bien que moi que les Patrouilles Lointaines se sont déjà livrées ici ou là à ce genre de pratique. Je ne les approuve pas plus que toi mais il y avait urgence. N’importe comment, ce maître criminel amiboïdien aurait dû être mis hors d’état de nuire depuis longtemps. C’était l’opinion générale. En fait, on peut dire que, sur le plan moral, j’étais entièrement dans mon droit.
Donc, comme je te le disais, Pah-Chi-Luh retourna sur la Terre déguisé, cette fois, en chef de fabrication. Il obtint un emploi dans la maison d’édition qui avait publié le fameux manuel de biologie. Les photographies originales étaient encore dans les archives. Le caporal, ayant judicieusement choisi son homme, réussit à donner l’idée à un technicien d’examiner les clichés et de faire analyser leur support.
Le matériau utilisé pour leur reproduction était du frab, un textile synthétique très employé sur Gtet mais que l’humanité ne devait pas découvrir avant au moins trois siècles.
Du jour au lendemain, ou presque, toutes les Américaines se mirent à porter des combinaisons en frab – la grande nouveauté en matière de textile ! Et comme L’payr était en dernier ressort responsable de cette innovation technique illégale, il était enfin à notre merci !
Il se montra très sport.
« Ainsi s’achève une longue route, sergent, dit-il avec résignation. Je vous félicite. Le crime ne paie pas. Quand on enfreint la loi, on perd à tous les coups.
-Eh oui ! Il était temps que vous vous en rendiez compte. »
Je me mis en devoir de préparer les papiers pour l’extradition, libre de tout souci. Bien sûr, il y avait Blatch mais ce n’était qu’un humain. À tout prendre, ce n’était pas la première fois que je me trouvais mêlé à une douteuse opération de barbouzes et j’étais bien décidé à me débarrasser rapidement de cette créature.
Mais quand vint l’heure de remettre le détenu à ses congénères, je faillis tomber à la renverse. Dans la cellule, il n’y avait pas un mais deux L’payr ! Ils étaient plus petits, naturellement – la moitié de la taille de l’individu original pour être précis – mais il n’y avait pas à s’y tromper : c’étaient des L’payr.
Entre-temps, il s’était reproduit !
Comment ? Le gargarisme que le Terrien avait réclamé, Hoy ! C’avait été l’idée de L’payr, son ultime parade. Blatch le lui avait fait passer clandestinement et le Gtetien l’avait caché dans sa cellule afin de l’employer en dernier recours.
Ce gargarisme, Hoy, ce gargarisme était de l’eau salée !
Les Gtetiens m’informèrent que leur loi prévoyait une éventualité de ce genre. Mais qu’avais-je à faire du droit gtetien ?
« Un crime a été commis, répéta le porte-parole de la commission rogatoire. Il y a eu vente de matériel pornographique. Nous exigeons notre prisonnier. Tous les deux ! »
Osborne Blatch intervint :
« Conformément aux Statuts galactiques, paragraphes 6 009 371 à 6 106 514, j’exige ma libération immédiate et inconditionnelle, deux milliards de megawhars de la banque galactique à titre de dommages et intérêts, des excuses écrites…
— Il est probablement exact que notre ancêtre, L’payr, a commis toute sorte de péchés, fit en zézayant un des deux jeunes amiboïdes de la cellule voisine. Mais nous n’y sommes pour rien. L’payr a payé ses crimes : il est mort en couches. Nous sommes jeunes et innocents. La grande et puissante galaxie punira-t-elle de petits enfants tenus pour responsables des fautes de leur parent ? »
Qu’aurais-tu fait à ma place, Hoy ? J’ai embarqué tout le monde dans l’astronef : la commission rogatoire avec ses arguties juridiques, Osborne Blatch et son parapluie, le manuel de biologie, la collection de photos pornographiques originales et deux jeunes amiboïdes encore tout couverts de rosée. Appelons-les L’payr prime et L’payr seconde. Quand ils arriveront, fais-en ce que tu en veux. Mais, surtout, ne me dis pas quoi !
Et si, avec l’aide des cerveaux les plus expérimentés du quartier général, tu peux trouver une solution avant que le Vieux n’ait une rupture de gloccistomorphe, Pah-Chi-Luh et moi te vouerons une reconnaissance éternelle.
Sinon… Eh bien, nos bagages sont bouclés. Il paraît que le Trou Noir de la constellation du Cygne constitue une expérience inestimable pour un agent de la Patrouille !
Si tu veux mon avis, Hoy, j’estime qu’à l’origine de tous nos ennuis, il y a l’entêtement de certaines créatures qui tiennent à perpétuer leur race en employant des méthodes folkloriques, au lieu de le faire décemment et hygiéniquement par voie de sporulation !
Traduit par Michel DEUTSCH.
Party of the two parts.
© Galaxy Publishing Co, 1954.
© Éditions Opta, pour la traduction.