Jay WILLIAMS :
LES PRÉSENTS DES DIEUX
Il arrive – rarement – que les envahisseurs se montrent pleins de bonnes intentions et qu’ils arrivent les bras chargés de cadeaux. Mais à l’adresse de qui ?
LE grand vaisseau planait au-dessus de l’Atlantique, et des éclairs crépitaient autour de ses ailerons. Montés sur les toits de la ville, le bras tendu, les gens le regardaient en s’abritant les yeux ; certains avaient des jumelles de théâtre au manche de nacre, d’autres des télescopes rudimentaires et quelques fanatiques observateurs d’oiseaux – ou de fenêtres – de coûteuses jumelles de campagne. Le vaisseau se posa lentement dans la baie, noyé dans un nuage de vapeur.
Celle-ci se dissipa. On pouvait discerner que le navire flottait et qu’il était entouré de centaines de points argentés : des poissons morts ballottés dans l’eau sale. Un carré sombre se découpa dans le métal doré et de la ville monta le long cri collectif qui accompagne l’éclatement d’un bouquet de feu d’artifice. Un petit esquif, de forme curieuse et de très haut bord, émergea du vaisseau et s’élança sans bruit vers la Batterie, soulevant un grand éventail d’eau blanche pareil à une aile.
Les cinq hommes qui descendirent sur le rivage ressemblaient à tout le monde. Ils avaient le teint très cuivré, à l’exception d’un qui avait la peau jaune pâle ; c’était apparemment la seule différence qui existait entre eux. Ils portaient des costumes confortables, ajustés, qui rappelaient assez une armure légère, mais de la teinte d’une carapace de scarabée, et autour de leur visage, il y avait des auréoles bleu pâle à peine visibles dans la lumière du jour. Ils examinèrent calmement la ville, la foule, et échangèrent entre eux quelques paroles à mi-voix. L’un d’eux se pencha, ramassa l’esquif, le plia rapidement en un petit paquet et le fourra dans un sac qui pendait à sa ceinture.
Au cours de ces quelques minutes, dix-sept personnes moururent : les unes précipitées dans une bousculade à bas des toits bondés, d’autres piétinés dans les rues, quatre ou cinq de crise cardiaque, d’asphyxie ou de saisissement. Le bavardage de tous ces gens assemblés faisait trembler les murs. Lentement, les hommes venus du vaisseau spatial s’avancèrent dans South Street.
À ce moment, un bruit perçant de sirènes annonça les cars de police et plusieurs grandes limousines noires. Les questions de protocole avaient donné lieu à de hâtives discussions : les visiteurs devaient-ils être accueillis par le maire de New York, par un représentant du gouvernement des États-Unis ou par le secrétaire général des Nations Unies ? Finalement, ils étaient venus tous les trois. Le maire joua des coudes et, son chapeau plaqué sur la poitrine, essaya de saluer. La foule, débordant la police, se serra pour mieux voir les visiteurs.
Le délégué américain aux Nations Unies, qui était venu comme représentant du gouvernement des États-Unis, tendit la main avec un sourire plutôt forcé. Il commença :
« Permettez-moi de vous accueillir au nom de… »
Le maire lui coupa la parole.
« Messieurs, cette grande cité éprouve un immense plaisir à tendre la main de l’amitié… », puis il s’arrêta court, perdu dans sa propre syntaxe.
Un des visiteurs précéda de quelques pas ses compagnons. D’une voix claire, retentissante, il déclara dans un parfait anglais :
« Je vous remercie de vos sentiments et de votre accueil. Notre désir est d’aller à votre… heu… Centre. »
Il fit une pause et conféra un instant avec l’un des autres. « Le Centre des Nations Unies, reprit-il. C’est-à-dire là où sont représentés tous les gouvernements et tous les peuples de votre planète, n’est-ce pas ? »
Le secrétaire général, réprimant un sourire d’innocent triomphe, dit :
« J’aurai grand plaisir à vous y conduire. Voulez-vous monter dans ma voiture, je vous prie ? »
Les cinq visiteurs inclinèrent la tête. Leur chef répondit :
« Je suis d’accord. Mes compagnons préfèrent… hum… je ne sais pas comment le traduire… Ils nous suivront par leurs propres moyens. »
Sur ce, l’un d’eux sortit l’esquif, qu’il déplia rapidement. Il l’étala sur le pavé et s’y installa. Les trois autres y montèrent à leur tour. Une délicate lueur rose apparut et le bateau s’éleva au niveau des fenêtres du premier étage. Un des visiteurs se pencha en souriant par-dessus bord, agita la main et cria quelque chose au chef. Celui-ci acquiesça d’un signe et dit au secrétaire général :
« Nous sommes prêts. Si nous partions ? »
Le secrétaire général, un peu abasourdi, rassembla ses esprits et, s’inclinant devant le visiteur, l’invita à prendre place dans la limousine découverte. Tandis qu’ils démarraient lentement à travers la foule qui s’écartait devant eux, il dit :
« Permettez-moi de vous poser une question. Pourquoi n’avez-vous pas volé jusqu’au rivage au lieu d’y venir en bateau ? »
Le visiteur le regarda avec curiosité. On voyait que ses yeux n’avaient pas de blanc, mais étaient ronds et opalins.
« Quand il y a de l’eau, pourquoi ne pas naviguer ? » dit-il.
Puis il ajouta : « Voler ? C’est ce que vous appelez voler ? Je croyais que voler signifiait reposer sur la surface de quelque élément, ou glisser avec lui. Mais voyez-vous, ils se… hum… propulsent eux-mêmes, en annulant la gravité. » Puis, se tournant à moitié sur son siège et fixant le regard de ses grands yeux chatoyants sur le secrétaire général, il reprit : « Voulez-vous dire que, si vous aviez été à notre place, vous auriez préféré survoler cette eau splendide ? »
Le secrétaire général, complètement décontenancé, garda le silence.
En approchant de la 14e Rue, le secrétaire général dit :
« Nous sommes heureux de votre venue. C’est un grand jour pour la Terre.
— Vraiment ? répondit courtoisement le visiteur.
— Eh ! ce n’est pas tous les jours que nous avons des visiteurs d’une autre planète », déclara le secrétaire général avec un rire artificiel, jetant involontairement un coup d’œil en arrière vers le maire qui suivait dans sa voiture, le visage cramoisi et renfrogné.
« Ah ! oui, je comprends.
— Oui, d’une autre planète… À propos, d’où venez-vous ?
— Nous l’appelons Terre, répliqua le visiteur. C’est très loin d’ici. À bien des parsecs, diriez-vous. Elle fait partie d’une quantité de grandes Terres. Nous sommes une… mettons, Organisation de Nations Unies, si ce n’est qu’il s’agit de planètes. »
Il émit une sorte de trémolo aigu que le secrétaire général prit pour l’équivalent d’un rire.
« Oui, tout cela nous est très familier, dit le secrétaire général. Une Fédération de Planètes, technologie moderne, etc. Nos écrivains de science-fiction nous ont préparés à cela depuis des années. Et maintenant, c’est une réalité. Vous êtes venu, je suppose, nous offrir d’adhérer à votre Fédération ? »
Le visiteur cilla. C’était un clignement d’œil lent, qui venait plutôt de dessous l’œil que de dessus, le glissement pondéré, sans hâte, d’une sorte de membrane nictitante. Il exprimait l’étonnement et une surprise polie.
« Oh ! mon Dieu, non, rétorqua-t-il. Adhérer ? Pas du tout. L’une des premières conditions est d’assurer son propre transport. Votre civilisation n’est pas encore capable de lancer un vaisseau interplanétaire, et encore moins intergalactique. »
À ce moment précis, ils arrivaient au palais des Nations Unies et la conversation fut interrompue par la foule des délégués, fonctionnaires, sténographes, guides, gardes, touristes, qui les encercla en vague déferlante.
On eut quelque peine à les dégager. Les visiteurs de l’espace descendirent et replièrent leur véhicule. Le secrétaire général les fit entrer dans le palais et les conduisit dans la salle des assemblées générales qui fut vite envahie par les délégués et autres badauds. Les caméras de la presse et de la télévision furent braquées sur cet instant historique et les reporters firent courir leurs stylos sur leurs blocs.
Lissant ses fins cheveux gris, le secrétaire général déclara :
« Nous qui, réunis ici, représentons toutes les nations de la Terre, nous vous saluons et vous accueillons, vous les visiteurs et représentants d’une autre planète. »
Les visiteurs inclinèrent légèrement la tête, sans rien dire. Ils avaient été installés sur l’estrade, derrière la tribune, d’où ils faisaient face à la salle.
Le délégué des États-Unis, qui se tapotait le bout des doigts, prit la parole.
« Je voudrais demander que les lettres de créance des visiteurs soient présentées à cette Organisation. C’est une pure formalité, évidemment, mais je pense que nous devons avoir quelque garantie que ces messieurs sont… hem… ce qu’ils disent être. »
Avant que le secrétaire général ait pu ouvrir la bouche, le délégué de l’Union soviétique s’était dressé et s’écriait :
« J’ai aussi une question à poser au… heu… au capitaine, ou chef des visiteurs. »
Celui-ci se leva et dit :
« Vous pouvez me désigner comme porte-parole plutôt que chef. Notre capitaine, en fait, est resté dans notre vaisseau.
— Ah ! oui. Eh bien, monsieur, comment se fait-il que vous vous adressiez à nous en anglais ? J’aimerais demander à cette Assemblée quelle garantie nous avons que ceci n’est pas simplement une mystification montée par certaines puissances ? »
Le porte-parole répliqua, dans un russe impeccable :
« En vérité, je suis à même de parler presque tous les dialectes de votre planète. Mais je ne peux pas m’adresser à vous simultanément en turc, grec, français, japonais, gaélique, syrien, etc. J’ai choisi de parler l’anglais parce que nos enquêteurs m’ont assuré qu’il est compris de la majorité de vos membres. Il n’est certainement pas difficile d’apprendre un langage humain pourvu qu’on sache s’y prendre. Et nous avons eu sur votre planète, depuis une vingtaine d’années, des chercheurs qui ont rassemblé des renseignements, accumulé des connaissances linguistiques, etc.
« Quant à nos lettres de créance… » Il fit une pause et examina gravement l’auditoire. « Pourquoi les demandez-vous ? Nous ne sommes pas des représentants auprès de votre Organisation dans le sens où vous avez employé ce terme. Peu nous importe que vous croyiez ou non que nous sommes ce que nous sommes.
— Je crains de ne pas comprendre, dit le délégué britannique, qui avait été le premier à se ressaisir. Ce monsieur veut-il dire qu’il n’a pas été envoyé par son gouvernement pour se mettre en rapport avec nous ? Dans ce cas, que signifie sa présence ici ? On m’a laissé entendre que sa première demande a été d’être conduit aux Nations Unies ?
— C’est exact, répondit le porte-parole. Quand une planète est suffisamment évoluée pour avoir une organisation centrale de gouvernement, nous préférons passer par celle-ci pour plus de commodité et d’efficience. »
Le secrétaire général dit, avec une certaine nervosité :
« Oui, mais il m’a semblé, d’après ce que vous avez dit dans la voiture, vous savez ? que vous ne comptiez pas nous proposer d’adhérer à votre Fédération. La question soulevée par le délégué du Royaume-Uni est donc pertinente.
— Si, intervint le délégué de la Bolivie en fronçant les sourcils, ceci est une déclaration de guerre, qu’il soit bien entendu que nous sommes prêts. »
Le porte-parole leva la main :
« Non, non. La guerre ? Certainement pas. Nous ne faisons pas la guerre. Je vais m’expliquer.
« Voyez-vous, messieurs, notre Fédération – comme vous l’appelez – a certaines lois. L’une d’elles est que, lorsqu’une planète parvient à un état que nous qualifions de, voyons, vous diriez « fédérable », et satisfait ainsi à certaines conditions, ses vaisseaux spatiaux sont alors contactés par des membres de notre organisation et nous leur offrons de nous donner leur adhésion.
« Il y a cependant d’autres cas. Nous enquêtons continuellement dans d’autres planètes habitées et quand nous trouvons qu’une section, un groupe ou une nation répond à certaines autres conditions – appelons-les des conditions pré-fédérables – nous sommes alors chargés d’offrir à ce groupe toute l’aide nécessaire pour lui permettre d’atteindre au niveau fédérable.
— Je comprends, dit le secrétaire général. De l’aide. Quelle forme prend cette aide ?
— Principalement des améliorations technologiques, répondit le porte-parole. Des choses que le groupe ne peut pas se procurer ou faire par lui-même. En fait, nous disons : « Dites-nous ce que vous voulez et ce dont vous avez besoin, et nous vous le donnerons. » Mais vous devez comprendre, messieurs, que notre loi veut que nous fassions cette offre, mais que l’acceptation est volontaire.
— Oui, monsieur, nous comprenons très bien cela, déclara le délégué des États-Unis avec un large sourire. Nous comprenons, et nous sommes très fiers et très humbles. »
Le délégué français intervint :
« Puis-je demander à monsieur le porte-parole de nous dire quelles sont ces conditions dont il nous a parlé… les conditions pré-fédérables ? »
Le porte-parole éleva entre les doigts de sa main droite un petit objet brillant d’où sortit une voix métallique.
« Un groupe, ou unité d’êtres humains, sera considéré comme en situation pré-fédérable quand il aura atteint le degré suivant de sagesse :
« Ces hommes doivent s’être intégrés à leur milieu sans que les modifications apportées à l’écologie de leur environnement le rendent impropre à d’autres êtres vivants.
« Ils doivent avoir créé des arts qui reflètent leur culture et soient partie intégrante de leur organisation sociale, arts dont l’accomplissement ne dépende pas d’une motivation économique ou politique.
« Ils ne doivent pas supprimer une autre vie, sauf pour la protection directe de leur espèce, ou les besoins naturels de leur propre survivance.
« Ils doivent avoir établi un ordre social dans lequel aucun individu n’est affamé ou dépourvu d’abri, et dans lequel tous sont responsables du bien-être de chacun. »
La voix se tut et le porte-parole rangea son appareil.
Le délégué des États-Unis rompit le silence.
« Eh bien, monsieur, tout ce que vous avez dit se trouve inclus dans les principes que notre grande démocratie a essayé, au cours de l’histoire, de… »
Il s’interrompit devant le regard grave, pénétrant du visiteur.
Le porte-parole dit :
« Nous ne parlons pas de principes, mais de mise en pratique. Nos termes sont précis et n’admettent aucune interprétation.
— Je proteste, lança le délégué de l’Union soviétique. Les êtres civilisés doivent admettre les principes.
— Nous ne sommes pas civilisés, laissa tomber placidement le porte-parole.
— Mais les principes ne sont pas faciles à mettre en pratique quand l’hostilité vous environne, s’exclama le délégué du Pakistan.
— Je n’ai pas dit que c’était facile, rétorqua le porte-parole. Les principes ne sont que de bonnes intentions. Les affamés, les blessés, les morts n’ont que faire de bonnes intentions. »
Le délégué britannique, trop fier pour demander si la chasse au renard tombait dans la troisième catégorie, s’agitait avec gêne sur son siège. Le délégué des États-Unis, pensant à l’augmentation du nombre des chômeurs, tapait sur ses dents avec un crayon. Le délégué des Soviets, songeant aux décrets de l’État sur la nature de l’Art, boutonnait et déboutonnait son veston avec inquiétude. Personne ne disait mot.
Enfin, le secrétaire général prit la parole.
« Si vous insistez sur l’interprétation littérale et effective de vos stipulations, monsieur le porte-parole, je crains fort que vous ne trouviez pas une seule nation sur la Terre qui remplisse vos conditions.
— Oh ! mais c’est chose faite, dit sèchement le porte-parole. C’est pourquoi nous sommes ici. Dans un lieu nommé le désert de Kalahari, sur le continent africain, vit une population de petite taille que vous appelez « Bushmen » – ou hommes de la brousse. Ils répondent à toutes les conditions. »
Il y eut un moment de stupéfaction, puis un rugissement de protestation. Le secrétaire général martela furieusement sa table et finit par rétablir l’ordre.
Le délégué du Ghana s’écria :
« Je proteste !… Ces… Bushmen… ne sont que des sauvages ! »
Le porte-parole sourit. Il se tourna à moitié et dit quelque chose à ses amis, dont certains émirent les bruits bizarres qui servaient de rires chez eux. Puis il dit :
« Des sauvages ? Mais cela implique qu’ils sont inférieurs et guère plus que des animaux. Quand des hommes en désignent d’autres par de tels noms, c’est qu’ils ne répondent pas aux exigences de nos articles 3 et 4. »
Le délégué du Canada, d’une froide voix nasale, déclara :
— J’avoue que je ne comprends pas que des gens parvenus aux niveaux intellectuel et technique élevés de nos amis d’outre-espace fassent abstraction du « Progrès. »
Il dit cela de telle façon qu’on voyait briller le P majuscule.
« Quelle contribution ont apportée les Bushmen à l’histoire ou au bien-être de l’Humanité ? En cinq cents ans, ils n’ont pas progressé, poursuivit-il.
— Je crains, dit le porte-parole, que vous ne confondiez progrès avec changement. Il est exact que vous vivez dans une communauté sociale qui a changé profondément au cours des cent dernières années. Mais avez-vous progressé ? Vos citoyens sont-ils tous heureux, entièrement développés, intellectuellement mûrs ?
— Je crois pouvoir dire, intervint le délégué des États-Unis, qu’avec notre système de libre entreprise, la grande majorité de nos habitants connaît la sécurité. Oui, monsieur, je crois qu’ils sont satisfaits et comblés. »
Le regard du porte-parole étincelait quand il le tourna vers l’orateur.
« Vous avez employé le mot sécurité. Pensez-vous que la sécurité soit essentielle pour un être mûr ? La sécurité est le dernier de ses besoins, car il sait que vivre, c’est être dans l’insécurité.
« Quant à vos autres expressions… est-ce que vos citoyens satisfaits ne se suicident jamais ? Est-ce qu’ils ne se livrent jamais à des actes de violence contre leurs employeurs ou contre l’État ? N’y a-t-il pas dans votre pays des Indiens à qui l’on a pris leurs terres et leurs biens, et qui vivent maintenant dans la maladie et la pauvreté ? N’y a-t-il pas des centaines de milliers d’hommes que la couleur de leur peau empêche de gagner convenablement leur vie, ou même de s’asseoir auprès d’hommes d’une autre couleur ? Pouvez-vous m’affirmer qu’ils sont satisfaits et comblés ? »
Le halo bleu pâle qui entourait son visage était devenu plus prononcé et semblait lancer des étincelles. Un de ses compagnons se pencha en avant et dit quelque chose avec vivacité. Le porte-parole resta silencieux une minute ou deux pendant lesquelles la teinte s’atténua. Puis il poursuivit :
« Vous estimez que le progrès consiste en procédés perfectionnés pour congeler les aliments, en moyens de transport plus confortables ou en méthodes nouvelles pour lutter contre les maladies. Ce n’est pas cela le progrès. Le progrès, c’est ce que vous faites avec les gens guéris, et où vous allez avec vos moyens de transport améliorés, et pourquoi vous y allez. Le progrès, c’est ce qui se passe dans votre cœur. La plupart d’entre vous sont bons, mais vous n’avez pas progressé d’un iota en cinq cents ans, ni même en mille. Si vous avez l’occasion d’un profit personnel, il n’y a pas un seul d’entre vous qui hésiterait à raser des forêts, à détruire toute vie sauvage, à tuer un millier d’autres êtres humains et à tourner le dos pour ne pas voir les souffrances de ses concitoyens. »
Il parut soupirer et sa tête s’inclina. Avant qu’il ait eu le temps de reprendre la parole, un homme avait jailli du fond de la salle et, franchissant le cordon de police, s’élançait dans l’allée latérale en brandissant un pistolet.
« Antéchrist ! cria-t-il. Retourne chez le Diable ton maître, ô toi, puissance des ténèbres. »
Il fut désarmé avant d’avoir pu tirer, bien qu’il y ait eu des murmures approbateurs dans divers endroits de la salle.
Le porte-parole dit :
« C’est vrai, j’avais oublié votre religion. On m’a dit qu’une grande majorité d’entre vous croit à l’amour, au pardon, à la charité, à l’humilité. Peut-être vaut-il mieux que nous n’en parlions pas.
« En tout cas, c’est assez discourir. Je prie les représentants des Bushmen de s’avancer. »
Il y eut un long silence embarrassé. Puis le secrétaire général, rougissant un peu, déclara :
« À mon grand regret, monsieur le porte-parole, je dois vous dire que ces « hommes de la brousse » ne sont pas représentés dans cette Assemblée.
— Non ? Et pourquoi ?
— Eh bien… hum… nous avons pour principe que seuls les pays mûrs pour la souveraineté peuvent avoir des délégués siégeant ici. Si vous y réfléchissez bien, poursuivit-il avec fermeté, ce sont les mêmes lois qui régissent votre Fédération.
— Les mêmes ? » répéta le porte-parole et de nouveau s’esquissa le lent mouvement de stupeur de la paupière translucide, qui se levait et s’abaissait devant ses yeux. « Vous pouvez les trouver similaires, si vous voulez. Je suppose que, si vous voyiez trois grands garçons brutaliser un plus petit, vous trouveriez cela pareil aux délibérations et aux décisions des adultes.
— Mais, intervint le secrétaire général, il n’est pas certain qu’on puisse considérer les Bushmen comme une nation. »
Le porte-parole hocha la tête.
« Je comprends. Vous voulez dire qu’ils ne sont ni assez nombreux, ni assez riches, ni placés d’une manière suffisamment stratégique. En ce cas, voulez-vous, je vous prie, donner les ordres nécessaires pour que des représentants de leur, pays soient envoyés ici pour nous voir. Je connais assez votre technologie pour demander que cela se fasse, disons, sous quarante-huit heures.
— Quarante-huit heures ? Le secrétaire général pâlit. Mais, mon cher monsieur, il faudra des jours rien que pour trouver ces gens-là.
— C’est une indignité. » Le délégué britannique s’était levé. « Au nom du gouvernement de Sa Majesté, nous ne pouvons pas prêter plus longtemps notre présence à cette mascarade… »
De nombreux autres délègues s’étaient dressés. Le porte-parole jeta un coup d’œil à ses compagnons. Celui qui avait la peau laiteuse se leva lentement et d’un air négligent pointa le doigt vers l’Assemblée. Il y eut un craquement sourd et l’air se remplit d’une odeur âcre, quoique assez agréable. Aussitôt, tous les appareils de radio et de télévision cessèrent de fonctionner, les lumières baissèrent et chacun dans la salle, et dans un rayon tout autour, fut privé de mouvement. Toute la circulation fut bloquée, tandis que les moteurs s’arrêtaient et que les gens étaient frappés de paralysie totale. Même les avions qui passaient par là se trouvèrent suspendus dans le ciel.
Le porte-parole déclara, sans aucune trace de colère dans la voix :
« Je regrette que nous soyons obligés d’employer ce qui semble un moyen de coercition. Cependant, notre expérience nous a appris que nos critères ne s’appliquent pas toujours aux peuples primitifs. Il ne sera fait de mal à personne. Mais je dois vous prévenir que, si nous sommes contraints d’aller chercher nous-mêmes les Hommes de la Brousse, si l’on nous refuse la coopération de cette Organisation, nous serons obligés de vous maintenir en état d’immobilité jusqu’à ce que nous ayons accompli notre mission, simplement afin d’éviter qu’on nous mette des bâtons dans les roues. Cela risque d’être beaucoup plus ennuyeux pour vous que pour nous. »
En fin de compte, bien entendu, on céda. Pour dire vrai, beaucoup de délégués songeaient déjà aux moyens de mettre la main sur les Bushmen, tandis que d’autres brûlaient seulement de curiosité de savoir quelle serait la manne cosmique dont les heureux aborigènes allaient être gratifiés.
Cependant, dès que leur immobilité forcée cessa et qu’ils eurent consenti à aider les visiteurs, des cabales commencèrent à s’ourdir dans divers endroits du palais.
Le délégué soviétique, en grande discussion avec la Yougoslavie et la Hongrie, fit remarquer qu’il serait nécessaire d’établir le principe du droit des petites nations à se gouverner elles-mêmes, et que cela nécessiterait une force importante, en cas de besoin, pour les protéger contre la mainmise des puissances colonialistes…
Le délégué américain, en grande discussion avec la Grande-Bretagne et le Brésil, souligna qu’il serait nécessaire d’établir le principe du droit des petites nations à se gouverner elles-mêmes, et que cela nécessiterait une force importante, en cas de besoin, pour les protéger contre la mainmise des puissances colonialistes…
Le délégué français allait de l’un à l’autre disant que, quant à lui, il ne songeait qu’à protéger le droit d’un petit pays à se gouverner lui-même, et que la France était toujours prête à jouer son rôle historique en empêchant l’exploitation des faibles et des impuissants par les puissants et les mal intentionnés.
On entendit le délégué australien murmurer qu’un argument solide pouvait être produit en faveur de la relation ethnique entre les Bushmen du Kalahari et ceux de l’arrière-pays australien.
Le délégué égyptien remarqua que c’était un fait bien connu que les Bushmen étaient arrivés originellement au Betchouanaland, venant du bassin du Nil. Le délégué israélien, riant sous cape, répliqua que, s’il en était ainsi, il y avait lieu de rappeler que les tenants et aboutissants de plusieurs des Tribus Perdues n’avaient jamais été établis de façon satisfaisante.
Entre-temps, les visiteurs n’avaient pas maintenu leur ultimatum de quarante-huit heures, qu’ils avaient étendu à une semaine, et une immense équipe de chercheurs partit à bord de centaines d’avions à réaction fournis par toutes les compagnies aériennes. Ils arrivèrent, en quelques heures, avec tout leur équipement, à Bulawayo, Serowe et Windhoek, d’où des nuées de jeeps et de camions partirent bientôt en éclaireurs. Le monde haletant suivait les nouvelles, diffusées par des stations mobiles de radio et de télévision, tandis qu’un filet gigantesque était étendu sur les deux tiers environ du désert de Kalahari, à l’intérieur duquel furent rabattus les doux petits habitants, stupéfaits et effrayés. Finalement, plus d’un millier d’aborigènes furent cernés au Lac Ngami et dans les marécages d’Okavango. Par l’entremise d’interprètes, on leur indiqua qu’il ne leur serait pas fait de mal, mais qu’ils devaient choisir des représentants pour aller voir des hommes d’un autre monde, dont ils recevraient de riches présents.
Il fallut près de huit heures de conversation assidue pour que les hommes de la brousse comprennent ce qu’on voulait d’eux. Quand ils eurent saisi, ils se rassemblèrent, riant et chuchotant, selon les clans et les villages, puis ils firent avancer leurs meilleurs hommes : chasseurs expérimentés, bons chanteurs et musiciens, vieux chefs sages et vaillants jeunes danseurs.
Ces hommes, réunis en groupe, se regardant timidement les uns les autres du coin de l’œil, discutèrent ensemble pendant un moment dans leur langage cliquetant et pépiant, puis s’accroupirent sur le sol. Un seul, un nomme très âgé nommé Tk’we, resta debout. Il avait le nez camus, de méchants petits yeux fendus en amande, un ventre proéminent, et sa peau avait la couleur du vieil ivoire, malmené par le temps.
Il dit :
« Oh ! grands hommes, nous sommes prêts à partir. »
Le chef de la mission des Nations Unies se frotta les mains.
« Très bien ! dit-il. Combien êtes-vous, mon vieux ?
— Tous ceux que vous voyez ici, répliqua Tk’we. Sauf un très petit nombre de vieilles femmes, qui préfèrent rester ici. »
Le chef resta bouche bée. Il commença à compter machinalement. Il y avait exactement 1 038 Bushmen présents. Arrachant ses cheveux blonds frisés, le chef répondit que ce n’était pas démocratique, qu’ils devaient exercer leurs droits de procéder à une élection libre par scrutin secret, et choisir un comité plus restreint. C’était un jeune homme très consciencieux, diplômé de l’université de Toronto.
S’appuyant sur son arc, Tk’we déclara qu’un homme n’avait pas la chance de voir les dieux de ses propres yeux tous les jours et que, par conséquent, ils voulaient tous venir. Il dit que ses compagnons ne comprenaient pas cette démocratie et qu’ils ne voulaient pas causer d’ennuis, mais que personne ne désirait faire de la peine aux autres. Il ajouta que, s’il saisissait bien cette question d’élection, cela signifiait qu’un homme en viendrait à dire que l’un devrait partir et beaucoup d’autres rester en arrière. Si tel était le cas, qui serait assez malappris et assez insensible pour refuser à ses voisins le droit de faire un voyage en avion pour aller voir les dieux eux-mêmes et recevoir leurs présents ?
De plus, poursuivit-il, pas un homme ne voudrait laisser derrière lui femmes et enfants sans personne pour s’occuper d’eux.
« D’ailleurs, dit-il de sa douce voix ironique et hachée, nous ne sommes jamais allés dans le monde, et certains d’entre nous seraient très effrayés. Mais si nous partons tous ensemble, nous nous encouragerons les uns les autres. »
Il conclut en disant que, si cet arrangement n’était pas satisfaisant, les siens seraient enchantés de renoncer à tout et de retourner à leurs paisibles habitudes dans le désert. Au revoir, et merci beaucoup.
Le chef de la mission se remémora le regard neutre et glacé du porte-parole, tout en pupille sans blanc d’œil, et le doigt tendu du compagnon du porte-parole, et il se demanda avec inquiétude quels étaient les autres procédés désagréables dont disposaient les visiteurs pour témoigner de leur mécontentement.
Et c’est ainsi que 1083 membres de la mission des Nations Unies durent céder leur place dans les avions et furent laissés en plan à Windhoek, Serowe et Bulawayo… car on avait prévu une délégation de trois ou quatre petits Bushmen. Et les hommes de la brousse montèrent dans les appareils qui les enlevèrent dans les cieux, accrochés les uns aux autres et rendus muets par une délicieuse terreur. Il se passa des mois avant que certains abandonnés de la mission rentrent chez eux !
« Dans un pandémonium indescriptible », suivant les termes poétiques du reporter de l’Associated Press, les Bushmen débarquèrent et furent conduits en car au palais des Nations Unies. Selon les directives du porte-parole, la salle des Assemblées générales fut évacuée, à l’exception du secrétaire général et de son interprète, un jeune et brillant étudiant bantou spécialisé dans les langues africaines. Les délégués furieux durent déménager dans d’autres salles de réunion d’où ils purent suivre les débats par télévision et observer les 1 083 hommes de la brousse qui, entassés dans les ailes et le long des murs, regardaient peureusement les incompréhensibles décorations murales, les agencements et les rangées circulaires de sièges. Toutefois, leurs enfants ravis, les yeux écarquillés, étaient assis ou debout sur les fauteuils.
Le porte-parole et ses compagnons leur faisaient face sur l’estrade. Un grand nombre de caisses pleines ou à claire-voie en bois étaient empilées contre le mur : les visiteurs de l’espace les avaient fait apporter dans la matinée. Le secrétaire général, qui ne cessait de s’éponger le front avec un grand mouchoir, s’installa dans un fauteuil. Le porte-parole se leva et s’adressa aux Bushmen dans leur langue… ou plutôt dans leurs langues car il dut utiliser simultanément trois dialectes apparentés, mais légèrement dissemblables.
« Mes amis », dit-il, et il y eut un petit remue-ménage, puis un silence de mort, car les hommes de la brousse n’avaient pas l’habitude que les autres gens leur parlent de cette façon. « Nous sommes venus des étoiles pour nous entretenir avec vous. Nous savons la dure vie que vous menez, mais nous savons aussi comment vous vivez, simplement et joyeusement, affrontant chaque journée de votre mieux, circulant paisiblement au milieu des lions et des abeilles sauvages, ne faisant de mal à personne, mais prenant ce qui vous est nécessaire. Le moment est venu de nous dire ce dont vous avez le plus besoin, et ce que vous demanderez, nous vous le donnerons. »
Il y eut un silence, pendant lequel beaucoup tournèrent leur regard vers Tk’we. Finalement, le vieil homme se dirigea vers le devant de la salle, et s’arrêta sous la tribune. Il s’appuyait sur un bâton lisse, un pied levé de façon que sa plante repose contre son autre cuisse, et bien qu’il eût moins d’un mètre cinquante de haut, il parvenait à avoir une attitude très digne.
« Maître, dit-il, nous sommes satisfaits d’avoir volé dans le ciel, d’avoir vu ce grand werf avec sa haute tour et ses fenêtres étincelantes et des gens inconnus et de vous avoir contemplés, vous et les autres dieux, de nos propres yeux. Maintenant, tout ce que nous voulons, c’est retourner chez nous. »
Le porte-parole dit :
« Nous pouvons vous rendre plus riches que tous les autres hommes. Nous vous apprendrons à construire des sherms comme celui où vous vous trouvez, à porter de splendides vêtements, à guérir toutes vos maladies, à voler vous-mêmes dans les airs, et à parler aux autres hommes de très loin. »
Tk’we tourna la tête et regarda longuement les autres derrière lui. Il haussa les épaules.
« Quant à moi, dit-il, je ne veux pas de ces choses. Si les dieux veulent me donner de la viande, je ne refuserai pas. Et aussi quelques médecines pour guérir les maux de mes os, ce serait très bien. Mais pourquoi voudrais-je voler, ou vivre dans un de ces grands sherms ? Tout ce que je désire, c’est qu’on me laisse tranquille. »
Derrière lui, des centaines de voix douces murmurèrent discrètement :
« Oui, oui, c’est cela. De la viande et quelques médecines. N’oubliez pas le tabac. Peut-être un peu de thé, ce serait agréable.
« Je pense que ce sont là les cadeaux que nous souhaitons, Maître, déclara Tk’we en souriant. Si vous nous donniez toutes les autres choses, alors nous ressemblerions peut-être pendant un peu de temps à de grands hommes. Mais les Bantous et les hommes blancs viendraient et se querelleraient avec nous, et ce serait la guerre, comme dans les temps d’autrefois, où de nombreux hommes de la brousse ont été tués et où nous avons été chassés dans le désert.
« Voilà le fond de ma pensée, continua-t-il. J’ai été un bon chasseur et j’adorais chasser. Et aussi, j’ai aimé coucher avec des femmes. Vous ne pouvez pas me rendre cela. Vous ne pouvez pas non plus le donner aux hommes jeunes, car ils l’ont déjà. Maintenant, j’aime avoir le ventre plein. Je me réjouis de voir les enfants jouer alentour et j’aime voir danser les jeunes gens. Parfois, quand j’ai le cœur lourd et plein de mélancolie, il me plaît de m’asseoir à l’écart pour jouer du guashi et chanter des chansons que j’ai inventées. Vous ne pouvez pas me donner tout cela, puisque je l’ai déjà.
« Qu’est-ce que les hommes peuvent désirer d’autre ? Personne n’en veut davantage. Si quelqu’un dit le contraire, ce n’est pas un homme, c’est encore un enfant qui, quoi qu’il ait, désire toujours autre chose et détourne ses yeux du sac de noix qu’il tient vers le sac de quelqu’un d’autre. Mais nous ne sommes pas tous des enfants. Par conséquent, donnez-nous les cadeaux promis et laissez-nous partir. »
Le porte-parole acquiesça de la tête. Il fit un signe à ses compagnons qui allèrent ouvrir les caisses. Ils les tirèrent au milieu des assistants et commencèrent à distribuer des paquets de lames de rasoir, des pipes, de solides couteaux de chasse, des boîtes de pansements de première urgence, de petites glaces, des paquets de tabac, du savon, du thé, du sucre en morceaux et du sel. Ils ouvrirent d’autres caisses et tendirent des jambons, des flèches de lard, des saucisses fumées et autres friandises. Chaque homme de la brousse reçut un petit sac de montagne pour y mettre ses cadeaux et même les enfants ne furent pas oubliés. Alors, avec force gestes de la main, sourires et saluts, ils sortirent de la salle et s’entassèrent dans les cars qui attendaient.
Après leur départ, le porte-parole et ses compagnons se rendirent sur la plaza devant le palais et déplièrent leur véhicule extensible. Les autres y montèrent, mais le porte-parole s’inclina devant le secrétaire général et, d’un geste amical inattendu, lui mit une main sur l’épaule.
« Veuillez bien donner des ordres, dit-il, pour qu’on évacue le terrain autour de notre vaisseau, car nous repartirons chez nous aussitôt que nous l’aurons rejoint. Veillez aussi, je vous prie, à ce que le grand nombre d’espions de tous vos pays membres soient avertis de se retirer. Je regrette qu’ils n’aient pas pu franchir le champ magnétique que nous avons établi autour du vaisseau, mais je crois que, de toute façon, ils n’auraient pas appris grand-chose. Adieu, et bonne chance. Il est possible qu’un jour vous parveniez tous au niveau des Bushmen… Il y a des choses plus étranges qui arrivent. En ce cas, nous reviendrions. »
Le secrétaire général soupira.
« Vous saviez qu’ils ne demanderaient rien, dit-il. Vos caisses étaient prêtes. Ou bien les avez-vous changées par quelque tour de passe-passe que je n’ai pas remarqué ?
— Nous le savions, dit le porte-parole.
— Mais… comment ?
— C’est justement ce qui fait qu’ils sont… hum… pré-fédérables.
— Mais nous, nous saurions comment utiliser vos présents ! s’écria le secrétaire général. Grand Dieu ! songez à ce que nous pourrions faire… n’importe lequel d’entre nous… une de nos grandes nations… »
Le porte-parole regarda le secrétaire général avec commisération et sourit. À ce moment, il ressemblait tout à coup, et de manière étonnante, au vieux Tk’we.
« Dommage, n’est-ce pas ? » dit-il.
Après tout, il n’était lui-même qu’un être humain.
Traduit par Ariette ROSENBLUM.
Gifts of the gods.
© Mercury Press, Inc. 1962.
© Éditions Opta pour la traduction.