Les funérailles de Marie Leszczyńska
par le marquis de Valfons
« Le 2 juillet 1768 eut lieu le convoi de
la reine, composé d’environ vingt carrosses à huit et six chevaux
revêtus de grands caparaçons noirs traînant jusqu’à terre, sur
lesquels se trouvaient les armoiries du roi et de la reine en
broderie. Tous les carrosses étaient rassemblés dans la cour
Royale. Dans celle des Ministres, qui la précède et qui est
immense, étaient quatre cents gardes françaises en haie ; à
droite, derrière eux, cinquante gendarmes à cheval ; un peu
plus bas cinquante mousquetaires gris, également à cheval ; à
gauche et vis-à-vis, trois cents gardes suisses ; derrière eux
cinquante chevau-légers, et un peu plus bas cinquante mousquetaires
noirs. Un peuple innombrable remplissait tous les vides ;
toutes les fenêtres du château étaient occupées par des
dames.
La marche fut ouverte par les pauvres vêtus de
gris, portant des flambeaux, suivis de cent récollets et de deux
cents prêtres. Le clergé bordait la haie depuis la grille Royale
jusqu’à celle des Ministres. Ces grilles étaient entièrement
tapissées de noir avec des écussons armoriés. Des huissiers à
cheval précédaient cinq carrosses de deuil destinés aux écuyers.
Pendant ce temps la cour était éclairée par mille flambeaux et
quatre globes de feu formés par les quatre troupes à cheval, dont
chaque homme avait un gros flambeau à la main.
Les mousquetaires noirs, deux à deux avec leurs
flambeaux, suivaient les cinq premiers carrosses, et successivement
les mousquetaires gris et les chevau-légers. Vinrent ensuite les
cinq carrosses du roi, dont trois violets occupés par quatre dames
du palais ; le quatrième par Mademoiselle d’Orléans ,
deux dames du palais et sa dame d’honneur ; le cinquième, plus
près du corps, par Madame la comtesse de la Marche, Mesdames
de Noailles, de Villars et la dame d’honneur de Madame de la
Marche ; tous les valets de pied portaient des flambeaux, et
des écuyers à cheval les entouraient.
Le corbillard suivait. Il était immense et couvert
de velours noir, avec de grandes croix d’étoffe d’argent et des
armoiries dans les vides ; six prêtres, tous les valets de
pied de la reine ainsi que ses pages marchaient en avant. À droite
se trouvaient douze pages de la grande écurie et le chevalier
d’honneur, le comte de Saulx, à cheval ; à gauche douze pages
de la petite écurie, le comte de Tessé , premier écuyer, à cheval
et derrière, cent gardes du roi. Cinq carrosses noirs venaient
ensuite, et cinquante gendarmes fermaient la marche.
Tous les cavaliers avaient des crêpes à leur
chapeau et de grands crêpes en bandoulière sur leur habit. Les
tambours et timbales de la troupe ainsi que de la garde étaient
couverts de crêpe. Le défilé fut terminé à neuf heures du soir et
fut rendu à Saint-Denis à quatre heures du matin, après avoir passé
par le bois de Boulogne. Le corps de la reine y resta exposé
pendant quarante jours. Toute la maison fut conservée et servit à
la nouvelle dauphine. »
Souvenirs du marquis de
Valfons, vicomte de Sebourg, édition présentée par
Jacqueline Hellegouarc’h, pp. 292-293.