LA CEINTURE D’ASTÉROÏDES DE HOTH


 

52

 

Qwi Xux se pencha en avant à l’instant où Wedge discernait la structure lumineuse, droit devant eux. Ses yeux indigo voyaient plus clairement que les siens et elle découvrait des détails qu’il n’aurait pu imaginer.

— Augmente l’agrandissement, fit-elle.

Le vaste cylindre en construction se fit encore plus net au milieu des îlots de pièces abandonnées et de scories pétrifiées par le vide. L’arme des Hutts semblait achevée et prête a faire mouvement.

— Ils ont réussi, souffla Qwi Xux. J’espère que nous n’arrivons pas trop tard.

— C’était donc vrai. Et ils en sont arrivés là sans que nous les repérions. (Wedge se tourna d’un air sombre vers le timonier.) Mais ils n’iront pas plus loin.

Le Yavaris et le Dodonna, suivis des trois corvettes corelliennes, continuèrent sur leur cap, droit vers le prodigieux Sabre Noir.

 

 

Sans cérémonie, les gardes de Durga traînèrent le corps de Crix Madine hors de la passerelle de commandement.

Bevel Lemelisk observait le cadavre du saboteur rebelle avec un sentiment mitigé, agité par un millier de pensées contradictoires. Jamais il n’oublierait l’expression à jamais figée de Madine. Une expression de triomphe, comme si Madine connaissait un secret auquel les Impériaux et les Hutts n’auraient jamais accès. Lemelisk ressentait aussi une certaine envie à l’idée que Madine, lui, au moins, était mort une fois pour toutes et n’aurait jamais à redouter d’être ressuscité pour subir d’autres tourments.

Plusieurs Taurill se déployèrent sur la passerelle, l’air curieux. Lemelisk les chassa à coups de pied et les créatures battirent en retraite vers les ponts inférieurs où le reste de la ruche se reposait.

Dressé dans une attitude impérieuse sur sa plate-forme flottante, Durga dicta ses ordres à l’imposteur Sulamar :

— Lancez nos moteurs. Vous allez nous piloter, maintenant. J’ai hâte de partir.

Sulamar balbutia :

— Mais, Seigneur Durga, je ne peux pas.

— J’ai confiance en vos capacités, Sulamar.

Durga effleura d’un doigt vert l’un des boutons déclencheurs de sièges piégés.

— À moins que vous ne teniez à ce que je me débarrasse de vous pour trouver quelqu’un d’autre ?...

— Inutile, Seigneur Durga ! J’apprécie votre confiance. Je ne faillirai pas à ma tâche.

— Je m’en assurerai. Mon Sabre Noir est achevé. J’en ai assez d’attendre ici. Entamons notre croisière dans la galaxie pour récolter notre dû.

En attendant les dernières paroles du Hutt, Bevel Lemelisk sortit de sa rêverie et s’exclama, incrédule :

— Vous... vous n’allez pas vous servir de cette arme ? Nous ne l’avons même pas encore testée. Seigneur Durga... il faut vérifier tous les sous-systèmes et...

Durga émit un son grossier avant de répondre :

— Absurde, monsieur l’ingénieur en chef. Votre travail est quasiment fini. N’essayez pas de vous rendre utile plus longtemps. Mes ouvriers taurill ont suivi très précisément vos plans. Qu’est-ce qui pourrait arriver ? (Il fit un geste à l’intention de Sulamar.) En avant, ai-je dit. Nous prenons le large.

Lemelisk fit craquer ses jointures avec nervosité en scrutant tour à tour les autres, tous rivés devant leur poste, sanglés sur leur siège piégé.

Il n’en dit rien, mais il avait un très mauvais pressentiment quant à la fiabilité général de la superarme. Trop souvent, il était tombé sur des pépins : ordinateurs désuets ou à la mémoire centrale incompatible, matériaux défaillants. Communications médiocres. Pannes à répétition.

Il savait les Hutts obsédés par le rapport qualité/prix, mais Durga avait accepté des appels d’offre à bas prix bien plus souvent que ne l’exigeait la qualité. Et les Hutts, même s’ils étaient de redoutables seigneurs du crime, avaient oublié un axiome commercial fondamental : on en a pour son argent, et rien de plus.

Lentement, Lemelisk battit en retraite vers le turbolift, profitant de l’agitation de l’équipe de passerelle qui préparait l’appareillage du Sabre Noir.

— Excusez-moi, Seigneur Durga, se hasarda-t-il, mais je pense que ma place serait près du superlaser, afin que je m’assure que tout fonctionne correctement.

Durga, excité par la proximité du départ, le laissa aller avec un geste distrait. En descendant vers les étages inférieurs, Lemelisk sentit son estomac se nouer. Il avait faim. Il se demanda s’il aurait un instant pour grignoter quelque chose... Mais non, il n’avait pas de temps à perdre. Si jamais le Sabre Noir n’ouvrait pas le feu à la seconde où Durga l’ordonnerait, il préférait ne pas se trouver dans le coin.

Tout bien considéré, il ne se rendit pas au poste de contrôle des systèmes du superlaser, mais dans son hangar privé où il se rua sur le petit scooter d’inspection. Tous les membres d’équipage avaient gagné leurs postes et les lieux étaient déserts dans la vague clarté du dispositif de veille. Il se démena quelques instants pour s’installer dans le cockpit du scooter monoplace malodorant en se disant qu’il aurait dû ordonner aux Taurill de nettoyer le siège. Il se sangla frénétiquement et lança le scooter.

S’il y avait un risque à courir, il préférait que ce soit dans l’espace.