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Sur la passerelle auxiliaire du Voyageur Galactique, le général Crix Madine, Commandant Suprême des Forces Spéciales Alliées, était penché sur l’écran et suivait le signal vert du traceur qu’il avait implanté sur le yacht privé de Durga. Il se gratta la barbe en laissant sa meilleur adjointe, Trandia, vérifier à son tour les relevés.
— Il n’a toujours pas bougé, commandant.
Trandia avait de longs cheveux couleur blond rose qu’elle coiffait en une natte impeccable. Madine la soupçonnait de se dénouer les cheveux quand elle n’était pas de service. Le visage net et lisse, elle avait des yeux d’un bleu intense. Pour le moment, ils étaient fixés sur l’écran.
— Il a décollé de Nal Hutta il y a quelques heures, commandant, et il s’est posé sur la Lune des Contrebandiers. Plus de nouvelles depuis. Nous devrions contacter le Yavaris. Le général Antilles a pris quelques heures pour aller en visite sur la lune et il pourrait sans doute garder l’œil ouvert.
Madine secoua la tête.
— Trop dangereux. Le traceur est bien implanté et Durga ne soupçonne rien. Voyons seulement où il va. La princesse Leia dit qu’il a interrompu brusquement leur rencontre. Il doit donc se rendre dans son refuge secret. Nous trouverons. Avec de la patience.
Madine parcourut de long en large la passerelle auxiliaire. Il n’y avait ni baies ni hublots, rien que des moniteurs de statut. La salle avait été prévue pour prendre la relève de la passerelle principale au cas où les structures de proue de superdestroyer seraient hors service.
Il était nerveux, impatient. Madine était un homme décidé qui, depuis neuf ans, avait voué toute sa force et toute son imagination à la Nouvelle République, quand il avait déserté l’Empire et rallier l’Alliance Rebelle, une cause nouvelle en laquelle il croyait. En se dévouant à la Nouvelle République, il avait un peu oublié le sentiment de culpabilité qui ne l’avait pas encore totalement quitté
Jadis, il avait prêté serment à l’Ordre Nouveau de l’Empereur Palpatine, de tout cœur. Crix Madine n’était pas homme à jurer à la légère et il ne s’était jamais parjuré avant d’abandonner l’Empire. Il espérait ne jamais plus avoir à prendre une décision aussi déchirante.
Il fut un temps où son avenir avec l’Empire avait paru lumineux. Il gravissait rapidement les échelons de la Flotte, ce qui annonçait des événements importants. On lui avait confié de lourdes responsabilités et décerné des citations et des médailles. L’Empereur lui-même avait eu des commentaires louangeurs sur ses états de service.
Il était tombé amoureux de la fille d’un ambassadeur important et ils s’étaient fiancés. Karreio était une adepte absolue de l’Ordre Nouveau, aveugle aux excès de l’Empire, répandant infatigablement sa propagande sur les faiblesses de l’Ancienne République. Dans sa carrière, Madine avait été témoin et acteur de certains actes qui l’auraient révoltée – comme de semer la peste candorienne sur le monde récalcitrant de Dentaal.
Une mission atroce qui avait failli lui saper le morale. Il avait alors choisi de tout sacrifier plutôt que de renoncer à ses convictions personnelles. Des représailles aussi impitoyables étaient injustes. Il avait laissé derrière lui sa brillante carrière, son grade, sans rien dire à Karreio de ses plans, car elle aurait été ainsi complice de sa trahison et forcée de le dénoncer ou de subir le châtiment de l’Empire.
Alors qu’il dirigeait les opérations de commandos dans la brousse de Dentaal, Madine avait choisi de... disparaître dans un dédale de grottes. Après une semaine, il était parvenu à rallier la base temporaire de l’Empire. Il avait réquisitionné une navette et dérobé des archives impériales encryptées, des informations et des plans secrets.
Puis il avait fui dans la Frange Moyenne sans but précis. Il espérait simplement pouvoir trouver la trace d’un représentant de l’Alliance Rebelle avant que les chasseurs de tête impériaux ne tombent sur lui.
Durant tout ce temps, jamais il n’avait osé envoyer un message à Karreio ni imaginé la revoir. Il espérait seulement qu’elle avait réussi à survivre sans lui... Qu’elle avait cru les histoires qui le présentaient comme un traître, et qu’elle avait trouvé un autre amant.
Lorsque les forces rebelles avaient enfin repris Coruscant après une longue et sanglante bataille, Madine s’était plongé dans les archives, cherchant toutes les données existantes à propos de Karreio avec l’espoir qu’elle avait réussi à survivre. Mais il avait appris qu’elle était morte dans l’attaque : elle n’était qu’un simple nom dans une liste de victimes. De nombreux civils avaient été tués et le nom de Karreio était affublé de la lettre D pour décédé.
Crix Madine avait de nombreuses raisons de se sentir coupable. L’une de ses premières missions, quand il était passé de côté de l’Alliance Rebelle, avait été de lancer un raid victorieux sur Endor, qui avait permis aux Rebelles de s’emparer du générateur de bouclier et de détruire la deuxième Étoile Noire. Madine avait donc été à l’origine de la mort de l’Empereur Palpatine, celui-là même qui l’avait cité pour ses services exemplaires et sa loyauté.
Mais il ne lui restait guère de temps pour des regrets. Plus de doute quant aux conséquences. La Nouvelle République était encore menacée et Madine restait sur le qui-vive.
Il se disait qu’il n’aurait sans doute jamais de repos.
Trandia venait soudain de se redressez en lui montrant l’écran.
— Commandant, le vaisseau-cible vient de décoller. Nous le suivons.
— Parfait, il est en route. (Madine croisa les doigts.) Parés pour la poursuite. Trandia, je voudrais que vous fassiez partie de l’équipe avec Korenn. (Il avait choisi le jeune garçon blond pour son enthousiasme et ses indiscutables talents.) Préparez-vous. Ackbar nous a donné trois ailes A. On va filer voir ce que Durga nous prépare. Mais il va falloir aussi que nous implantions des émetteurs d’urgence, parce que nous risquons d’être pressés par le temps. Où que soit cette arme secrète, il faut prendre le risque de la saboter. Nous ne pouvons pas permettre aux Hutts d’achever leur propre Étoile Noire.
Madine inspectait les trois chasseurs A dans la baie de lancement. Trandia s’approcha de lui avec cette démarche coulée et discrète qui l’avait convaincu qu’elle serait un agent parfait dans les opérations secrètes. Elle avait passé une combinaison et glissé sa natte sous son col. Elle serrait un casque au creux de son bras et annonça fièrement :
— Paré au départ.
L’instant d’après, Korenn apparut, excité, les cheveux hirsutes.
— Nous avons notre destination ? demanda Madine.
Trandia lui glissa un faible sourire.
— La Ceinture des Astéroïdes de Hoth, commandant. C’est là que Durga va chercher refuge.
Madine haussa les sourcils.
— Très intéressant. Les astéroïdes, c’est plutôt risqué. Et vous êtes bons pilotes ?
— Excellents, commandant ! lancèrent-ils à l’unisson.
— Bien. Alors, on y va.