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Comme des rapaces blindés, les superdestroyers de classe Victory frappaient une cible après l’autre, laissant un champ de flammes sur leur passage.
Le colonel Cronus se rencogna dans le fauteuil de commandement du 13 X en relisant la liste des objectifs dressée par l’amiral Daala. Puis il boucla son harnais et se prépara à une nouvelle bataille.
— Activez les boucliers.
— Bien reçu, dit l’officier tacticien.
— Préparez-vous à l’engagement.
L’un après l’autre, les ordinateurs des superdestroyers se présentèrent à l’enregistrement en signal codé.
— En avant toute ! Ordonna Cronus, les mains crispées sur les accoudoirs de son fauteuil.
La flotte de vaisseaux cramoisis plongea droit sur les Chantiers de Chardaan, le polygone spatial qui construisait différents modèles de chasseurs rebelles : les anciennes ailes X, les Y et les plus récentes, les ailes A, B et E. Après cette attaque, songea Cornus, il ne sortirait plus grand-chose des chantiers.
Les hangars pressurisés sous zéro g formaient un essaim de sphères argentées, un environnement de travail basique pour les mécaniciens qui assemblaient les composants des chasseurs. Sous le feu des unités de Cronus, les hangars furent soufflés dans des éruptions d’air embrasé et des shrapnels de métal. Dégâts infligés à l’ennemi : importants. Pertes impériales : nulles.
Un transporteur de minerai se traînait vers le large. L’archaïque vaisseau corrodé avait connu des jours meilleurs et son équipage réduit tentait de le conduire hors de danger.
Cronus éprouva un certain plaisir quand les moteurs de poupe du colosse furent touchés de plein fouet et qu’il bascula dans une traînée de flammes, droit sur un anneau d’amarrage où se trouvaient les quartiers des ingénieurs.
Cronus ne ralentit pas son action. Il lança la flotte sur les œuvres vives des chantiers, l’artillerie tirant sans discrimination.
Les forces rebelles se mobilisèrent avec une rapidité remarquable. Des chasseurs convergeaient déjà sur les Victory, pilotés par des ouvriers ou des soldats en permission.
— Destruction maximum, mais je ne veux pas d’engagement avec les défenses rebelles, ordonna Cronus. Nous n’avons pas à nous en préoccuper. Nous continuons à ce rythme. On va les laisser tremblants de peur.
Il se dit que les Rebelles, pour réagir si vite, avaient dû être alertés. On les avait prévenus de l’offensive de Daala. Une fois encore, il banda les muscles de ses bras.
Les chasseurs concentraient leur feu sur deux unités et Cronus ne put qu’admirer leur stratégie. Leur flottille était trop réduite pour causer des dégâts majeurs à la force de Cronus... Mais en choisissant une cible unique, ils pouvaient...
Un Victory explosa dans un nuage de shrapnels qui mit hors de combat une dizaine de chasseurs ennemis.
Cronus fut à la fois déçu et irrité.
— Forcez la vitesse ! Replions-nous !
Le deuxième Victory fut détruit mais, cette fois, le commandant n’eut pas le réflexe de mettre à profit l’explosion pour endommager d’autres chasseurs.
Le bilan était loin d’être parfait, et le dépit de Cronus augmenta encore.
La formation traversa une station de ravitaillement, puis une forêt périlleuse de poutres à la dérive. Cronus ordonna le déploiement des détonateurs à retardement dans les nuages de débris. Les puissantes micro-mines allaient se répandre et ne seraient activés que plus tard, quand les Rebelles commenceraient les opérations de nettoyage. Une jolie surprise dont Cronus se réjouissait par avance. Ils seraient loin quand la destruction reprendrait.
— Les lignes de défense rebelle sont maintenant alignées, colonel, dit l’officier de détection. Leurs forces se regroupent.
Cronus hocha la tête.
— Il est temps de prendre le large. Nous avons ravagé tout ce que nous pouvions.
La flotte des Victory s’enfonça dans l’hyperespace sous les salves des Rebelles.
Les vastes musées de Porus Vida étaient renommés dans toute la galaxie. Ils avaient des siècles – et, de façon étonnante, ils ne disposaient d’aucune défense. Le colonel Cronus ne les considérait pas comme une cible militaire... mais l’amiral Daala les avait fait figurer sur sa liste à titre de frappe psychologique, et Cronus devait obéir à ses ordres.
Pour ses vaisseaux, ce ne fut qu’une simple manœuvre : ils survolèrent les bâtiments emplis d’œuvres d’art et de documents et déclenchèrent leurs turbolasers. Les capteurs retransmirent à Cronus les images de sculptures embrasées, de statues gracieuses qui fondaient avec des expressions de pure joie esthétique et se changeaient en lave.
Les pelouses magnifiquement entretenues se flétrissaient dans l’instant. Les fontaines et les étangs grouillants de poissons entraient en ébullition et les visiteurs tombaient sur les sentiers dans des cris de souffrance.
Les musées flambaient, des trésors de civilisation étaient anéantis.
Le colonel Cronus plissa les lèvres. Qui se souciait de toute cette culture, après tout ? Il était en train d’anéantir leur histoire pour écrire la sienne.
La Flotte Impériale rencontra inopinément le convoi diplomatique de la Nouvelle République, mais ce fut Cronus qui profita de l’avantage de la surprise.
Le convoi était composé de neuf cylindres reliés par une fine trame de voiles solaires : un collier de fleurs tournant dans l’espace. Poussé par des moteurs subluminiques, il approchait d’une station de ravitaillement. Magnifique, songea Cronus, mais si lent, peu manœuvrable et vulnérable.
Dès qu’il capta les communications des non-humains, Cronus vit qu’il s’agissait de fragiles créatures insectoïdes à ailes de papillon, presque dépourvus d’armement. Et quand ses Victory frappèrent, réduisant les voiles solaires en cendres, il reçut aussitôt un message de reddition sans condition.
Qui n’intéressait pas le colonel Cronus.
Il vérifia l’identification du convoi et sa mission et classa l’information au cas où Daala en aurait besoin, avant de donner l’ordre qu’on anéantisse les non-humains.
— Ce sont les alliés de nos ennemis, dit-il. Ils apportent leur allégeance en même temps que des cadeaux. Ils ont choisi le mauvais camp et ils vont le payer.
Les turbolasers découpèrent la sphère de l’ambassadeur et ses passagers furent crachés dans le vide comme une giclée de sang.
Les vaisseaux continuèrent leurs tirs jusqu’à ce que le réservoir de carburant explose. Cronus revint sur le circuit de communication.
— Ce convoi est dépourvu de défense. Nous pouvons prendre le temps d’achever le travail.
Les commandants des superdestroyers, encore amers d’avoir perdu deux unités dans les Chantiers de Chardaan, se délectèrent en hachant menu tous les vaisseaux-papillons...
Ils s’attardèrent encore un moment dans le chaos. Cronus donna enfin l’ordre de dégager.
— Du bon travail, fit-il. À présent, il est temps de rejoindre l’amiral Daala à Yavin 4.
Il ferma les yeux et se relaxa brièvement tandis que la flotte prenait son cap.