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— Hé ! cria Anna en se précipitant, qu'est-ce qu'il se passe ?

Monsieur Chesnay, le postier, menaçait du poing un grand chien efflanqué qui gémissait, la tête basse. Il y avait trois garçons : Dany et deux autres, qu'Anna n'avait jamais vus. L'un d'eux, un grand maigre avec une tignasse blonde, saisit l'animal par le cou et le caressa pour le calmer.

— Vous n'avez pas le droit de jeter de pierres à mon chien ! cria-t-il.

Son compagnon, un petit gars trapu avec une drôle de tête hérissée de cheveux raides, fixait le postier, les poings serrés.

Dany, tout pâle, reculait prudemment.

— Fichez le camp d'ici, bande de voyous ! Gronda le postier.

C'était un gros homme rougeaud, totalement chauve, qui avait une énorme moustache et un long nez pointu.

— Je dirai à mon père que vous avez blessé Rusty ! Menaça le grand blond.

— Tu pourras lui dire aussi que tu t'es montré grossier envers un fonctionnaire de l'État ! répliqua le postier. Et que je déposerai une plainte contre vous si je vous surprends encore une fois ici, sales voyous !

— Nous ne sommes pas des voyous ! répliqua le petit brun.

Les trois garçons remontèrent la ruelle en courant, le chien sur leurs talons. Monsieur Chesnay passa devant Anna, tellement hors de lui qu'il la bouscula sans même lui jeter un regard, et poussa la porte du bureau de poste en jurant.

« Quel sale type ! », pensa Anna.

Tous les gosses de Darkwood détestaient le postier. Et il les détestait aussi. Il ne cessait de les injurier parce qu'ils traînaient dans le jardin, parce qu'ils écoutaient de la musique, parce qu'ils riaient trop fort ou parce qu'ils osaient jouer dans « sa » ruelle ! Un soir d'Halloween, Anna et toute une bande de copains avaient voulu dessiner des monstres sur ses fenêtres avec de la peinture en bombe. Mais monsieur Chesnay n'était pas d'humeur à supporter les farces d'Halloween. Les enfants l'avaient trouvé debout devant sa porte, un énorme fusil à la main !

Ils avaient rebroussé chemin, déçus, mais surtout très effrayés.

La ruelle avait retrouvé sa tranquillité et Anna repartit vers le jardin en pensant à Dany. Il lui avait paru si terrifié, si pâle qu'il semblait presque transparent sous le soleil torride de l'après-midi, comme si la lumière l'avait traversé. Ses deux copains, eux, n'avaient guère l'air impressionnés ! Des vrais durs ! Ou alors ils faisaient semblant.

— Je crois que je vais rentrer, soupira Anna. Il y a sûrement un feuilleton à la télé.

Elle s'engagea dans l'avenue bordée de grands ormes. Leur feuillage était si épais qu'il ne laissait presque pas passer les rayons du soleil.

Elle avait fait la moitié du chemin quand elle crut distinguer une silhouette noire entre les arbres. Anna la prit d'abord pour une branche qui bougeait. Mais ce n'était pas une branche. C'était… c'était bien quelqu'un.

L'inconnu se tenait dans les ombres mouvantes de feuilles, très grand, enveloppé d'un large manteau noir, le visage dissimulé. Anna sentit un frisson glacé la parcourir.

« Qui est-ce ? Pourquoi se cache-t-il ? Pourquoi m'observe-t-il ? »

L'inconnu leva lentement la main, comme pour lui faire signe d'approcher. Le cœur battant à se rompre, Anna fit un pas en arrière.

Y avait-il vraiment quelqu'un ? Tout à coup, Anna n'était plus sûre de ce qu'elle voyait : une mystérieuse silhouette d'homme ou juste un jeu d'ombres et de lumière ?

Alors elle entendit un chuchotement :

— Anna… Anna…

La grande ombre noire s'approchait lentement.

— Non ! cria Anna.

La panique l'envahit et elle s'enfuit en courant. Ses genoux tremblaient, ses jambes étaient de plomb. Mais elle se forçait à courir, plus vite, plus vite.

Est-ce qu'il la suivait ?

 

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LE FANTÔME D'À CÔTÉ

N° 16 de la série

Chair de poule