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Je ne perdis pas de temps. Je courus à la fenêtre et l'ouvris d'une main, tandis que de l'autre je saisis le ventilateur qui se trouvait à côté. Je le branchai à la puissance maximum et le dirigeai vers le Mutant qui fonçait sur moi.

— Noooon ! L'entendis-je hurler tandis le souffle de l'appareil le disloquait et l'entraînait vers l'extérieur.

— Oui, oui ! Criai-je joyeusement.

— Jamais je ne m'étais senti aussi heureux, aussi fort, aussi triomphant. Le ventilateur finissait de disperser le reste de la fumée et de l'envoyer au-dehors où un vent violent l'éparpilla aux quatre coins de la ville. J'avais vaincu le Mutant Masqué !

— Moi, un garçon de douze ans, j'avais détruit la pire canaille de la planète. D'après les lectures que j'avais faites, je savais que le Mutant pouvait changer ses molécules en n'importe quoi de solide et revenir ensuite à son état habituel. Mais moi, je l'avais fait se changer en gaz. Et pour récupérer toutes ses molécules maintenant, il allait avoir un sacré boulot ! Jamais il n'arriverait à se reformer.

« Jim, tu es vraiment génial ! » me dis-je en sautant et en dansant de joie.

C'était incroyable que cette fripouille ait pu croire que j'étais le Colosse Élastique ! J'avais tout inventé de A à Z. Et maintenant, j'étais libre. Libre et vivant ! J'avais tellement hâte de revenir à la maison que le trajet en bus me sembla durer des heures. Enfin, j'arrivai. En entrant, j'aperçus aussitôt l'enveloppe brune sur la petite table du couloir : la nouvelle édition du Mutant Masqué. Mais je m'en fichais pas mal ! J'étais si heureux d'être de retour ! Je proposai même à Coline de faire une partie de Frisbee. Elle n'en revenait pas. Jamais auparavant, je ne jouais avec elle ! Mais, aujourd'hui, je voulais seulement être heureux et célébrer le fait d'être en vie. Au bout d'une demi-heure de jeu, je proposai :

— Et si on mangeait quelque chose ?

— Oh, oui ! Je meurs de faim ! Maman a laissé un cake au chocolat sur l'étagère.

J'entrai dans la cuisine et pris le cake. Puis, j'allai chercher un couteau.

— Ne te coupe pas un morceau plus gros que le mien, hein ! me prévint Coline, surveillant mes gestes.

— Mais non, n'aie pas peur !

J'étais de si bonne humeur que même sa remarque ne m'énerva pas.

— Ça a l'air drôlement bon ! M'exclamai-je en commençant à entamer le cake.

Le couteau glissa malencontreusement sur mon doigt.

— Ouille !

Je levai la main et examinai ma blessure. Mais… qu'est-ce qui apparaissait à l'endroit de la coupure ?

Ce n'était pas du sang !

Le liquide était noir comme la nuit.

C'était de l'ENCRE !

— Eh ! Doucement ! protesta Coline lorsque je la bousculai en criant :

— Où est le dernier numéro du Mutant Masqué ? J'avais soudain l'impression que ma carrière dans les bandes dessinées était loin d'être terminée !

FIN