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Je fis un tour sur moi-même, mais ne vis personne. Pourtant, le rire persistait, doucereux et cruel.
— Qui est là ? Criai-je d'une voix aussi ferme que possible.
Le rire s'arrêta net.
Je continuai à chercher l'endroit d'où il pouvait provenir, lorsque mes yeux se posèrent sur un haut-parleur. C'était de là que le rire avait dû jaillir. Je l'examinai quelques secondes, pendant qu'une petite voix intérieure me soufflait :
« Va-t'en d'ici ! Cours et quitte cet immeuble. Il est encore temps… »
Je l'ignorai et appelai l'ascenseur. La porte coulissante s'ouvrit sur-le-champ, j'entrai et elle se referma aussitôt.
Je détaillai le panneau de commandes. Devais-je pousser le bouton du haut ou celui du bas ? La dernière fois, il s'était produit le contraire de l'effet désiré. Ne fallait-il pas, maintenant, choisir le sous-sol pour me retrouver au sommet de l'immeuble ? Je n'eus pas le temps de me décider : l'ascenseur se mit en marche tout seul ! Vers le haut !
Lentement, il entama sa montée. Jusqu'où ? Et qui l'avait appelé ? L'homme au rire sinistre ?
La course n'en finissait pas. Je commençais à trouver le temps long. Au-dessus du panneau, les numéros des étages défilaient régulièrement.
40, 41, 42…
L'appareil ne s'arrêta qu'au 46. Sans doute l'étage le plus élevé.
La porte s'ouvrit, et je me dépêchai de sortir. Devant moi, un couloir s'étirait sur une dizaine de mètres. Chose curieuse, les murs, le plafond, le sol, les portes : tout était gris. Cela donnait la désagréable impression de se trouver dans un vieux film en noir et blanc. Et comme d'habitude, pas âme qui vive aux alentours.
J'aurais tellement voulu entendre des voix, des rires ou même des bruits de machines, mais il n'y avait qu'un lourd silence, et les battements de mon cœur. Je m'engageai dans le couloir puis, après un tournant, dans un autre qui semblait sans fin.
Une étrange impression s'empara de moi : une impression de « déjà vu ». Oui, je reconnaissais ce couloir, il était dessiné dans mon dernier numéro du Mutant Masqué ! Dans l'histoire, il menait directement au quartier général du bandit. Seule différence notable : l'absence totale de couleurs, alors que ma bande dessinée en regorgeait.
Une pensée bizarre me vint. Tout ce que j'avais devant les yeux, si gris, si délavé, ressemblait à un croquis fait au crayon, et qui n'aurait pas encore été colorié. Mais cela n'avait pas de sens !
Tout à coup, j'entendis un bruit : Bump ! Bump !
Le cœur dans les talons, je m'arrêtai.
Bump ! Bump !
Cela semblait venir de loin, devant moi. Je me forçai à avancer. Arrivé à l'extrémité du couloir, je tournai. Là : surprise ! Les murs de ce couloir étaient d'un vert brillant, et le plafond bien jaune. Mes baskets s'enfonçaient dans une épaisse moquette rouge foncé qui menait à une porte métallique fermée par un énorme verrou.
Bump ! Bump !
Les bruits venaient de derrière cette porte.
— Il y a quelqu'un ? Appelai-je d'une voix que la peur rendait presque inaudible.
Seul le mystérieux bruit me répondait.
Bump ! Bump !
Je repris courage et, avec plus d'aplomb, insistai :
— Il y a quelqu'un là-dedans ?
Soudain, les bruits sourds s'arrêtèrent. Et je sentis mes cheveux se dresser sur ma tête lorsqu'une voix appela :
— Est-ce que vous pouvez m'aider ?
Je restai pétrifié, mais la voix répéta :
— Ho ! Pouvez-vous m'aider à sortir de là ?
Je ne savais plus quoi faire. Devais-je essayer de délivrer cet homme ? Qui était-il ? Que faisait-il ici ? Tant pis, je me décidai. Je saisis le verrou des deux mains et le tirai. À ma grande surprise, il glissa très facilement.
Je poussai la porte et, une fois entré, je ne pus m'empêcher de crier, stupéfait :
Vous ? Vous ? Vous êtes réel ?