Chapitre 20 : Les aveux du traître

 

  Mais je les ai vus ! ne cessait de répéter Prescott, la voix de plus en plus rauque, en suivant Vince jusqu’aux Land-Rover. Il y avait des géants. L’un d’eux dépassait les arbres. Il laissait des empreintes aussi énormes que… que…

 

Il bafouillait et gesticulait, ses bras faisant de grands moulinets. L’ignorant délibérément, Vince rangeait sa caméra dans un étui protégé.

 

L’inspecteur Finney essuya délicatement ses lunettes avec sa cravate avant d’intervenir :

 

  Mr Prescott, vous vous êtes ridiculisé. Cette émission est un fiasco. N’en rajoutez pas.

 

Les yeux sauvages, Prescott se retourna vers lui.

 

  J’exige que vous fassiez une enquête dans cet établissement, inspecteur. Il y a un problème, je vous assure. Ils vous ont trompé.

 

  Mr Prescott, veuillez changer de ton, répondit Finney d’un ton sec. Si j’avais une enquête à faire, ce serait sur vous et vos méthodes. Vous vous êtes introduit dans ce château sans autorisation, à ce que j’ai cru comprendre ?

 

  Vous êtes cinglé ? explosa Prescott, puis il se calma, à grand-peine. Oui, je vous l’ai déjà dit, quand j’ai été prévenu par un indic de ce qui se tramait ici. C’était quelqu’un de l’intérieur !

 

  Avez-vous contrôlé les dires de cette personne ?

 

  Eh bien, pas vraiment, admit le journaliste. La grenouille en chocolat m’a suffi. Je n’ai…

 

  Pardon ? coupa Finney, les yeux étrécis. Vous avez bien parlé d’une grenouille en chocolat ?

 

  Euh… En fait. Voyez-vous, mon indic était absolument certain qu’il se passait des choses étranges et…

 

  Parce que vous estimez qu’on n’a pas le droit d’enseigner la magie ?

 

  Oui ! Euh – non ! Je ne parle pas de tours de magie, mais de magie véritable. Avec des monstres, des géants, des escaliers qui disparaissent, des voitures qui volent !

 

  Et tout ceci vous a été confirmé par une grenouille en chocolat ?

 

Prescott ouvrit la bouche pour répondre, puis il se figea et se redressa de toute sa taille, à la fois indigné et en colère.

 

  Ne vous moquez pas de moi !

 

  Il m’est difficile de vous prendre au sérieux, monsieur, répondit le policier. Voudriez-vous me donner de plus amples précisions sur vos sources ?

 

Le visage de Prescott s’éclaira tout à coup.

 

  Oui, volontiers. Je me suis arrangé avec Miss Saccarine pour qu’il nous rejoigne aujourd’hui, aussi il devrait être…

 

Il se tourna, et chercha du regard autour de lui.

 

  Vous aviez déjà rencontré Miss Saccarine ? insista Finney.

 

À son tour, le policier chercha autour de lui, levant aussi les yeux en haut des marches de la cour. La plupart des professeurs de l’école, et de très nombreux élèves, regardaient toujours, avec un intérêt aimable, l’équipe de journalistes emballer son matériel à grand soin. Mais ni Miss Saccarine ni Mr Mecreant n’était en vue.

 

  Il est étrange que Miss Saccarine connaisse votre indic, dit le policier. Vous en êtes certain ?

 

  Oui, dit Prescott, qui cherchait toujours autour de lui. Où est-elle ?

 

  Votre indic serait-il venu avec votre équipe, dit Finney, en étudiant les hommes agglutinés autour des deux Land-Rover. Je ne me souviens pas de l’avoir rencontré.

 

  Pourtant, il était là. Un homme très calme, presque invisible. Il a un tic au sourcil droit.

 

  Ah, oui, se souvint Finney. J’ai trouvé effectivement son attitude étrange. J’aimerais beaucoup m’entretenir avec lui.

 

  Moi aussi, dit Prescott, le visage sombre.

 

 

En haut des marches, Mr Hubert se tourna vers la directrice, Neville Londubat et Harry Potter.

 

  Je pense que nous pouvons dorénavant faire confiance à nos amis pour retrouver le chemin de la sortie. Madame la directrice ? N’avons-nous pas quelques affaires urgentes à régler ?

 

McGonagall hocha la tête, puis elle se détourna et entraîna le groupe à l’intérieur. Harry regarda James avec un sourire.

 

  Suis-nous, James, dit-il. Ralph et Zane, venez aussi.

 

  Vous en êtes sûr ? demanda Ralph, en regardant la directrice traverser l’entrée d’un pas vif.

 

  « Mr Hubert » a spécifiquement réclamé votre présence à tous les trois, répondit Harry.

 

  C’est génial d’avoir des amis hauts placés ! s’exclama Zane avec entrain.

 

  Bon, déclara la directrice, tandis que le groupe entrait dans la Grande Salle déserte, ça s’est passé aussi bien que possible, même si Mr Ambrosius a eu la main un peu lourde avec son charme d’amour. Je vous signale que Mr Finney insiste pour m’inviter à dîner, lors de mon prochain déplacement à Londres.

 

  Vous devriez accepter son offre, madame, répondit Merlin. (Il enleva ses gigantesques lunettes et arracha l’élastique qui avait retenu la queue de cheval de « Mr Hubert ».) Je vous certifie lui avoir lancé le plus léger des sortilèges. Comment aurais-je pu savoir à l’avance que l’inspecteur Finney avait une prédilection naturelle pour les femmes élégantes au fort caractère ?

 

  Vraiment ? (La directrice jeta à Merlin un regard soupçonneux.) Je présume que c’est une plaisanterie !

 

James jugea utile d’intervenir.

 

  Comment étiez-vous au courant pour le Garage, Merlin ? Quand le Moldu a demandé à y aller, j’ai vraiment cru qu’on était cuit.

 

Merlin lui jeta un coup d’œil par-dessus son épaule.

 

  Je ne connaissais rien sur le garage, James Potter. Les arbres non plus d’ailleurs, contrairement à la Ford Anglia et à Mme Delacroix. Mais peu importe, l’improvisation a toujours été un de mes plus grands talents.

 

  Comment avez-vous pu ramener la Caspule jusque-là ? Demanda Ralph. C’était une idée géniale.

 

  Ah, cette fois, les arbres m’avaient indiqué cette histoire, répondit Merlin. Je me suis contenté d’un échange d’environnement.

 

  Dément ! dit Zane avec un grand sourire. Alors, les voitures volantes d’Alma Aleron sont dans la vieille grange, dans le champ du fermier moldu ?

 

  Je suis certain qu’elles apprécieront leur visite, dit Merlin, avec un hochement de tête.

 

Le groupe traversa la Grande Salle, et monta quelques marches, vers l’estrade où mangeaient d’ordinaire les professeurs. Puis McGonagall ouvrit une porte sur le mur du fond, et conduisit les autres dans un parloir agréable, avec de nombreux sièges, une cheminée sombre, et un sol dallé. Saccarine et Mecreant s’y trouvaient déjà, ainsi qu’une troisième personne que James ne connaissait pas.

 

  C’est un scandale, madame la directrice ! s’écria aussitôt Mecreant en bondissant sur les pieds. D’abord, vous amenez cet… individu qui usurpe notre autorité, ensuite vous avez l’audace de nous soumettre à un sortilège Bloclang. Le ministre sera…

 

  Taisez-vous, Trenton ! dit Saccarine d’un ton sec.

 

Vexé de la rebuffade, Mecreant cligna des yeux, mais il se tut. Il regarda Saccarine, sans comprendre, puis passa plusieurs fois d’elle à la directrice.

 

  Voici, pour une fois, un excellent avis, Brenda, dit Harry, en avançant d’un pas. Mais ne vous inquiétez pas, le ministre sera mis au courant.

 

  Nous n’avons commis aucun délit, Mr Potter, et vous le savez, dit Saccarine d’un air détaché, en examinant ses ongles. Le retour de Mr Ambrosius a aidé le monde magique à préserver la Loi du Secret. Tout est bien qui finit bien.

 

Harry hocha la tête

 

  Je suis heureux de vous l’entendre dire, Brenda, mais je trouve étrange que vous connaissiez déjà le vrai nom de Mr Hubert. Vous n’avez pas, j’en suis certain, laissé la moindre preuve permettant de vous rattacher à Mme Delacroix, au sort si infortuné, ou à Merlin. Mais qu’allons-nous faire de votre ami, ici présent ?

 

L’attention générale se tourna alors vers le troisième homme, assis sur une chaise entre les deux représentants du ministère. Il était petit et grassouillet, avec de fins cheveux noirs, et un tic au sourcil droit. Il sembla se recroqueviller sur lui-même sous le poids des regards posés sur lui.

 

Ralph, qui avait été le dernier à rentrer, se fraya un passage entre Merlin et le professeur Londubat. Son front était plissé de perplexité.

 

  Papa ? dit-il, sidéré. Mais qu’est-ce que tu fais là ?

 

L’homme fit une grimace, et se couvrit le visage à deux mains. Quand Merlin se retourna pour regarder Ralph, son large visage sombre était aussi figé qu’un masque de pierre. Il posa la main sur l’épaule du garçon.

 

  Cet homme a dit s’appeler Dennis Deedle, annonça-t-il. J’avais peur que vous le reconnaissiez.

 

  Qu’est-ce qu’il fait là ? demanda Neville.

 

  Je pense que son rôle dans cette débâcle est évident, dit la directrice avec un soupir. C’est lui le responsable – c’est lui qui a guidé Mr Prescott jusqu’au château.

 

  Quoi ? s’exclama Ralph, en se tournant vers McGonagall. Pourquoi dites-vous ça ? C’est terrible de l’accuser ainsi !

 

  Il est venu avec l’équipe de Mr Prescott, dit calmement Harry. Il a essayé qu’on ne le remarque pas. Peut-être avait-il peur que tu le reconnaisses, Ralph. Plus tard, une fois le secret révélé, ça n’aurait plus eu d’importance, bien entendu. Mais les choses n’ont pas exactement tourné comme prévu.

 

  C’est ridicule, insista Ralph. Mon père est un Moldu. Il a signé le serment des parents moldus, sur le contrat, quand je suis rentré à l’école. D’ailleurs, il n’aurait jamais fait une chose pareille, même si ça avait été possible. Je ne sais pas ce que mon père fait ici, mais ce n’est pas du tout ce que vous croyez.

 

Merlin n’avait pas retiré sa main de l’épaule de Ralph. Il la tapota doucement.

 

  Mr Deedle, pourquoi ne pas poser directement la question à votre père ?

 

Quand Ralph leva les yeux vers l’énorme sorcier, il avait le visage pincé de colère et d’émotion. Puis il chercha autour de la pièce, scrutant tous les sorciers, un par un, avant de tourner les yeux vers son père.

 

  Très bien. Papa, qu’est-ce que tu fais là ?

 

Dennis Deedle avait toujours le visage caché dans les mains. Pendant plusieurs secondes, il ne bougea pas. Puis il prit une profonde inspiration, se redressa, et releva la tête. Un long moment, il regarda son fils, puis il se tourna vers le reste de l’assemblée.

 

  Très bien. Oui, j’ai contacté Prescott. (Il parlait d’une voix calme, et semblait s’être repris.) Je lui ai envoyé une boîte avec une Chocogrenouille, et ensuite une GameDeck. Je l’avais utilisée pour communiquer avec quelqu’un de l’école – qui utilisait le pseudo d’Austramaddux. Une fois le contact établi, je savais que Prescott n’aurait aucun mal à retrouver l’école avec un GPS.

 

Le visage de Ralph s’était figé dans une expression de désespoir et d’étonnement.

 

  Mais papa, pourquoi ? Pourquoi as-tu fait une chose pareille ?

 

  Oh, Ralph, je suis désolé. Je sais que tu ne peux pas comprendre. Toute cette histoire est très… très compliquée. L’émission de Prescott, « Creusons le sujet », offrait une prime importante pour celui qui apporterait la preuve d’un phénomène surnaturel. Et ces derniers temps, j’ai eu des problèmes, je… j’avais vraiment besoin d’argent. Je cherche du travail depuis mon licenciement, mais c’est dur. J’ai pensé que la Chocogrenouille serait suffisante pour toucher la prime. Franchement, au début, je ne voulais rien faire d’autre. Mais Prescott a insisté. J’ai compris qu’il fallait que je lui montre quelque chose de vraiment exceptionnel pour qu’il…

 

Sa voix vacilla. Dennis se tut, et jeta un coup d’œil inquiet à ceux qui l’entouraient.

 

  Vous n’avez jamais reçu l’argent, dit Merlin, de sa voix basse et rauque. D’ailleurs, ce n’était pas ce qui vous intéressait réellement.

 

Dennis fronça les sourcils en regardant Merlin. Il cherchait de toute évidence comment s’exprimer. Près de lui, Saccarine fit un petit bruit de gorge significatif. Dennis tourna la tête vers elle, quittant Merlin des yeux.

 

  L’argent… dit-il d’une voix incertaine. Prescott avait dit qu’il me paierait la prime une fois l’émission enregistrée. Il l’avait promis.

 

  Dorénavant, rappela Merlin, il n’y aura pas d’émission.

 

  Tu as cru que ça valait le coup de trahir le monde magique parce qu’on avait des problèmes d’argent, papa ?

 

La voix de Ralph n’était pas accusatrice, simplement perplexe. Il y avait une telle déception dans son intonation que James en eut le cœur brisé.

 

  Non, fils ! s’exclama Dennis, avant de détourner les yeux. Je n’ai pas pensé que le monde magique serait menacé. Voyons, ce n’était qu’une stupide émission de télévision. De plus…

 

Une fois de plus, il s’arrêta, et hésita, luttant contre lui-même.

 

  De plus quoi ? insista Merlin calmement.

 

Quand Dennis regarda à nouveau le grand sorcier, il avait le visage tendu – et le sourcil droit de plus en plus agité.

 

  De plus, qu’est-ce que le monde magique a jamais fait pour moi ? cracha-t-il. (A nouveau, il laissa tomber sa tête dans ses mains. Sa respiration était sifflante et difficile.) Le monde magique m’a laissé tomber, voilà tout. Il m’a rejeté et abandonné, comme une sorte de… de mutant sans valeur ! J’ai été dépouillé de mon nom, de ma famille. Mes propres parents m’ont renié parce que je n’étais pas comme eux. J’ai eu l’interdiction de les contacter, et je ne les ai jamais revus. Ils m’ont dit que je serais adopté par des Moldus ; que je vivrais dans le monde auquel j’appartenais ; que je serais bien plus heureux comme ça. Alors je me suis dit, pourquoi ne pas… ne pas me venger ? Ils ne voulaient pas de la honte que je représentais à leurs yeux ! J’aurais terni leur réputation chez les sorciers. Franchement, qu’est-ce que j’en ai à faire, moi, de la Loi du Secret ?

 

Ralph, qui ne comprenait plus rien, était malheureux et consterné.

 

  Mais qu’est-ce que tu racontes, papa ? Tu n’es pas un sorcier. Tes parents sont morts avant que je sois né. Tu as été aussi surpris que moi quand nous avons reçu la lettre de Poudlard.

 

Dennis essaya de sourire à son fils.

 

  Ralph, j’avais quasiment oublié mon passé. C’était il y a si longtemps ! J’avais tourné la page, vraiment. Mon fils, je suis un Cracmol. Tes grands-parents et ton oncle étaient parmi les sorciers les plus puissants du monde magique, une famille au sang pur, et moi, je suis né sans le moindre pouvoir. Ils m’ont élevé aussi longtemps qu’ils ont pu me cacher, tout en me détestant pour ce que j’étais. Mais quand j’ai eu 11 ans, je n’ai pas reçu de lettre de Poudlard. Il est devenu certain que je n’avais aucun talent magique, et ils n’ont pas pu le supporter. Ils m’avaient déjà caché des autres sorciers. A leurs yeux, j’étais une tare, horrible, répugnante. Mais ils ne pouvaient pas éternellement maintenir le secret. Alors, ils m’ont rejeté.

 

« Ils m’ont fait promettre de ne jamais parler d’eux, de ne jamais essayer de les retrouver. Ma mère était… je crois qu’elle était triste. Elle a pleuré, et tourné la tête pour pas que je la voie. Mais mon père s’est montré inflexible. Il n’a pas voulu céder. Il a engagé un chauffeur de taxi moldu pour m’emmener dans un orphelinat. Ma mère est restée dans la voiture, et seul mon père m’a conduit à l’intérieur. Quand elle a voulu m’embrasser et me dire au revoir, mon père a refusé. Il a dit que ce serait mieux pour nous tous. Il a lancé un Sortilège d’Altération de la mémoire sur le personnel de l’orphelinat, pour leur faire croire que j’avais été emmené, après le décès de mes parents, par un fonctionnaire quelconque. On m’a donné un lit, quelques vêtements, et mon père m’a quitté. Je ne l’ai jamais revu. Ma mère non plus.

 

Les yeux de Dennis Deedle n’avaient pas quitté le visage de son fils tandis qu’il parlait.

 

Merlin intervint.

 

  Vous avez été traité d’une façon indigne, Mr Deedle. Je présume d’ailleurs qu’il ne s’agit pas de votre véritable nom ?

 

  Non. Mon père m’a inventé un nouveau nom, admit Dennis d’une voix dure. Un nom que je déteste !

 

  Et quel était votre nom d’origine ?

 

  Dolohov, répondit le père de Ralph, et sa voix rendit un écho étrange, presque mort. Mon véritable nom est Denniston Gilles Dolohov, fils de Maximillion et Wilhelmina Dolohov. Mon frère aîné était Antonin Dolohov, mais il est né d’une première union de mon père.

 

Il y eut un moment de silence pesant, puis McGonagall annonça :

 

  Mr Dolohov, réalisez-vous que ce que vous avez fait pourrait vous faire envoyer à Azkaban ?

 

Dennis cligna des yeux, comme s’il sortait d’une transe.

 

  Quoi ? Non, bien sûr que non ! On m’a certifié que rien n’était illégal.

 

Saccarine sembla s’étouffer.

 

  Mr Deedle, dit-elle très vite, il serait préférable de ne plus répondre à d’autres questions avant d’avoir un avocat à vos côtés.

 

  Pourquoi ? demanda Dennis en la regardant avec inquiétude. Pourquoi aurais-je des ennuis ? Vous m’aviez promis…

 

  Taisez-vous, monsieur ! intervint Saccarine. C’est dans votre intérêt, je vous assure.

 

  Mais vous m’aviez affirmé que je rendrais au monde magique un grand service, s’exclama Dennis. (Il se mit debout, et jeta un coup d’œil à Harry.) Elle m’a promis de s’occuper de moi, même si Prescott et son équipe ne me versaient pas la récompense. Elle a dit que l’argent était sans importance, par rapport au service rendu. Quand je suis venu les voir…

 

  Taisez-vous ! répéta Saccarine d’une voix glacée. Et asseyez-vous, Mr Deedle.

 

  Ne m’appelez pas comme ça ! Je déteste ce nom ! (Dennis recula, et à nouveau, il se tourna vers Harry.) Elle m’a affirmé que j’avais le droit de parler à Prescott. Je lui ai expliqué ce que je comptais faire. Je savais qu’il fallait que je vérifie la position du Ministère de la Magie. Elle m’a dit que le contrat que j’avais signé, quand Ralph a été admis à Poudlard, serait sans effet sur moi parce que je n’étais pas véritablement un Moldu. D’autre part, j’avais quitté le monde magique avant d’être assez âgé pour signer la Loi du Secret, comme tous les enfants de sorciers, en rentrant à Poudlard. Aussi, d’après elle, je n’enfreignais aucune loi. Elle m’a promis que tout irait bien. Elle a dit que ça correspondait à la politique actuelle du ministère, et que je serais traité en héros.

 

  Miss Saccarine, dit Harry, qui sortit sa baguette, mais sans la brandir, qu’avez-vous à répondre aux accusations de cet homme ?

 

  Rien du tout, répliqua-t-elle d’un ton sec. Il a de toute évidence perdu l’esprit. Personne ne croira un seul mot provenant d’un tel individu. Un Cracmol !

 

  Mr Mecreant, demanda Harry, en se tournant vers le sorcier effondré. Confirmez-vous ce que vient d’affirmer Miss saccarine ?

 

Les yeux de Mecreant papillonnaient comme des mouches, passant de Harry à Saccharine.

 

  Je… commença-t-il, puis il baissa les yeux et la voix. J’aimerais pouvoir vous parler hors de la présence de Miss Saccarine.

 

  Mr Mecreant, cria la sorcière d’une voix aigue, je suis votre supérieur hiérarchique, et je vous interdis formellement…

 

  Vous n’avez rien à interdire, Miss, dit Neville fermement, en sortant sa propre baguette.

 

  Au nom de l’immunité diplomatique, je dois insister…

 

Saccarine se figea quand Harry Potter la menaça de sa baguette.

 

  Au nom du ministre de la magie, et du bureau des Aurors, dit-il, je vous arrête, Brenda Saccarine, pour atteinte au code international, à la loi du secret, et pour vol qualifié dans l’enceinte du Ministère de la Magie.

 

Saccarine essaya de sourire, mais sa tentative fut plutôt pitoyable.

 

  Vous ne pourrez rien à prouver, Mr Potter. Vous jouez là un jeu très dangereux. Je ne vous avertirai qu’une seule fois : abandonnez vos prétentions à mon encontre.

 

  Vous auriez dû réfléchir, Miss Saccarine, avant de comploter avec des gens qui vous méprisent, intervint Merlin, avec un sourire froid. J’ai eu une conversation très intéressante et enrichissante avec Mme Delacroix, quand je l’ai découverte dans la forêt. Je crains qu’elle n’ait beaucoup à raconter à votre sujet, et je ne peux pas dire que ce soit particulièrement flatteur.

 

Neville, suivi par la directrice, conduisait déjà Mr Mecreant hors de la pièce. Harry agita sa baguette.

 

  Venez, Miss Saccarine, Titus Chateaubourg vous attend. Il va vous raccompagner au ministère. Je vous signale que la patience n’est pas sa caractéristique principale.

 

Le visage de Saccarine se figea quand elle réalisa ne plus avoir d’options. Elle a dû se préparer une bonne ligne de défense, pensa James, en la regardant quitter la pièce, suivie par son père. Les gens comme Brenda Saccarine s’arrangeaient toujours pour ne pas laisser de traces. Pourtant, sa position au ministère serait sans doute compromise. Lorsque la porte qui menait à la Grande Salle s’ouvrit, James vit Titus Chateaubourg. L’Auror arborait un sourire sans joie, sa baguette pointée vers le sol.

 

James resta seul dans la pièce avec Merlin, Zane, Ralph, et Dennis Dolohov.

 

Dennis regarda son fils, puis lui effleura l’épaule.

 

  Je suis désolé, Ralph, vraiment. Je suis tellement… troublé.

 

  Tu aurais du me le dire, papa, dit Ralph, les yeux baissés.

 

Dennis acquiesça. Au bout d’un moment, il leva les yeux vers Merlin.

 

  Dois-je aller dans cette prison des sorciers ? demanda-t-il, en essayant que sa voix ne tremble pas. Je… je ne compte pas faire d’histoires, vous savez.

 

  Non, Mr Dolohov, répondit Merlin, je présume que vous n’irez pas. Vous aurez droit aux circonstances atténuantes.

 

Puis Merlin se tourna et, d’un signe, guida le groupe vers la sortie. Quand il ouvrit la porte de la Grande Salle, il ajouta :

 

  Mais vos actes inconsidérés ont provoqué un grand tumulte. De toute évidence, la sécurité de cette école, si forte autrefois, ne suffit plus à affronter la technologie des Moldus à l’époque moderne. Peut-être pourriez-vous réfléchir à différentes manières de rectifier la situation ?

 

  Que suggérez-vous au juste ? demanda Denis, les sourcils froncés. Que je vous aide ?

 

  Pourquoi pas, dit Merlin, en haussant les épaules. Je remarque simplement une coïncidence intéressante : vous avez besoin d’un emploi, et nous avons besoin d’un expert en sécurité, surtout d’un sorcier qui se trouve connaître la technologie moldue. Franchement, vous me paraissez parfaitement qualifié.

 

Dennis eut un grand sourire qui exprimait son soulagement.

 

  Je vous remercie monsieur, j’y songerai.

 

  Je ne suis pas en position de vous faire une offre ferme dans cette école, bien entendu, dit Merlin, qui traversa la Grande Salle de sa longue foulée décidée. Mais je connais bien la directrice. Je verrai ce que je peux faire pour vous.

 

  Alors Ralphinator, dit Zane en suivant Ralph et James dans l’entrée, voilà qui explique tes dons de sorcier, non ? Bien sûr, ta famille n’est qu’une bande de cruels monstres sans cœur au sang pur, mais c’est sans importance. Maintenant au moins, on sait pourquoi tu as été envoyé à Serpentard.

 

  Peut-être, dit Ralph d’une voix calme. Mais aujourd’hui, j’ai encore du mal à suivre. D’ailleurs, je n’ai aucun don de sorcier. Tout provenait du bâton de Merlin.

 

En entendant son nom, Merlin s’arrêta net devant les escaliers, puis il se retourna lentement et étudia Ralph d’un regard perçant.

 

  Vous étiez le gardien de mon bâton ?

 

  Oui, j’imagine, répondit Ralph, dégoûté. Au moins, je l’ai empêché de tuer quelqu’un. Mais de justesse.

 

  Ne l’écoutez pas ! coupa Zane. Il a été sublime avec sa baguette. Une fois, il a sauvé la vie de James. Il a aussi fait pousser un pécher dément avec une banane. Bon d’accord, un jour, il a scalpé Victoire en DFM, mais c’était pas très grave. On en avait tous envie – ne serait-ce que pour la faire taire.

 

Quand Merlin s’approcha de Ralph, James vit quelque chose qui le laissa sans voix. Il était certain que le sorcier ne portait pas son bâton la minute précédente. Et pourtant, quand il s’accroupit sur un genou en face de Ralph, il le tenait dans la main droite. Les runes, gravées sur toute la longueur du bois, étaient noires, mais James se souvenait de la lueur vert pâle dont elles avaient lui la nuit précédente.

 

  Mr Deedle, dit Merlin, puis il s’arrêta, réfléchit, et demanda : Dois-je vous appeler Mr Dolohov ?

 

  Non, répondit Ralph, en jetant un coup d’œil vers son père, je me suis attaché à Deedle. Je ne crois pas être prêt à changer pour Dolohov. Désolé, papa.

 

Dennis eut un petit sourire compréhensif.

 

  Très bien, Mr Deedle, continua Merlin, je peux vous assurer que mon bâton n’aurait jamais accepté n’importe quel sorcier. Vous savez sans doute qu’on prétend que « c’est toujours la baguette qui choisit le sorcier ». C’est la vérité. Mme Delacroix a peut-être cru que vous n’étiez qu’une simple marionnette, destinée à lui rapporter le bâton, mais elle se trompait. C’est mon bâton qui vous a choisi. Un sorcier moins puissant n’aurait pas été capable de le tenir, encore moins de l’utiliser. Mais vous, sans le savoir, vous avez maintenu mon bâton sous votre pouvoir. Vous n’aviez aucune idée de la force magique qu’il faut pour le faire, et pourtant, vous y avez réussi. Mon bâton vous a obéi, et je peux vous assurer que c’est la marque d’un très très grand sorcier. D’ailleurs, dorénavant, ce bâton vous appartient en partie, Mr Deedle. Je l’ai senti. Je savais qu’il n’était plus entièrement en mon pouvoir, mais j’ignorais avec quel sorcier je le partageai. Maintenant, je le sais.

 

Merlin baissa son bâton, et le posa sur son genou. Il ferma les yeux, et remua les mains sur la longueur du bois, le touchant à peine. Immédiatement, les runes flamboyèrent, répondant à son toucher. Merlin resserra la main sur la partie supérieure, plus fine, de son bâton, et d’un simple mouvement du poignet, il cassa les trente derniers centimètres. Il ouvrit les yeux, et tendit à Ralph le morceau qu’il avait détaché.

 

  Je crois, Mr Deedle, que vous avez besoin d’une baguette.

 

Ravi, Ralph accepta l’offrande de Merlin. Et immédiatement, le bâton cassé redevint sa baguette, aussi ridicule, aussi épaisse, avec un bout peint en vert criard. Avec un grand sourire, Ralph la caressa tout du long.

 

  Peut-être votre baguette ne sera-t-elle pas aussi puissante qu’auparavant, bien sûr, dit Merlin, en se relevant. (Il posa sur le sol son bâton, nettement plus court.) Mais je vous certifie que vous réussirez encore à faire des choses remarquables avec.

 

  Merci Monsieur, dit Ralph le visage grave.

 

  Ne me remerciez pas, dit Merlin en relevant un sourcil. Comme je vous l’ai expliqué, il était à vous, Mr Deedle. Vous l’avez mérité.

 

  Alors le sorcier donne au lion trouillard son courage, dit Zane avec un grand sourire. Pourquoi James ne finirait-il pas par avoir un cerveau ?

 

Le sourcil de Merlin se releva davantage, et ses yeux bleus glacés passèrent de Zane à James.

 

  Ne l’écoutez pas, dit James, en riant. C’est une histoire de Moldu. Vous ne pourriez pas comprendre.

 

Sur ce, le groupe se dirigea vers les escaliers.

 

  Dépêchez-vous, cria Ralph, en escaladant les marches deux par deux. Je veux montrer ça à Ted et aux autres Gremlins. J’ai retrouvé ma baguette ! Tabitha Corsica peut garder son stupide balai.

 

Dans les escaliers qui se déplaçaient, les trois garçons firent la course en se bousculant, suivis d’un pas plus calme par Merlin et le récemment renommé Dennis Dolohov.

 

  Vous êtes certains qu’il ne risque rien avec cette baguette ? demanda Dennis à Merlin d’un air inquiet.

 

Merlin se contenta de sourire. En montant, il tapait les marches de son bâton. Personne ne remarqua que des étincelles vert pâle jaillissaient du bout en bois, et brillaient comme des lucioles derrière le grand sorcier.