IV
GERTRUDE
Jim posa une barrière entre Lucie et lui.
Au bout de quinze jours, après une cour qu’elle rendit héroïque et amusante, Gertrude fut à Jim. Elle venait le trouver le soir une ou deux fois par semaine. C’était une créature généreuse. Entre-temps, elle lui parlait inépuisablement de sa vie, qu’elle voyait comme un match continuel contre Dieu. Elle jouait perdant. Elle révélait à Jim tout un Nord qu’il ignorait. Elle l’associait à ses problèmes. Jamais, bien que Jim sentît parfois ses paupières tomber, ils ne dormirent. Elle goûtait la façon d’écouter de Jim, sans lui donner elle-même une extrême attention. Elle était éprise de Napoléon, rêvait qu’elle le rencontrait dans un ascenseur, qu’il lui faisait un enfant, et qu’elle ne le revoyait jamais.
— Qu’il est charmant notre Jules, disait-elle. Il comprend les femmes mieux qu’aucun homme que je connaisse, et pourtant, quand il s’agit de nous prendre… il nous aime trop et pas assez. Il est spirituel et charnel à contretemps. J’ai essayé en vain de l’aider. Lucie est pour lui une idole patiente. Jules est un découvreur, un poète, mais, comme mari, sa douceur deviendrait créancière.
Gertrude et Jim finissaient leur nuit par une promenade dans les bois, au lever du soleil. Ils allaient chercher dans une calèche de louage le beau fils de quatre ans qui, assis sur le siège à côté du vieux cocher, apprenait à tenir les rênes et à faire galoper les chevaux, à claquer du fouet et à jurer, ses blonds cheveux agités par le vent.
Après quoi Jim rentrait se coucher pour la journée et il ruminait ce que lui avait conté Gertrude.
Jules fut tenu au courant par Gertrude et par Jim. Jules les voyait tout autant, mais séparément. Avec chacun il parlait de l’autre, et il goûtait, à sa façon, leur plaisir.