1 Philosophe Allemand, que l’on dit être un homme profond. Il est encore plus admiré qu’il n’est entendu, de ceux qui lisent ses ouvrages. (note de l’auteure)
2 Beaucoup de gens trouvent mauvais, a dit à l’auteur des trois femmes un homme de sens et d’esprit, beaucoup de gens trouvent mauvais que vous présentiez, sous toutes sortes de formes le Que sais-je ? de Montagne. C’est la seule critique raisonnable qui me soit parvenue. (note de l’auteure)
3 Jésus-Christ a fait peu de longs discours, et n’a dicté ni les Évangiles ni les Épîtres. (note de l’auteure)
4 Vous qui descendant d’une sorte d’empirée et dédaignant toute vaine exagération, voulez dans une fiction attachante nous faire trouver des leçons vraiment utiles, ayez soin que les caractères de vos personnages une fois tracés et leurs premiers pas faits, il ne leur arrive rien qui put ne leur pas arriver. Le grand mérité de l’histoire de Clarisse consiste en ce qu’une fois qu’elle a consenti à la correspondance qu’un débauché homme de beaucoup d’esprit sollicite, elle ne peut plus retourner en arrière ni éviter son sort. J’oserai pourtant reprocher à Richardson que pour laisser ce sort s’accomplir il fait rester Miss Howe plus immobile que son amitié et son caractère ne le comportent. Dans mille autres romans de ma connaissance l’auteur dispose de ses personnages et de la nature entière par des actes arbitraires de sa toute-puissance sur l’œuvre de son imagination. S’agit-il de princes ou de héros on suscite une guerre ou une révolte. Les simples particuliers tombent de cheval à la chasse ou sont sur le point de se noyer en passant quelque rivière. Ce n’est pas qu’il doive, qu’il puisse n’y avoir rien de fortuit dans tout le cours de votre Roman mais rien de fortuit n’y doit être décisif, un orage effraie Didon qui fuit dans une grotte mais déjà elle avait écouté Énée, déjà elle avait caressé et pressé contre son sein l’Amour qu’elle prenait pour Ascagne. Si Lovelace eut dû servir de leçon aux hommes comme Clarisse aux femmes je penserais que sa mort est trop casuelle et dès lors trop peu effrayante pour ceux qui seraient tentés d’imiter sa vie. Rousseau prétend qu’au sortir de la représentation de Zaïre le spectateur plus séduit qu’effrayé dira, donnez-moi une Zaïre je saurai bien ne la pas tuer ; un libertin aussi dira, faites-moi triompher d’une Clarisse, il y a mille contre un à parier que je ne rencontrerai pas un Colonel Mordant et si je le rencontre ce sera moi qui le tuerai. Dans les Liaisons dangereuses Mad. de Merteuil est plus mal punie encore et une femme qui aura ses penchants pourra dire, donnez-moi ses plaisirs, donnez-moi le même empire sur tous ceux sur lesquels je voudrai régner, je saurai bien ne pas écrire de si imprudentes lettres et je ne prendrai pas la petite vérole que j’ai déjà eue. Enfin pour que la leçon que vous voudrez donner soit péremptoire et qu’on ne puisse pas s’y soustraire il faut la pressante logique d’un enchainement nécessaire de causes et d’effets. Sans cela vous pourrez bien avoir le mérite d’animer par une action intéressante de sages conseils, ce sera tout. Vous avertirez mais peu de gens profiteront de l’avertissement. Eh, après tout qu’espérer de la fable ? comment se flatter que la fiction la plus ingénieuse pourra instruire ou corriger le commun des hommes quand l’histoire instruit et corrige si peu ceux à qui elle adresse le plus directement ses sévères et irrécusables leçons ? Chaque page de l’histoire montre à un Prince, à un Ministre sa face en plein, sa figure toute entière. Le costume y est. Les noms, les titres, sont écrits dessus et aucun des accessoires ne manque. Voilà le palais, voilà le flatteur, voilà la femme ou la Maîtresse et voilà le jeune téméraire envoyé au commandement des armées. Voilà l’homme inepte ou improbe nommé aux places les plus importantes puis voilà les défaites, les humiliations, la ruine. Les Grands ne sont-ils pas comme cet homme poursuivi par des miroirs et ne pouvant échapper à son image ? Comment font-ils donc pour ne voir jamais ce que tout leur montre ? Est-ce que par hasard ils ne sauraient pas lire et paierait-on les précepteurs et les gouverneurs qu’on leur donne que pour les amuser perpétuellement avec les hochets de l’enfance et les grelots de la folie ? (Note de l’Éditeur)