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Six

Les narines encore pleines des effluves puants de chair calcinée, Uriel et Pasanius quittèrent la dépression rocheuse, laissant les restes consumés à la merci du vent cinglant et de ce que Medrengard pouvait compter comme charognards. Revigorés par le massacre des créatures mutantes, ils marchèrent d’un pas plus alerte et énergique, mais à peine eurent-ils passé l’étroite brèche ouverte dans la paroi et commencé à gravir les marches usées taillées dans la roche, que le poids de ce monde démoniaque leur retomba dessus, pesant plus lourdement que jamais sur leurs épaules.

Uriel jeta un regard en arrière, sur les peaux embrasées en contrebas, et sentit sa haine quant au sort de ces malheureux se rallumer avec la même ardeur que les flammes qu’il contemplait. Il savait que le visage de l’homme écorché le hanterait à jamais, et cela lui rappela l’horreur des sculptures sur chair humaine désossée, réalisées par le répugnant chirurgien xenos dans les souterrains de la propriété de Kasimir de Valtos sur Pavonis.

Il se sentait souillé par le simple fait de se trouver là, comme si son âme même s’endurcissait ou se vidait de sa substance pour venir nourrir la pierre morte qu’il foulait, perdant peu à peu son identité propre. Le néant de Medrengard drainait tout son être, ne laissant plus de lui qu’une coquille vide.

— Que restera-t-il de moi, murmura-t-il, lorsque ce monde en aura bu la dernière goutte ?

Il devinait que Pasanius se sentait dans le même état, à voir ses joues
creusées et ses yeux vitreux tandis qu’il montait péniblement les marches de l’escalier en colimaçon. Ce dernier trébucha, lançant son bras en argent pour se retenir à la paroi, mais il retint son geste au dernier moment pour se laisser plutôt tomber à genoux.

— Ça va ? demanda Uriel.

— Oui, le rassura Pasanius. C’est juste un rien malaisé de rester concentré sans ennemi à portée de main.

— Nulle inquiétude, mon ami, le rassura à son tour Uriel. Une fois que nous aurons atteint cette forteresse, je suis sûr que nous ne manquerons pas d’ennemis à nous mettre sous la dent. Si ce que l’Omphalos Dæmonium nous a dit est vrai, nous en aurons en surabondance.

— Tu crois qu’un démon du seigneur des Crânes est capable de dire la vérité ?

— Je ne peux pas être catégorique sur ce point, avoua Uriel en toute franchise, mais je crois que les démons ne masquent avec des mensonges que le strict nécessaire, enveloppant des graines de vérité dans un linceul de tromperie, si tu veux. Une partie de ce qu’il nous a dit est vraie, j’en suis sûr, mais laquelle au juste… qui donc pourrait le dire ?

— Qu’est-ce qu’on va faire, alors ? demanda Pasanius, se traînant péniblement derrière Uriel.

— Eh bien, tout notre possible, mon ami. On va agir avec courage et honneur, et espérer que cela suffise.

— Il y a plutôt intérêt, ajouta Pasanius. C’est tout ce qu’il nous reste.

La randonnée dans les montagnes semblait ne jamais vouloir finir, leur trajet à travers la désolation rocheuse leur vidant un peu plus l’esprit à chaque pas. Ils virent d’autres évents grillagés dégager de la vapeur. La puanteur acide des grandes cheminées leur collait toujours à la peau tandis qu’ils approchaient du sommet d’un autre escarpement au relief tourmenté.

Plus ils se rapprochaient de leur destination, plus les symboles macabres qu’ils apercevaient çà et là se faisaient fréquents. Des ossements érodés par les vents étaient éparpillés un peu partout sur les rochers, et Uriel se demandait bien comment ils avaient pu atterrir là. Il ne restait plus une once de viande dessus, mais il était impossible de dire s’ils avaient été rongés par des charognards ou si on les avait fait bouillir pour en détacher la chair. Des nappes d’une brume toxique chargée de cendres rasaient le sol. Embusquées dans les crevasses comme des prédateurs à l’affût, elles déroulaient à la surface des volutes de vapeur qui se mettaient en chasse à la manière d’algues tueuses des fonds marins.

Uriel retira son casque l’espace d’un court instant pour cracher, au terme d’un accès de toux grasse, un amas de morve noire à la consistance filandreuse. Son métabolisme génétiquement amélioré lui permettait de survivre aux poisons qui flottaient dans l’air, mais sans les rendre moins déplaisants pour autant.

Ils s’étaient trouvés à plusieurs reprises dans l’obligation de traverser des rivières de métal fondu, qui coulaient en chuintant le long de grands canaux de basalte en direction des fonderies et des forges dans les plaines en contrebas. L’atmosphère était de plus en plus étouffante et les évents comme les fissures dans le rocher vomissaient d’immenses geysers d’une vapeur brûlante et cendrée. Sans leurs armures énergétiques bénies et les modifications génétiques apportées à leur physiologie, ni Uriel ni Pasanius n’auraient eu la moindre chance de survivre à ce voyage.

Uriel cru de nouveau apercevoir fugitivement les choses rougeâtres mentionnées par Pasanius, mais comme toujours, elles disparaissaient aussitôt dans la roche, demeurant invisibles à l’œil. Des volées de spectres de démence tournoyaient dans les airs, loin au-dessus de leurs têtes, mais Uriel se doutait bien que la lave brûlante des rivières de métal et les jaillissements d’eau bouillante devaient suffire pour les tenir à distance.

Alors qu’il passait à proximité d’une crevasse zigzagante, un gigantesque geyser de liquide bouillonnant jaillit soudain de ses profondeurs. De la vapeur s’éleva en tourbillons autour de lui, l’aveuglant complètement, et il s’éloigna en trébuchant tandis qu’une pluie d’objets commençait à tomber du ciel, cliquetant sur les rochers alentour. Toussant et crachant, l’ardeur de la brume lui brûlant l’œsophage, il essuya la buée sur sa visière et vit un déluge d’os s’abattre sur les montagnes, expulsé des profondeurs de la terre.

— Eh bien, au moins, maintenant, on sait d’où proviennent les ossements, lança Pasanius.

Les mystérieux dirigeables qu’Uriel avait aperçus dans le ciel avant qu’ils ne découvrent la plateforme de récurage apparurent une nouvelle fois à l’horizon tandis qu’ils approchaient du sommet. Il les distinguait mieux à présent : des espèces de grands ballons boursouflés à la surface tannée, d’où pendaient de longs câbles planant au-dessus d’un point de l’autre côté de la crête noire. Maintenant qu’ils étaient plus près, Uriel constata que son hypothèse selon laquelle il pouvait s’agir d’un barrage de dirigeables s’avérait exacte. Des dizaines d’entre eux flottaient à l’horizon. Leur surface inégale était un patchwork de différentes textures et, après tout ce que Medrengard leur avait fait voir, Uriel préférait ne pas trop penser à la nature des matières ayant présidé à leur confection.

Ils entendaient à présent beaucoup plus distinctement la rumeur du siège, le grondement des canons se rapprochant à chaque pas qu’ils faisaient.

— Quel qu’il soit, celui qui s’échine à prendre cette forteresse est sacrément résolu, pour lésiner aussi peu sur les dépenses de pièces d’artillerie, commenta Uriel tandis qu’il escaladait un nouveau bloc de rochers. Ses gantelets étaient dans un sale état, tout bosselés et couverts d’éraflures, les pierres coupantes de Medrengard les lacérant un peu plus à chaque prise.

Pasanius opina, haletant derrière lui pour le rattraper. Le sergent à large carrure retira son casque et cracha pour se débarrasser du sale goût qu’il avait dans la bouche.

— Oui, ça m’étonnerait qu’on soit les seuls à s’intéresser à ce Cœur de Sang.

— Tu crois que c’est ce que l’assiégeant recherche ?

— Aucune idée, mais ça pourrait être une explication. Comme tu dis, il a l’air sacrément résolu…

— Tu sais, les forces des Sombres Puissances ont coutume de se faire la guerre entre elles juste pour se distraire. Ça ne veut pas forcément dire grand-chose.

— C’est vrai, mais ce que l’archiviste Tigurius m’a appris sur les Iron Warriors me porte à croire que ce qui les caractérise avant tout, c’est l’amertume et la malveillance qui les rongent, pas de futiles caprices auxquels ils auraient la faiblesse de se livrer. Quels qu’ils soient, les assaillants veulent en découdre avec les occupants de cette forteresse pour autre chose que leur simple distraction.

— Tu as peut-être raison, convint Uriel. Allez, ne lambinons pas, il n’y a qu’un seul moyen d’en avoir le cœur net. Le sommet n’est plus très loin.

Ils se remirent en route, et après ce qui n’avait pas dû représenter plus d’une heure d’ascension à travers les amoncellements de nuages de vapeur et les monceaux d’ossements, ils finirent par franchir la crête. Uriel s’attendait à ce que le terrain replonge de l’autre côté en pente raide jusque dans une vallée en contrebas, mais au lieu de cela, il vit le sol s’aplanir en un haut plateau jonché de décombres et de rochers déchiquetés. Des crevasses serpentines sillonnaient la terre en suintant des nappes de brume jaunâtres. Un des ballons boursouflés flottait juste au-dessus de leurs têtes, et Uriel voyait maintenant que les câbles suspendus au dirigeable étaient barbelés, de l’épaisseur d’une cuisse humaine, et qu’ils creusaient de larges sillons dans la cendre grise du sol.

— Écoute, dit Uriel, mettant un genou à terre.

Pasanius garda le silence, la tête penchée de côté, essayant de saisir ce qu’Uriel avait entendu.

Au milieu du grondement de basse des canons et du martèlement des forges dans le lointain, on percevait une pulsation mécanique, comme le bruit émanant d’un groupe électrogène. Même s’il était ardu de distinguer un son isolé au milieu du bruit de fond permanent qui régnait sur Medrengard, Uriel était certain que cela venait de pas très loin au-dessus.

— C’est quoi, à ton avis ? demanda-t-il.

— Peut-être des moteurs ? hasarda Pasanius.

— Oui, peut-être, acquiesça Uriel.

— Quelque chose qu’on pourrait peut-être s’approprier.

— Ma parole ! Tu lis dans mes pensées, lança Uriel avec un large sourire. Il se releva d’un bond, avant de s’avancer prudemment au milieu des nappes nauséabondes de brume ondoyante, longeant de près les immenses piliers rocheux. Les bruits se faisaient de plus en plus nets à mesure qu’ils s’approchaient, et à la faveur d’une trouée dans la brume, Uriel en découvrit enfin la source.

Un complexe tentaculaire de bâtiments en tôle ondulée, chacun de la taille d’un grand entrepôt, occupait le sommet du plateau. Une haute clôture de barbelés acérés le ceignait, surmontée d’une forêt de piques de fer. Des cadavres étaient suspendus sur tout le pourtour, fixés à d’épais poteaux de bois. Ils avaient la peau desséchée, et leurs membres tordus formaient des angles impossibles et contre nature. Des colonnes de fumée cendrée s’élevaient d’un bâtiment en brique noire approximativement au centre du camp, et la rumeur de vagues gémissements flottait dans l’air. La roche à cet endroit était couverte d’un résidu graisseux, et la puanteur ignoble que respirait Uriel lui évoquait une odeur de viande pourrie.

— Cet endroit empeste la mort, murmura-t-il.

Au centre du camp, une grande tour blindée se dressait dans le ciel, un enchevêtrement de poutres de fer, de câbles et d’étais soutenant un assemblage monstrueux qui évoquait la tête de quelque gigantesque créature démoniaque. Des flammes jaillissaient de ses yeux et narines, et sa gueule béante était garnie de fûts de canons effilés. Deux bunkers aux toits en pente hérissés de pointes protégeaient l’entrée du camp. Uriel distinguait l’éclat métallique de mitrailleuses derrière les meurtrières, conscient que pour se rapprocher de ce camp de la mort, ils devraient traverser la zone de tirs croisés comprise entre les deux bunkers.

De l’autre côté de la barrière de barbelés, Uriel pouvait voir des guerriers en armures gris anthracite patrouiller à l’intérieur du camp. Il sentit une haine viscérale le gagner.

— Des Iron Warriors ! laissa échapper Pasanius dans un murmure.

— Des Iron Warriors, répéta Uriel en resserrant sa prise sur la garde de son épée.

Des traîtres. Des abominations. Des space marines du Chaos… Pouvait-il exister ennemi plus malfaisant ?

Ces guerriers aspiraient à la perte de tout ce en quoi Uriel croyait et à la destruction du royaume de l’Empereur. Chaque parcelle de son âme criait vengeance.

— Quel est cet endroit ? demanda Pasanius alors que les portes coulissantes d’un des entrepôts s’ouvraient dans un grincement sinistre et qu’une meute de créatures mutantes du type de celles qu’ils avaient tuées un peu plus tôt en émergeait d’un pas traînant. Une foule grouillante et pathétique d’humains agglutinés les suivait. Ils avaient la tête baissée, leurs corps enveloppés dans des robes bouffantes couleur chair.

— Une sorte de prison ? hasarda Uriel tandis que les mutants menaient la centaine de prisonniers vers les portes du camp. Tous ces bâtiments étaient-ils remplis de captifs ? L’énorme tête démoniaque de la tour pivota dans un grincement de rouages pour faire face à la colonne d’hommes, ses yeux vomissant des flammes gigantesques. Une voix retentissante sortit de sa gueule, parlant une langue qu’Uriel ne comprenait pas, mais qui fit frissonner chaque muscle et articulation de son corps, comme si le son résonnait dans les recoins les plus obscurs de sa conscience.

La procession de prisonniers traversa le camp sous les coups de bâton électrifié et de gourdin ferré des mutants. Les Iron Warriors marchaient en tête de colonne, tenant leurs bolters hideusement pervertis plaqués contre leurs plastrons. Les portes s’ouvrirent en crissant à leur approche. Des spasmes secouèrent les cadavres qui s’y trouvaient suspendus en une grotesque parodie de vie.

— Où donc les emmènent-ils ? se demanda tout haut Uriel.

— Oh, par l’Empereur, non, murmura Pasanius. Ils les emmènent…

— Se faire écorcher vifs…, termina Uriel, constatant que les prisonniers ne nageaient pas du tout dans des robes trop lâches, mais qu’ils étaient nus comme des vers. Leur peau flasque pendait en formant d’immenses plis, leur corps étiré au-delà du concevable par quelque mystérieux traitement. Des replis encroûtés retombaient de leurs bras, de leurs bustes, de leurs jambes et de leurs fesses émaciés. Les hommes comme les femmes tenaient les pans de peau à deux mains, les repliant sur eux-mêmes et les plaquant contre leurs corps, de peur de se prendre les pieds dedans. Des ventres tombants et des mamelons asséchés pendaient de leurs charpentes amaigries à la manière de sacs vides en cuir racorni.

— Non, non… ils les emmènent à la plateforme d’écorchage, se lamenta Uriel. Mais pourquoi ?

— Quelle importance ? gronda Pasanius en empoignant son lance-flammes, son doigt en argent planant au-dessus du bouton d’allumage. On ne peut pas laisser une horreur pareille impunie !

Tandis qu’il acquiesçait, Uriel sentit sa haine pour les Iron Warriors atteindre son paroxysme, mais il se fit violence, tâchant de contrôler ses émotions. C’était du suicide que de s’attaquer à cette colonne. Ils se trouvaient juste dans la ligne de mire des bunkers et de la tour armée, sans compter les trois Iron Warriors en tête de cortège.

Mais pouvaient-ils laisser infliger un tel affront à l’humanité sans réagir et permettre à ces traîtres de massacrer ces gens comme s’il s’agissait de vulgaire bétail ?

Pasanius avait raison, il était hors de question de laisser accomplir pareille ignominie.

Il vit un éclair de colère justifiée enflammer les yeux de Pasanius, mais aussi quelque chose d’autre, quelque chose de bien plus sinistre. Uriel voyait couver dans le regard de son frère de bataille le feu d’un fanatique, caractéristique de ceux qui partent au combat avec un fort désir de mort et adoptent une attitude parfaitement suicidaire.

L’élan guerrier de Pasanius était-il motivé par autre chose que d’évidentes raisons humanitaires ?

Uriel pensait que oui, mais c’étaient là des questions qui devraient attendre la fin du combat, dans l’éventualité qu’ils survécussent aux prochaines minutes.

Uriel dégaina son épée, le pouce prêt à enclencher la rune d’activation.

Il agrippa l’épaulière de Pasanius et lui souffla :

— Si jamais on ne s’en tire pas vivants, cela aura été un honneur de t’avoir comme ami.

Pasanius opina de la tête, mais ne répliqua rien, ne quittant pas une seconde des yeux la colonne d’esclaves, de mutants et d’Iron Warriors à l’approche.

Il plissa soudain les yeux et pointa quelque chose du menton, par-dessus l’épaule d’Uriel.

— Au nom de l’Empereur, qu’est-ce encore que ça ?

Se retournant aussitôt, Uriel vit plusieurs silhouettes se faufiler furtivement entre les rochers escarpés qui entouraient le camp.

— Ce sont les créatures qui nous ont suivis à travers les montagnes, tu crois ?

— Non, répondit Pasanius. Je crois pas. On dirait…

— Des space marines ! laissa échapper Uriel dans un murmure, voyant deux silhouettes en armures énergétiques vertes émerger de derrière un amas de rochers et pointer un lance-missiles sur le camp. Les Iron Warriors en contrebas n’avaient pas remarqué les formes qui se mouvaient au-dessus de leurs têtes, et Uriel réalisa, débordant d’un enthousiasme délirant, qu’il ne pouvait s’agir là que d’une embuscade !

Deux missiles lancés par l’arsenal des space marines explosèrent sur le bunker de gauche, noircissant le lithociment dans une gerbe de feu et de fumée. Deux autres sillages strièrent le ciel en provenance d’un point loin au-dessus d’Uriel et Pasanius, pour s’abattre sur le bunker d’en face, qui se volatilisa dans une terrible explosion.

Les prisonniers poussaient des hurlements et les Iron Warriors criaient des ordres à leurs gardiens de troupeau mutants tandis que le piège se refermait sur eux, les guerriers en armures énergétiques sortant en masse de leurs cachettes. Les balles de bolter détonaient au milieu des captifs dans des gerbes de sang, saturant l’air de cris d’agonie. D’autres missiles s’abattirent sur les bunkers, et tandis qu’ils explosaient, Uriel entendit la maçonnerie s’effondrer dans un craquement sourd.

— Allons-y ! hurla Uriel, activant son épée et sortant à découvert pour charger vers la colonne de prisonniers pris de panique. Pasanius ne tarda pas à lui emboîter le pas, une flamme bleue étincelante à l’extrémité de son arme.

Uriel repéra un Iron Warrior en train de matraquer un prisonnier avec la crosse de son fusil et dévia sa course pour se ruer sur lui. Le guerrier faisait une bonne tête de plus qu’Uriel, et son armure était hérissée de pointes et peinturlurée de symboles impurs. Deux cornes courbes ornaient son casque et il tenait une épée de facture grossière, dotée de dentelures de tronçonneuse vrombissantes. Il fit volte-face en entendant Uriel foncer sur lui au pas de charge, mais il était déjà trop tard. Une gerbe de sang noir gicla au moment où Uriel entaillait le plastron de son adversaire du fil de son épée, lui arrachant un rugissement de douleur.

Pasanius envoya une gerbe de flammes sur un deuxième Iron Warrior, qui avait des griffes mécaniques en guise de mains, et une vague d’explosions engloutit les prisonniers derrière le marine du Chaos au moment où le réservoir fixé sur son dos détonait.

Uriel entendit crépiter le feu nourri de plusieurs bolters au-dessus de sa tête et vit des dizaines de guerriers portant des armures énergétiques de
couleurs diverses et variées quitter leur couverture pour dévaler la pente en chargeant. Il se déporta sur le côté pour esquiver la lame de l’Iron Warrior qui décrivait un arc sans grâce pour le décapiter et riposta aussitôt en tailladant le flanc de son ennemi, arrachant un morceau entier de son armure. D’autres missiles fusèrent des cimes pour s’abattre sur l’immense tête de démon, qui bascula en arrière. D’épais câbles lâchèrent et se mirent à tournoyer frénétiquement autour de l’édifice démoniaque qui poussait des rugissements de rage.

Des balles de gros calibre jaillirent de sa gueule, arrachant d’énormes mottes de terre tandis qu’elles pleuvaient un peu partout dans le camp, criblant aveuglément ses ennemis comme ses alliés. Les mutants en combinaisons caoutchoutées éperonnaient les prisonniers rescapés jusqu’au sang pour les ramener à l’intérieur du camp, insensibles aux cris pitoyables de ces pauvres hères dont ils avaient la charge.

L’Iron Warrior face à Uriel s’avança d’un pas en hurlant pour lui donner un coup de poing dans le poitrail. Il avait une force phénoménale, même pour un être génétiquement amélioré. Uriel fut projeté en arrière et dérapa dans les cendres tandis que son assaillant brandissait son épée à deux mains pour porter le coup de grâce. Il dégaina son pistolet et pressa sur la détente à deux reprises, mais les deux balles ricochèrent sur l’armure de l’Iron Warrior.

— Ta dernière heure a sonné, renégat ! mugit le traître.

Uriel roula sur le côté, évitant de justesse la lame qui fendit l’air pour s’abattre sur le sol, et riposta d’un puissant coup de pied dans la rotule de l’Iron Warrior. Il avait poussé un rugissement au moment de frapper, mettant toute sa force dans le coup. Il sentit l’armure de son adversaire se briser en morceaux et le genou se fracturer. L’Iron Warrior hurla de douleur et s’écroula à terre. Uriel ne lui laissa aucune chance de se relever, se ruant sur lui pour lui perforer proprement la poitrine à l’aide de son épée.

Le guerrier lui agrippa le cou et commença à serrer, un gloussement sadique émergeant de ses râles d’agonie. Uriel sentit la force prodigieuse de l’étreinte. Il remua la lame dans la plaie, faisant jaillir des gerbes de sang sur ses mains. Tout mourant qu’il était, l’Iron Warrior serra de plus belle, plus déterminé que jamais à l’étrangler, et Uriel entendit craquer une articulation de son gorgerin. Il se mit alors à rouer le casque du guerrier de coups de poing, frappant jusqu’à ce que le crâne éclate et que son propriétaire finisse par relâcher son étreinte.

Uriel s’éloigna du cadavre en titubant, voyant du coin de l’œil les space marines passer les portes de la clôture barbelée comme un ouragan. Les bunkers n’étaient plus que ruines fumantes et on devinait une boucherie sans nom à l’intérieur. La tour démoniaque rouvrit le feu, fauchant les rangs des assaillants. Quelques-uns s’écroulèrent, mais la plupart réagirent à temps et réussirent à se mettre tant bien que mal à couvert. Les mutants fuyaient devant la colère des space marines, mais ils étaient impitoyablement réduits en charpie, que ce fût à coups d’épée ou de poings gantés de métal.

Le feu nourri en provenance de la tour s’employait à châtier les assaillants, et tandis qu’elle balayait le plateau de son regard flamboyant, Uriel eut la sensation écœurante qu’elle s’attardait sur lui, le distinguant des autres, et qu’elle le reconnaissait…

À l’instant même, il vit un guerrier en armure énergétique noir d’encre bondir d’un escarpement rocheux jusqu’à l’autre bout du camp. Une gerbe de feu incandescent jaillissait de son dos, et Uriel comprit qu’il portait des réacteurs dorsaux. Des flammes et de la fumée s’échappaient des orifices de l’appareil, propulsant le guerrier dans les airs pour le faire atterrir directement sur la tête du démon mécanique. Les yeux de ce dernier s’embrasèrent en
crépitant, mais il était impossible de savoir si c’était en réaction à l’atterrissage du space marine ou s’il s’agissait simplement d’une autre manifestation de sa fureur démoniaque.

Le guerrier frappa la tête du monstre à l’aide de griffes parcourues d’éclairs, faisant crépiter des arcs d’énergie bleutés aux endroits touchés, avant de se balancer autour de la gueule, se tenant d’une seule main, et de fixer quelque chose sur sa joue. La tour s’ébranla vivement, comme si elle voulait consciemment déloger son assaillant, mais le guerrier bardé de noir glissa ses griffes éclairs à l’intérieur du crâne de l’entité et tint bon. Il continua de se balancer, tranchant les câbles qui soutenaient la structure, avant de prendre appui sur la joue du démon pour sauter. Ses réacteurs dorsaux s’embrasèrent à nouveau au moment où la bombe à fusion qu’il avait placée sur le visage du démon détonait, et s’envola, porté par l’onde de choc de l’explosion qui pulvérisa le sommet de la tour dans un champignon atomique incandescent.

La tour chancela sur ses fondations comme un ivrogne en poussant une plainte stridente. Les rares câbles restants laissèrent entendre un son de corde vibrant en s’étirant, avant de se rompre dans un craquement sinistre. La tour s’effondra avec majesté, éventrant le toit en tôle ondulée de l’entrepôt le plus proche et soulevant des nuages de poussière et de fumée.

On n’entendait plus retentir dans le camp que des coups de feu sporadiques alors que les derniers ouvriers mutants étaient rassemblés et exécutés. Uriel poussa un soupir de soulagement en constatant que la bataille était terminée.

Il retira son épée du poitrail du cadavre à ses pieds et, tournant la tête, découvrit un autre Iron Warrior agenouillé. Du sang ruisselait sur son plastron tandis que Pasanius s’acharnait sur lui avec l’épée tronçonneuse qu’il lui avait dérobée. Le guerrier avait déjà été amputé de ses deux bras et ses entrailles se répandaient sur la terre sombre.

L’Iron Warrior impotent ne présentait plus aucun danger, mais Pasanius voulait visiblement encore en découdre avec lui. Un groupe de space marines encercla le dernier guerrier ennemi et l’exécuta froidement, leurs balles explosives perforant son armure lacérée et détonant à l’intérieur de ses chairs.

Ce ne fut qu’une fois la bataille terminée qu’Uriel prit le temps de regarder de plus près les armures dépareillées des space marines aux côtés desquels il avait combattu. Il n’y en avait pas plus de deux ou trois avec des couleurs ou des designs semblables, et chacune portait les stigmates de nombreux combats acharnés, de vieilles cicatrices de guerre réparées à la va-vite, avec les moyens du bord, à base de soudures grossières et d’enduit protecteur. Presque toutes arboraient sur leurs épaulières des emblèmes de chapitre différents et on avait peint des croix écarlates engrêlées sur nombre d’entre elles.

Les esclaves survivants se lamentaient, accroupis sur leurs replis de chair, ou tentaient d’apaiser leurs souffrances en se prenant les uns les autres dans les bras. Uriel revint en courant au niveau de Pasanius, qui continuait de tailler en pièces l’Iron Warrior terrassé.

— Pasanius ! cria Uriel.

Il retint le bras de son compagnon, sur le point de s’abattre une nouvelle fois sur le corps mutilé.

— Pasanius, il est mort !

Celui-ci tourna brusquement la tête, ses yeux lançant des éclairs. L’espace d’une seconde, Uriel redouta qu’une terrible entité ait pris possession de son ami, puis la lueur meurtrière dans son regard se dissipa et il lâcha l’arme de l’Iron Warrior en poussant un profond soupir, frissonnant de tous ses membres. Le sergent se laissa tomber à genoux, son visage blêmissant à la
pensée de la fureur qu’il venait de déchaîner.

— Le courroux de votre camarade est tout à son honneur, dit une voix derrière Uriel. Il fit volte-face pour se retrouver nez à nez avec le guerrier en noir qui avait démoli la tour. Son armure ravagée et rapiécée de toute part était à l’opposé de l’équipement énergétique rutilant que portait ordinairement un space marine. Les jets de vapeur issus de ses réacteurs dorsaux en nimbaient les épaulières, et une de ces croix écarlates engrêlées avait été peinte par-dessus le symbole blanc en forme d’oiseau de proie qu’elle arborait. Un emblème similaire barrait la visière de son casque.

— Pour ce qui est de tuer des Iron Warrior, vous vous défendez plutôt pas mal tous les deux, ajouta-t-il.

Avant de répliquer, Uriel jaugea le space marine du regard. Celui-ci avait l’air plein d’assurance et il se dégageait de son allure une désinvolture qui
frisait la suffisance.

— Je suis Uriel Ventris des Ultramarines, et voici Pasanius Lysane. Qui êtes-vous ?

Le guerrier rentra les griffes éclairs de ses gantelets et leva les bras pour libérer les attaches sur son gorgerin. Il retira son casque et respira à pleins poumons l’air fétide de Medrengard avant de répondre.

— Mon nom est Ardaric Vaanes, anciennement de la Raven Guard, dit-il en se passant une main sur le cuir chevelu. Il avait de longs cheveux bruns tirés en queue de cheval, des traits pâles et anguleux, et de petits yeux violets enfoncés aux paupières tombantes. Il avait les joues balafrées et trois petites cicatrices courbes au-dessus de l’œil gauche, comme si des piercings plantés de longue date à cet endroit venaient d’être retirés.

— Anciennement ? demanda Uriel d’un ton méfiant.

— Oui, anciennement, répondit Vaanes, s’avançant d’un pas pour lui tendre la main.

Uriel considéra froidement la main tendue.

— Vous êtes donc un renégat, dit-il.

Vaanes resta encore une seconde la main tendue avant de se résigner au fait qu’Uriel ne la serrerait pas, et la laissa retomber le long du corps. Il acquiesça.

— Oui, certaines personnes nous appellent comme ça.

Pasanius vint se placer au côté d’Uriel.

— D’autres diraient tout simplement « traîtres », lança-t-il.

Vaanes plissa les yeux.

— Peut-être bien, mais jamais deux fois.

Les trois space marines se toisèrent en silence pendant de longues secondes avant que Vaanes ne finisse par hausser les épaules et s’éloigner en direction du camp dévasté.

— Attendez, appela Uriel en rattrapant le renégat. Quelque chose m’échappe. Qu’est-ce que vous faites là ?

— Ça, Uriel Ventris, c’est une longue histoire, répliqua Vaanes tandis qu’ils passaient tous deux les portes menant au camp en flammes. Mais nous ferions mieux de détruire cet endroit sans attendre et de vider les lieux au plus vite. Les Décharnés ne sont pas loin et l’odeur de la mort ne va pas tarder à les attirer.

— Que va-t-on faire de tous ces gens ? demanda Pasanius qui arrivait derrière eux, désignant d’un geste ample les prisonniers se lamentant à l’extérieur du camp.

— Ce qu’on va en faire ?

— Eh bien, on va bien trouver un moyen de les faire sortir d’ici, non ?

— Certainement pas, lâcha Vaanes.

— Certainement pas ? lança Uriel d’un ton brusque. Mais alors, pourquoi être venu les sauver ?

— Les sauver ? répliqua Vaanes tout en faisant des signes à ses guerriers qui commencèrent à faire méthodiquement le tour des entrepôts et à placer des charges explosives. On n’est pas venu pour les sauver, mais pour détruire ce camp, c’est tout. Je me fiche pas mal de ces gens.

— Comment pouvez-vous dire ça ? Regardez-les !

— Si vous voulez les sauver, je vous souhaite bien du courage, Uriel Ventris. Vous en aurez besoin.

— Bon sang, Vaanes ! Vous n’avez donc aucun honneur ?

— Pas à proprement parler, non, répliqua celui-ci d’un ton cassant. Regardez-les, ces petits chéris que vous voulez absolument sauver. Des bons à rien. La plupart ne survivent pas jusqu’au gouffre d’écorchage et les autres ne tardent pas à regretter d’y être arrivés.

— Mais vous ne pouvez quand même pas les abandonner comme ça ! insista Uriel.

— Oh que si ! C’est exactement ce que je vais faire.

— Qu’est-ce que c’est que cet endroit de toute façon ? demanda Pasanius. Une prison ? Un camp de la mort ?

Vaanes secoua la tête.

— Non, rien d’aussi banal. C’est bien pire que ça.

— Mais quoi, alors ?

Vaanes saisit les poignées de la porte coulissante de l’entrepôt le plus proche et l’ouvrit en grand.

— Pourquoi n’allez-vous donc pas voir par vous-même ?

Uriel et Pasanius échangèrent un regard circonspect tandis que Vaanes leur faisait signe d’entrer. De puissants relents de déchets humains s’échappaient de l’intérieur, mêlés à une odeur infecte de chair pourrie. Ça puait le désespoir là-dedans. Des lueurs vacillantes grésillaient à l’intérieur et des sanglots à peine audibles flottaient dans l’air confiné.

Uriel s’engouffra dans le bâtiment de brique, ses yeux s’acclimatant rapidement à la pénombre. L’intérieur de l’entrepôt s’avéra être une sorte d’installation industrielle mécanisée avec des poutrelles de fer équipées de systèmes de chaînes et de poulies courant sur toute la longueur du bâtiment. Une enfilade de cages grillagées se découpait sur la gauche, chacune remplie d’une masse informe de chair blême, placée sous perfusion par la grâce de tubes et de tuyaux d’alimentation pendants de panses suspendues au toit. Une rigole empestant les excréments humains courait au-dessous des cages, obstruée par une multitude d’insectes bourdonnants amateurs de déchets. Uriel se couvrit la bouche et le nez. Même son métabolisme extraordinaire peinait à le préserver de la puanteur. Il s’avança vers la
première cage, ses bottes laissant entendre un tintement métallique sur le sol grillagé.

Un homme nu se trouvait à l’intérieur, quoiqu’il fallût une certaine dose d’imagination pour appeler encore cela un homme. Son corps immense était horriblement flasque et bouffi, et sa peau moite luisait hideusement, rappelant la couleur et la texture de la bile. Des pinces rouillées lui maintenaient la bouche ouverte, laissant passer des tubes nervurés qui pulsaient en une grotesque parodie de contractions péristaltiques alors qu’ils pompaient des nutriments mêlés à des hormones de croissance et évacuaient ses déchets. La chair flasque de sa poitrine était criblée de câbles colorés et de fiches augmentiques branchées à même la peau, qui devaient certainement réguler artificiellement ses battements de cœur et ainsi empêcher l’arrêt cardiaque que son impressionnante corpulence aurait dû depuis longtemps lui causer.

Ses membres épais n’étaient plus que des protubérances pâteuses de chair grisâtre ligotées avec des câbles, par un système de nœud coulant. Les traits de son visage se perdaient dans l’immensité de sa tête difforme, son regard absent reflétant l’état de démence dans lequel son esprit avait dû depuis longtemps trouver refuge. Uriel ressentit une immense tristesse mêlée d’horreur face au martyre de cet homme. Quel genre de monstre pouvait-il infliger pareil traitement à un être humain ?

Il passa à la cage suivante pour se retrouver nez à nez avec une autre abomination du même type, mais il s’agissait cette fois d’une femme nue, dont le corps tout aussi boursouflé présentait un spectacle non moins obscène. Elle avait le ventre labouré, ravagé par ce qui semblait avoir été une série d’opérations chirurgicales n’ayant eu d’autre but que de faire souffrir inutilement. À la différence de l’occupant de la cage précédente, un reste de raison subsistait dans ses yeux, et ceux-ci en disaient long sur le tourment qu’elle endurait.

Uriel se détourna, écœuré par la monstruosité de ce qu’il venait de voir, et embrassa du regard les centaines de cages du même genre qui s’accumulaient dans cet enfer ténébreux. Au comble du dégoût, mais la curiosité piquée, il poussa son exploration, allant voir ce qui se trouvait de l’autre côté du bâtiment. Il découvrit d’autres cages alignées sur la droite, mais celles-ci plus étroites et occupées par des individus écartelés, ressemblant à ces pauvres hères qu’Uriel avait vus une fois sur un monde-ruche coupé du monde agricole qui l’alimentait en nourriture. Des hommes et des femmes mourants de faim étaient suspendus à des crochets en fer, branchés à des machines infernales qui les maintenaient dans un état précaire entre vie et mort, tout en aspirant leur graisse à l’aide de pompes et d’un matériel d’irrigation industrielle.

Leur peau flasque pendait sur leur ossature et se détachait de leur corps émacié en morceaux purulents. Uriel comprenait à présent le sort réservé aux êtres enfermés derrière lui. On les engraissait artificiellement afin que la peau puisse être étirée pour atteindre des proportions obscènes, puis dans la foulée, on les désossait, de manière à ce qu’après écorchage, ils puissent fournir des tonnes de peau fraîche.

Mais dans quel but ? Pourquoi diable irait-on jusqu’à de telles extrémités pour récolter de prodigieuses quantités d’épiderme humain ? La réponse échappait à Uriel et il éprouva une pitié sans bornes face au supplice des prisonniers.

— Vous voyez ? lança Ardaric Vaanes dans son dos. Vous ne pouvez plus rien pour eux. Libérer ces… choses ne servirait à rien et la mort constituera pour eux un soulagement inespéré.

— Doux Empereur, murmura Uriel. Mais à quoi sert donc cet étalage de cruauté ?

Vaanes haussa les épaules.

— J’en sais fichtre rien et notez bien que je m’en fous pas mal. Ces derniers mois, les Iron Warriors ont construit des dizaines de ces camps dans les montagnes. Ils ont l’air d’y tenir, alors on les détruit. La question de savoir pourquoi ils font ça est hors de propos.

— Ils ressemblent tous à celui-là ? demanda Pasanius, le visage creusé par le chagrin.

— Oui, lui répondit Vaanes, confirmant ses craintes. Nous en avons déjà rasé deux et c’était exactement la même chose. Il nous faut maintenant détruire celui-ci au plus vite, car sinon, les Décharnés vont arriver, s’offrir un festin de tous les diables, et ce sera une boucherie inimaginable.

— Je ne comprends pas, dit Uriel. Les Décharnés ? De quoi s’agit-il encore ?

— Des bêtes issues de vos pires cauchemars, répondit Vaanes. La progéniture bâtarde des Iron Warriors, des aberrations vivantes échappées des vivisectoria des féroces morticiens pour semer la terreur dans les montagnes. Ils sont infiniment plus nombreux que nous. Venez maintenant, il est temps de s’arracher.

Uriel opina avec lassitude, écoutant à peine ce que disait Vaanes, et suivit les renégats à l’intérieur du camp dévasté. L’air hébété, il prit la mesure de l’ampleur de l’endroit : deux douzaines de bâtiments identiques le composaient, chacun constituant un enfer de ténèbres pour ceux qui s’y trouvaient atrocement exploités. Bien qu’il répugnât à l’admettre, Vaanes avait raison, plus tôt ils détruiraient cette installation et ce qu’elle abritait, mieux cela vaudrait.

Un space marine en livrée grise d’un chapitre qu’Uriel fut incapable de reconnaître arriva en courant jusqu’à Vaanes.

— Ils sont là, annonça-t-il. Frère Svoljard vient de flairer leur odeur !

— À combien sont-ils de nous ? demanda Vaanes, resserrant les mains sur son casque afin d’alerter le reste de ses hommes à l’aide du transmetteur-vox intégré dans son armure.

— Plus très loin, peut-être deux ou trois cents mètres, répondit le guerrier. Ils arrivent en se déplaçant sous le vent.

— Ma parole, ils apprennent vite, les salopards ! siffla Vaanes. Allez, tout le monde décampe. Prenez par les montagnes, plein sud, et que chacun se débrouille pour rentrer au sanctuaire.

— Qu’est-ce que c’est ? demanda Uriel.

— Les Décharnés, dit Vaanes.