XIV

Dans l’air liquide qui se contractait et se dilatait en bandes et filaments entrelacés devant mes yeux, un point sombre se mit à flotter, courut, glissa comme sur un plan incliné et finit par adopter une physionomie concrète : la figure, les cheveux du soldat Miccichè.

Avec précaution, il s’écarta de quelques centimètres derrière la silhouette aveuglante de la voiture, immobile au soleil, parmi les herbes. Il examina les environs, mesurant avidement maison et espaces vides, la tache blanche contre l’arbre, moi sur fond de jardin.

Il cligna de l’œil pour m’arracher à ma torpeur.

J’allai vers lui, mais il reculait, faisant mille signes de doigts pour réclamer prudence, silence.

Je le retrouvai, après le tournant du sentier, le regard voilé de soupçons.

« Et la demoiselle ? murmura-t-il.

— Sara ? Elle est à l’intérieur. Dans la maison. Il n’y a presque plus d’eau. Elle essaie d’en trouver un peu. »

J’observais bêtement son uniforme délavé, les manches de sa chemise roulées au-dessus du coude, les poches déformées.

« Vous avez toujours été ici ? Quelle histoire ! Et rien à manger, eh oui. » Il sourit. « Mais vous vous portez bien, vous tous. »

Il avait de grandes dents noircies par la cigarette.

Nous nous tenions en plein soleil, les visages plissés par la lumière, lui en biais, aussi sec qu’un lézard. Toutes mes questions s’endormirent brusquement dans le calme imprévisible que sa présence dégageait.

« Une cigarette. À moins que tu n’en aies pas ? » demanda-t-il, l’air distrait, tranquille.

Je soufflai.

Et maintenant, il va tout raconter, tout expliquer, chaque chose aura un ordre, n’importe lequel, pourvu qu’il existe, pourvu qu’on sorte de ces limbes.

Mais il tardait à prononcer le premier mot.

Il s’assit sur le bord du sentier après avoir examiné attentivement l’herbe poussiéreuse, sa cigarette pas encore allumée à la bouche, le sourire rusé, erratique.

« Sa mère, finit-il par dire en se donnant un air important. Les cris. Le désespoir. Une mère, on sait ce que c’est. Essaie d’imaginer. »

Lentement, avec minutie et des pauses calculées, il s’enfonça dans le récit.

La mère de Sara, justement, avait pensé à cette maison, tandis qu’Inès, Michelina, Candida, déchaînées, bâtissaient des hypothèses où apparaissaient trains, autoroutes et même un bateau. Sa langue trop bien pendue et son excitation avaient valu une gifle à Candida. Poussé par la femme, Miccichè était parti à scooter, perdant du temps dans ces sentiers qui se ressemblaient tous. Le lieutenant n’était pas mort, mais non, la balle avait dû être déviée par un os, il se trouvait maintenant à l’hôpital, hors de danger après deux transfusions.

« Je suis prêt à le parier, il rentrera chez lui dans quelques jours. Avec sa santé de bœuf. Il pourrait même en donner, de son sang. S’est-il tiré une balle dans l’oreille ? Lui a-t-on tiré dessus ? Ou s’agit-il tout simplement d’une erreur ? Seul le Père éternel le sait. Car le lieutenant, lui, n’a pas prononcé un seul mot, ni à la maison ni à l’hôpital. Et tu sais ce que je pense ? Il ne dira jamais la vérité. »

Des démangeaisons trottinaient sur les parois de mon estomac, comme un rire incapable d’éclater.

Personne, dans la maison, n’avait entendu le coup, ou peut-être les coups, de feu. La mère de Sara avait découvert la scène la première, sans doute mue par ses attentions très féminines pour les hommes, amis et clients, abandonnés à eux-mêmes, sans domestique. Par chance, la porte était grande ouverte. Un pharmacien de nuit s’occupa des premiers soins, d’arrêter l’hémorragie. Un bon ami. C’est ainsi qu’avait commencé la matinée, un va-et-vient angoissé…

« Je suis arrivé plus tard : des histoires de caserne. Heureusement en uniforme. L’uniforme protège. Tu as bien fait de remettre le tien… »

Au commissariat, on se désolait certainement de la disparition du capitaine turinois. Quoique aveugle, ce capitaine aurait pu éclaircir bien des choses, la crise de folie de son ami, ou d’autres motifs, surgis pendant la fête de famille. Mais, en effet, personne ne remettait en cause cette folie : chez les grands invalides, ce sont justement les riches sans problèmes de survie immédiate qui souffrent le plus, qui s’égarent « parfois au point de nuire à leur propre personne, aux autres…

« Même si l’on connaît des exceptions, par exemple un type de mon quartier, aveugle aussi, mais vif comme un grillon, si tu le voyais manger, boire, jouer aux dames… »

Quoi qu’il en soit, après avoir renvoyé méchamment deux petits journalistes affamés, le commissaire avait interprété avec humanité la disparition de l’invité comme la conséquence de l’émotion, du désespoir, de son impuissance à porter secours…

« Un homme exquis, ce commissaire. Pourtant, fais attention quand tu lui parleras. Il te dit toujours oui, mais t’oblige à répéter les choses mille fois. Avec toute sa gentillesse, il est plus insistant qu’un blindé… »

De ce même désespoir, j’avais sans doute été victime, moi aussi, pauvre soldat dépaysé, sans cervelle, égaré on ne savait où, mon capitaine au bras. On nous tenait pour disparus, mais encore en ville, et, Dieu aidant, nous retrouverions l’esprit, nous reviendrions. À moins qu’un agent ne nous reconnaisse, question d’heures…

« Ils ont laissé un policier chez le lieutenant, un policier en uniforme. Ah, autre chose : qui a nettoyé le revolver à coups de balai ? Tu veux le savoir ? La concierge. Une pauvre vieille que personne n’a eu le courage d’enguirlander, pas même le commissaire. Et on peut y voir la main de Dieu. Si tu le veux, tu comprendras. »

En effet, on n’avait jamais prononcé le mot culpabilité, il n’y avait pas de suspect, pas d’accusation, seulement l’ombre du destin, le caprice injuste et mauvais de cette existence qui emporte les êtres, sans exception, qui refuse de laisser en paix toute créature de cette terre…

« Tu as compris ? Avec les riches, le malheur aussi met des gants blancs. Voilà la vérité, conclut-il en me regardant, les paupières mi-closes.

— Et Sara ? » demandai-je.

Il écarta les bras avec résignation.

« On n’en a presque pas parlé. Sa mère a expliqué d’emblée que mademoiselle était au lit, qu’elle était malade, trop de boissons glacées. Bien sûr, il faudra qu’elle se montre demain. Ce commissaire a beau être celui que je t’ai décrit et t’appeler monsieur, il pose des questions, téléphone. Et qui sait quelles idées il peut encore avoir en tête ? Elle doit se montrer, la demoiselle. Demain. Mieux encore, ce soir. »

Une décharge électrique dans l’air, voilà ce que je vis. Et le fourmillement dans l’estomac ne cessait de me chatouiller.

« C’est la vérité, répéta le soldat en m’examinant de bas en haut. Tu ris ? Tu as de la chance, alors. »

Mais, la gorge sèche, étranglée, je ne parvenais pas vraiment à rire.

« C’est dingue, dit-il encore entre deux soupirs, les yeux de nouveau rivés au sol. Mais c’est ainsi que tourne le monde. Il suffit de le savoir.

— Oui, dis-je. Oui. »

J’avais une vision dans les yeux, ridicule et concrète, comme d’une piste-jouet que de minuscules voitures parcouraient à toute allure, dévorant l’espace devant elles, en tous points parfaites. Et nous étions comme elles : une chose nous avait bloqués dans un vide d’air, une autre nous remettait en marche.

« Ta permission n’a pas expiré ? s’inquiétait-il déjà. Ne te hasarde pas à partir comme ça. Fais-toi remettre un bout de papier. Du district, de ton capitaine s’il comprend encore quelque chose. Ou même du commissaire. Écoute-moi. Tu veux payer pour les ennuis des autres ?

— Non, non. »

Il releva son visage pointu.

« Et avec la demoiselle ? Il ne s’est rien passé ?

— Comment ? » dis-je, lent à comprendre.

Déjà, il levait les mains en signe de capitulation.

« Pourquoi me regardes-tu comme ça ? rétorqua-t-il, content de lui. C’était juste pour dire quelque chose. Quel mal y aurait-il à ça ? Dans ce genre d’endroit, avec l’angoisse, la nuit, le désordre. L’homme reste un homme. Les choses arrivent. Mais elle n’a d’yeux que pour l’autre fou, pas vrai ? J’oubliais.

— C’est une fille bien, protestai-je bêtement.

— Bien sûr. Personne ne dit le contraire, répondit-il, surpris. Mais les filles bien peuvent plaire, elles aussi, comme les autres. Et peut-être plus. »

Je lançai un coup d’œil vers le tournant, certain d’y voir Sara. Mais elle s’était peut-être rendormie, ou l’avait rejoint, lui, sous l’arbre.

« Et toi, tu étais présent ? demanda Miccichè sur le ton le plus détaché qu’il put.

— Nous avons entendu. De la cour.

— Et pas vu ? Rien ?

— Juste entendu. Et puis… »

Il m’arrêta aussitôt d’un geste.

« Je ne veux pas savoir, dit-il nettement. Moins j’en sais, mieux je me porte. Mais il faudra que tu racontes une histoire au commissaire. Et toujours la même, comme un disque rayé. Penses-y à temps. Tu peux dire que tu dormais. Ou que tu avais trop bu. Non, attends, ne dis pas que tu étais soûl. Pour ces gens-là c’est toujours une circonstance aggravante. »

Du menton, j’indiquai la maison.

« J’en parlerai avec lui. »

Il sursauta, agacé.

« Bravo ! Tu as vraiment trouvé ton homme ! Ce type-là te noie, puis il te demande si tu es en bonne santé, il te flanque dans la poussière, la langue pendante, puis il te demande si ça t’a plu, si tu es bien.

— Tu ne le connais pas.

— Et je ne veux pas le connaître. Mais c’est un riche, il arrivera en enfer après toi. »

Il riait, montrant ses longues dents.

Je ris à mon tour. « Tu es communiste ? »

Il pointa le doigt vers moi. « Dans certaines situations, il m’arrive de raisonner en communiste. Mais je ne me mêle pas de politique. J’ai déjà assez de malheurs comme ça. Et toi, qu’est-ce que tu es ?

— Rien. Je ne crois pas à ces choses-là. Jamais cru. »

Il acquiesça gravement.

« Tu as raison. Chaque tête doit résoudre son propre problème. Le petit poisson nage vite, trop de petits poissons réunis attirent les filets.

— Et pourtant, je les envie, les autres. Unis, ils se tiennent compagnie, c’est du moins ce qui me semble.

— Semble. Justement. Ce n’est que l’apparence. » Il se frotta vigoureusement le nez de haut en bas. « Les mulets vivent bien entre eux. Pas le cheval pur-sang. Oui, ce monde est de plus en plus destiné aux mulets. Les gens crient tous les mêmes choses. Tu m’as compris ? Car je suis content d’être ton ami. Un ami d’ailleurs est toujours un avantage dans la vie.

— Archiviste. C’est ce que tu m’as dit avant-hier, non ? Quelles études as-tu faites ? Tu n’as peut-être pas terminé. »

Il s’assombrit.

« Fini. C’étaient des études de quatre sous. Archiviste, oui. Mais dans un futur proche. J’ai un oncle du côté maternel aux archives municipales. Il me garde une chaise au chaud, que j’aurai après le service militaire. Génial, hein ? D’abord cette fameuse chaise, ensuite on verra. Ah, qu’est-ce qui nous prend de discuter comme ça ? Il fait chaud, le soleil tape, on n’a pas mangé, et il faut que tu penses à ton commissaire. Une anguille, voilà ce que tu devras être. Et le capitaine ? Enfermé dans la maison ?

— Non. Là, derrière. Il est sans doute en train de boire.

— Tu es tombé dans le panneau, me reprocha-t-il tristement. Tu l’as pris au sérieux. Moi, dès que je l’ai vu, je me suis dit : un polichinelle. Un polichinelle tout maigre qui a avalé sa canne pour tenir debout et… »

Il s’interrompit, un pouce tourné en direction du sentier. Je vis Sara à contre-jour.

Elle venait vers nous sans accélérer le pas. Elle paraissait plus fraîche, ses yeux semblaient sereins, peut-être avait-elle dormi pendant cette dernière demi-heure. Sans un mot, elle tendit la main à Miccichè, qui s’était levé.

Mon petit frétillement de gaieté fut aussitôt réduit en cendres au fond de mon cœur.

« Demande-lui de t’expliquer. Il sait tout, lui dis-je en m’écartant. Je retourne auprès de l’autre. Toujours là-bas ?

— Le lieutenant ne parle pas. Il ne parlera jamais. Pas même si on l’écorchait. Voilà la vérité, ce qu’il y a d’important à savoir, marmonna Miccichè en ne regardant rien ni personne. Bâtissez donc là-dessus la comédie que vous voudrez. »

« Ainsi, il n’est pas mort et j’ai bien l’air vivant », jugea-t-il quand j’eus terminé mon récit.

Il cherchait un sourire. Son visage flétri avait perdu toute trace de son âge.

Il s’était serré contre l’arbre dans le dernier demi-cercle d’ombre restant, la bouteille presque vide.

« Pauvre Vincenzo. L’échec. Le ridicule… », dit-il encore, les ongles de la main droite tourmentant des taches de barbe sur une joue, le menton.

Au loin, le battement régulier d’un marteau.

Il tenta de bouger le bras gauche. Son gant rigide pendait.

« Je me déboulonne. »

Et il rit, un seul coup, comme un sanglot.

« Je me sens sale, se plaignit-il. Quelle bêtise, non ? Si j’étais lavé et repassé, tout me semblerait différent. Ah, notre bar de Rome ! Tu te souviens ? Allumette, Ciccio. Même mon briquet ne marche plus. Vive notre belle autonomie ! »

J’allumai soigneusement la cigarette suivant bien le contour de l’extrémité.

« Le brouillard poursuivit-il tout bas. Tu vois notre brouillard ? À Turin ? Et son odeur, la plus raffinée du monde. Celui de novembre est le meilleur. Je ne suis pas ivre, Ciccio, ne t’inquiète pas. Mais cet air sec ne te fait-il pas souffrir ? »

J’imaginais ma ville, un réseau tacheté comme la pellicule d’un vieux film, le noir et le blanc atténués en filaments, pluies fines. Grand et lent était mon désir d’y être englouti, d’errer moi aussi sur cet écran, débarrassé d’un visage authentique.

Un insecte aux ailes purpurines, transparentes, grimpait sur sa veste. Je le chassai d’un coup d’ongle.

« Tu sais ce que je suis ? Le onze de pique. Mon père avait raison. À chaque recalage, ou quand de l’argent disparaissait du tiroir de la pharmacie, il déversait son mécontentement sur ma mère : tu as fait le onze de pique, et maintenant nous devons le supporter. »

Il sourit en soufflant de la fumée.

« Mais le onze de pique n’existe pas, objectai-je.

— Justement. Une carte qui n’appartient pas au paquet. Qui n’est bonne pour aucun jeu », approuva-t-il. La cigarette suivait les mouvements de ses lèvres, son cou se raidissait dans un effort de volonté.

Il laissa échapper : « Pauvre Vincenzo, si tu étais venu chez moi, à l’heure qu’il est… »

Je ne veux plus t’écouter, pensai-je.

J’éprouvais une douleur entre nuque et épaule : cette fatigue empoisonnée dans le corps. Aucun remède ne me semblait possible.

« Qu’avez-vous l’intention de faire, monsieur ?

— Monsieur. Notre Père. Dieu du ciel, si j’étais une hirondelle », plaisanta-t-il, sans force.

Et puis : « N’aie pas peur, mon ami. Aujourd’hui, ce soir, tu repars. Et tu n’auras pas de problèmes. Je te donne ma parole. Si tu as encore confiance.

— Je ne parlais pas de moi.

— Tu as faim ?

— Oui.

— Eh bien, moi aussi. Incroyable. Je suis sale, puant, pas fiable, si je tire, je rate mon coup, je mets dans le pétrin ceux qui sont là et les autres, et pourtant j’ai faim. Simple, n’est-ce pas ? »

Il rit encore en faisant tomber de la cendre sur son costume.

« Ce que j’ai l’intention de faire, demandes-tu. Ceci : me rendre. Et m’en remettre à la générosité de l’ennemi.

— C’est-à-dire ?

— C’est-à-dire : tu verras. Ou plutôt non. Tu ne verras rien », lâcha-t-il, penché en avant.

Sara revenait. Immobile et méfiant près de la voiture, Miccichè secoua la tête, la main, quand je l’invitai d’un geste. Il s’assit à côté d’une roue, le regard ailleurs.

« Fausto, je suis là. Tu as entendu ? Et si c’était un piège ? dit la jeune fille.

— Sara, Sara, pourquoi n’es-tu pas comme les autres ? » dit-il, tentant encore une fois de sourire.

Les yeux baissés, elle fouillait tristement l’herbe.

« Je le deviendrai. Grâce à ça, grâce à autre chose, je deviendrai moi aussi comme les autres. Bel avantage pour moi, pour mon prochain, répondit-elle.

— Tu parles déjà comme une veuve. » Il essaya de rire mais ses efforts semblaient si pitoyables que Sara se contenta de le regarder, sans envie de répliquer.

« Je pourrais mettre la valise dans la voiture, dis-je.

— Halte. D’abord une gorgée. Ne bouleversons pas immédiatement nos habitudes, fit-il en récupérant la bouteille. Et arrête de te défiler. »

Le regard hostile de Sara était fixé sur moi.

« Fausto, c’est un piège. Je le sens », recommença-t-elle.

Il s’impatienta : « D’accord. J’ai compris. Tant mieux. »

À présent, Miccichè nous observait, les doigts s’agitaient pour m’interroger, me presser.

Il reprit la parole : « Il faut y aller.

— Où est-ce que je te conduis ? interrogea doucement la jeune fille.

— Le premier carabinier sera pour moi, répondit-il d’une voix sèche.

— Fausto…

— Et amen. Pas un mot. »

Sara acquiesça, les mains retournées sur ses genoux, le visage terreux, sans expression.

« Je voulais seulement dire : aimerais-tu prendre un bain, te ressaisir un peu ? risqua-t-elle tout bas. Je te conduis chez moi ? Un seul instant, qu’est-ce que c’est, un instant ?

— Et ta mère ?

— Je m’en fiche. Je me fiche de tout le monde. Qu’on essaie un peu de me chercher des poux, rétorqua-t-elle avec dureté. Et n’oublie pas : je t’accompagne, je te conduis. Si je dois me taire, je me tais. Mais je reste avec toi jusqu’à la fin.

— Qu’est-ce que ça veut dire ?

— Que je reste avec toi jusqu’à ce que les autres me chassent, de force s’il le faut. Pas toi.

— Je ne te chasserai plus. Pas moi », répondit-il doucement. Et il tourna la tête.

Je vis Sara écraser un frisson entre ses épaules.

« Jure-le », murmura-t-elle. Apeurée, la main qui s’était précipitée vers lui recula et se barricada dans l’autre.

« Oui, oui. Je le jure. Tu as compris. Mais maintenant ça suffit », lâcha-t-il, accablé.