CHAPITRE XVII
 
Le Club des Cinq.
 

 

 

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« Plus vite, Annie, plus vite ! » s'écria Mick, sur les talons de sa sœur.

Mais la pauvre enfant éprouvait à avancer une peine de plus en plus grande. Tirée par François, poussée par Mick, elle manquait de tomber à chaque instant. Les tempes bourdonnantes, le souffle court, il lui semblait que son cœur allait éclater, tant elle le sentait cogner dans sa poitrine.

« Il faut que je m'arrête », dit-elle, haletante.

Hélas ! il ne pouvait être question de cela, alors que les deux bandits venaient de se lancer aux trousses des fugitifs ! Comme ceux-ci traversaient la rotonde où ils s'étaient reposés à l'aller, Annie jeta au banc de pierre un regard d'envie, mais ses frères ne lui laissèrent pas le loisir de s'y attarder.

Tout à coup, la fillette buta sur une pierre et tomba tout de son long, entraînant François qui, heureusement, se rattrapa de justesse. Elle voulut se relever aussitôt, mais poussa un cri et fondit en larmes.

« Je me suis tordu le pied ! s'écria-t-elle. Oh ! François, comme j'ai mal...

— Écoute, il faut que tu sois courageuse », dit le grand frère. Bien qu'il eût le cœur serré devant la détresse de sa sœur, il était résolu à ne pas se laisser émouvoir, sachant que s'il faisait montre de faiblesse, la partie serait irrémédiablement perdue pour eux tous. Il reprit donc fermement : « Lève-toi, et viens vite ! »

Annie obéit, mais malgré tous ses efforts, ne put soutenir l'allure que tentaient de lui imposer ses frères. Courir lui était maintenant un tel supplice qu'elle ne pouvait retenir ses larmes. Mick et Claude butaient contre elle à chaque instant. Bientôt, elle n'avança plus qu'au pas et en clopinant.

« Qu'allons-nous devenir ? » se dit Mick.

Il jeta derrière lui un regard inquiet. Les lampes des poursuivants brillaient dans l'obscurité du boyau, et, déjà, l'on entendait le bruit de leur course éperdue.

Tout à coup, Claude s'arrêta.

« Continuez sans moi, fit-elle. Je reste ici avec Dagobert et je vous promets que nos deux voleurs trouveront à qui parler !... Tiens Mick, prends ces papiers », dit-elle à son cousin qui s'était arrêté aussi, laissant François et Annie poursuivre leur chemin. « Je ne sais si ce sont les documents que nous cherchions : je n'ai même pas eu le temps de les regarder, mais en tout cas, je les ai découverts dans la poche d'un imperméable, au fond de la penderie ! »

Poussant une exclamation de surprise, Mick saisit la liasse que lui tendait sa cousine et les glissa dans son blouson.

« Je reste avec toi, Claude, décida-t-il.

— Non. Je veux que ces papiers soient en sûreté. Pense donc : ce sont peut-être les feuillets volés à papa ! Sauve-toi. Avec Dagobert, je ne crains rien. Je vais m'embusquer ici, derrière ce gros rocher, et, quand les voleurs arriveront, je ferai aboyer Dago sans crier gare.

— Mais ils vont peut-être tirer sur lui !

— Si tu crois qu'ils en auront le temps... Et puis, qui te dit qu'ils sont armés ? Vite, Mick, va-t'en, je t'en supplie ! Ils arrivent ! »

Mick prit ses jambes à son cou. Il se hâta de rejoindre Annie et François qu'il informa du plan de leur cousine.

« Cette brave Claude ! s'écria François. Elle a un cran !  Et l'on peut se fier à elle : je suis sûre qu'elle tiendra ces bandits en respect jusqu'à ce que nous ayons eu le temps de ramener Annie à la maison ! »

Cependant , Claude attendait de pied ferme, tapie avec Dagobert derrière un rocher formant saillie dans le passage. Par bonheur, celui-ci s'incurvait fortement à cet endroit. Soudain, elle se pencha vers son compagnon.

« C'est le moment, Dago, lui souffla-t-elle. Aboie aussi fort-que tu le pourras... Vas-y !

Au commandement de sa maîtresse, le chien se mit à aboyer furieusement. Il s'en donnait vraiment de tout son cœur, et sa grosse voix se répercutait d'une manière effrayante dans les profondeurs du souterrain.

Les deux hommes, qui allaient atteindre le coude du passage, s'arrêtèrent.

« Si vous faites un pas de plus, s'écria Claude, je lâche mon chien sur vous ! »

Un ricanement lui répondit et M. Dulac dit à son compagnon :

« Ce n'est qu'une enfant ! Elle croit nous faire peur .Allons-y ! »

Dagobert se démenait comme un beau diable et la fillette avait toutes les peines dû monde à le retenir. Les hommes s'avancèrent, le faisceau de leur lampe apparut au détour du souterrain. Alors, Claude lâcha prise et le chien bondit à la rencontre de ses ennemis.

Ceux-ci le virent surgir en pleine lumière, terrible, l'œil flamboyant, les crocs étincelants sous les babines retroussées. Et il se tint en arrêt, interdisant le passage.

 

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Le chien bondit à la rencontre de ses ennemis.

 

« Prenez garde, dit Claude sans se démasquer, si vous avancez, il se jettera sur vous ! »

Les hommes semblaient hypnotisés par l’apparition du chien. Celui-ci les guettait, frémissant de colère.

Son poil hérissé le faisait paraître plus énorme encore. Un grondement sourd montait de sa gorge. On eût dit une bête féroce prête à attraper sa proie.

Soudain, M. Dulac se décida : prenant une profonde inspiration, il fit un pas en avant. Mais Claude entendit crisser le gravier.

« Vas-y, Dago ! » s'écria-t-elle. D'un seul élan, Dagobert sauta à la gorge de l'homme et le renversa sur le sol sans lui laisser le temps d'esquisser le moindre geste de défense. Une lutte farouche s'engagea tandis que M. Râteau tournait autour des deux adversaires, complètement affolé.

« Appelez votre chien ! hurla-t-il à l’adresse de la fillette. Sinon, vous vous en repentirez, et lui aussi !

Claude éclata de rire.

« J'ai l'impression que c'est plutôt vous qui allez vous repentir de l'avoir rencontré ! » riposta-t-elle en sortant de sa cachette, ravie de la déconvenue des deux voleurs.

« Dago, viens ici », fit-elle.

L'animal obéit et courut vers sa maîtresse, levant la tête vers elle comme pour lui dire ; « Que se passe-t-il ? Pourquoi me rappelles-tu si vite ? Je m'amusais pourtant bien, tu sais ! »

M. Dulac se releva, blanc de rage, et considéra Claude d'un regard mauvais.

« Qui êtes-vous ? demanda-t-il.

— Je n'ai rien à vous dire, répliqua-t-elle. Je vous conseille seulement de retourner sur-le-champ à la ferme de Kernach, et sachez que, si jamais vous pénétrez de nouveau dans ce souterrain, vous aurez encore affaire à mon chien. Mais dans ce cas-là, je crains fort que vous ne puissiez vous en tirer à aussi bon compte qu'aujourd'hui ! »

Les deux hommes firent demi-tour sans insister, ne tenant ni l'un ni l'autre à affronter une nouvelle fois Dagobert. Claude les regarda s'éloigner et lorsque la lumière de leur lampe eut disparu, elle se pencha vers son chien et l'embrassa.

« Mon brave Dago ! dit-elle. Si tu savais comme je t'aime et comme je suis fière de toi. Viens, nous allons rattraper les autres à présent. Je ne serais pas surprise que nos deux voleurs reviennent explorer le passage cette nuit, mais ils sont bien loin de soupçonner où il aboutit, et je pense qu'ils riront assez jaune en voyant qui les accueillera à la sortie ! »

Claude et Dagobert prirent leur course. Heureusement, Mick avait laissé sa lampe à la fillette, et il ne fallut pas longtemps aux deux amis pour rejoindre le reste de la bande. Les fugitifs se divertirent fort au récit de leur cousine. La pauvre Annie elle-même en oublia un instant sa cheville foulée et ne put s'empêcher de rire en apprenant comment Dago avait eu raison de M. Dulac.

On atteignit enfin l'extrémité du passage.

« Nous voici arrivés », dit François. Comme il levait la tête vers la trappe donnant accès au bureau, il poussa un cri de surprise : « Tiens, que se passe-t-il ? »

Une vive lumière pénétrait par l'ouverture : le tapis si soigneusement rabattu par François pour masquer l'entrée du souterrain avait été écarté.

Les enfants s'approchèrent avec précaution, mais ils eurent aussitôt un geste de recul : M. Dorsel et sa femme se tenaient au bord du trou ! Lorsqu'ils virent les quatre amis surgir du sol à leurs pieds, leur stupéfaction fut telle qu'ils faillirent en perdre l'équilibre et tomber la tête la première ?

« Que diable faites-vous là-dessous ? » s'écria l'oncle Henri.

L'un après l'autre, il aida les enfants à se hisser par l'ouverture. Puis ce fut le tour de Dagobert, et toute la famille se trouva, rassemblée dans le bureau. Un bon feu brûlait dans la cheminée. Que sa chaleur semblait douce au sortir de l'atmosphère froide et humide du souterrain !

« Allez-vous nous expliquer ce que signifie cette équipée ? » questionna Mme Dorsel. Elle était encore toute pâle et l'inquiétude altérait son visage. « J'étais venue ici essuyer les meubles et, en mettant le pied devant la cheminée, j'ai eu l’impression que le sol se dérobait. Quand j'ai relevé le tapis pour voir ce qui se passait, j'ai trouvé cette trappe grande ouverte ! L'instant d'après, je m'apercevais qu'il y avait une ouverture dans la boiserie, au-dessus de la cheminée. Enfin, pour brocher sur le tout, vous aviez tous disparu comme par enchantement. C'est alors que je suis allée chercher votre oncle au jardin. Voyons, que s'est-il passé, et qu'y a-t-il au fond de ce trou ? »

Mick sortit de son blouson les papiers confiés par sa cousine et les remit à cette dernière sans dire un mot. La fillette s'en empara et les tendit à son père.

« Ceci est-il à toi ? » demanda-t-elle.

M. Dorsel se jeta sur les feuillets qu'il examina fiévreusement avant de les serrer contre lui comme s'ils avaient été le plus précieux des trésors.

« Oui, s'écria-t-il, ce sont bien les pages volées à mon manuscrit ! Mon Dieu, quelle joie de les retrouver ! Le résultat de trois ans de recherches, et l'essence même de ma formule secrète. Mais dis-moi, Claude, où les as-tu découvertes ?

— C'est une très longue histoire, répondit la fillette. Raconte-la, François. Moi, je suis trop lasse. »

Le jeune garçon commença son récit. Il ne fit grâce d'aucun détail, disant comment Claude avait, à deux reprises, surpris le répétiteur dans le bureau, ce dont elle avait conclu que M. Rolland avait sans doute fait mettre Dagobert en pénitence afin de pouvoir rôder tranquillement dans la maison pendant la nuit. Il raconta aussi que sa cousine s'était étonnée de voir le répétiteur en grande conversation avec les pensionnaires de la ferme, alors que les uns et les autres affectaient de ne pas se connaître.

M. et Mme Dorsel écoutaient, de plus en plus stupéfaits. À vrai dire, ils ne pouvaient en croire leurs oreilles. Mais la preuve de ce que rapportait François n'était-elle pas là, sous leurs yeux, avec ces papiers qui venaient d'être rendus à leur propriétaire ? Cela semblait encore un miracle à l'oncle Henri qui les tenait serrés sur sa poitrine comme s'il avait craint de les voir disparaître de nouveau. Claude prit ensuite la parole pour relater comment Dagobert avait tenu les deux bandits en respect, afin de couvrir la fuite d'Annie et de ses frères.

« Ainsi, tu vois, bien que tu aies mis notre pauvre Dago dehors par le temps qu'il fait et que tu l'aies séparé de moi, cela ne l'a pas empêché de tous nous sauver, et tes papiers aussi ! » En parlant, la fillette regardait fixement son père de ses yeux étincelants.

L'oncle Henri semblait fort gêné : il se reprochait intimement sa sévérité à l'égard de Claude et de Dago. L'un et l'autre avaient eu raison de se défier de M. Rolland, tandis que lui-même s'était laissé berner.

« Ma pauvre enfant, dit-il à sa fille, j'ai eu grand tort de vous traiter comme je l'ai fait, Dago et toi. »

Claude sourit à son père : jamais elle ne gardait rancune à quiconque savait reconnaître une erreur.

« Tout est arrangé maintenant, n'en parlons plus, dit-elle. Mais ne crois-tu pas que, si j'ai été injustement punie, M. Rolland mérite en revanche un châtiment exemplaire ?

— Certainement ! Et je te garantis qu'il n'y échappera pas, promit M. Dorsel. Pour l'instant, tu sais qu'il est au lit avec un bon rhume. L'essentiel est de veiller à ce qu'il ne se doute de rien. S'il se sentait démasqué, il serait capable de chercher à s'échapper.

— Sois tranquille, fit Claude. Avec cette neige, il ne pourrait aller loin. Mais peut-être pourrais-tu téléphoner à la police et demander que l'on vienne arrêter notre homme dès que les chemins seront praticables ? » Et puis, j'ai l'impression que ses deux complices ne vont pas tarder à explorer le passage secret de bout en bout, dans l'espoir de récupérer les papiers. Dis, papa, crois-tu qu'il nous serait possible de les prendre au piège quand ils arriveront ?

— Bien sûr ! » acquiesça M. Dorsel aussitôt, tandis que sa femme ne semblait pas très désireuse de voir l'aventure se poursuivre plus loin.

« Et maintenant, mes enfants, écoutez-moi, reprit l'oncle Henri, vous devez être à demi morts de froid, et je suis sûr que vous avez une faim de loup. Allez vite vous chauffer dans la salle à manger, en attendant que Maria nous serve à déjeuner. Nous verrons ensuite ce qu'il convient de décider. »

Naturellement, personne ne s'inquiéta de M. Rolland que l'on entendait tousser dans sa chambre. D'ailleurs, Claude avait pris la précaution d'aller fermer sa porte à clef : elle n'avait aucune envie de le laisser rôder dans la maison et, qui sait, peut-être venir surprendre les conversations de ses hôtes !

Tout le monde fit honneur au déjeuner, et les fatigues de la matinée furent bientôt oubliées. Quelle joie pour les enfants d'évoquer encore leur équipée en tirant des plans pour les heures à venir !

« Je vais téléphoner immédiatement à la police, dit M. Dorsel quand le repas fut terminé. Et ce soir, nous installerons Dagobert dans le bureau, ce qui vaudra une belle réception aux amis de M. Rolland s'ils poussent leur exploration jusqu’'ici ! »

Dans l'après-midi, le répétiteur fut extrêmement contrarié de ne pouvoir sortir de chez lui lorsqu'il eut décidé de quitter sa chambre. Saisi d'une vive impatience, il se mit à cogner dans la porte pour attirer l'attention. En l'entendant, Claude eut un sourire satisfait. Elle décida de monter.

« Qu'y a-t-il donc, monsieur ? demanda-t-elle poliment.

— C'est vous, Claudine ? Voudriez-vous regarder ce qui coince ma porte. Je ne parviens pas à l'ouvrir ! »

Après avoir enfermé le répétiteur dans sa chambre, Claude s'était empressée de mettre la clef dans sa poche. Aussi répondit-elle d'une voix enjouée :

« Mais, monsieur, comment pourrais-je ouvrir ? Votre clef n'est pas sur la serrure. Attendez, je vais la chercher. »

M. Rolland faillit entrer dans une grande colère. Pourquoi sa porte était-elle fermée ? Et où avait passé la clef ? Pas un instant, il n'imagina que ses machinations eussent échoué et que lui-même pût se trouver démasqué.

L'oncle Henri rit de bon cœur lorsque Claude redescendit et le mit au courant de sa ruse.

« Tu as bien fait de l'enfermer : au moins, il ne risquera pas de s'échapper. ».

Ce soir-là, tout le monde se coucha de bonne heure. On laissa Dagobert dans le bureau, montant la garde à l'entrée du souterrain. La trappe était grande ouverte.

Dans la soirée, M. Rolland avait mené grand tapage, cognant à coups de pied et à coups de poing dans sa porte et appelant M. Dorsel à tue-tête. À son extrême surprise, Claude seule était accourue. La fillette s'amusait follement. Elle ne put résister à l'envie de taquiner le prisonnier en faisant aboyer Dagobert sur le palier. M. Rolland ne savait plus que penser. N'avait-on pas interdit à Claude de revoir Dagobert ? Et les suppositions les plus extravagantes affluèrent à son esprit : cette maudite enfant n'aurait-elle pas réussi à séquestrer ses parents et Maria, sans parler de lui-même, par simple méchanceté, ou par vengeance ? Que s'était-il passé ? Non, vraiment, M. Rolland ne pouvait l'imaginer.

Au beau milieu de la nuit, la maison entière fut réveillée par les aboiements furieux de Dagobert. M. Dorsel et les enfants, se précipitèrent au rez-de-chaussée, suivis par Mme Dorsel et par Maria, complètement éberluée.

Dans le bureau, le plus réjouissant des spectacles s'offrit à leurs yeux. M. Dulac et M. Râteau étaient retranchés derrière un fauteuil, terrorisés par Dago qui aboyait à perdre haleine. Le chien était campé devant l'entrée du souterrain, coupant toute retraite aux deux hommes. La brave bête avait eu la ruse de se tenir coite, laissant aux bandits le temps de se hisser par l'ouverture, puis de s'avancer dans la pièce, perplexes, inquiets de savoir où ils se trouvaient. Alors seulement, Dago avait bondi vers la trappe et donné l'alarme. Maintenant, il montait la garde.

« Bonsoir, messieurs, fit Claude d'un ton poli. Venez-vous rendre visite à notre répétiteur, M. Rolland ?

— Il habite donc ici ! s'exclama M. Dulac. Est-ce vous que nous avons vue dans le souterrain ce matin ?

— Oui, c'était moi, répondit la fillette. Mais sans doute désirez-vous reprendre les papiers que vous aviez dérobés à mon père ? »

Les deux hommes se turent, confondus. Ils étaient pris.

« Où est M. Rolland ? questionna enfin M. Dulac.

— Oncle Henri, puis-je conduire ces messieurs auprès de notre répétiteur ? pria François. Bien qu'il soit un peu tard, je crois que cette visite lui fera plaisir.

— Tu as raison, acquiesça M. Dorsel, entrant dans le jeu aussitôt. Accompagne ces messieurs, et toi aussi, Dagobert. »

Les hommes suivirent François, et Dago emboîta le pas, surveillant de près les mollets de ses prisonniers. Claude fermait la marche, le sourire aux lèvres. En arrivant sur le palier, elle tendit à son cousin la clef de la chambre du répétiteur. François ouvrit la porte et fit entrer les visiteurs. Au même instant, il tourna le bouton électrique. M. Rolland se dressa sur son lit, et une profonde stupéfaction se peignit sur son visage lorsqu'il reconnut ses amis. Aucun n'eut le temps de dire un mot : la porte se referma, François la verrouilla et jeta la clef à sa cousine.

« Quel joli trio de gredins, dit-il. Nous allons laisser Dago sur le palier pour qu'il monte bonne garde. Toute évasion par la fenêtre est impossible, et d'ailleurs, il y a trop de neige pour permettre à quiconque de beaucoup s'éloigner de la maison »

Chacun regagna son lit, mais les enfants eurent bien du mal à s'endormir après une journée si fertile en événements. Claude et Annie chuchotèrent longtemps et, de leur côté, les garçons ne furent pas en reste. On avait tant à raconter...

Le lendemain matin, on eut une grosse surprise : les gendarmes se présentèrent, en dépit de la neige qui couvrait encore la campagne.

« Nous n'allons pas emmener les prisonniers aujourd'hui, expliqua le brigadier à M. Dorsel. Le trajet serait trop risqué dans les conditions où nous sommes. Mais nous allons leur passer les menottes, ce qui les empêchera de se livrer à de nouvelles fantaisies. Tenez-les enfermés dans leur chambre, et laissez votre chien devant la porte. J'espère qu'après demain le temps nous permettra de venir les chercher. Ne vous inquiétez pas de leur nourriture : nous leur apportons assez de provisions pour deux jours et, s'ils trouvent le menu un peu court, ils n'auront qu'à prendre patience. »

Le surlendemain commença le dégel. Une voiture cellulaire réussit à atteindre « Les Mouettes » dans l'après-midi. Les gendarmes y firent monter M. Rolland et ses complices.

Les enfants regardèrent la voiture s'éloigner.

« Et maintenant, s'écria Annie, plus de devoirs, ni de leçons !

— Plus de punitions, ni de pénitences, n'est-ce pas, Dago ? ajouta Claude.

— Tu avais raison et nous avions tort, dit François à sa cousine. Nous te trouvions beaucoup trop entêtée, mais si tu ne l'avais pas été...

— C'est qu'elle est terrible, quand elle s'y met, notre Claude ! fit Mick, passant le bras autour des épaules de la fillette. Mais c'est ainsi que nous l'aimons, n'est-ce pas, François ?

— Bien sûr ! » Claude se mit à rire.

« Ce n'est pas étonnant, s'écria-t-elle. Vous êtes aussi terribles et aussi entêtés que moi : vous teniez autant à votre idée que moi à la mienne en ce qui concernait M. Rolland ! N'empêche qu'à nous tous, avec Dagobert, nous composons une fameuse équipe !

— Le Club des Cinq, voilà ce que nous sommes, et rien ne nous arrête ! fit Mick avec enthousiasme.

— Dites donc, s'exclama Claude, les yeux brillants, c'est une idée ; si nous formions un vrai club ? ».

À ces mots, Annie sauta de joie.

« Oh ! oui, et nous n'en parlerons à personne !

— Alors, il faut que nous fassions une promesse, décida François. Seulement, voilà... il y a Dagobert : il ne peut pas parler, lui. »

Claude dit vivement :

« Cela n'a pas d'importance. Dago nous aime, et il a le cœur fidèle. Que pourrions-nous demander de plus pour être sûrs de lui ? » Elle regarda le chien qui, couché à ses pieds, avait relevé la tête en entendant prononcer son nom.

« Nous allons former le cercle, reprit-elle. François dira la promesse : c'est lui l'aîné. Nous répéterons après lui. »

La fillette s'assit en tailleur sur le sol, à côté ; de Dagobert. Ses cousins l'imitèrent. Puis, Claude prit la patte droite de Dago, Annie celle de gauche, et les quatre enfants se donnèrent les mains comme pour faire la ronde.

« Vas-y, François », dit Mick.

Alors, le jeune garçon commença :

« Nous tous, Claude, Annie, Dagobert, Mick et François, réunis ici, nous décidons de constituer le Club des Cinq. » Quand les autres enfants eurent répété ses paroles, il poursuivit : « Nous, promettons de nous aider, de nous protéger et de garder le secret. »

À leur tour, ses compagnons redirent la promesse, puis-il y eut quelques instants de silence.

« Le Club des Cinq, c'est merveilleux, murmura enfin Annie.

— Quand je pense à toutes ces aventures que nous avons déjà connues... fit Mick, aux grandes vacances, et cette fois-ci, à Noël, je me demande si cela va continuer !

— Sois tranquille, lança Claude gaiement. La série de nos aventures n'est sûrement pas terminée. Quant aux occasions de se distinguer, le Club des Cinq en aura bien d'autres ! ... »

 

 

FIN