II

Un monde disparaît, un autre le remplace. D’habitude, ce genre d’idée amusait Philibert. Et souvent, il s’égarait dans sa philosophie de bricoleur : la vie, le monde, les petits mystères de la réalité. Comme on oublie vite, par exemple, le confort quotidien d’un foyer que l’on a quitté ! Et ce n’est pas seulement l’âme mais le corps entier qui oublie la chaleur d’un salon, le goût d’un bon repas, le contact de la peau d’une femme. C’est comme si on était un autre ou, plutôt, comme si, en changeant de monde, on se changeait aussi soi-même, ce que l’on est et ce que l’on a été. Voilà à quoi pensait Philibert, un sac de jute sur la tête, alors qu’il traversait Paris.

Le voyage fut rude et sans égard. Sa tête aveugle heurtait un mur, une marche qu’il ne pouvait anticiper le projetait sur le pavé. Et chaque fois des bras sans tact le relevaient et le poussaient jusqu’au prochain obstacle. Il imaginait, entre deux coups, les badauds atterrés s’écartant sur son passage. À moins qu’il n’y en eût pas. Il n’entendait rien. Rien d’autre que ses ravisseurs et leur dialecte fantastique. À leurs voix, Philibert en avait compté cinq. Des timbres bigarrés, l’un aboyant et claquant de la langue, l’autre sifflant par le nez en ponctuant ses phrases de raclements gutturaux. Quel langage parlaient-ils, si c’était un langage ? Philibert n’était même pas certain qu’ils parlaient tous le même. Régulièrement, il les implorait de l’épargner ou demandait plus simplement vers où ils l’emmenaient. Mais le comprenaient-ils ? Une fois, même, ils répondirent par des rires et le poussèrent plus fort pour le faire tomber.

Cela avait duré une éternité. Le temps d’oublier son monde d’avant.

Et puis, ils le tinrent plus serré pour le guider à travers l’entrée d’un bâtiment. Philibert sentit la dureté du carrelage sous ses pas, entendit la réverbération de ses plaintes sur des murs de pierre et perçut, très loin, le chant d’un coq derrière la porte que l’on refermait. Puis une chaleur bienvenue et l’odeur riche d’une cuisine. Quelque part, on faisait cuire de la viande, un ragoût chamarré où il devinait la carotte, le poireau et, peut-être, l’artichaut d’Afrique. Puis venaient les épices, comme des pierres précieuses ajoutées à un habit déjà bien chargé : le girofle, la muscade et l’esprit volatil de la menthe. La menthe ? Alors que ses pieds découvraient un escalier, son cœur s’apaisa un peu. Un tel fumet éliminait déjà l’hypothèse d’un enlèvement crapuleux. Au moins savait-on vivre dans ce monde nouveau qui l’accueillait.

Sur le palier, sa tête cogna une applique en étain qui sonna comme une cloche, et on l’introduisit enfin dans une chambre où il put s’arrêter de marcher. Derrière son dos, il ne sentait plus que la présence d’un seul homme. Les autres, supposa-t-il, étaient restés dehors à garder la porte.

Le garde-chiourme arracha d’un geste sa cagoule, et avec elle une poignée de cheveux prise dans la toile. La lumière de l’aube lui fit fermer les yeux. Et il laissa ainsi passer un instant tandis que l’homme dans son dos défaisait la corde qui lui entravait les bras.

Puis, à son rythme, il rouvrit les paupières pour découvrir la chambre où on l’avait mené. Au centre, il y avait un beau lit, confortable, avec des pieds de bois tourné et un édredon de plumes. Pas loin, une cheminée de pierre, de petite taille, mais joliment décorée d’une madone à l’Enfant, en bas relief, sur son manteau. La maison d’un catholique, pensa immédiatement Philibert. Puis il s’amusa des défauts de la pierre qui faisait à la Vierge une peau de vérole, et du bout de son nez qui était cassé. Un tabouret et un coffre assez banal complétaient l’ameublement, rangés sous une petite fenêtre. Il faisait jour. Il faisait même beau pour une première journée dans son nouveau monde.

Le nœud lâcha dans son dos. Il récupéra ses mains exsangues et se frotta les poignets en se tournant pour découvrir son tortionnaire. C’était un Maure, à la peau sombre, comme il n’en avait jamais vu. Un visage curieux qui lui rappela le livre d’explorateurs de Louise. Des lèvres pleines, un nez tranchant, le blanc des yeux plutôt ivoire qui laissait suspecter un ictère, si tant est qu’il pût appliquer sa médecine à une telle personne. Sa face, toute sauvage qu’elle était, ne semblait pas méchante. Philibert fit quand même un pas en arrière, la prudence l’emportant d’une longueur sur la curiosité.

Le Maure – ou était-ce un guerrier ottoman ? – arborait un habit de parade. Et même dans la lumière trop pâle du matin, les couleurs qu’il portait éclataient à l’excès. Des accords primaires sur des reflets brillants, du clair sur du sombre, et un mélange de matières qui collait bien à l’exotisme qu’on attendait. Il portait une robe légère d’un bleu vif et sans taches qu’il avait fourrée dans des bottes qui lui montaient aux genoux, peut-être pour ne pas être gêné au combat ou dans ses occupations de soldat. Par-dessus, il avait passé un manteau de feutre rouge, taillé long mais ouvert sur le devant. Et il bouclait la palette avec des guêtres jaune doré, à peine ternies par la poussière de la route. Voyant la surprise de Philibert, il posa la main sur le pommeau d’un couteau glissé dans sa ceinture de soie blanche, un couteau large à la lame doucement recourbée, avec des petites plumes le long du manche. Un objet de collection qui ne devait jamais avoir tué personne.

— Qui êtes-vous ? tenta Philibert.

Pour toute réponse, le soldat montra les dents. Mais il ne tirait pas assez sur les bords de sa bouche pour en faire un sourire. Philibert, ne voyant pas quelle autre expression ce pouvait être, sourit à son tour.

— Vous ne me comprenez pas ? ajouta-t-il en articulant.

L’autre ne dit rien et Philibert recula jusqu’au lit sans espérer aucune réponse. Il s’assit sur l’édredon. Il aurait voulu s’y coucher et dormir un peu pour effacer cette nuit étrange. Mais son majordome de mardi gras l’impressionnait trop pour qu’il pût en détacher les yeux. Il sentait les ecchymoses de la marche forcée à ses flancs et à ses genoux. Et il se dit que, derrière son flegme de statue souriante, ce gardien pouvait bien encore décider de le frapper, sans raison intelligible en dehors de sa logique tropicale.

Toujours est-il que le moelleux de la plume sous ses reins fatigués invita Philibert à la rêverie. Son esprit voleta doucement du poignard au jaune des bottes, du tissu bouffant aux dents trop blanches. Et si c’était un Égyptien ? N’avait-il pas, infâme profanateur, exhumé le corps de sa reine ? Il se souvint du pied de céladon. Puis, à rebours, du cercueil, de la tombe, de la maison délicieuse et de son ami Broussais. Et, enfin, la nuit étrange qui lui revenait entière dans toute sa bizarrerie.

Avec ce qu’il fallait bien appeler ses complices, il avait fracturé la porte d’une propriété, exhumé un cercueil qu’il avait ensuite violé pour en arracher la dépouille d’une duchesse ou il ne savait quelle autre marquise de grande famille. Comment nier ou simplement expliquer ? Son office de médecin pouvait-il l’excuser ? Certainement pas. Il y avait assez de crevards sur les bords des routes pour ne pas aller troubler le repos des âmes des grands de ce monde. Plaider la gloire de la science serait complètement déplacé. Qui commet ce genre de crime sinon les sataniques et les sorciers ? Face à un juge épiscopal, il ne lui resterait plus qu’à implorer la clémence d’une pendaison pour échapper au bûcher. Déjà un catholique, à sa place, n’aurait eu aucune chance. Alors lui… Qu’on vienne à fouiller son passé ou interroger ses amis et il finirait au martyrologe des médecins huguenots comme un Servet en place de Genève. Comment meurt-on sur un bûcher ? Philibert laissa le tableau se déployer dans son esprit : l’odeur de la fumée tout autour de soi, la première chaleur, l’image de la foule qui se trouble à travers les volutes, l’air qui brûle le fond des poumons.

— Épinards, raves douces, navets ! Les cris d’une vendeuse le tirèrent de son cauchemar. Derrière la petite fenêtre, la vie des gens ordinaires revenait enfin. Comme une réminiscence de son monde d’avant qui persistait, presque réel, de l’autre côté de la vitre.

Et devant lui, son bachi-bouzouk d’apparat n’avait pas bougé d’un pouce.

Non, les éléments de son histoire ne s’emmanchaient pas aussi facilement. Si c’était une patrouille de la garde qui l’avait surpris, les soldats l’auraient interpellé et questionné avant de l’emmener. Et puis, la garde ne cagoule pas les contrevenants, surtout quand il s’agit de médecins respectables. Et puis, la sénéchaussée ne fait pas patrouiller des exotiques en costumes de fête, des gens qui ne parlent même pas notre langue ! Où trouvait-on de tels individus ? Des pirates ? Dans les rues de Paris, cela semblait ridicule. Des mercenaires, alors ? Il était notoire qu’avec un peu d’argent, on pouvait se constituer une armée domestique dans les ports du Sud. Cette idée élargissait sérieusement l’étendue des possibilités. Alors, si ce n’était pas la simple police de la cité, qui pouvait lui en vouloir au point de le ligoter comme un vilain ?

Le mari, bien sûr ! Cet homme mystérieux, soi-disant déjà loin de la capitale alors qu’il venait à peine d’enterrer sa femme. Broussais s’était trompé. L’aristocrate n’avait pas fui. Avec sa troupe de mamelouks, il les avait épiés en plein sacrilège et, ivre de vengeance, avait envoyé ses tueurs se saisir des coupables. Cette hypothèse n’était-elle pas pire encore ? Cet homme furieux et désespéré ne s’embarrasserait pas d’un jugement. Et, apprenant le sort qu’il préparait à sa femme, il déciderait de punir Philibert en lui infligeant les mêmes sévices. La poutre, la poulie, la corde en travers de la gorge et qui ressort par le maxillaire. Philibert disséqué vivant, le cou tendu, les muscles à vif et leurs striures délicates comme un croquis de Vésale.

— Mes choux tout chauds ! Une nouvelle fois, le cri d’un marchand rappela l’esprit de Philibert. Dehors, la rue s’animait à mesure que le soleil grimpait. L’éclat de la vitre dissipa ses fantasmes. Il fallait qu’il se reprenne. Assis sur son édredon, il vivait un répit qu’il ne devait pas gâcher avec ses élucubrations morbides. Philibert ferma les yeux et attendit que son cœur ralentisse.

L’idée du mari vengeur ne comportait pas de faille évidente qui lui aurait permis de l’écarter. Il faudrait faire avec. Mais il était certain qu’en réfléchissant davantage, il pourrait trouver mieux. L’action avait été si soudaine. Après ce calme irréel, cette impunité même, qui les avait suivis tout au long de l’expédition, l’arrestation n’avait duré que quelques secondes. Pas une hésitation, pas un craquement ni le moindre bruit qui eût annoncé l’imminence de l’assaut. Décidément, cela ressemblait à un guet-apens, cela empestait la préméditation. Les soldats se tenaient dans l’ombre de la rue avant même qu’ils n’y arrivent avec la morte sur son brancard. Il en avait l’intuition, si ce n’est la certitude. Mais, pour préparer un tel coup de force, il fallait être au courant de leur expédition. Qui l’était ? À part Broussais et lui-même, il n’en avait parlé à personne. Les deux béotiens ne comptaient pas. Et Broussais… Que lui avait dit son ami, déjà, avant qu’ils se séparent ? Au moment de ces adieux hors de propos alors qu’ils devaient se revoir l’instant d’après par le soupirail. Pourquoi s’était-il excusé ? Je ne pouvais pas refuser : c’étaient ses derniers mots avant de s’engouffrer dans son couloir. Refuser quoi ? De trahir un ami ? Pourquoi aurait-il fait cela ? Ils ne s’étaient pas revus depuis quinze ans et, même à l’époque, ils ne s’étaient jamais disputés. La haine des huguenots peut-elle dicter un plan aussi abracadabrant ? N’avait-il pas d’autres réformés sous la main qu’il avait dû en faire venir un de Lyon ?

Philibert enfonça son poing dans l’édredon. Le Maure esquissa un mouvement, une simple contraction pour rappeler sa vigilance. Philibert lui sourit.

La garde de Paris, le mari vengeur, la trahison de Broussais. Aucune des trois hypothèses n’expliquait correctement ce drôle de monde où on l’avait plongé. Ou alors, un mélange plus compliqué des trois idées à la fois. Mais la vérité n’est jamais compliquée, se raisonna Philibert. Il y avait sûrement autre chose.

Il eut soudain très chaud. Bon sang, se dit-il, le manteau ! Il n’avait pas songé à l’enlever, le symbole de cette bêtise crasse qui l’avait conduit jusqu’ici. Il se leva, doucement pour ne pas exciter son garde-chiourme, et sans cesser de sourire. Puis il se débarrassa du vêtement et resta debout un moment. Sans sa cape, il n’était plus un malfaiteur. Il redevenait le docteur Philibert Sarrazin, le notable lyonnais du monde réel. Il fallait qu’il rentre. Ses amis, ses patients, personne ne savait où le trouver. Et Louise ! « Mon Dieu, Louise ! » laissa-t-il échapper à voix haute. Elle allait s’inquiéter, mourir d’angoisse. Que l’avait-il abandonnée de la sorte ! Aurait-il une chance de la prévenir avant qu’on le juge ou de lui intimer de fuir pour ne pas subir elle aussi la persécution due à sa confession ?

Il s’orienta vers la fenêtre. C’était la première fois qu’il osait tourner le dos au soldat et à son couteau sacrificiel. Mais il avait besoin du réconfort de la rue, au-delà de la vitre. Et peut-être ce qu’il découvrirait lui donnerait une idée de l’endroit où on l’avait amené.

La porte s’ouvrit dans son dos. Il s’arrêta net.

— Eh bien, docteur Sarrazin, on m’a dit que vous étiez arrivé !

Un barbu au sourire éclatant venait d’entrer dans la chambre. Il portait un pourpoint luxueux avec les manches tailladées sur toute la longueur pour laisser voir, dessous, le tissu soyeux de sa chemise. Ses hauts-de-chausses étaient taillés à la gigote sur des bas de soie assortis. Et comme si cela ne suffisait pas, il y avait adjoint l’indispensable collet à rabat bordé de dentelle, les perles tout autour de la ceinture et une fine rapière de gentilhomme, à son côté, qui semblait d’or et d’argent. L’extravagance à l’italienne de la famille de Valois. Cet homme arrive des festivités royales, pensa immédiatement Philibert en l’apercevant. Son visage, en contraste avec l’autre, était tout ce qu’il y avait de plus français, italien à la rigueur. Un proche de la cour. Peut-être de la clique des Guise, le parti catholique qui s’escrimait à tuer dans l’œuf toute velléité de modération envers les réformés.

— Vous n’êtes pas bien bavard, ajouta l’inconnu avec un petit rire affable.

— Vous me connaissez ? hésita Philibert.

— Bien sûr, puisque c’est moi qui vous ai fait venir ici. Bienvenue dans ma maison ! Je suis heureux d’y accueillir un médecin de votre trempe. Savez-vous que je suis très au courant de toutes vos activités. Je m’intéresse. Vos amis, votre famille… Cette médecine nouvelle que vous professez et qui est, à mon avis, d’une évidence limpide. Quoi de plus naturel que d’observer la maladie avant de chercher à la traiter. Comprendre avant de décider. Vos idées sont brillantes !

Il s’était approché et avait saisi Philibert par les épaules. Philibert sursauta mais n’osa pas se dégager. Tout ce que lui disait cet homme sonnait comme une menace. Ne lui avait-il pas prouvé en quelques mots qu’il connaissait son nom, ses opinions, ses proches ?

— Ne me jugez pas trop vite, monsieur, se dépêcha-t-il d’articuler. Je ne connaissais pas la défunte. Jamais je n’ai voulu attenter à la dignité de sa sépulture. On m’a piégé. Mon seul crime a été ma naïveté.

— Allons, rit-il à nouveau. De grâce, docteur, pas de cela entre nous ! Ne vous laissez pas impressionner par cet Ottoman que j’ai ramené de Terre sainte. C’est un janissaire, le saviez-vous ?

Un janissaire. Bien sûr ! C’était la figure préférée de Louise dans son livre d’explorateurs, cet album de cuir à l’échelle d’un ogre qu’elle lui apportait avec gourmandise, les soirs d’ennui. Moi je n’approuve la guerre, lui disait-elle en riant, que si les hommes se battent dans de beaux habits. Puis elle plissait les yeux pour admirer au ras du papier la finesse des coutures et le tombé du pli sur le plastron de l’Ottoman. Un janissaire, bien sûr ! Et Philibert qui, chaque fois, se penchait avec elle pour mieux se perdre dans la délicatesse de jolies fronces sur le dessus de son nez.

Il secoua la tête.

— Je suis un disciple d’André Vésale et d’Ambroise Paré, continua-t-il pour sa défense. Je croyais venir assister à la dissection d’un mendiant ou d’un corps trouvé. Vous savez, le progrès de l’anatomie est la clé des nouvelles techniques médicales. Si un jour vous veniez à être blessé, par exemple, la ligature des artères que le grand Paré a imaginée pourrait bien vous sauver la vie.

— Vous me parlez de blessure ? Dois-je y voir une menace ?

— Non, supplia Philibert en levant les mains. C’était juste pour vous faire comprendre.

Le gentilhomme éclata d’un rire franc.

— Allez, mon ami, ne voyez-vous pas que je vous taquine ?

Philibert rabaissa les bras, lentement, essayant d’arracher son secret à ce sourire trop parfait dans son cadre de barbe bien taillée. Cette cordialité factice était encore plus inquiétante que le silence du Maure. N’était-ce pas ce même homme qui avait ordonné qu’on le traîne et qu’on le rosse, un sac de jute sur la tête ?

— S’il vous plaît, ne me mentez pas, osa enfin Philibert.

— Mentir ? Vous n’y allez pas de main morte !

— Ne m’avez-vous pas fait battre par vos soldats ?

— Ils vous ont battu ? Ce sont des brutes. Je les ferai fouetter.

— S’il vous plaît…

L’homme abandonna son sourire et attrapa le tabouret pour s’asseoir.

— Vous avez raison. Il est temps que je vous explique. Asseyez-vous. Sur le lit, ça sera très bien.

Son soldat glissa jusque devant la porte. C’était l’heure de l’interrogatoire, comprit Philibert. Ou du jugement. Ou d’il ne savait quel jeu cruel.

— Connaissez-vous, commença le gentilhomme, l’identité de cette jeune femme dont vous vous apprêtiez à profaner la dépouille mortelle ?

— Je ne m’apprêtais à rien du tout, je vous l’ai dit. J’allais fuir cet endroit quand vos hommes m’ont trouvé.

— Il est malheureusement trop tard, docteur Sarrazin, pour vous esquiver. Les faits sont là et regardez comme ils poissent : il n’y avait que vous et cette pauvre femme sur les lieux du crime.

— C’est vous qui avez organisé ce traquenard, n’est-ce pas ?

— Est-ce moi qui ai voyagé une pleine semaine pour monter à Paris chercher ma victime ? Sont-ce mes mains qui tenaient la pelle devant sa tombe ? Voyons, prétendez-vous que vous n’avez pas agi librement ?

— Dieu m’est témoin que je n’ai pas voulu cela.

— Laissez Dieu de côté pour l’instant. Nous reparlerons de Lui plus tard.

Il continua d’un ton plus menaçant :

— Vous avez violé la tombe d’une noble dame de France, docteur Sarrazin. D’une grande famille de l’entourage des Montmorency. Pour une fois que nous avons à la Cour quelques réformés modérés ! Vous comprenez : des huguenots raisonnables avec lesquels on peut discuter. Eh bien, voilà qu’un médecin de leur propre bord va saccager leurs sépultures. Dans quel monde vivons-nous ?

— Qui vous a dit que j’étais de leur bord ?

— Permettez-moi d’oublier cette remarque, elle n’est pas digne de vous. Seriez-vous déjà prêt à renier votre foi ? Je vous l’ai dit : je m’intéresse à vous, docteur Sarrazin. J’ai lu, par exemple, vos écrits de l’époque où vous habitiez Agen. Ils laissent peu de place à l’interprétation. Je sais aussi que vous avez choisi Jean Calvin comme parrain pour votre fille Jeanne. Le même Jean Calvin qui écrit que la messe est une abomination, et le culte des saints, un retour à l’idolâtrie ! Si vous vouliez rester discret, il fallait vous y prendre autrement.

— Vous voulez faire de moi un exemple, c’est cela ? Vous voulez utiliser mon histoire pour diaboliser les gens de ma confession. Et en particulier, les Bourbons que vous cherchez à écarter du pouvoir. Une branche de princes de sang qui s’intéressent aux idées de la Réforme, cela vous dérange car vous êtes un proche des Guise, n’est-ce pas ?

— Vous êtes bien perspicace.

— Les intrigues de la Cour ne sont un secret pour personne. Qui êtes-vous ? Allez-vous m’embastiller, me faire brûler sur la place publique ?

— Oui, bien sûr, je pourrais faire tout cela. Vous n’avez pas tort. Je pourrais même, cet après-midi, vous livrer à notre bon roi Henri comme un magnifique cadeau à l’occasion des noces de sa fille. Il serait tellement heureux de pouvoir justifier un nouveau durcissement de ses mesures de répression à l’égard des huguenots. Contre les Montmorency, les Bourbons, et contre sa femme même, la Médicis qui lit la Bible en français ! Mais non, se calma-t-il, je ne le ferai pas. Je vous laisserai rentrer chez vous. Mais il faudra m’aider…

— Vous aider ?

— Oui, car, voyez-vous, je ne m’intéresse pas seulement à votre personne. D’autres poissons, plus gros et plus juteux, pataugent dans votre mare.

— De qui voulez-vous parler ?

Le gentilhomme se leva de son tabouret, soudain plus solennel, surplombant Philibert resté assis sur l’édredon.

— Connaissez-vous celui qui se fait appeler Nostradamus ? tonna-t-il d’une voix de théâtre.

— Michel ?

— Michel de Nostredame, c’est cela. Autrement dit, l’astrologue Nostradamus que toute l’Europe s’arrache. Vous le connaissez, je le sais. Vous étiez très liés, à ce que l’on m’a rapporté. À l’époque où vous habitiez Agen.

— C’est très ancien.

— Des liens familiaux, même, si mes informations sont exactes. Cela vous dit quelque chose ?

— Isabelle…

— C’est cela même : Isabelle d’Encausse. La défunte épouse du maître de Nostredame. Et, dites-moi, n’avait-elle pas une sœur, cette Isabelle ?

— Louise…

— Nous y voilà ! Louise d’Encausse, épouse Sarrazin. Si je calcule bien, cela fait de vous le beau-frère de notre grand astrologue national.

— Isabelle est morte.

— Oui, et alors ? La famille, c’est éternel.

— Je n’ai pas revu Michel depuis la mort d’Isabelle.

— Cela me surprend de vous entendre l’appeler ainsi : Michel… Vous deviez être très proches. Presque des frères, n’est-ce pas ?

— Que lui voulez-vous ?

— Je vous propose simplement de renouer ces liens familiaux que vous avez trop longtemps négligés.

— Arrêtez de jouer. Votre ton me fatigue.

— Oh ! vous prenez de l’assurance. Dois-je vous rappeler qui possède les atouts ?

— Non, souffla Philibert. Continuez… avec le ton qui vous conviendra.

— À la bonne heure. Alors, comme je vous disais, je connais beaucoup de choses sur vous. Malheureusement, votre illustre beau-frère tient mieux ses secrets. Par exemple, est-ce bien la mort de votre belle-sœur qui vous a séparés ? C’est à cette époque qu’il a quitté Agen. Une dispute, peut-être ?

— Pas du tout. Je pense qu’il est parti pour changer de vie. Tourner la page à la mort de sa femme. Ça lui a plutôt bien réussi.

— Vous avez raison. Et je note qu’enfin vous vous détendez un peu. Je vous en remercie.

— Je n’ai pas le choix.

— En effet. Revenons à Isabelle. Savez-vous de quoi elle est morte ?

Philibert leva les yeux et les plongea dans le regard de son hôte.

— Alors, vous non plus vous ne savez pas ? s’amusa le gentilhomme.

— Je sais, parce que je suis médecin, que l’on ne comprend pas toujours les raisons d’un trépas. Et je sais, parce que je suis croyant, que seul Dieu décide la fin de la mission de chacun de nous sur cette terre. Et qu’Il n’a pas besoin de bonne raison pour rappeler les âmes.

— Si vous vous contentez de cette explication et que vous êtes capable de la défendre en regardant votre femme dans les yeux, je vous admire. Mais… je sens que je vous importune avec mes allusions indiscrètes. Parlons plutôt de notre astrologue. Savez-vous que les plus audacieux pensent qu’en plus de la mort d’Isabelle, ce sont les accusations de l’inquisiteur de Toulouse qui l’auraient poussé à fuir Agen ? Savez-vous de quoi on l’accusait ?

— Une vulgaire histoire de statuettes de la Vierge que vendait un colporteur sur la place du marché. Michel a eu l’imprudence de comparer ce commerce à une superstition. Cela n’a rien à voir avec la mort d’Isabelle. C’est juste tombé en même temps. Il ne risquait pas grand-chose. Ce n’est pas pour cela qu’il a fui.

— Il critiquait le culte de la Vierge, dites-vous ?

— Je vois très bien ce que vous allez insinuer.

— Alors mettons les pieds dans le plat : était-il protestant ? L’est-il encore ?

— C’est donc cela que vous voulez savoir.

— Cela et beaucoup d’autres choses. Répondez à ma question.

— Je ne sais pas.

— Même pas une intuition ?

— Vous êtes bien placé pour savoir comme on pourchasse les huguenots dans ce pays. Je n’accuserais pas Michel sur une simple intuition.

— Mais vous l’accuseriez si vous en saviez plus.

— Je n’ai pas dit cela.

— Peu importe. Je crois que vous devez avoir compris pourquoi vous êtes ici ?

— Je ne suis pas certain.

— Je vous propose un contrat, un pacte si vous me permettez un peu d’emphase. Offrez-vous donc une période de vacances pour aller retrouver ce beau-frère que vous avez perdu de vue. Il réside à Salon-de-Crau, en Provence – je ne vous apprends rien. Alors, vous renouez contact, vous vous pardonnez l’un l’autre s’il le faut, et vous réintégrez le cercle de ses intimes. Puis vous revenez me voir et vous répondez à mes questions avec un peu plus de précision.

— Vous me menacez pour me forcer à espionner mon beau-frère. Où est le pacte ?

— Ne le voyez pas comme cela. Je suis certain que vous avez à y gagner. Vous pourrez peut-être enfin expliquer à votre femme de quoi est morte sa soeur.

— Qu’insinuez-vous ?

— Rien de plus que ce qui traîne au fond de votre propre tête. Ce genre de vieux doute qui ne vous lâche pas. Imaginez ce que ressent votre femme !

— Vous êtes ignoble !

— Bon. Alors abrégeons. Voici le choix qui s’offre à vous. Ou bien vous refusez mon offre et je vous introduis cet après-midi même à la cour du roi Henri. Je lui raconte vos exploits de la nuit dernière et je vous laisse jouer votre rôle de parangon dans leur jeu politique. Cela sera douloureux mais votre âme gardera toute la pureté de celle d’un martyr. Mais bon, il est vrai que vous, les réformés, n’êtes pas très sensibles à la dimension sanctificatrice du martyre… L’autre solution est d’accepter mon pacte. C’est peut-être un peu moins reluisant mais tellement plus confortable! Je vous laisse le soin d’expliquer à Dieu qu’il ne faut pas y voir le mal. Pensez donc : et si vous découvriez, par exemple, que votre Michel est responsable de la mort d’Isabelle, cela pourrait-il exonérer votre conscience ?

— Que voulez-vous dire ? Vous savez quelque chose ?

— Non, je vous le promets. Mais le fait que vous me posiez la question montre que certaines portes ne sont pas tout à fait closes.

— Ordure !

— Là, vous allez trop loin. Pour cette insulte, je pourrais vous faire égorger par mon janissaire. Il me suffirait d’un mot. Mais vous m’êtes bien trop précieux, monsieur Sarrazin, et je vois que vous commencez à comprendre les règles de notre jeu… »

Philibert en avait assez. Il était fatigué de cet homme qui prenait plaisir à le tourmenter. Il enfouit son visage dans ses mains, et son corps entier s’avachit sur son bord de lit pour ne plus former qu’une boule pitoyable. Le gentilhomme se tut, dans le respect feint de la douleur de sa victime.

Philibert avait perdu la force d’apprivoiser ses pensées. L’expédition de la nuit et la cavalcade du petit matin avaient marqué ses muscles, ébranlé ses os. Son esprit désormais suivait la déroute générale sans plus de discipline que tout le reste. Seules ses mains, dans un réflexe de préservation, glissèrent le long de son visage pour venir se joindre sous son menton.

Seigneur, pria-t-il en silence, je Vous prends à témoin. Je n’ai jamais douté : je ne trahirai pas Michel. Je ne pourrais trahir personne, même pas Broussais qui m’a sans doute vendu à ce gentilhomme.

As-tu péché ?

Oui, bien sûr. Par ma bêtise.

Mais n’est-il pas trop facile d’invoquer la bêtise pour se laver de ses fautes ?

Oui, Vous avez raison. En vérité, j’ai péché par orgueil. L’art de la dissection me fascinait pour la gloire qu’il devait m’apporter. La gloire de Vésale et de Paré. L’immortalité par-dessus Galien et Hippocrate. C’est cet orgueil qui m’a fait oublier qu’un homme ne peut attenter à la grandeur de Votre Création. Mais avez-Vous vu, Seigneur ? Je me suis repris à temps. Je n’ai pas failli. De toute façon, jamais mon couteau n’aurait incisé le corps de cette femme. J’allais fuir quand ils m’ont pris. Je sais bien que tout cela est une épreuve que Vous m’imposez. Cela ne peut être autrement. Une de ces épreuves roboratives qui conduisent les hommes d’un âge à l’autre. N’était-il pas grand temps que Vous m’arrachiez au confort avilissant de ma vie de médecin lyonnais pour m’amener à comprendre le vrai sens de ma mission sur terre ? Et cette épreuve, aurais-je eu le courage de me l’infliger à moi-même si Vous ne m’aviez pas aidé ?

Toujours recroquevillé au coin de son édredon, Philibert sentait devant lui la présence malveillante de son hôte qui se délectait de sa déchéance. Il imaginait son triomphe catholique face à la pitoyable prière de sa victime.

J’ai péché, continua Philibert derrière ses paupières closes. J’ai péché par envie et même, pourquoi pas, par luxure, pour l’amour de ce pied chaussé de soie plus insidieusement adultère qu’une nuit avec une catin. Ah, comme en cette aventure Vous avez su réunir mes démons pour m’aider à les vaincre ! Car nous les vaincrons ensemble, Seigneur. Je suis prêt. Prêt à payer pour mes fautes, toutes ces fautes qui encrassent ma conscience depuis ces longues années. Je ne trahirai pas Michel ! Oh non, je ne trahirai pas Michel, et tant pis pour ce qu’il doit advenir de moi.

Comme toujours, la prière le laissait apaisé. Il ne sentait plus les ecchymoses et s’imaginait plus fort, plus authentiquement lui-même. Et l’odeur de la cuisine lui revint soudain. Comme la promesse d’une ambroisie qui l’attendait au bout du chemin de la rédemption.

Philibert ouvrit les yeux. Rien n’avait changé. Le gentilhomme sur son tabouret guettait cet instant et s’exclama dès son retour à la réalité :

— Alors, vous sentez-vous mieux ? À mon avis, cela doit être la faim. J’ai demandé qu’on vous apporte quelque chose.

— Merci, murmura Philibert.

— Très bien. L’épuisement vous a fait dire des choses que vous ne pensiez pas. Allons, je vous propose de savourer un bon repas, de prendre votre temps et de bien réfléchir à ma proposition, à notre pacte. Ensuite, nous pourrons aviser de quoi l’après-midi sera fait.

Il se leva et alla regarder à la fenêtre, accoudé au chambranle, légèrement cambré, sûr de lui et fier de son habit clinquant, comme s’il posait pour un artiste.

— Savez-vous, commença-t-il en s’adressant à la vitre, que Catherine de Médicis apprécie beaucoup les talents de votre ami Nostradamus ? Notre reine de France se passionne pour la cosmologie au point d’être capable de vérifier par elle-même les calculs des astrologues. Dans son esprit, il ne fait aucun doute que Nostradamus est le meilleur de tous. Il ne se passe pas un mois sans qu’elle lui écrive, elle ou une dame de sa suite. Il règne dans sa société une exaltation pour toutes ces sciences que d’autres jugent déraisonnable. Sa Majesté collectionne les talismans, boit des philtres à chaque repas et plonge le conseil royal dans une atmosphère de superstition épaisse. De la part d’une paysanne, on aurait vite fait de parler de sorcellerie.

Le mot fit sursauter Philibert. Le proférer à l’endroit de la reine valait le cachot ou même l’écartèlement que l’on réserve aux régicides. Que cet homme ose de tels propos devant lui semblait d’une audace irréelle. Il écouta la suite :

— La reine est une personne puissante, continua le gentilhomme sans le regarder. Elle fait tout et le roi ne tourne pas un œuf qu’elle en est avertie. Ce qui place votre ami Nostradamus au plus haut rang des penseurs influents de ce royaume. Savez-vous que Catherine, depuis le début des festivités pour le mariage princier, perturbe le cours tranquille du protocole pour la raison que votre ami, par l’un de ses quatrains, l’a convaincue que le roi périrait dans un accident de tournoi ? Entendons-nous : le texte de Nostradamus ne parle que d’un lion terrassé en duel singulier. Mais il n’en faut pas plus pour que la Médicis y reconnaisse le tournoi auquel son royal mari doit participer pour amuser ses invités. Des lices ont été installées dans la grand-rue Saint-Antoine. L’événement est exceptionnel. Mais depuis des jours, elle n’a de cesse de le convaincre de ne pas y concourir. Heureusement que le roi Henri écoute encore la voix de son propre sang et le courage de sa lignée. Je ne suis pas le seul que les caprices de la reine inquiètent. Partagez-vous ces préoccupations, docteur Sarrazin ?

Il n’attendit pas la réponse.

— Il me faut bien avouer, poursuivit-il, que les talents de ce Nostradamus paraissent parfois bien troublants. On dit qu’il annonce les inondations et les épidémies avec exactitude. Il devine les guerres et aurait même prédit le nom du nouveau pape ! Des collègues astrologues commencent à liguer leurs efforts pour dénigrer ses résultats. À mes yeux, cet élément à lui seul démontre l’authenticité des talents de Nostredame. Mais notre animal est prudent. Il sait rester loin de la capitale et de la cour. Il quitte rarement sa ville de Salon, bien caché derrière ses rangées d’oliviers, ses moutons et l’apparence tranquille d’un pays d’attardés. Votre beau-frère est malin, docteur Sarrazin, et il est grand temps que quelqu’un perce son secret. Ses secrets, devrais-je dire, car le personnage est complexe. Ah, comme j’aimerais vous avoir convaincu ! Comprenez-vous comme vous pourriez m’aider à rétablir un équilibre à la tête de notre royaume ? Dieu a voulu qu’un roi règne sur la France. Pas sa femme, ni sa clique de magiciens. Allez trouver ce Nostradamus, Sarrazin, et faites-lui cracher ses secrets. Est-il huguenot, hérétique, sorcier ou les trois à la fois ? D’où tire-t-il sa science ? Vous dites ne plus le connaître, attendez donc de l’avoir retrouvé avant de décider s’il vaut la peine que vous vous sacrifiiez pour lui. Faites ce que je vous dis et soyons amis, même, si cela est possible ! Allez le retrouver à Salon et aidez-moi à déjouer ses sortilèges.

Il se détourna de la fenêtre pour guetter une réaction sur le visage de Philibert. Mais c’est à ce moment que l’on frappa à la porte.

— Oui, entrez !

Une domestique avança dans la pièce, posa son plateau fumant en équilibre sur l’édredon, s’excusa et ressortit aussi vite.

— Mangez, docteur Sarrazin. Vous en avez bien besoin. La bonne chère vous aidera à mieux voir votre intérêt. Je vous laisse. Je reviendrai tout à l’heure prendre acte de votre décision. Ne vous trompez pas.

Puis il fit deux pas avant de se retourner avec un sourire malicieux.

— N’y voyez surtout pas le repas du condamné mais seulement un signe d’hospitalité. Ou tiens, pourquoi pas, la célébration d’une collaboration féconde.

Et il quitta la chambre en riant, laissant là Philibert, son plateau sur l’édredon et son janissaire devant la porte.

Philibert attrapa sa cuillère et engloutit un premier morceau de viande en trempant un quignon dans la sauce onctueuse. Il y avait de la carotte, du girofle et de l’artichaut d’Afrique. Et l’esprit volatil de la menthe conférait à l’ensemble la touche d’exotisme et de bizarrerie qui parachevait la scène avec panache.

Je ne trahirai jamais Michel ! se jura Philibert en avalant sa deuxième bouchée.