Chapitre 5
Laura réussit finalement à s'extirper du lit.
Trois semaines s'étaient écoulées, trois semaines de torture à remâcher sa douleur dans la chambre d'amis de Serita. Bon sang ! elle détestait rester prostrée dans ce lit, à s'apitoyer sur elle-même.
Elle repoussa les couvertures. Ses cheveux étaient emmêlés, sa peau mate avait pris une teinte grisâtre, ses yeux gonflés semblaient deux lacs noirs. Oui, trois semaines avaient passé, mais la douleur, l'horreur d'avoir perdu David ne lui avaient pas laissé une seconde de répit.
Elle avait des visites. Et Gloria ne la quittait pas. Sa présence se révélait le meilleur des réconforts, car se faire du souci pour sa sœur était un moyen d'échapper à ses propres tourments. En la voyant grelotter, Laura repensait au jour où elle l'avait trouvée nue, le corps criblé de traces de piqûres.
Stan aussi était fidèle au poste, triste exemple de l'occasion manquée. Il venait tous les jours, pratiquement en même temps que Gloria. Laura avait remarqué que sa sœur avait un faible pour lui. Elle ne savait pas trop qu'en penser, mais jusqu'ici il s'était montré gentil avec elle, et c'était tant mieux, car, à ce stade, une relation difficile avec un homme serait une catastrophe.
Il y avait d'autres fidèles. Earl, naturellement, mais aussi Clip Arnstein et Timmy Daniels, l'arrière qui avait considéré David comme un grand frère.
Face aux visiteurs, Laura feignait d'être forte, leur assurait qu'elle allait bien, qu'elle sortait faire un tour tous les jours et qu'ils n'avaient pas à s'inquiéter. En bref, elle mentait. Peut-être n'étaient-ils pas dupes, mais elle était prête à tout pour ne pas avoir à supporter leur pitié.
— Waouh, mais c'est un miracle ! Laura se tourna vers Serita.
— Pardon ?
— Laura est sortie du lit ! Et elle est en train d'enfiler autre chose que sa chemise de nuit et son peignoir.
— Très drôle.
— Tu retournes travailler ? Dis oui.
— Non.
— Où tu vas alors ?
— À la maison. Serita fit une pause.
— J'ai une meilleure idée. Allons mater des mecs.
— Je vais à la maison.
-— Tu es sûre, ma grande ?
— J'en suis sûre.
— Et pour quoi faire ?
— J'ai deux ou trois petites choses à ranger.
— Ça peut attendre.
— Non, répondit Laura, je ne le crois pas.
— Dans ce cas, je t'accompagne. Je peux être d'une efficacité redoutable.
— Question rangement ? Ne me fais pas rire.
— Je suis très bonne en inspectrice de travaux finis.
— Tu as du boulot, Serita. La campagne de pub pour les clubs de fitness.
— Ils attendront.
— Avec l'argent qu'ils te paient pour ces spots télé ?
— Ils attendront, te dis-je.
— Bon, alors soyons moins subtile. Je veux y aller seule.
— Va te faire... Laura sourit tristement.
— Tu es une vraie amie.
— Le top du top.
— Mais j'abuse. Il serait temps que je déménage.
— Pas question. J'ai besoin de toi ici. Tu es mon excuse vis-à-vis d'Earl.
— Tu l'aimes, voilà tout.
Serita posa ses mains sur ses hanches.
— Combien de fois faudra-t-il te répéter...
— Je sais, je sais. C'est juste un bon coup.
— Parfaitement. Mais il adore les pubs de fitness. Ça l'excite de me voir suer sur le rameur.
— Je suis très heureuse pour vous deux.
— Va te faire...
Laura déposa un baiser sur sa joue et quitta l'appartement. Une fois dans sa voiture, elle tenta de se concentrer sur la conduite, mais ses pensées la ramenaient à David, encore et toujours... sa façon de marcher, de dormir, pelotonné contre elle, le contact de sa joue mal rasée lorsqu'il l'embrassait.
Elle se rappela cette froide soirée de décembre - ils sortaient ensemble depuis deux mois à peine - où elle avait senti qu'ils étaient faits l'un pour l'autre. Ils ne s'étaient pourtant rien promis, n'avaient pris aucun engagement, mais une fois qu'elle l'avait compris, elle avait eu hâte d'en faire part à David. En aurait-elle seulement le courage ? Oserait-elle enfin formuler tout haut et entendre les mots que jusque-là elle s'interdisait d'espérer ? Cela dit, qui ne tente rien...
Elle était assise à son bureau, la jambe agitée d'un tremblement convulsif, comme à son habitude, un sourire béat aux lèvres. Prenant son courage à deux mains, elle avait appelé David au Garden et l'avait invité à dîner le vendredi soir.
— Tu sais cuisiner ? avait-il demandé.
— Évidemment.
— Attends, il faut que je voie si je suis à jour de mes cotisations santé.
— Ne sois pas mufle. Il avait fait une pause.
— Ce serait avec plaisir, mais...
— Mais ?
— Je suis pris vendredi. On peut remettre ça ? Elle avait eu du mal à cacher sa déception.
— Bien sûr.
— Je suis obligé d'aller à cette soirée de charité. Le cœur de Laura avait battu à se rompre. Elle s'en était voulue de sa réaction, d'avoir espéré qu'il l'invite à l'accompagner. Mais elle avait tellement envie de le voir !
— Il faut que je retourne m'entraîner, avait-il ajouté. Allez, à plus.
Laura avait entendu un déclic. Elle avait attendu la tonalité signifiant que son correspondant avait raccroché et avait laissé passer deux bonnes minutes avant de reposer le combiné.
Il ne lui avait pas proposé de venir.
La nuit du vendredi, elle avait eu un mal fou à trouver le sommeil. Pourquoi David ne lui avait-il pas demandé de l'accompagner ? N'avait-il pas envie de la voir ou était-ce elle qui précipitait les choses ? Peut-être qu'il ne se sentait pas encore prêt. Peut-être qu'il n'éprouvait pas la même chose qu'elle.
Le samedi matin, elle s'était levée de bonne heure. Pour se changer les idées, elle s'était rendue au bureau et plongée dans le bilan comptable du mois précédent. Leur chiffre d'affaires avait augmenté de dix pour cent par rapport à l'an passé. Satisfaite, Laura avait attrapé le Boston Globe. A la page société, elle était tombée sur une photo de David au gala de bienfaisance.
Avec une autre femme.
Laura avait senti une main d'acier lui broyer le cœur. La ravissante blonde se nommait Jennifer Van Delft. Plus âgée que Laura, elle s'accrochait au bras d'un David en smoking, aussi souriant qu'un gagnant du loto et que le journal désignait comme son « cavalier ».
Le salaud.
Les yeux de Laura s'étaient emplis de larmes. Elle avait continué à fixer la photo. Pourquoi pleurait-elle ? Pour qui ? Fallait-il être sotte pour s'imaginer qu'il y avait quelque chose de particulier entre eux, que David la trouvait différente de ses autres conquêtes féminines...
On avait frappé à la porte. En un éclair, Laura avait replié le journal, essuyé ses larmes, lissé son tailleur Svengali et s'était composé un visage serein.
— Entrez.
David avait fait irruption dans le bureau, avec un grand sourire qui n'était pas sans rappeler celui de la photo.
— Bonjour, beauté.
— Salut, dit-elle froidement.
n avait traversé la pièce pour l'embrasser, mais elle avait tourné la tête, lui offrant sa joue.
— Quelque chose ne va pas ? s'était-il enquis.
— Non. Je suis occupée, c'est tout. Tu aurais dû appeler d'abord.
— Je me suis dit qu'on pourrait déjeuner ensemble. Laura avait secoué la tête.
— J'ai trop de boulot.
Décontenancé, David l'avait regardée se replonger dans ses dossiers comme s'il n'était pas là.
— Tu es sûre que tout va bien ?
— Certaine.
Il avait haussé les épaules en remarquant le Boston Globe sur son bureau. Un sourire entendu s'était dessiné sur ses lèvres.
— C'est ça qui t'a perturbée ? avait-il fait en désignant le journal.
Elle avait regardé le gros titre.
— Quoi ? L'incendie à Boston sud ?
— Je te parle de ma photo à l'intérieur.
— Et pourquoi ça me perturberait ? Tu n'es pas ma propriété. Tu es libre.
Il s'était légèrement esclaffé.
— Je vois.
— Mais je pense que nous devrions lever le pied, poursuivit-elle.
— Ah bon ? Puis-je savoir pourquoi ?
— Cette relation commence à prendre des proportions excessives.
David s'était assis dans le fauteuil en face de son bureau.
— Tu aimerais quelque chose de plus souple... une relation ouverte ?
— Ouverte ?
— Sans engagement de part et d'autre. Genre, on fréquente qui on veut, chacun de son côté ?
La jambe de Laura tressautait toujours.
— C'est ça.
— Je vois, avait-il continué. Ça ne t'ennuie donc pas que je sois allé à cette soirée avec une autre femme ?
— Moi ? avait-elle répliqué. Pas du tout.
— Mais, Laura, et si je n'aimais pas ton idée de relation ouverte. Si je ne voulais pas fréquenter d'autres femmes. Si je te disais que, pour la première fois de ma vie, je suis amoureux.
Laura avait cru que son cœur allait jaillir hors de sa poitrine. Elle avait dégluti, détourné les yeux pour échapper à son regard perçant.
— Je te répondrais que tu n'es sans doute pas prêt pour ce type de relation.
— À preuve hier soir ?
Elle avait hoché la tête, dissimulant ses yeux embués.
— Laura ?
Elle n'avait rien dit.
— Regarde-moi, Laura.
Elle avait relevé la tête avec effort.
— La femme sur la photo est Jennifer Van Delft. L'épouse de Nelson Van Delft. Ce nom ne te dit rien ?
Il lui avait semblé l'avoir déjà entendu, mais elle n'aurait su dire dans quelles circonstances. Elle avait secoué la tête.
— L'actionnaire principal des Celtics. Tous les ans, sa femme me demande de participer à une collecte de fonds pour lutter contre la myopathie. Son mari était en déplacement. Il m'a prié de l'accompagner. Voilà tout.
Laura se taisait.
— Je vais te dire quelque chose, histoire de lever les derniers doutes. Quelque chose que je n'ai encore jamais dit à une femme. Je t'aime. Je t'aime plus que tout au monde.
Une vague d'émotion l'avait submergée, mais elle s'était sentie incapable de proférer un son.
— Pas de réaction, Laura ? Tu ne comprends pas ce que je suis en train de dire ? Je t'aime, Laura. Je ne veux pas être séparé de toi.
Sa jambe était animée de soubresauts. Ce n'était pas possible. C'était sûrement un piège.
— Je... Je suis très occupée, David. On ne pourrait pas en discuter plus tard ?
— Je n'arrive toujours pas à t'atteindre, hein ? Pourtant, je croyais y être parvenu. J'y croyais vraiment. Tu es toujours le vilain petit canard qui n'admet pas être devenu un superbe cygne. La petite fille boulotte qui a peur de se laisser aller de crainte de souffrir ? Allons, Laura, tu ne penses pas que tu maîtrises la situation à présent ?
Elle avait essayé de répondre. Elle avait voulu vraiment répondre...
Le visage de David s'était empourpré, sa voix avait monté d'un ton.
— Personne ne peut t'aimer, n'est-ce pas, Laura ? Tu crois que ta beauté m'aveugle, qu'on ne peut t'aimer que pour ton physique. Conneries, tout ça. Tu as donc si peu confiance en toi ? Tu crois que je ne connais pas la chanson, que je n'ai pas déjà rencontré des dizaines de jolies filles qui me couraient après uniquement parce que j'étais capable de faire passer un ballon à travers un anneau ?
JJ s'était interrompu, le souffle court. Secouant la tête, il s'était levé brusquement et s'était dirigé vers la porte.
— David ?
Il avait lâché la poignée mais ne s'était pas retourné.
— Quoi ?
A nouveau, pas de réponse. Pivotant sur lui-même, il avait vu qu'elle pleurait.
— Laura ?
Les larmes coulaient à flots maintenant.
— J'ai si peur.
— Laura...
— J'ai peur de ce que je ressens, hoqueta-t-elle, la poitrine secouée de sanglots. Je t'aime tellement.
Il l'avait rejointe en deux enjambées et l'avait prise dans ses bras.
— Moi aussi, mon cœur. Moi aussi.
— S'il te plaît, ne me fais pas de mal, David.
— Jamais, mon amour. Je te le promets.
Jamais, mon amour. Je te le promets. L'écho de ses paroles résonnait dans le présent.
David avait menti. Il l'avait quittée, ce qu'elle redoutait le plus au monde. Laura fixa la route devant elle. Un quart d'heure plus tard, elle mettait le clignotant et tournait dans l'allée.
La maison.
Pourquoi était-elle revenue ? Les larmes affluèrent de plus belle. Ce n'était qu'une simple habitation. Pas de quoi pleurer. Trois chambres, deux salles de bains et demie. Vraiment pas de quoi pleurer, sinon en songeant à tous les rêves brisés qui jonchaient le plancher.
Elle descendit de voiture, se dirigea vers la porte. Encore une belle journée d'été humide mais pas trop. Elle sortit la clé...
La porte était ouverte.
Pourtant, David l'avait fermée avant leur départ. Elle entra, coupa l'alarme. Si l'alarme était toujours branchée, alors comment ?... Elle haussa les épaules avec lassitude. Qu'importe s'ils avaient été cambriolés. Laura pénétra dans le salon. Le silence l'enveloppa. La pièce était nue, exactement dans l'état où ils l'avaient laissée en partant.
L'achat de la maison remontait à deux mois. Ils n'avaient pas eu le temps de choisir les meubles, excepté le strict minimum, juste de quoi emménager à leur retour d'Australie. Après tout, ils avaient la vie devant eux.
Laura gagna l'escalier. La peinture n'était pas terminée par endroits. Elle sourit tristement ; David avait tenu à ce qu'ils la fassent eux-mêmes. L'expérience avait tourné au fiasco : coulures et compagnie. Elle passa la main sur la partie du mur dont il s'était chargé. Sans lui, cette maison n'avait aucune raison d'être. Elle avait peu de souvenirs ici, mais tant de rêves inaccomplis, tant de projets qui ne verraient jamais le jour. C'était ici que leur amour aurait continué à grandir, ici qu'ils auraient élevé leurs enfants.
« Tu veux combien d'enfants, David ?
— Maintenant ? Tout de suite ? Tu ne crois pas qu'on ferait mieux d'attendre ?
— Je suis sérieuse. Combien ?
— Je ne veux pas d'enfants.
— Quoi ?
— Je veux des lapins.
— Des lapins ?
— C'est ça. Des lapins. Trois, pour être précis. Un de chaque sexe. Que nous élèverions selon les préceptes de l'hindouisme.
— Mais je suis catholique, et toi, tu es juif.
— Justement. Comme ça, pas de disputes.
— Tu ne peux pas être sérieux une minute ? C'est important pour moi.
— Bien sûr, mon amour.
— Combien d'enfants veux-tu ?
— Et toi, tu en veux combien ?
— Beaucoup, répondit Laura. Cinq, dix.
— Toi ?
— Je veux avoir des enfants avec toi, David. Sans attendre.
— Pas aujourd'hui, je suis fatigué.
— Allez, imagine tous ces mignons petits David en train de gambader dans la maison.
— Ce serait sympa, admit-il.
— Et des petites Laura aussi.
— Beurk. Pauvres gosses.
— Continue comme ça, Baskin, et je vais t'en coller une. »
Il la prit dans ses bras.
« Laura, nous aurons la plus belle famille du monde. Toi, les petits, deux ou trois poissons rouges jetables, un chien, un barbecue dans le jardin... un vrai tableau de Rockwell.
— Tu es sérieux ? »
Il resserra son étreinte.
« Je te promets plein de mouflets en train de gambader dans la maison. »
Laura gravit les marches. Elle passa sans s'arrêter devant ce qui devait être la chambre de leur premier enfant. Dans la suite parentale trônait le grand lit qu'ils ne partageraient plus jamais. Une main de glace lui enserra le cœur. Elle tourna la tête et sentit ses genoux flageoler. Sous le rebord de la fenêtre, David avait abandonné une de ses vieilles baskets déchirées. Une basket qu'il ne mettrait plus. Il ne verrait plus cette maison, ne sourirait plus, ne rirait plus. Plus jamais.
Mon Dieu, faites que David me revienne. Faites qu'il me reprenne dans ses bras. Je donnerais n'importe quoi pour qu'il revienne. S'il vous plaît...
Le ciel bleu et vide semblait se moquer de sa prière. Laura détourna les yeux et s'aperçut qu'on avait touché à son bureau.
Quelqu'un avait bel et bien pénétré dans la maison. C'était sans importance, il n'y avait pas grand-chose à voler. David et elle avaient acheté un lit, un bureau, un réfrigérateur, une table de cuisine et quelques chaises. C'était à peu près tout.
Le voleur avait fouillé sa table de travail.
Tout était sens dessus dessous. Il avait dû chercher de l'argent, un carnet de chèques ou... Elle s'approcha en clopinant, ouvrit le tiroir du haut. Trois cents dollars en liquide et l'anneau du championnat de la NCAA de David étaient là, bien en vue. Intacts. Perplexe, Laura aperçut l'album photo de David. Pourquoi l'aurait-on sorti ? Elle l'ouvrit. Rien de particulier, tout était à sa...
Une minute.
Elle regarda de plus près. Il y avait plusieurs minuscules fragments d'une photo coincés entre les pages. Quelqu'un avait arraché l'une des photos de David. Elle referma l'album et trouva deux autres fragments par terre.
Laura inspecta le reste du meuble. L'intrus avait aussi feuilleté leur agenda. Pourquoi ? En quoi cela pourrait-il intéresser quelqu'un ? Elle contempla la page à laquelle il l'avait ouvert. David avait rayé la semaine d'un ON SE MARIE ! et noté leur numéro de vol et le nom de leur hôtel à Palm Cove.
Laura ne toucha pas à l'agenda. Elle décrocha le téléphone. Heureusement qu'ils l'avaient fait brancher avant de partir.
Elle composa le numéro de TC, mais il n'était pas là. La standardiste lui annonça qu'il s'était absenté pour quelques heures. Elle laissa un message et regarda la couverture de l'album photo. Puis elle redescendit, ferma la porte et monta dans sa voiture.
L'homme était debout au-dessus du patient.
— Regarde-moi tous ces bandages. On dirait une momie, ou l'Homme invisible.
Aucune réaction.
Il se demanda s'il devait lui parler de la dernière surprise en date. Puis décida que non. Le patient avait besoin de toutes ses forces pour récupérer. Pas la peine de le perturber avec quelque chose sur quoi il n'avait pas prise.
— Tu te sens bien ?
Cette fois, il eut droit à un hochement de tête. Il y avait du progrès.
— Pas trop inconfortables, les bandages ? Un non de la tête.
L'infirmière s'assit sur la chaise à côté du lit.
— C'a été comme ça toute la semaine. Il n'a pas desserré les dents.
— Il vaut peut-être mieux qu'il ne parle pas, dit l'homme. Ce n'est peut-être pas bon pour ses cordes vocales.
L'infirmière secoua la tête.
— C'est là que vous vous trompez. Des cas comme le sien, j'en ai eu des dizaines. A ce stade-là, ils n'arrêtent pas de parler, ils me racontent leur vie et tout. Alors que lui, pas un mot. À force, je finis par m'ennuyer.
L'homme reporta son attention sur le patient.
— Il faut que j'y aille, sinon on va se poser des questions. Tu n'as besoin de rien ?
Nouveau signe négatif de la tête.
— Je reviens dans quelques jours avec le toubib. Fais attention à toi.
Une larme coula sous le bandage.