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Au fil des ans, son imitation d’Otis Redding avait valu à Luther un grand nombre d’admirateurs. Mais c’était l’appréciation seule des trois jurés du concours « Back From The Dead » qui ferait, ou briserait son destin. S’il remportait le premier prix, il signerait un contrat avec le casino, et il n’aurait plus jamais à travailler « pour de vrai ». En tant que chanteur itinérant dans le circuit des bars et clubs de nuit, il gagnait tout juste assez d’argent pour survivre d’une semaine à l’autre. Avec ce concours, il tenait une occasion unique de changer de vie. À condition qu’il garde son calme.

Le premier critère sur lequel on évaluait un chanteur/sosie, c’était son apparence. Et Luther avait pris un soin infini pour paraître sous son meilleur jour. Les premières impressions étant toujours les plus importantes, Luther avait décidé de ne laisser aucun détail au hasard. Il s’était fait tailler tout spécialement pour le show un costume noir brillant qui attirait particulièrement le regard, ainsi qu’une chemise rouge très distinguée. Le prénom « Otis » avait été brodé au fil d’or sur le devant de sa veste, ainsi que dans son dos, en lettres bien plus grosses. Kitsch ? Peut-être un peu, mais crucial ? Carrément. Le fait d’être instantanément identifié comme l’artiste imité était tout simplement vital. Luther avait appris cette leçon au tout début de sa carrière. Ce détail l’aidait à passer efficacement pour le vrai Otis Redding.

En montant énergiquement sur les planches, il surprit son image sur un gigantesque écran qui se trouvait sur une estrade, au fond de la scène. Par cette lucarne démesurée, le public tout entier ne perdrait absolument rien de la moindre goutte de sueur qui perlerait sur son front.

Luther n’avait jamais rien connu de plus stressant de toute sa carrière que de se tenir face à ce public de plusieurs milliers de personnes, dans le grand auditorium de l’hôtel. La salle était vraiment gigantesque, bien plus vaste que toutes celles où il avait chanté jusqu’ici. Au bas mot, une centaine de rangées se succédaient, remontant jusqu’au fond de l’auditorium, divisées en trois sections. Celle du milieu comptait trente sièges par rangée, les deux sections latérales, quinze. Et à cet instant précis, toutes les places étaient occupées.

Tout en haut, une galerie partait de chaque extrémité de la scène jusqu’au centre où se trouvait une régie tout en verre, occupée par le DJ, qui officiait également en tant qu’ingénieur lumière. Luther releva les yeux et surprit le DJ en train de se curer le nez. Il détourna immédiatement son regard et tâcha d’oublier cette image.

Les auditions pour la finale avaient commencé une demi-heure auparavant. Les tout premiers concurrents étaient pleins d’espoir : ils ignoraient totalement que le concours était truqué, et avaient parcouru des kilomètres et des kilomètres dans l’espoir que leur rêve se réalise. Certains avaient un talent exceptionnel, et auraient tout à fait mérité une place en finale. D’autres étaient pitoyablement mauvais. Et c’était à présent au tour d’Otis, le premier des cinq concurrents secrètement présélectionnés pour la finale, de montrer ce qu’il valait. Tout ce qu’il avait à faire, c’était de ne pas se planter lamentablement.

Sur la scène, juste en face de lui, les trois jurés scrutaient ses moindres mouvements. On aurait dit qu’ils sondaient son état d’esprit, à l’affût de la moindre faiblesse. Leurs regards étaient plus brûlants encore que les projecteurs qui incendiaient la scène. Luther ne reconnut qu’un seul des trois jurés. Il y avait une femme noire, une femme blanche et, assis entre elles deux, un homme au curieux bronzage orangé. Il s’agissait de Nigel Powell, le juge suprême, fondateur et patron du concours.

Tous trois étaient assis à un vaste bureau constitué de plaques argentées, disposé sur le devant de la scène. Ils tournaient le dos au public et à la fosse d’orchestre qui se trouvait en contrebas. Devant chacun d’eux, posés sur la table, se trouvaient un verre d’eau, un stylo et un carnet, au cas où ils auraient envie de prendre des notes.

Au moment où la salle s’obscurcit et où le faisceau de la poursuite se braqua droit sur lui, rendant le public invisible à ses yeux, Luther fut soudain pris d’une bouffée d’assurance absolue. Il allait être incroyable. Il en était sûr et certain.

Après s’être brièvement présenté et avoir répondu à deux trois questions de la présentatrice, Nina Forina, Luther se prépara au grand saut. Plus nerveux que la situation l’imposait, il laissa passer les mesures de l’introduction, inspira profondément et attaqua avec le tout premier vers de « These Arms of Mine ». C’était vraiment bizarre de chanter devant un public aussi nombreux, mais il s’en sortit à merveille. La foule exprima aussitôt son enthousiasme en applaudissant bruyamment, ce qui ne fit qu’accroître l’assurance de Luther. Durant les quatre-vingt-dix secondes qui suivirent, avant que Powell lui fasse signe d’arrêter, il conquit littéralement l’auditoire. Aucun des chanteurs qui l’avaient précédé n’avait pu chanter durant plus de trente secondes : cependant, afin que le public se souvienne bien de la prestation de Luther, il avait été secrètement convenu qu’il lui serait permis de chanter plus longtemps. Lorsqu’il s’interrompit, il reçut une standing ovation plus que méritée, ainsi qu’une culotte blanche de taille démesurée, lancée par l’une des femmes assises au premier rang.

Mais c’était l’avis des jurés qui comptait. La première à s’exprimer fut Lucinda Brown, célèbre coach vocal originaire de Géorgie qui, jadis, avait eu pour élèves de nombreux chanteurs de soul. C’était une Black en léger surpoids, vêtue d’une robe de soie jaune relativement courte. Assurément, elle savait ce qu’éprouvaient les concurrents à cet instant fatidique, car elle aussi, dans sa jeunesse, avait passé un nombre incalculable d’auditions. Elle était manifestement la membre la plus sympathique du jury, et parut d’emblée vouloir mettre Luther à son aise.

« Tu as quel âge, chéri ? demanda-t-elle.

– Vingt-cinq ans », répondit Luther.

Il se sentait encore plus nerveux qu’avant son tour de chant. Il eut soudain crainte que sa place en finale ne fût plus acquise. Il inspira profondément dans le but de recouvrer son calme, attendant anxieusement toute critique et toute félicitation qui lui seraient adressées. Il sentit une perle de sueur couler à sa tempe alors qu’il fondait littéralement sous les projecteurs, mais il n’eut même pas le courage de l’essuyer d’un revers de main. La seule chose sur laquelle il parvenait encore à se concentrer, c’était sa respiration.

« Mon petit, commença la jurée toute vêtue de jaune, si Otis Redding avait pu chanter comme toi quand il avait 25 ans, tu peux être sûr que notre bon seigneur Jésus-Christ aurait pas permis qu’il meure dans un satané crash. T’as été époustouflant. Si ce bon vieil Otis nous regarde d’en haut, je te parie qu’il est en train de se dire : “Dieu tout-puissant, je suis ressuscité !” » Elle observa une pause infime avant d’ajouter : « T’as conquis tout le monde ici. » Tout en parlant, elle remuait vigoureusement son index droit, ce qui contribua grandement à l’exciter, non seulement elle, mais le public également.

Les compliments de Lucinda firent éclater l’enthousiasme de la foule. Beaucoup se levèrent de leur siège pour applaudir, au comble de l’excitation. Luther poussa un profond soupir de soulagement. Il savait qu’il avait chanté à la perfection, mais il savait également que les jurés pouvaient être idiots. Il avait suivi à la lettre les consignes de Powell. Il avait chanté au maximum de ses capacités, et il avait pris grand soin de son apparence.

Alors, ouais, effectivement, Lucinda, la première jurée, avait du goût.

Au suivant, maintenant.

L’homme au costume blanc qui siégeait au milieu désigna sa gauche d’un petit mouvement de la tête pour inviter l’autre jurée à exprimer son avis. C’était une véritable poupée Barbie d’une petite quarantaine d’années du nom de Candy Perez, qui devait sa célébrité à son entrée au Top 10 des meilleures ventes de disques au Mexique, avec un morceau pop très accrocheur qui resta dans les mémoires plus à cause de sa chorégraphie amusante qu’à cause du talent tout relatif de la chanteuse. Elle adressa à Luther un grand sourire, qui ne creusa pas la moindre ride sur tout son visage, malgré le fait que ses 30 ans étaient déjà loin derrière elle, et ne reviendraient jamais plus. À l’instar de Nigel Powell, elle était toute « botoxée », et sacrément fière de l’être. Ses cheveux étaient longs, blonds et bouclés, et elle portait une veste en cuir blanc qui pressait ses seins imposants l’un contre l’autre, révélant au creux d’une fermeture éclair à moitié ouverte un décolleté vertigineux. Manifestement, elle ne portait rien sous sa veste, aussi fallait-il espérer pour son bien que la fermeture éclair ne craquerait pas sous cette pression phénoménale.

« Luther, je vous ai trouvé génial. » Elle adressa de nouveau au chanteur anxieux un sourire aveuglant de blancheur et absolument hypocrite. « Jusqu’à maintenant, vous êtes le meilleur. Félicitations. Je pense que vous avez vraiment une chance de gagner ce concours. Vous vous en êtes très bien sorti. »

S’ensuivit une salve d’applaudissements plus fiévreuse encore. Luther eut envie de brandir son poing en l’air en criant un « YESSS ! » victorieux, mais fit le choix de la dignité et de l’humilité, et s’abstint.

« Merci, euh, merci infiniment », bafouilla-t-il.

Et maintenant, au dernier juré. Celui dont l’opinion comptait par-dessus toutes. Nigel Powell.

Powell savait jouer du public à la perfection : sans le moindre doute, la plus grande star du concours, c’était lui. En tant que créateur, organisateur et juge suprême de « Back From The Dead », son avis l’emportait sur ceux des autres jurées. Et il adorait se retrouver au centre de l’attention. Il suffisait de considérer sa tenue pour s’en convaincre. Même si le T-shirt noir sous la veste d’un blanc immaculé représentait une faute de goût absolu, cela lui garantissait de ne pas passer inaperçu. En outre, les femmes du public le vénéraient. Il le savait, elles le savaient, tout le monde le savait. Toute femme avec laquelle il faisait connaissance semblait tomber sous son charme. En plus d’un réel magnétisme, il se dégageait de lui une aura de richesse et de pouvoir. Luther devait absolument se retrouver dans ses petits papiers, non seulement pour accéder à la finale, mais également pour convaincre le public qu’il pouvait remporter ce concours.

Le juré laissa mariner l’assistance. Rien dans son attitude ne trahissait son opinion quant à la prestation de Luther. Au bout de longues et solennelles secondes à faire semblant de réfléchir à sa réponse, il se décida enfin à prendre la parole. Sa voix était grave et bien modulée, avec tout juste ce qu’il fallait de sérieux dans le ton.

« Luther, dit-il sans lâcher un instant des yeux l’imitateur d’Otis Redding, à présent au comble de la nervosité. Luther, dites-moi : à quel point désirez-vous remporter cette compétition ?

– Ça représente tout pour moi. »

Le stress du chanteur avait changé sa réponse en un couinement précipité.

« Vraiment ? Et vous pensez que vous avez ce qu’il faut pour la remporter ?

– Oui. »

L’interrogatoire était une véritable torture, même si les réponses s’imposaient d’elles-mêmes. Powell semblait sonder le caractère du concurrent, à seule fin d’épater la galerie.

« Et vous croyez être en mesure de faire ça cinq soirées par semaine ? Dans mon hôtel ? En étant à chaque fois au top ?

– Oui, Nigel, je sais que j’en suis capable. Si seulement vous m’offrez cette chance. Je ferai tout pour être à la hauteur. Ça représente tellement, à mes yeux. »

Powell s’adossa à son siège et décocha à Luther un sourire éclatant.

« Tant mieux, parce que j’ai comme l’impression que vous avez toutes les chances de gagner. Je vois en vous les qualités d’une véritable star. Et je suis quasiment sûr à 100 % que nous vous retrouverons en finale. Bien joué, Luther. »

Le public l’acclama de nouveau, cette fois-ci non seulement en se levant, mais encore en sautillant littéralement au rythme de ses applaudissements. Cette incroyable ovation dura un certain temps, et retentissait toujours lorsque Luther regagna les coulisses en empruntant une petite volée de marches, à gauche de la scène. Les applaudissements résonnaient encore dans sa tête lorsqu’il arriva dans la salle d’attente réservée aux concurrents qui attendaient de passer leur audition. Les quatre sosies qui partageaient la même loge que lui s’y étaient réunis, et furent les premiers à le féliciter.

« Excellent, mec, lança Johnny Cash en lui tapant dans le dos. T’as vraiment une putain de voix, sans déconner. À mon avis, ta place en finale, c’est dans la poche.

– Merci. »

Ces compliments étaient, bien entendu, principalement destinés aux autres concurrents présents qui ignoraient que la place de Luther en finale était d’ores et déjà assurée, et qui lui souhaitèrent bonne chance. Luther éprouva une légère pointe de culpabilité à l’idée que tout un tas de gens qui rêvaient de se qualifier ignoraient totalement que le concours était pipé. Mais cette désagréable sensation passa très vite.

Heureux de s’être débarrassé de la corvée de l’audition, Luther quitta la vaste salle d’attente pour s’engager dans le couloir menant à l’ascenseur. Il avait hâte de profiter tout seul de la loge du septième étage. En fait, il aurait aimé rester pour soutenir ses quatre camarades, mais tous avaient reçu la même consigne : une fois leur audition passée, ils devaient se rendre directement dans leur loge commune.

Lorsqu’il arriva au bout du couloir jaune, ses jambes avaient recouvré un peu de leur force. Pourtant, son cœur battait toujours aussi fort que durant les délibérations des jurés. Il tendit la main et appuya sur le petit bouton rond en plastique gris, juste à côté de l’ascenseur. À son grand soulagement, les portes argentées s’ouvrirent aussitôt, et il entra dans la cabine vide avant d’appuyer sur le bouton « 8 » qui se trouvait sur sa droite.

Avant que les portes se referment, un homme tout vêtu de noir, portant des lunettes de soleil et la tête recouverte d’une capuche sombre, apparut à gauche de l’ascenseur. Il s’engouffra dans la cabine et se campa à côté de Luther, dont le regard se perdait au fond du couloir.

« Quel étage ? demanda Luther.

– Peu importe. »

Ce n’était pas tout à fait un grognement. La voix semblait crisser, comme de la rocaille qu’on aurait remuée.

Le chanteur ne comprit pas très bien la réponse de l’inconnu. Peut-être ce type aimait-il tout simplement prendre l’ascenseur ?

Les portes se refermèrent alors et, dans un léger soubresaut, la cabine débuta son ascension.

Elle n’avait pas encore atteint le premier étage que Luther était déjà mort.

Le cimetière du diable
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