17.
Les rouages de l’industrie
La croissance économique moderne tient à notre confiance dans le futur et à l’empressement des capitalistes à réinvestir leurs profits dans la production. Mais cela ne suffit pas. La croissance économique nécessite aussi énergie et matières premières. Or, celles-ci ne sont pas infinies. Si elles s’épuisent, c’est tout le système qui s’effondrera.
Tous les éléments de preuve glanés dans le passé indiquent cependant qu’elles ne sont finies qu’en théorie. De manière contre-intuitive, alors que la consommation d’énergie et de matières premières a foisonné au cours des tout derniers siècles, les quantités exploitables ont bel et bien augmenté. Chaque fois qu’une pénurie a menacé de ralentir la croissance économique, les fonds ont afflué au profit de la recherche scientifique et technique. Invariablement ont été découvertes de nouvelles manières plus efficaces d’exploiter les ressources existantes, mais aussi des types d’énergie et de matériaux entièrement nouveaux.
Prenez l’industrie des véhicules. Au fil des trois derniers siècles, l’humanité en a fabriqué des milliards ; des charrettes et des brouettes aux avions supersoniques et aux navettes spatiales en passant par les trains et les automobiles. On aurait pu imaginer qu’un effort aussi prodigieux eût épuisé les sources d’énergie et les matières premières disponibles pour la production de véhicules, en sorte que nous en serions réduits aujourd’hui aux raclures. C’est le contraire qui est arrivé. Alors qu’en 1700 l’industrie mondiale des véhicules comptait avant tout sur le bois et le fer, elle dispose aujourd’hui d’une corne d’abondance de matériaux nouveaux comme le plastique, la caoutchouc, l’aluminium et le titane, dont aucun de nos ancêtres n’avait la moindre idée. En 1700, la construction des charrettes reposait surtout sur la force musculaire des menuisiers et des forgerons. De nos jours, les machines des usines Toyota ou Boeing sont alimentées par des moteurs à combustion internes et des centrales nucléaires. Une semblable révolution a balayé presque tous les domaines de l’industrie. C’est ce que nous appelons la Révolution industrielle.
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Dans les millénaires précédant la Révolution industrielle, les hommes savaient déjà exploiter un large éventail de sources d’énergie. Ils brûlaient du bois pour faire fondre le fer, chauffer des maisons et cuire des gâteaux. Les bateaux à voile utilisaient le vent pour se déplacer, et les moulins hydrauliques captaient l’eau des rivières pour moudre le grain. Toutes ces énergies n’en avaient pas moins des limites claires et n’étaient pas sans problèmes. Il n’y avait pas d’arbres partout, le vent ne soufflait pas toujours quand on en avait besoin, et l’énergie hydraulique n’était utile que si l’on vivait près d’une rivière.
Il existait un problème encore plus grave : on ne savait pas transformer une forme d’énergie dans une autre. On savait exploiter le cours du vent et de l’eau pour piloter un navire ou actionner une meule, mais on ne savait ni chauffer l’eau ni fondre le fer. À l’inverse, on ne savait pas utiliser la chaleur produite par le bois qui brûlait pour faire tourner une meule. Les hommes ne connaissaient qu’une machine capable d’accomplir une transformation d’énergie : le corps. Par son métabolisme naturel, le corps des humains et des autres animaux brûle des combustibles organiques – la nourriture – et transforme l’énergie libérée en mouvements musculaires. Hommes, femmes et bêtes pouvaient consommer grains et viandes, brûler les glucides et les graisses, et employer l’énergie pour conduire un pousse-pousse ou tirer une charrue.
Le corps des hommes et des bêtes étant le seul moyen de conversion de l’énergie disponible, la force musculaire était la clé de presque toutes les activités humaines. C’est la force des muscles humains qui construisait charrettes et maisons, celle des bœufs qui labourait les champs, et celle des chevaux qui transportait les biens. L’énergie qui alimentait ces machines musculaires organiques venait en fin de compte d’une seule et unique source : les plantes, lesquelles tiraient à leur tour leur énergie du soleil. Par la photosynthèse, elles captaient l’énergie solaire pour la concentrer en composés organiques. Presque tout ce que les hommes ont accompli dans l’histoire s’est fait avec l’énergie solaire captée par les plantes et transformée en force musculaire.
L’histoire humaine a donc été dominée par deux grands cycles : le cycle de croissance des plantes et le cycle changeant de la lumière solaire (jour et nuit, été et hiver). Quand la lumière du soleil était rare, et les champs de blé encore verts, les hommes avaient peu d’énergie. Les greniers étaient vides, les collecteurs d’impôts oisifs, les soldats avaient du mal à se déplacer et à se battre et les rois avaient tendance à rester en paix. Quand le soleil brûlait d’une lumière vive, et que les blés mûrissaient, les paysans moissonnaient et emplissaient les greniers. Les collecteurs d’impôts se hâtaient de prendre leur part. Les soldats jouaient de leurs muscles et affûtaient leurs épées. Les rois réunissaient leurs conseils pour préparer les prochaines campagnes. Tout le monde marchait à l’énergie solaire, captée et concentrée dans le blé, le riz et les pommes de terre.
Secret de cuisine
Au fil de ces longs millénaires, à longueur de journée, les hommes avaient sous les yeux l’invention la plus importante de toute l’histoire de la production d’énergie… et ils ne le savaient pas. Ils avaient le nez dessus chaque fois qu’une ménagère ou une servante mettait une bouilloire à chauffer pour le thé ou une casserole de pommes de terre sur le four. Dès que l’eau se mettait à bouillir, le couvercle de la bouilloire ou de la casserole sautait. La chaleur se transformait en mouvement. Mais les couvercles qui sautent étaient une gêne, surtout si l’on oubliait la casserole sur le feu et que l’eau débordait. Personne ne voyait leur véritable potentiel.
L’invention de la poudre à canon, dans la Chine du ixe siècle, fut suivie d’une percée partielle dans la conversion de la chaleur en mouvement. Au début, l’idée d’utiliser la poudre à canon pour propulser des projectiles était tellement contre-intuitive que des siècles durant on s’en servit avant tout pour fabriquer des feux d’artifice. Finalement, peut-être après qu’un expert ès bombes broyant de la poudre dans un mortier avait vu son pilon partir comme une flèche, les canons firent leur apparition. De l’invention de la poudre à canon au développement d’une artillerie efficace, il s’écoula près de six siècles.
L’idée de transformer la chaleur en mouvement n’en restait pas moins si contraire à l’intuition que trois siècles passèrent encore avant que des gens n’inventent une nouvelle machine utilisant la chaleur pour déplacer les choses. La nouvelle technique vit le jour dans les mines de charbon britanniques. La population britannique augmentant, on abattit des forêts pour alimenter la croissance économique, mais aussi faire de la place pour les maisons et les champs. La Grande-Bretagne souffrit d’une pénurie croissante de bois de chauffe. Elle se mit à brûler du charbon à la place. Maintes veines de charbon se trouvaient dans des zones détrempées, et l’inondation empêchait les mineurs d’accéder aux couches inférieures des mines. Il fallait trouver une solution au problème. Elle fut trouvée autour de 1700, et un bruit étrange se fit alors entendre autour des puits de mine britanniques. Ce bruit, annonciateur de la Révolution industrielle, fut d’abord très discret. À chaque décennie, il se fit de plus en plus fort, jusqu’à envelopper le monde entier dans une cacophonie assourdissante. Il provenait d’une machine à vapeur.
Il existe de nombreux types de machines à vapeur, mais toutes partagent un principe commun. On brûle un combustible – du charbon, par exemple – et on utilise la chaleur ainsi obtenue pour faire bouillir l’eau et produire de la vapeur. La vapeur qui se répand actionne un piston. Le piston bouge, et tout ce qui lui est attaché bouge en même temps. Ainsi la chaleur est-elle convertie en mouvement. Au xviiie siècle, dans les mines de charbon britanniques, le piston était attaché à une pompe qui extrayait l’eau du fond des puits de mine. Le toutes premières machines étaient incroyablement peu efficaces. Il fallait brûler une énorme quantité de charbon pour pomper une infime quantité d’eau. Dans les mines, toutefois, le charbon était abondant et à portée de main. Personne ne s’en souciait.
Au fil des décennies suivantes, les entrepreneurs britanniques améliorèrent l’efficacité de la machine à vapeur, la sortirent des seuls puits de mine pour l’associer à des métiers à tisser et à des égreneuses. Cela révolutionna la production textile, permettant de produire des quantités toujours plus grandes de textiles bon marché. En un clin d’œil, la Grande-Bretagne devint l’atelier du monde. Qui plus est, la sortie de la machine à vapeur des mines fit tomber une barrière psychologique importante. Si l’on pouvait brûler du charbon pour actionner les métiers à tisser, pourquoi ne pas employer la même méthode pour déplacer d’autres machines, des véhicules par exemple ?
En 1825, un ingénieur britannique attacha une machine à vapeur à un train de wagons de mines pleins de charbon. La machine tira les wagons sur vingt kilomètres de rails de fer – de la mine jusqu’au port le plus proche. Ce fut la première locomotive à vapeur de l’histoire. De toute évidence, si l’on pouvait utiliser la vapeur pour transporter du charbon, pourquoi pas d’autres biens ? Et pourquoi pas des gens ? Le 15 septembre 1830 fut ouverte la première ligne ferroviaire commerciale, reliant Liverpool à Manchester. La même vapeur qui avait pompé l’eau et actionnait les métiers à tisser faisait maintenant avancer les trains. À peine vingt ans plus tard, la Grande-Bretagne avait plusieurs dizaines de milliers de kilomètres de voies[1].
L’idée que l’on pouvait utiliser des machines et des moteurs pour transformer un type d’énergie dans un autre tourna alors à l’obsession. Partout dans le monde, on pourrait exploiter n’importe quel type d’énergie et l’adapter à ses besoins pour peu qu’on inventât la bonne machine. Par exemple, quand les physiciens s’aperçurent que les atomes enferment une immense quantité d’énergie, ils se mirent aussitôt à réfléchir aux moyens de libérer cette énergie et de l’utiliser pour produire de l’électricité, propulser des sous-marins et anéantir des villes. Entre le jour où des alchimistes chinois découvrirent la poudre à canon et celui où un canon turc pulvérisa les murs de Constantinople, six siècles s’étaient écoulés. Quarante années seulement séparent l’instant où Einstein comprit que n’importe quelle sorte de masse peut être convertie en énergie – tel est le sens de E = mc2 – du jour où des bombes atomiques effacèrent Hiroshima et Nagasaki et où les centrales nucléaires se mirent à foisonner à travers le monde.
Le moteur à combustion interne fut une autre découverte cruciale. Il lui fallut un peu plus d’une génération pour révolutionner les transports humains et transformer le pétrole en énergie politique liquide. Le pétrole était connu depuis des millénaires. On s’en servait pour étanchéifier les toits ou lubrifier les essieux. Pourtant, voici tout juste un siècle, personne n’imaginait qu’il pût servir à bien plus que cela. L’idée de faire couler le sang pour le pétrole eût semblé ridicule. On pouvait faire la guerre pour la terre, l’or, le poivre ou les esclaves… mais le pétrole ?
Plus déroutante encore est la carrière de l’électricité. Voici deux siècles, elle ne jouait aucun rôle dans l’économie. Tout au plus servait-elle à d’ésotériques expériences scientifiques et à des tours de magie à deux balles. Une série d’inventions allait en faire notre djinn universel. Un claquement de doigts et elle va au bout du monde pour exaucer tous nos vœux. C’est elle qui imprime les livres et coud les vêtements, garde nos légumes au frais et nos crèmes glacées, cuisine nos repas et exécute nos criminels, enregistre nos pensées et garde trace de nos sourires, éclaire nos nuits et nous divertit par d’innombrables shows à la télévision. Peu savent comment l’électricité fait tout cela, mais moins encore imaginent la vie sans elle.
Un océan d’énergie
La Révolution industrielle a été au fond une révolution de la conversion énergétique. Elle a démontré mainte et mainte fois que la quantité d’énergie à notre disposition n’a pas de limites. Ou, plus exactement, que la seule limite est celle de notre ignorance. Toutes les quelques décennies, nous découvrons une nouvelle source d’énergie, en sorte que la somme totale d’énergie à notre disposition ne cesse de croître.
D’où vient que tant de gens aient peur que nous soyons à court d’énergie ? Pourquoi annoncent-ils une catastrophe le jour où nous aurons épuisé tous les carburants fossiles ? Visiblement, le monde ne manque pas d’énergie. Ce qui nous manque, c’est uniquement les connaissances nécessaires pour la domestiquer et la transformer au gré de nos besoins. La quantité d’énergie stockée dans les combustibles fossiles sur terre est négligeable en comparaison de la quantité que dispense chaque jour le soleil… et gratuitement. Seule une infime proportion de l’énergie solaire atteint la Terre mais cela équivaut à 3 766 800 exajoules d’énergie chaque année (le joule est une unité d’énergie dans le système métrique, à peu près l’équivalent de ce que vous dépensez pour soulever une petite pomme à un mètre de haut ; un exajoule équivaut à un milliard de milliards de joules – ce qui fait beaucoup de pommes)[2]. Toutes les plantes du monde ne capturent que 3 000 environ de ces exajoules solaires à travers la photosynthèse[3]. Toutes les activités et industries humaines réunies consomment annuellement autour de 500 exajoules, soit l’équivalent de l’énergie que la Terre reçoit du soleil en 90 petites minutes[4]. Et ce n’est que l’énergie solaire. Nous sommes de surcroît entourés d’énormes sources d’énergie, comme l’énergie nucléaire et l’énergie gravitationnelle – nulle part plus manifeste que dans les marées océaniques causées par les effets de l’attraction lunaire sur la Terre.
Avant la Révolution industrielle, le marché de l’énergie était presque entièrement tributaire des plantes. Les gens vivaient à côté d’une réserve d’énergie verte de 3 000 exajoules par an et essayaient d’en pomper le plus possible. Reste que la quantité qu’ils pouvaient pomper était clairement limitée. Au cours de la Révolution industrielle, nous avons fini par comprendre que nous vivions à proximité d’un vaste océan énergétique, contenant des milliards et des milliards d’exajoules d’énergie potentielle. Tout ce dont nous avons besoin, c’est d’inventer de meilleures pompes.
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Apprendre à domestiquer et à convertir efficacement l’énergie résolut l’autre problème qui ralentit la croissance économique : la rareté des matières premières. Les hommes imaginant les moyens de domestiquer de grosses quantités d’énergie bon marché, ils purent se mettre à exploiter des gisements de matières premières précédemment inaccessibles (l’extraction de minerai de fer dans les friches de Sibérie, par exemple), ou à transporter des matières premières d’endroits toujours plus lointains (en livrant de la laine australienne à une filature britannique, par exemple). Dans le même temps, les percées scientifiques permirent à l’humanité d’inventer des matières premières entièrement nouvelles, comme le plastique, et à découvrir des matières naturelles précédemment inconnues, comme le silicium et l’aluminium.
Les chimistes ne découvrirent l’aluminium que dans les années 1820, mais séparer le métal du minerai était une opération très délicate et onéreuse. Des décennies durant, l’aluminium fut plus coûteux que l’or. Dans les années 1860, Napoléon III exigeait des couverts en aluminium à sa table pour recevoir des hôtes de marque. Les visiteurs de moindre importance devaient se contenter de couteaux et de fourchettes en or[5]. À la fin du xixe siècle, cependant, les chimistes trouvèrent le moyen d’extraire d’immenses quantités d’aluminium bon marché. La production mondiale actuelle se situe autour de 30 millions de tonnes par an. Napoléon III serait surpris d’apprendre que les descendants de ses sujets utilisent du papier d’aluminium jetable et bon marché pour emballer leurs sandwichs et se débarrasser de leurs restes.
Voici deux mille ans, quand les habitants du Bassin méditerranéen avaient la peau sèche, ils se frottaient les mains avec de l’huile d’olive. De nos jours, ils ouvrent un tube de crème. Voici la liste des ingrédients d’une crème pour les mains moderne, toute simple, que j’ai achetée dans une boutique du coin :
eau déionisée, acide stéarique, glycérine, triglycéride caprylique/caprique, propylène glycol, myristate d’isopropyle, extrait de racine de ginseng panax, fragrance, alcool cétylique, triéthanolamine, diméticone, extrait de feuille arctostaphylos uva-ursi, magnésium ascorbyl-phosphate, imidazolidinylurée, méthylparaben, camphre, propylparaben, hydroxyisohexyl 3-cyclohexene carboxaldehyde, hydroxycitronellal, linalol, butylphenyl methylproplonal, citronellol, limonène, géraniol
Presque tous ces ingrédients ont été découverts ou inventés au cours des deux derniers siècles.
Au cours de la Première Guerre mondiale, du fait du blocus, l’Allemagne souffrit de graves pénuries de matières premières, et notamment de salpêtre – ingrédient essentiel de la poudre à canon et d’autres explosifs. Les gisements de salpêtre les plus importants se trouvaient au Chili et en Inde ; il n’y en avait absolument pas en Allemagne. On pouvait certes le remplacer par l’ammoniac, mais sa production était aussi coûteuse. Par chance pour les Allemands, un de leurs concitoyens, le chimiste juif Fritz Haber, avait découvert en 1908 comment en produire à partir de l’atmosphère. Quand la guerre éclata, les Allemands utilisèrent cette découverte pour engager la production industrielle d’explosifs en se servant de l’air comme matière première. Certains chercheurs pensent que, n’eût été la découverte d’Haber, l’Allemagne eût été contrainte de se rendre bien avant novembre 1918[6]. En 1918, le prix Nobel de chimie couronna la découverte d’Haber (qui, au cours du conflit, fut aussi le pionnier de l’utilisation de gaz toxiques dans la bataille).
La vie sur le tapis roulant
La Révolution industrielle se solda par un mélange sans précédent d’énergie abondante et bon marché avec des matières premières abondantes et bon marché. Il en résulta une explosion de la productivité, qui se fit sentir d’abord et avant tout dans l’agriculture. Habituellement, quand nous pensons Révolution industrielle, nous pensons au paysage urbain de cheminées qui fument ou au triste sort des gueules noires exploitées qui suent dans les boyaux de la terre. Mais la Révolution industrielle fut avant toute chose la Seconde Révolution agricole.
Dans les deux cents dernières années, les méthodes de la production industrielle sont devenues le pilier de l’agriculture. Diverses machines, comme les tracteurs, se sont chargées de tâches jusque-là accomplies par la force musculaire, ou pas accomplies du tout. Champs et animaux sont devenus infiniment plus productifs grâce aux engrais artificiels, aux insecticides industriels ainsi qu’à tout un arsenal d’hormones et de médicaments. Réfrigérateurs, navires et avions ont permis de stocker les produits des mois durant, et de les transporter rapidement et à bon marché à l’autre bout du monde. Les Européens se sont mis à manger du bœuf argentin et des sushis japonais frais.
Même les plantes et les bêtes ont été mécanisées. Alors que les religions humanistes élevaient l’Homo sapiens au rang de dieu, les animaux de ferme ont cessé d’être considérés comme des créatures vivantes capables de ressentir douleur et détresse, pour être traités plutôt en machines. De nos jours, ces animaux sont souvent produits en masse dans des installations qui ressemblent à des usines. Leurs corps sont façonnés en accord avec les besoins de l’industrie. Ils passent leur vie entière comme simples rouages d’une chaîne de production géante, et ce sont les pertes et profits des sociétés qui déterminent la durée et la qualité de leur existence. Même quand l’industrie prend soin de les garder en vie, en relative bonne santé et bien nourris, elle n’a aucun intérêt intrinsèque pour les besoins sociaux et psychologiques des animaux (à moins qu’ils n’aient un impact direct sur la production).
Les poules pondeuses, par exemple, se distinguent par tout un monde complexe de pulsions et de besoins comportementaux. Une forte démangeaison les pousse à explorer leur environnement, fourrager et picorer, à déterminer des hiérarchies sociales, construire des nids et faire leur toilette. Or l’industrie de l’œuf les enferme dans des cages minuscules, parfois même à quatre par cage, ce qui leur laisse à chacune un espace au sol de 25 cm sur 22 cm. Les poules reçoivent assez à manger, mais elles sont incapables de revendiquer un territoire, de se construire un nid ou de se livrer à d’autres activités naturelles. La cage est en fait si exiguë que souvent les poules ne peuvent même pas battre des ailes ou se redresser entièrement.

Poussins sur un tapis roulant d’un incubateur industriel. Les mâles et les femelles imparfaites sont retirés du tapis roulant puis asphyxiés dans des chambres à gaz, lancés dans des déchiqueteuses automatiques, ou simplement jetés aux ordures et broyés. Des centaines de millions de poussins meurent chaque année dans des couvoirs de ce genre.
Les cochons comptent au nombre des mammifères les plus intelligents et curieux, juste après les grands singes. Les élevages de porc industriels n’en confinent pas moins les truies allaitantes dans des caisses si étroites qu’elles sont littéralement incapables de se retourner (sans parler de marcher ou de fourrager). Elles y sont maintenues jour et nuit, quatre semaines durant, après qu’elles ont eu des petits. Après quoi ces derniers leur sont retirés pour être engraissés, et les truies sont fécondées avec le prochain lot de porcelets.
Beaucoup de vaches laitières passent la quasi-totalité des années de vie qui leur sont accordées dans un petit enclos, condamnées à se tenir debout, à se coucher et à dormir dans leur urine et leurs excréments. Une batterie de machines leur fournit leur dose de nourriture, d’hormones et de médicaments, tandis que, à heures régulières, une autre série d’appareils se chargent de la traite. La vache coincée entre les machines est à peine plus qu’une bouche qui ingurgite des matières premières et un pis qui produit une marchandise. Traiter des êtres vivants possédant tout un univers émotionnel complexe comme des machines ne saurait être pour eux qu’une source d’inconfort physique, mais aussi de fort stress social et de frustration psychologique[7].
De même que le trafic d’esclaves transatlantique n’était pas le fruit d’une haine vouée aux Africains, ce n’est pas l’animosité qui inspire l’industrie animalière moderne, mais l’indifférence. La plupart des gens qui produisent et consomment des œufs, du lait et de la viande prennent rarement le temps de penser aux poulets, aux vaches ou aux porcs dont ils consomment la chair ou les émissions. Ceux qui y pensent soutiennent souvent qu’en réalité ces animaux sont à peine différents de machines, dépourvus de sensations et d’émotions, incapables de souffrance. Paradoxalement, les mêmes disciplines scientifiques qui conçoivent ces machines laitières et pondeuses ont dernièrement démontré sans doute possible que mammifères et oiseaux ont une constitution sensorielle et émotionnelle complexe. Leur souffrance n’est pas seulement physique, mais aussi émotionnelle.
Suivant la psychologie de l’évolution, les besoins émotionnels et sociaux des animaux de ferme ont évolué à l’état sauvage, quand ils étaient essentiels à la survie et à la reproduction. Par exemple, une vache sauvage devait savoir nouer des relations étroites avec d’autres vaches et des taureaux, sans quoi elle ne pouvait survivre ni se reproduire. Pour apprendre les connaissances nécessaires, l’évolution implanta chez les veaux – et chez tous les petits des autres mammifères sociaux – un fort désir de jouer (jouer est la manière propre aux mammifères d’acquérir des compétences sociales). Et elle leur inculqua un désir plus fort encore de se lier à leurs mères, dont le lait et les attentions étaient essentiels à leur survie.
Que se passe-t-il maintenant si les paysans prennent un jeune veau, le séparent de sa mère, le placent dans une cage fermée, lui donnent nourriture, eau et vaccins contre les maladies puis quand, la femelle est assez grande, lui inséminent du sperme de taureau ? Objectivement, le veau n’a plus besoin du lien maternel ni de camarades de jeu pour survivre et se reproduire. Subjectivement, cependant, le veau éprouve toujours un besoin très fort de s’attacher à sa mère et de jouer avec d’autres veaux. Si ces besoins ne sont pas satisfaits, il souffre terriblement. Telle est la leçon de base de la psychologie de l’évolution : un besoin qui s’est formé à l’état sauvage continue d’être ressenti subjectivement même s’il n’est plus vraiment nécessaire à la survie et à la reproduction dans les fermes industrielles. La tragédie de l’agriculture industrielle est qu’elle prend grand soin des besoins objectifs des animaux tout en négligeant leurs besoins subjectifs.
Le bien-fondé de cette théorie est connu depuis les années 1950, quand le psychologue américain Harry Harlow étudia le développement des singes. Il sépara des bébés singes de leurs mères quelques heures après la naissance. Les singes furent ensuite isolés dans des cages puis confiés à des mères de substitution : deux dans chaque cage. L’une était faite de fils métalliques et équipée d’une bouteille de lait à laquelle le bébé singe pouvait téter. L’autre, de bois, était habillée de tissus qui lui donnaient l’apparence d’une vraie maman singe sans qu’elle n’ait rien de concret à offrir au petit. On supposait que les petits s’accrocheraient à la mère nourricière métallique plutôt qu’à la mère de chiffons stérile.
À la grande surprise de Harlow, les bébés singes montrèrent une nette préférence pour la seconde, passant le plus clair de leur temps auprès d’elle. Lorsqu’il plaçait les deux mères à proximité, les petits s’accrochaient aux chiffons tout en tétant la mère métallique. Soupçonnant que c’était une question de froid, Harlow plaça une ampoule électrique dans la mère faite de fils de fer, désormais rayonnante de chaleur. Hormis les plus petits, la plupart des singes continuèrent de préférer la mère de chiffons.

Un des singes orphelins de Harlow s’accroche à sa mère de chiffons tout en tétant le lait de sa mère métallique
Les recherches ultérieures ont montré que les singes orphelins de Harlow souffraient adultes de troubles émotionnels alors même qu’ils n’avaient pas manqué de nourriture. Jamais ils ne s’intégrèrent dans une société de singes. Ils eurent des difficultés à communiquer avec leurs congénères tout en souffrant de forts niveaux d’angoisse et d’agressivité. La conclusion était incontournable : les singes doivent avoir des besoins et des désirs psychologiques qui vont au-delà des nécessités matérielles ; s’ils ne sont pas comblés, ils souffriront terriblement. Les petits singes de Harlow préféraient passer leur temps entre les mains de la mère de chiffons parce qu’ils avaient besoin d’un lien émotionnel et pas seulement de lait. Dans les décennies suivantes, de nombreuses études ont montré que cette conclusion ne vaut pas seulement pour les singes, mais aussi pour d’autres mammifères et pour les oiseaux. À l’heure actuelle, des millions d’animaux sont soumis aux mêmes conditions que les singes de Harlow, avec la routine des fermiers qui enlèvent les veaux, les chevreaux et les autres petits à leurs mères pour les élever séparément[8].
Au total, la vie de dizaines de millions d’animaux de ferme se déroule de nos jours dans le cadre d’une chaîne de montage mécanisée, et autour de dix milliards sont abattus chaque année. Ces méthodes d’élevage industriel ont permis une forte hausse de la production agricole et des réserves alimentaires mondiales. Avec la mécanisation de la culture des plantes, l’élevage industriel est la base de l’ordre socio-économique moderne. Avant l’industrialisation de l’agriculture, l’essentiel des vivres produits au champ ou à la ferme était « gaspillé » à nourrir les paysans et les animaux de ferme. Il ne restait qu’un petit pourcentage pour nourrir artisans, enseignants, prêtres et bureaucrates. Dans la quasi-totalité des sociétés, les paysans représentaient donc plus de 90 % de la population. À la suite de l’industrialisation de l’agriculture, un nombre toujours plus réduit de paysans allait suffire à nourrir un nombre croissant d’employés de bureau et d’ouvriers d’usine. Aujourd’hui, aux États-Unis, 2 % seulement de la population gagne sa vie dans l’agriculture[9], mais ces 2 % suffisent non seulement à nourrir toute la population américaine, mais aussi à exporter des excédents vers le reste du monde. Sans l’industrialisation de l’agriculture, la Révolution industrielle urbaine n’aurait jamais eu lieu : il aurait manqué de mains et de cerveaux dans les usines et les bureaux.
Alors que ceux-ci absorbaient les milliards de mains et de cerveaux libérés des travaux des champs, il devait en résulter une avalanche de produits sans précédent. Les hommes produisent désormais bien plus d’acier, fabriquent beaucoup plus de vêtements et construisent bien plus de bâtiments qu’ils ne l’ont jamais fait. De plus, ils produisent un éventail ahurissant de produits inimaginables, comme des ampoules électriques, des téléphones cellulaires, des caméras et des lave-vaisselle. Pour la première fois dans l’histoire des hommes, l’offre a commencé à dépasser la demande. Ainsi est apparu un problème entièrement nouveau : qui va acheter toute cette camelote ?
L’âge du shopping
Pour survivre, l’économie capitaliste moderne doit sans cesse augmenter la production, tel un requin qui doit nager sous peine de suffoquer. Mais produire ne suffit pas. Encore faut-il trouver des acheteurs, sans quoi industriels et investisseurs feront faillite. Pour empêcher cette catastrophe et s’assurer que les gens continueront d’acheter toutes les nouveautés que produit l’industrie, une nouvelle forme d’éthique est apparue : le consumérisme.
Tout au long de l’histoire, la plupart des gens ont vécu dans la rareté. Leur mot d’ordre était la frugalité. Les puritains et les spartiates avec leur éthique austère n’en sont que deux exemples célèbres. Une bonne personne évitait le luxe, ne gaspillait jamais la nourriture, et rapiéçait les pantalons déchirés au lieu d’en acheter des neufs. Seuls les rois et les nobles s’autorisaient à renoncer publiquement à ces valeurs pour étaler leurs richesses avec ostentation.
Dans le consumérisme, consommer toujours plus de biens et de services est une chose positive. Il encourage les gens à se régaler, à se gâter et même à se tuer à petit feu par surconsommation. La frugalité est une maladie qu’il faut soigner. Nul n’est besoin de chercher bien loin pour voir l’éthique du consommateur en action : regardez donc au dos de la boîte de céréales. Voici un extrait d’une boîte de mes céréales préférées pour le petit déjeuner, produites par la société israélienne Telma :
On a parfois besoin de se faire plaisir. On a parfois besoin d’un petit supplément d’énergie. Il y a un temps pour surveiller son poids et un temps pour se faire plaisir… maintenant ! Telma offre toute une variété de céréales savoureuses. Rien que pour vous ! Régalez-vous sans remords !
Sur le même paquet, figure une pub pour une autre marque de céréales, « Régals sains » :
« Régals sains » offre quantité de céréales, fruits et noix pour une expérience qui associe goût, plaisir et santé. Pour un petit extra en milieu de journée, qui convienne à une vie saine. Un vrai régal avec le goût merveilleux du plus [souligné dans l’original].
Pendant le plus clair de l’histoire, un texte de ce genre eût probablement inspiré le dégoût aux lecteurs. Ils l’eussent jugé égoïste, décadent, corrompu. Avec le concours de la psychologie populaire (« Just do it ! »), le consumérisme s’est acharné à convaincre que le sybaritisme est une bonne chose, tandis que rester frugal, c’est s’opprimer soi-même.
Il a réussi. Nous sommes tous de bons consommateurs. Nous achetons d’innombrables produits dont nous n’avons pas réellement besoin et dont, hier encore, nous ignorions l’existence. Les industriels conçoivent délibérément des produits éphémères et inventent inutilement de nouveaux modèles de produits qui donnent pourtant entière satisfaction. Mais il nous faut les acheter pour rester « in », dans le coup. Le shopping est devenu un passe-temps favori, et les biens de consommation sont désormais des médiateurs essentiels dans les relations entre membres de la famille, époux et amis. Les fêtes religieuses comme Noël sont devenues des fêtes du shopping ! Aux États-Unis, même le Memorial Day – initialement, une fête solennelle pour honorer la mémoire des soldats tombés au champ d’honneur – est aujourd’hui prétexte à des ventes spéciales. La plupart des gens marquent ce jour en faisant des courses, peut-être pour prouver que les défenseurs de la liberté ne sont pas morts en vain.
L’épanouissement de l’éthique consumériste est on ne peut plus clair sur le marché de l’alimentation. Les sociétés agricoles traditionnelles vivaient dans l’ombre effroyable de la famine. Dans le monde d’abondance qui est le nôtre, l’un des principaux problèmes de santé est l’obésité, qui frappe les pauvres (lesquels se gavent de hamburgers et de pizzas) plus fortement encore que les riches (amateurs de salades bio et de jus de fruits). Chaque année, la population américaine dépense plus d’argent en régimes qu’il n’en faudrait pour nourrir tous les gens qui ont faim dans le reste du monde. L’obésité est une double victoire pour le consumérisme. Au lieu de manger peu, ce qui provoquerait une récession économique, les gens mangent trop puis achètent des produits diététiques – contribuant ainsi doublement à la croissance économique.
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Comment faire cadrer l’éthique consumériste avec l’éthique capitaliste de l’homme d’affaires, suivant laquelle il ne faut pas dilapider les profits mais les réinvestir dans la production ? Élémentaire. Comme dans les périodes antérieures, l’élite et les masses se partagent le travail. Dans l’Europe médiévale, les aristocrates insouciants dépensaient leur argent en luxes extravagants, tandis que les paysans vivaient frugalement, comptant chaque sou. De nos jours, la table a tourné. Les riches prennent grand soin de gérer leurs actifs et investissements alors que les moins nantis s’endettent pour acheter des voitures et des télévisions dont ils n’ont pas vraiment besoin.
Les éthiques capitaliste et consumériste sont les deux côtés de la même médaille, la fusion de deux commandements. Le commandement suprême du riche est : « Investis ! » Celui du commun des mortels : « Achète ! »
L’éthique capitalistico-consumériste est révolutionnaire d’un autre point de vue. La plupart des systèmes éthiques antérieurs proposaient aux gens un marché assez rude. Ils leur promettaient le paradis, si seulement ils cultivaient la compassion et la tolérance, dominaient l’envie et la colère et refrénaient leurs intérêts égoïstes. Pour la plupart, c’était trop dur. L’histoire de l’éthique est la triste histoire de merveilleux idéaux que personne ne saurait atteindre. La plupart des chrétiens n’imitent pas le Christ, la plupart des bouddhistes sont incapables de suivre Bouddha, et la plupart des confucéens auraient provoqué une crise de rage chez Confucius.
À l’opposé, la plupart des gens, aujourd’hui, n’ont aucun mal à se hisser à la hauteur de l’idéal capitalistico-consumériste. La nouvelle éthique promet le paradis à condition que les riches restent cupides et passent leur temps à se faire du fric, et que les masses lâchent la bride à leurs envies et à leurs passions, et achètent de plus en plus. C’est la première religion de l’histoire dont les adeptes font vraiment ce qu’on leur demande de faire. Mais comment savons-nous que nous aurons vraiment le paradis en retour ? Nous l’avons vu à la télévision.
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