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Dans mes seixième et dix-septième années ce fut l’exécution d’un programme que mes grands-pères avaient mûri ensemble de longue date : transformer le rucher de paille en rucher de bois.
On avait pris l’avis des deux aviculteurs de la région : Mlle Bertrand, la fille du créateur de la ruche Bertrand, et l’abbé Landrot. La première demeurait à Lantenay où depuis plus de quarante ans, vêtue de vêtements masculins, ceux de son père, elle vivait avec ses abeilles comme les autres vieilles filles vivent avec leurs chats ou leurs serins. Il y en avait partout, même dans sa chambre à coucher. Si elle quittait les vêtements paternels, elle ne pouvait rien faire de ses avettes, qui devenaient intraitables.
Le second, alors curé de Châteauneuf, historien et entomologiste, poursuivait dans l’observation de la politique interne de la ruche la recherche des preuves de l’existence de Dieu, et paradoxalement, voyait dans la constitution sociale de l’essaim et la terrible spécialisation des abeilles le résultat fâcheux d’un collectivisme excessif et d’un matriarcat systématique. De là à dire que le même sort attendait une société humaine qui se livrerait au communisme intégral, il n’y avait qu’un pas, que l’abbé Landrot faisait franchir à ses élèves sans le franchir jamais lui-même.
Quoi qu’il en fût, ces deux personnages nous conseillèrent d’adopter dans nos régions le type de ruche « Dadant modifié ». Les opérations de transformation durèrent trois ans pendant lesquelles on menuisa une bonne quarantaine de maisonnettes en bon peuplier, avec leur corps de dix grands rayons et leur hausse de onze petits rayons, puis ce fut le transvasement des populations qu’il fallait faire passer du rudimentaire cabotin de paille à leur nouvelle demeure. Extraordinaire numéro de dressage en liberté où nous avons joué les dompteurs improvisés.
Il me reste de cet exercice, un grand sang-froid et une belle désinvolture dans l’improvisation.
Faire passer d’une maison dans une autre, une population de cinquante mille mouches à dard, c’est autre chose que de changer cinq taures de pré, et déjà les taures font un fameux rodéo !
Il faut dire que la reine de l’essaim arrange souvent bien les choses. Sans elle, rien ne serait possible, à condition toutefois qu’on ne lui ait pas déplu. Mais comment le savoir ?
Il y a, dans la méthode la plus belle que je connaisse, un moment d’émotion qui vous coupe le souffle : c’est quand, ayant disposé un drap sur un plan incliné qui monte vers la nouvelle ruche, on vide d’un coup sec l’ancien cabotin de toute sa population, devant le trou de vol. Il va sans dire que plusieurs milliers d’insectes voltigent autour des opérateurs en faisant leur bruit de mobilisation générale, mais le gros de l’essaim tombe en bloc sur le drap blanc avec un bruit mou et s’étale comme un seul corps brun, brillant, mobile et visqueux, sur le plan incliné.
Il y a un moment terrible, qui dure quelques minutes, où toute cette foule grouillante qui ne forme qu’un même et unique individu, se concerte et hésite, environnée de l’escadron des voltigeuses qui semble l’exciter.
Il y a aussi le ronflement acide de toutes ces ailes en guerre. Mais, de ce tas d’insectes agglomérés provient un autre bruit fait de frôlements, de frottements, de vibrations, comme si des ordres étaient chuchotés, transmis à travers la masse. On pense qu’il y a là plusieurs dizaines de milliers de dards, dont une centaine seulement, piqués dans votre peau suffiraient à vous mettre à mal. Une envie vous prend de fuir et de tout laisser là.
Pourtant, on reste : pour voir.
Et l’on voit, tout à coup, la masse s’entrouvrir mystérieusement et en surgir une abeille, trois fois plus grosse et plus belle que les autres. Longue, puissante, plus dorée aussi, qui majestueusement s’éle-vant sur le magma mouvant s’érige, puis, très sûre d’elle, monte vers la porte de son nouveau palais. C’est la reine. Elle gravit le plan incliné, précédé d’une centaine d’éclaireuses, ou de gardes du corps, va savoir ? Et très dignement, elle entre par le trou de vol. A sa suite, la foule se précipite, se bouscule frénétiquement. Toutes les ouvrières veulent entrer à la fois, à la suite de la Mère, la seule femelle, la Mère unique, de tous ces êtres qui lui sont aveuglément soumis. Elles n’ont toutes qu’une hâte, se précipiter à l’intérieur pour y accomplir la mission dont elles sont exclusivement chargées. Les cirières, pour y construire, dans les deux heures qui suivent, un gâteau d’alvéoles gros comme deux mains jointes où, en toute éventualité, la reine puisse se cacher et même y pondre tout de suite des œufs qui seront l’espoir de la collectivité. Les nourrisseuses, pour y entasser le pollen qui sera immédiatement la nourriture exclusive des larves. Les butineuses, pour y musser le nectar qu’elles ont récolté quelques instants seulement avant l’opération. Les ventileuses, pour évaporer l’eau inutile et assurer l’aération de cet énorme organisme.
Tout fonctionne. Et tout fonctionne comme si, en trois minutes, la population de Chalon-sur-Saône avait été transférée d’une cité dans une autre, avec armes, bagages, provisions, matériels, maternités, nourrisonneries, écoles, hôpitaux, administrations, garnisons, docks et entrepôts.
Une heure plus tard, nous collions notre oreille à la ruche et le bruit était le bruit d’une agglomération laborieuse en plein travail, comme si rien ne s’était passé. A peine quelques centaines d’éclaireuses et de guetteuses enveloppaient-elles la citadelle d’un réseau inquiet de vols entrecroisés. Je n’ai pas dit quel sortilège avait été, utilisé auparavant par l’apiculteur pour circonvenir la reine et lui faire prendre la décision favorable. Tout compte fait, ce sont des secrets qu’il n’est probablement pas bon de divulguer à tout le monde. Il faut les laisser gagner patiemment, graduellement, par ceux-là, seuls, qui s’en sont rendus dignes. C’est tout au moins ce qu’en pensait Mlle Bertrand, le curé Landrot et, bien sûr, les deux grands-pères « Compagnons Passants du Devoir » et partisans, en conséquence, d’un élitisme qu’ils voulaient me transmettre précieusement, comme la plus naturelle, la plus cohérente, la plus féconde des philosophies.
Les deux grands-pères parlaient souvent de leur Tour de France, des villes traversées, du compagnonnage et de la curieuse émulation qui existait entre les différents ordres et qui avait tourné à la rivalité, même à la violence. Une ou deux fois avec une onction d’évêque exposant des reliques insignes, ils m’avaient montré leur canne et leurs couleurs. Mais j’avais l’impression qu’ils ne me disaient pas la moitié du quart de ce qu’ils savaient là-dessus.
Je posais des questions auxquelles ils ne me répondaient jamais complètement. Un épais mystère voilait une partie de leur vie. Ils semblaient détenir un secret terrible qu’ils ne pouvaient dévoiler sous peine de sanctions graves, épouvantables même, pouvant aller jusqu’à la mort. Parfois, entraînés par le flot de souvenirs, ils s’aventuraient à me raconter une rixe, une rencontre ou une aventure, mais en employant des mots étranges dont je n’osais demander la signification.
Je croyais que si j’étais trop curieux, ou s’ils étaient trop bavards, de graves sanctions allaient leur être appliquées. Je les laissais conter, et mon ignorance donnait à tous ces mots, à toutes ces expressions, une poésie que je me gardais bien de détruire par mon outrecuidance. Leur passé compagnonnique était fait de « réunions », de « cavales », de « séances initiatiques » où il était question de « cayennes », de « Coteries », de « Pays », du « Père Soubise »… Les hommes qui traversaient ces histoires comme des fantômes ne portaient pas de nom, j’entends : de noms normaux. Ni nom ni prénom, mais un « blase ». On y rencontrait « Bourguignon l’Ami du Travail », « Poitevin la Fraternité », « Fleurdelisant le Pacifique », « la Volonté du Devoir Pacifique », « Dijonnais le Bien-Disant », « Auxois Modèle de la Sagesse », et je ne dois qu’au hasard de savoir que l’un de mes deux vieux était lui-même « Bien-Disant le Généreux, la Conscience du Tour de France », et l’autre, « l’Auxois Persévérant, la Gaieté du Tour de France ». Ce qui devait être une appellation générique donnée, par-dessus le marché, aux compagnons de bonne humeur qui vous boutaient les autres en train.
Que devais-je penser de tout cela ? Et je ne parle ni des airs ni des paroles que je les surprenais à fredonner en travaillant. Si je leur demandais de m’apprendre ces chansons-là, ils refusaient tout net, prétendant qu’ils avaient tout oublié, couplets et refrain. Mais je voyais bien que ce n’était pas vrai et qu’ils en avaient un souvenir parfait. Pourtant, ce que semblaient dire ces chansons était fort banal. Il était question tout simplement de bien braves choses : comme l’Hospitalité, l’Entraide, le Pain et le Vin, la Conscience et le Devoir, l’Hôte et l’Hôtesse, le Soleil et la Nuit, la Famille et la Fraternité. Mais à la façon dont ils prononçaient ces mots de tout le monde, on voyait bien qu’ils leur donnaient un sens caché. C’était comme des symboles dont eux seuls avaient la formule. Je me creusais la cervelle pour en trouver la clef, mais c’était impossible, ils faisaient tout pour m’embrouiller et me décourager.
J’avais aussi tenté de dire :
— Moi aussi, je voudrais être Compagnon.
Ou bien :
— Pourquoi ne deviendrais-je pas Maître, moi aussi ? Je m’appellerais « Bourguignon la Conscience ».
— Toi aussi, tu voudrais devenir un Jacques ? s’étaient-ils exclamés. Ils avaient alors soulevé un peu le voile du mystère car ma question avait paru les émouvoir profondément. Ils avaient dit :
— Ce n’est pas toi qui choisirais ton « blase ».
— Alors qui serait-ce donc ? Et comment serait-il choisi ?
Mais le voile s’était alors vivement refermé. J’apprendrais ça en temps utile… si c’était nécessaire… car toutes ces portes ne s’ouvrent que lorsque l’on a monté, un à un, les Escaliers de la Connaissance et de la Perfection…
Portes, Escalier, Connaissance, Perfection, rien que des mots à majuscule, prononcés avec respect et autorité presque avec arrogance.
Mes vieux étaient à l’intérieur d’une grande et riche maison, et moi j’étais dehors. Même pas sur le perron, mais dans la rue. Pour finir, on m’avait même dit :
— C’est fini ! La guerre, la science, le progrès ont renversé la baraque ! Ne parlons plus de cela, c’est une vieille histoire, tu ne connaîtras pas ça.
J’avais l’impression qu’ils avaient un peu honte. Mais tout cela me donnait une colique qu’ils ne faisaient rien pour apaiser, au contraire. Un jour étant entré avec le vieux Tremblot dans l’église de Saint-Thibaut, cette merveilleuse espèce de cathédrale élevée au beau milieu de la vallée de l’Armançon, aussitôt que j’avais passé le merveilleux porche, j’avais été saisi par une sorte de courant électrique.
C’était au lever du jour, nous allions à Vézelay pour la Sainte-Madeleine. Le soleil était par conséquent juste dans l’axe de ce bouleversant solarium que forme la nef. Le Vieux m’expliqua que cette église avait été construite près d’une fontaine sacrée qui guérissait de certaines maladies et que, pour être guéri, il suffisait, jadis, de passer sept fois sous la golotte52 de cette fontaine. Mais que pour rectifier les tournants de la route qui fait ses grimaces au milieu des six maisons du hameau (une cathédrale pour un hameau ! vas-y comprendre quelque chose !), les pignoufes avaient recouvert la pierre sacrée de la fontaine et détourné le cours de l’eau.
Il me racontait cela avec une lueur de colère dans l’œil. Puis, lorsque je fus accoutumé à l’éblouissement qui me donnait le virot53, on s’était avancés vers l’autel. C’était, comme tous les autels, une grosse pierre posée sur un socle et, en retable, une merveilleuse sculpture coloriée, compartimentée, représentant des personnages groupés de façon bizarre. Le Vieux m’expliqua qu’on y racontait la vie de saint Thibaut.
— Saint Thibaut ! ajoutait-il à voix haute. Tu te souviendras bien de ce nom ?
— Oui je le connais bien, saint Thibaut ! C’est le saint patron de Commarin !
Le Vieux me regarda en clignant son œil narquois.
— Un saint ? Un saint ? Tu es sûr ?
Je ne savais trop quoi répondre. Il me montra les différentes scènes.
— Ici, tu le vois, le Thibaut, qui prend les leçons près du vieil ermite Burchard. Tu entends ? un ermite, un vieux barbu qui se cache dans les bois, dans une grotte !… Là notre Thibaut part retrouver les maçons ! Tu entends ? les Frères Maçons, les Compagnons Constructeurs ! Et il travaille avec eux. Regarde-le qui passe l’Épreuve ! Et regarde ici la Vouivre qui lui mord la jambe ! Et là, regarde-le porter l’oiseau avec son compain ! Et là, à cheval avec son frère qui se présentent à la porte d’une cayenne !
Je n’y comprenais rien du tout. Le père Tremblot me regardait, puis disait :
— Le saint Thibaut ? Ha ha ! drôle de saint ! et comme pour lui-même, il ajoutait d’un air savant : je ne lui donne pas longtemps, à ton saint, pour qu’un pape plus intelligent que les autres le retire du calendrier !
Moi qui vous raconte ces choses, je n’ai pas peur d’enjamber un demi-siècle pour vous dire qu’aujourd’hui le Thibaut ne figure plus au propre du temps parce que, effectivement, un pape, je ne sais plus lequel, est-ce Jean XXIII ou Paul VI ? a découvert qu’il n’avait jamais été canonisé, qu’il n’avait aucune raison de l’être, et toutes les raisons de ne l’être pas. Le père Tremblot est mort sans le savoir, mais j’ai l’idée que ce jour-là, il a dû bien ricaner dans sa tombe.
Mais revenons à cette visite à saint Thibaut qui me réservait encore bien des surprises.
Comme je disais :
— Mais s’il est pas saint, pourquoi son nom est-il donné en baptême et pourquoi on lui a fait cette église ?
Le Vieux me prit par le bras et me poussa dehors, me fit faire volte-face devant le trumeau du portail nord et me dit :
— Que vois-tu là sur son pilier ? Une statue, un homme habillé comme un curé quand il dit la messe, avec sa chasuble, son amict et même son manipule qui pend à son bras droit. Eh bien, c’est Thibaut en personne !
Il me souleva sur ses épaules, m’approcha de la statue de Thibaut et continua :
— … Et sur un manipule, qu’est-ce qu’il y a d’habitude ? me demanda-t-il… Une croix, ou un agneau pascal, ou un calice, ou un ostensoir en forme de soleil ! et sur celui-là qu’est-ce que tu vois ?
Je m’approchai tout près, car la pierre était usée et l’on y voyait mal.
— Alors ? Qu’est-ce que tu vois ?
— Un dessin !
— Quelle figure a ce dessin ?
— On voit deux triangles entrecroisés, tête-bêche.
— Tu as bien dit, garçon, deux triangles entrecroisés, tête-bêche, l’équerre et le compas ? Mais pas plus de croix, de calice ou d’agneau que de beurre en broche ! Comprenne qui pourra !
De là, nous entrâmes à l’auberge, qui est juste en face du porche, pour y faire collation. On y accueillit mon grand-père par son nom, ce qui m’étonna car nous étions bel et bien sortis du canton.
— Maître Tremblot, vous voilà de passage ?
— Eh bien, oui, comme tous les ans pour la Madeleine ! Et voilà mon petit-fils ! Pour son éducation montrez voir à ce jeune homme votre papier de propriété. Je vous demande cela en toute discrétion, vous me connaissez.
La patronne mit un quart d’heure pour aller chercher un grimoire paraphé qu’elle déplia sur la table, et mon grand-père y lut cette clause :
— … L’aubergiste, qu’il soit propriétaire ou locataire, devra, quoi qu’il advienne, de nuit aussi bien que de jour, nourrir et loger les pèlerins qui se présenteront… Les pèlerins ! insista le Vieux, les pèlerins ! Tu entends ?
J’entendais, mais je ne comprenais rien du tout. Je me gardai bien de le dire et nous reprîmes notre route après casse-croûte.
En pédalant dur, nous pouvions être à Vézelay sur le soir, à condition de suivre d’abord la grand-route, par Thil et Dompierre-en-Morvan, puis, à partir de Rouvray, de bifurquer franchement vers l’ouest par un dédale de petits chemins à caractère morvandiau, qui franchissent les vallées de la Romanée, du Creusant et du Trinquelin, et enfin de la Cure. Le grand-père s’y retrouvait par miracle comme s’il avait débrouillé tous ces chemins la veille. Il roulait drûment, son chapeau rond sur la tête et ses petits houseaux bien serrés aux chevilles, prenant sans hésiter à droite, puis à gauche, dans des carrefours qui se ressemblaient tous. Il fredonnait, faux, de vieux airs, et de temps en temps commençait une histoire : « Quand je faisais le tour de France », ou bien «… quand j’étais sur le trimard…», «… Quand j’étais en cavale…» ou encore : «… Dans ce temps-là c’était à pied, les souliers neufs sur l’épaule, qu’on faisait la route ! »
Sûr, qu’il se croyait encore allant de ville en ville pour apprendre son métier. La route, qui ouvrait sans cesse l’espace devant nous, lui donnait un air triomphal de liberté, et ses yeux avaient un regard différent.
En roulant, je posais des questions sur ce que l’on venait de voir. Surtout sur ce saint Thibaut, qui n’était pas un saint. Mais sa réponse était toujours la même : « Regarde, petiot, regarde et mets-toi bien ça dans la tête ! Un jour tout se rhapsodera comme par enchantement ! Pour l’instant engrange ! la Compréhension viendra après ! Il y a un âge pour apprendre et un âge pour comprendre ! Et le Meilleur est le Meilleur ! c’est la règle des Jacques. »
Sur le soir, nous approchions de Vézelay. On faisait maintenant route avec d’autres pèlerins, des cyclistes qui avaient pédalé, comme nous, toute la journée pour passer la nuit dans un fenil, une grange ou même à la belle étoile, pour se réveiller fin prêts le matin de la Madeleine.
Tout à coup, au sommet d’une côte, au carrefour de Taroiseau, ce fut l’éblouissement, car la vallée de la Cure s’ouvrait d’un seul coup, et en face, auréolée par le soleil couchant, la colline sainte se dressait couronnée de sa basilique et de ses toits bruns. Il y avait là, justement, un calvaire piqué sur un grand escalier en pyramide où nous montâmes. C’était la Mont joie de Fontette.
— C’est là, disait maître Tremblot, que les pèlerins sur le chemin de saint Jacques, qui venaient du fin fond de l’Europe et même de l’Asie, voyaient pour la première fois la montagne sacrée, et se mettaient à crier leur joie, avant même de penser à se reposer, et ils chantaient à gueule que veux-tu !
— Des cantiques à sainte Madeleine ou à saint Jacques qu’ils chantaient ? demandais-je.
— Ouais, bien sûr, mais avant saint Jacques, bien avant lui, d’autres chants perdus aujourd’hui, car avant d’être le chemin de saint Jacques c’était le chemin des Jacques.
— Des Jacques ?
— Ça serait trop long et trop difficile à t’expliquer. Regarde et écoute.
On dormit dans la paille d’une ferme où le grand-père était connu. Au matin, on se débarbouilla les yeux et le bout du nez dans l’abreuvoir, et avant que le soleil soit levé, on montait la rude côte qui conduit à la basilique.
Il y eut des offices et des processions où les bénédictins, venus pieds nus depuis leur monastère de La Pierre-qui-Vire, chantèrent des psaumes qui ne ressemblaient pas du tout à ceux que chantait le père Milleret, au village.
Mon grand-père me montrait des chapiteaux où l’on voyait quelques scènes de mon Histoire Sainte, mais bien d’autres encore avec des monstres et des chimères où je ne comprenais rien du tout, et puis sur l’embase d’un pilier un serpent qui se mordait la queue, ce qui est, paraît-il, un signe venu de très loin. Et, enfin, dans le déambulatoire du chœur, des signes gravés sur chaque pierre que je m’apprêtais à caresser de la main, mais le Vieux m’en empêcha bien vite en disant :
— Ne touche pas à la signature des Jacques !
Encore, et toujours : ces Jacques !
Il y avait là, sculptés dans chaque moellon, des signes, des escargots, des spirales, des rouelles, des rosaces, des billettes entrecroisées, et surtout de nombreuses feuilles de chêne que maître Tremblot me montra en disant dans un souffle :
— Les enfants de maître Jacques ! N’y touche surtout pas ! Ceux-là savaient !
Savaient ? Mais savaient quoi ? Comme toutes les fois que je suis allé à la Madeleine avec le Vieux, j’avais l’impression que la messe et les curés ne l’intéressaient pas du tout, ni les offices pourtant très beaux.
Parmi la foule de Bourguignons et d’étrangers qui processionnait là en bramant cantiques, il semblait être venu pour autre chose. Et combien étaient-ils comme lui ?
J’ai toujours cru quant à moi, qu’il y avait une relation entre ce site extraordinaire, cette basilique, ce monument mystérieux et les compagnons « les Jacques »… « Ceux qui savaient… ! »
Enfin, et pour rester dans ce chapitre important, mais trop court, hélas, il y eut, lorsque j’eus une quinzaine d’années, un événement très bref et très simple qui tient une bonne place dans ma mémoire. Ce fut un Congrès de la Famille du Cuir à Bure-les-Templiers.
Je n’avais aucune idée de ce que ça pouvait être, les femmes non plus, car les femmes étaient tenues à l’écart de toutes ces choses. C’était affaire d’hommes.
Le Vieux était parti à l’aube, il ne devait rentrer que le surlendemain dans la soirée. Contrairement à son habitude, il n’avait pas l’air bien guilleret quand il revint. Il abandonna sa bicyclette et s’affala sur sa chaise de travail dans sa boutique, les bras tombant comme branches mortes. On lui posa des « Alors ? » et des « Eh bien ? » mais il était muet. On lui fit une trempusse avec de grandes mouillettes de pain blanc, qu’il trempait dans le vin sucré, mais il restait silencieux.
— Fatigué que tu es ? s’inquiétait la grand-mère qui le servait.
— Non, pas fatigué mais aqueubi ! Aqueubi raide d’avoir vu ce que j’ai vu !
— Et quoi donc que t’as vu ?
— M’en parle pas.
On ne lui en parla pas. Ce n’est qu’après avoir repris forces avec une soupe, un civet de lapin et un demi-fromage qu’il commença le récit.
Il était allé au Congrès de la Famille du Cuir à Bure-les-Templiers.
— Cinq qu’ils étaient ! Cinq en tout, pour toute la Bourgogne ! Et vieux qu’ils étaient ! Mais vieux ! Tu ne peux pas savoir !
— Mais tu n’es pas jeune non plus !
— Ouais, il y a toujours eu des vieux, mais…
Il leva l’index en l’air :
— … Mais n’y avait pas de jeune ! Pas un seul apprenti ! Pas un seul compagnon ! Seulement cinq vieux maîtres tout regrignés !
Et alors, ce fut le déluge de paroles saccadées, comme des sanglots : « Il y avait " Beaunois la Fierté du Devoir ", " Autunois-Va-sans-crainte ", " Maçonnais l’Ami du Tour de France " et " Morvandiau l’Estimable Courageux ", et moi ! Et c’est tout ! Tout, tu m’entends ? Et vieux qu’ils étaient tous ! mais vieux… ! … Pas un n’a pu faire un seul apprenti depuis deux ans ! Les jeunes foutent le camp vers les usines, vers la ville, où personne n’a plus besoin de savoir ! Il y a des machines pour tout. Il y a même des machines pour faire des points selliers ! Plus besoin de Connaissance ! Quant à la Perfection, personne ne s’en occupe plus ! C’est la fin de…» Il s’arrêta net, la gorge comme coupée par un tranchet, puis ravalant sa salive et s’adressant à moi :
— Je te l’ai dit, petiot, fais-toi ingénieur ! Il n’y a plus de place dans le monde que pour des ingénieurs !
Il se changea rageusement, décrocha le fusil et remplit sa poche de cartouches et dit :
— Je vas beursiller trois ou quatre lapins dans les roches ! Ça me revengera !
Comme il allait sortir, le vieux comte Arthur entrait en personne dans la cour.
— Joseph, êtes-vous là ?
— A peine, monsieur le Comte, à peine !…
— Voyons, Joseph, que se passe-t-il, vous semblez bouleversé.
Le Vieux paraissait heureux de trouver un interlocuteur de qualité à qui déverser sa bile. Il raconta tout et termina en disant :
— Il n’y a plus de Compagnons, monsieur le Comte ! Vous entendez ? Bientôt vous ne trouverez plus un seul chevalier du ligneul pouvant seulement remettre un ardillon à la sangle de votre sous-ventrière !
— Mais vous exagérez beaucoup, Tremblot ! Et, à propos de harnais, avez-vous terminé la sellette légère que vous m’aviez promise pour mon petit-fils Charles-Louis ?
— Pas encore, monsieur le Comte !
— Comment ? Le travail n’est pas fait Tremblot, mais pourtant vous me dites être allé faire la fête avec vos amis me semble-t-il ?
— La fête ? hurla Tremblot. La fête ? Vous voulez dire l’enterrement, oui !
Puis se reprenant bien poliment :
— Mossieu le Comte, le travail se compte en trois temps : un pour la méditation, un pour la réflexion et un pour la création. Je viens pendant ces deux jours de rattrouper mes vieux compagnons et célébrer avec eux, pour mener à bien les deux premiers temps. Je me mettrai au troisième dès demain matin et votre sellette fine sera un chef-d’œuvre ! Mon dernier chef-d’œuvre, « le » chef-d’œuvre, et vous me remercierez d’avoir tant pris mon temps.
Le comte Arthur ajustait le monocle, qui venait de tomber de son orbite et se balançait au bout de son cordon.
— Joseph, je vois que vous êtes toujours un dangereux interlocuteur et que votre dialectique bourguignonne est toujours aussi parfaite que votre savoir-faire !…
— Et vous voulez que je vous dise ! Mossieu le Comte ! continuait Tremblot entraîné par sa propre éloquence : … Bientôt plus ne sera besoin ni de bourrelier ni de sellier ! En Amérique déjà, ils labourent, fauchent, moissonnent, piochent avec des tracteurs ! Plus de chevaux ! On me l’a dit ! Attendons-nous à voir ça ici, dans pas quinze ans !
— Tremblot, Tremblot, mais jamais nos bons Français ne se livreront à ces excès dangereux !
— Jamais ?… Jamais ?… Nos bons Français ? Mais vous n’avez pas remarqué que cette guerre, et l’arrivée des Américains, leur a gâté la cervelle et pourri le jugement ? Que vous-même monsieur le Comte, vous abandonnez bien le cheval puisque vous venez d’acheter une grosse limousine automobile ! Et pourtant, hier encore, vous sortiez avec un bel attelage à la Daumont !…
Le vieux comte resta coi un instant, puis :
— Tremblot !… Voyons Tremblot !
Et pour avoir le dernier mot :
— Faites-moi du beau travail, comme vous êtes le seul à le savoir faire. On aura toujours besoin de Compagnons-finis et de Maîtres comme vous, croyez-moi, Tremblot, croyez-moi !…
Un jour enfin, il y eut au château des réparations dans la couverture, d’une part, et dans un très bel escalier en pierres, d’autre part. Et pour ces deux travaux, il fallait autre chose que des goujats, croyez-moi. Il vint d’abord un maître couvreur et ensuite un maître tailleur de pierres.
Avec le jeune comte Charles-Louis, mon camarade, nous avons regardé ces deux hommes de près. Avec le premier, nous avons grimpé dans les combles, et nous fûmes témoin du cri de ferveur qu’eut cet homme lorsqu’il découvrit la « Forêt », cette futaie de poutres, de pannes et de chevrons, avec l’entrecroisement bien balancé des arbalétriers, des entraits et des contreventements, des poinçons et des contrefiches, tout cela chevillé à bois, aussi finement qu’une caisse d’horloge. »
De son index replié, le maître frappa amoureusement sur un entrait. Le coup sonna clair et alors tout l’ensemble, tendu comme une corde chanterelle, répondit, vibrant comme violoncelle. Il se retourna vers nous et, les yeux brillants comme s’il nous eût parlé de sa bonne amie, il murmura :
— Ça chante !
Avec l’autre, ce fut encore plus saisissant car l’escalier était voûté, tout de pierre marbrière de Bourgogne. Une voûte elliptique en berceau, avec, de chaque côté de la voûte, une pénétration conique, à gauche par la voûte transversale annulaire d’un œil-de-bœuf, et à droite par un berceau plein cintre.
C’était l’homme qui nous nommait toutes ces choses, car, bien entendu, nous ne connaissions aucun de ces termes, mais je les emmagasinais dans ma cervelle comme un avare empile ses pièces, mais pour m’en servir, car j’avais l’amour, le culte du mot exact. Tout ce que je pouvais dire à cette époque, c’est que toutes ces voûtes entrecroisées sur des plans et selon des axes différents obligeaient le tailleur de pierres à dessiner chaque moellon, dont aucun n’avait une forme régulière.
Pour accomplir ce travail, nous pensions qu’il allait sortir de son coffre à outils des instruments magiques et compliqués et des tables de logarithmes. Eh bien, pas du tout ! Une équerre, un compas, comme Thibaut, des règles, des crayons, qu’il taillait en les frottant sur une râpe et qui faisaient des traits plus fins qu’un fil d’araignée, et une pelote de cordonnet. C’était tout. Avec ça, il fallait le voir tracer à même le sol des ellipses, des droites, des courbes, dont le regroupement donnait, comme par miracle, la forme de chaque pierre. Et puis ensuite la taille.
D’un bloc dégrossi à la broche et dressé au burin et à la boucharde, il tirait par enchantement un moellon incroyablement tarabiscoté, et qui venait s’intercaler à merveille dans son logement.
La pose de la dernière pierre fut quelque chose de prodigieux, car c’était la clef de voûte, et par la fantaisie de l’architecte, elle se trouvait être à l’intersection d’une demi-voûte en demi-berceau et d’une voûte complète en berceau, mais de rayons différents, et se pénétrant selon deux axes gauches. De ce fait, la clef, qui avait une curieuse forme de T bancale, et les deux arêtes de la demi-voûte devaient venir mourir toutes deux doucement au cœur de ce T en pénétrant par ses aisselles.
Cette clef fut tout simplement taillée au sol sur un simple tracé déterminé au compas, et je vous assure qu’elle avait une drôle de forme là, étendue sur le dos, à l’envers, sur le tas de sable qui lui servait de coussin. « Jamais, pensais-je, jamais ce caillou informe ne pourra se loger à sa place, ni prolonger et terminer ces belles arêtes et ces intrados qui montent harmonieusement depuis l’emmarchement et viennent mourir insensiblement au zénith ! »
M’étant penché sur la chose, je vis, et mon cœur se mit à battre plus vite, gravée au verso, une jolie petite feuille de chêne. Cet homme était sans doute « un Jacques ». Je n’osai le dire, mais il me suivait des yeux et je vis qu’il savait que je savais.
Lorsque les maçons montèrent en silence cette pièce, et qu’elle vint se placer exactement dans son logement, j’en eus le souffle coupé, et la figure du tailleur de pierres, qui avait pris la couleur d’un vieil ivoire, devint tout à coup rouge comme une pivoine, et je crus qu’il allait avec moi défaillir.
J’ai perdu le nom de cet homme, son nom d’état civil, mais comme il logeait et prenait ses repas chez nous, j’ai appris qu’il portait le blase de « la Fraternité du Bugey, Tailleur de Pierres du Devoir ».
Il venait de Belley, en Bugey bourguignon ; c’était un de ces spécialistes de cette pierre jurassique qui fit le roman bourguignon et le début du gothique.
Mon grand-père l’hébergeait donc, et j’étais sûr qu’il le faisait gratuitement, au nom de la fraternité compagnonnique.
Pour le travail, la Fraternité passait une blouse de lin écru, une vaste blouse à fronces qui lui retombait au-dessous du genou, et cette blouse avait ceci de particulier que son ouverture était dans le dos, aussi, pour la boutonner, devait-il faire appel à un compagnon qui se trouvait sur le chantier.
Un jour, comme il n’y avait personne pour lui rendre ce service, je fis mine de m’approcher de lui, il m’arrêta d’un geste dont je me souviendrai toujours : le même geste qu’avait eu le curé lorsqu’une hostie consacrée étant tombée du ciboire sur la nappe d’autel, j’avais tendu la main pour la ramasser. Comme le curé, le maître tailleur de pierres me dit en m’écartant fermement :
— Laisse ça, garçon !
Puis il appela : « O la coterie ! »
Un goujat arriva, qui fit pieusement le boutonnage ; Charles-Louis demanda :
— Cette blouse est fort incommode, monsieur ! Pourquoi n’avez-vous pas une blouse qui se boutonne par-devant ?
Sa réponse fut un monument que j’ai conservé bien planté au carrefour des grands chemins de ma cervelle :
— C’est la blouse compagnonnique. Elle me rappelle que, tout maître que je sois, je dépends des compagnons, des apprentis et du dernier des goujats du chantier ! C’est l’emblème de la solidarité et de l’humilité et de la fraternité compagnonniques !
Comme nous bâillions de saisissement, il se retourna vers moi :
— Et toi, n’as-tu jamais remarqué que ton sarrau d’écolier se boutonnait aussi dans le dos ? C’est pour la même raison garçon ! La mode en a été lancée dans les écoles par les disciples saint-simoniens du père Enfantin, qui ont fait l’école publique ! C’était pour enseigner dès l’enfance que nous dépendons tous les uns des autres et que la supériorité intellectuelle et professionnelle n’efface pas l’égalité des hommes !
C’était dit avec tant de gravité et de grandeur que cela entra dans ma mémoire par la grande porte, pour n’en plus jamais sortir.
La Fraternité ne venait jamais à table sans être allé brosser et revêtir sa veste de velours et refaire le nœud de sa lavalière noire. Il parlait peu et répondait par phrases courtes, un peu brutalement, après un silence, comme s’il ne livrait sa pensée qu’après s’être référé à une règle, ou à un catéchisme rigoureux et précis.
Pourtant un jour, j’osai lui demander pourquoi il avait gravé sa petite feuille de chêne sur le revers de la pierre, donc sur la face destinée à être cachée à jamais…
— … En général, on met une signature pour qu’elle soit lue ! avais-je ajouté.
Mon grand-père et lui s’étaient jeté un bref coup d’œil, et la Fraternité, après un temps, avait répondu gravement :
— Cette feuille de chêne n’est pas une signature, c’est une marque par laquelle je m’incorpore à la pierre qui s’incorpore dans l’ensemble et lui donne un sens, car chaque pierre de cet édifice, qui a été construit en 1620, porte cette même marque, je l’ai vu. Tout y a été conçu et exécuté par mes anciens…
— Des Jacques ? lançai-je étourdiment.
Il y eut un silence terrible et la réponse ne vint pas. Il ajouta simplement :
— Et cette marque n’est pas faite pour être vue, elle n’est pas mise là pour désigner l’homme à la postérité, mais pour incorporer l’homme à l’œuvre. Ce n’est pas un signe de vanité, mais d’humilité… dans la joie !
Toutes ces choses entendues s’accumulaient dans ma mémoire et dans mon cœur pour y constituer mon dossier personnel sur le Compagnonnage, d’où je sortais. A vrai dire, je ne voyais pas très bien l’usage que je pourrais faire de ces merveilleux documents, car malgré ses grands airs et ses mystères, l’institution, telle que mes maîtres me la présentaient, semblait bien vieillotte et dépassée de plusieurs longueurs ; les instituteurs et les professeurs eux-mêmes, et surtout eux, semblaient n’en pas connaître grand-chose et refusaient même d’en parler vraiment, sinon comme d’une « coutume », d’une « tradition ». Ces deux mots ayant dans leur bouche un sens gentiment péjoratif.
Pour tout dire, ils voyaient dans le « compagnonnage » un reste de « l’odieux Ancien Régime », un vestige de l’Obscurantisme (ainsi appelaient-ils le Moyen Age), un honteux témoin des siècles de plomb, où l’homme, disaient-ils, était asservi à son travail et prisonnier de sa caste…
Et pourtant, d’après ce que je pouvais en voir, le compagnonnage et le Moyen Age me semblaient être tout autre chose : c’était, au contraire, la libération de l’homme ! La libération par la seule ambition de la Connaissance, par la libre acceptation d’une discipline grandiose, par la pratique d’une philosophie de fraternité et de désintéressement et garantie par une hiérarchie fondée sur la valeur personnelle et la dignité. Et puis c’était aussi l’agrandissement de l’homme par la communion avec la matière !
Mais ce sont là des réflexions qui ne me sont venues que petit à petit par la suite et que j’essaie maladroitement de mettre au net cinquante ans plus tard. A cette époque, je ne connaissais pas ces grands mots.
Ainsi, descendant de Compagnons et de Maîtres, je me sentais un peu comme la petite feuille terminale et inutile de la branche desséchée d’un très grand et très bel arbre qui mourait, debout, foudroyé.