Chapitre 2

Jarit

 

Certains jurent avoir vu les dieux de l’Humpur.

Tel ce ronge hardi qui conta qu’une déesse de lumière lui avait parlé en un lointain pays du Grand Centre.

Les lais l’accablèrent sitôt afin de lui faire abjurer pareille menterie.

« Sortez-moi d’là, cria-t-il tandis que l’eau ébouillée du chaudron lui pelait le cuir.

Je le confesse, j’ai affablé c’t’histoire.

Et j’ai plus l’intention d’recommencer, pouvez m’encroire sur parole. »

Les lais le laissèrent agonier dans d’atroces souffrances.

 

Mieux vaut clapper sa gueule plutôt que de rebrousser le poil de ceux qui parlent au nom des dieux.

Si tu choisis malgré tout de clamer ta vérité, préfère mieux aller au bout.

Le résultat sera du même au même, mais la fleur que tu auras semée répandra un jour un doux parfum dans le cœur d’iceux qui t’auront ouï.

 

Les Fabliaux de l’Humpur

 

L’odeur de la silhouette enveloppée dans un ample manteau de lin, la tête enfouie sous un capuchon, n’était pas celle d’un hurle. Un miaule, un glape, un gronde, peut-être.

Affalé sur son tapis de feuilles, paniqué, le jeune grogne ne parvint pas à prendre la seule décision qui s’imposait : prendre ses jambes à son cou. Son enfance à Manac avait forgé en lui un comportement de soumission, de résignation. En dehors de la communauté, il était aussi nu et fragile qu’un nouveau-né, une proie à la fois recherchée et facile pour les rôdeurs du pays de la Dorgne. En dépit de la protection offerte par ses soies et sa couenne, des frissons glacés le parcouraient du sommet du crâne jusqu’à l’extrémité des doigts. Les arbres eux-mêmes prenaient une allure menaçante dans la brume et l’obscurité naissante.

Il trouva cependant les ressources de se relever et de se camper sur ses jambes filasse. Il n’eut pas le réflexe de chercher des yeux une branche morte ou une pierre pour se défendre : un tabou de l’Humpur proscrivait l’usage des armes dans les communautés agricoles. Jamais un grogne de Manac n’aurait eu l’idée de lever sa fourche, son fléau ou sa faux sur un hurle ou un membre d’un autre clan. Quelques anciens se souvenaient du traitement infligé aux mêles de Valahur dont un bouc avait encorné un intendant de Luprat. Les mâles avaient été châtrés et crucifiés sur les remparts de la citadelle hurle, les femelles ébouillantées dans de grands chaudrons, les anciens écartelés, les petits rôtis à la broche. On disait que la fourrure et les cornes des boucs ornaient encore les murs du castel du comte, qu’on servait aux hôtes de marque leurs coïlles conservées dans des jarres d’alcool.

La silhouette contourna un grand hêtre et se rapprocha de Véhir, qui se recula instinctivement, se prit les pieds dans une souche, perdit l’équilibre et tomba sur le cul. Son périple risquait fort de s’achever dans cette forêt qui s’habillait de ténèbres. Il ne regrettait pas de s’être ensauvé de Manac, car il n’y avait pas de place pour lui dans une communauté organisée pour moudre les grains et les rêves, mais il n’avait pas envisagé de tomber dès le premier soir sous les griffes et les crocs d’un prédateur. Une formidable envie de vivre l’ébranla, le poussa à se révolter, à forcer sa nature de grogne. Sans quitter la silhouette des yeux, il glissa la main droite dans son dos, ramassa une poignée de terre, se tint prêt à la lancer dans les yeux de son adversaire.

Ce dernier s’était immobilisé à moins de dix pas, comme si le geste de Véhir n’avait pas échappé à son attention. Ses vêtements cent fois ravaudés étaient d’un lin plus grossier que les étoffes tissées par les troïas de Manac. Trop longues, les manches de sa tunique et les jambes de sa brague dissimulaient ses pieds et ses mains. Le grogne ne distinguait pas davantage sa face dans la pénombre du capuchon, il devinait seulement l’éclat de ses yeux. Ils s’observèrent en silence le temps d’un cancanement d’oies sauvages. La lumière déclinait rapidement, les ramures bruissaient de plaisir sous les caresses de la brise, les oiseaux s’étourdissaient dans un dernier chant avant l’envol des rapaces nocturnes dont les ululements retentissaient comme autant d’avertissements.

« Croi’t sans doute me vaincre avec une misérable poignée de terre ! »

La voix grave cloua Véhir au sol. La terre humide s’écoula entre ses doigts écartés. L’odeur de son interlocuteur, fouettée par la fraîcheur naissante, lui était vaguement familière.

« Sai’t pourtant que le tabou de l’Humpur interdit aux grognes de se dresser contre un prédateur.

— Appartien’j à la communauté de Manac, bredouilla Véhir. Sui’j sous la protection du comte de Luprat… »

L’autre éclata d’un rire tonitruant qui ferma le bec aux oiseaux et rétablit le silence.

« La protection hurle ne s’applique pas aux bannis.

— Sui’j pas un exilé, argumenta Véhir, espérant que ce rappel à la loi du comté dissuaderait son interlocuteur de se jeter sur lui pour l’égorger. Sui’j… sui’j perdu à cause de l’orage.

— Qu’est donc çui qui erre à la nuit tombante aussi nu qu’un ver ? Qu’est affamé comme un vaïrat après le grut ?

— Étai’j dans l’enclos de fécondité, sui’j ensauvé, veu’j maintenant retourner à Manac…

— Si tu t’es ensauvé, les lais te couperont les coïlles. Tu fabriqueras tellement de graisse que tu seras incapable de travailler et seras livré avec les gavards aux intendants de Luprat. C’est ça que tu veux ? »

Véhir secoua la tête. Sa peur le désertait peu à peu : un prédateur ne se serait pas abaissé à discuter avec sa proie.

« Serai’j mangé de toute façon, ci ou là. Comment… comment connai’t les coutumes de Manac ? »

L’autre abaissa son capuchon en un geste théâtral. Véhir ne put retenir une exclamation de surprise : il avait devant lui un grogne, un ancien à en juger par ses rides profondes et les soies rêches qui lui recouvraient les joues. Ses yeux n’étaient pas rouges, mais noirs, et son groin minuscule aussi plissé qu’une pomme blette.

« Je viens moi aussi de Manac, déclara-t-il avec un petit sourire. Je m’appelle Jarit. »

Il s’exprimait comme un ansavant, utilisait des tournures que les grognes de Manac avaient renoncé à employer depuis des lustres. Véhir avait besoin d’un petit délai pour remettre certains mots dans le bon sens, mais il le comprenait. Il se souvenait des histoires qui couraient sur le compte d’un certain Jarit, banni de la communauté des cycles plus tôt pour avoir commis un crime de lèse-humanité et dont les anciens parlaient avec de l’effroi dans les yeux.

« Cela fait soixante ans que les serviteurs de l’Humpur m’ont exilé, ajouta le vieux grogne comme s’il avait deviné ses pensées. Je venais alors d’atteindre mes neuf printemps. »

Véhir ne savait pas ce que signifiaient les mots soixante et neuf, mais il se doutait qu’ils représentaient une durée très longue, le temps peut-être pour un chêne d’atteindre une hauteur de trois grognes.

« N’a’t pas été mangé par les hurles ou d’autres viandards ? demanda-t-il.

— Je ne serais pas en train de discuter avec toi si j’avais échoué dans le ventre d’un prédateur. J’ai appris à déjouer les ruses des hurles, des grondes, des miaules, à me débrouiller par moi-même pour me nourrir, pour me soigner. Et j’ai découvert bien des choses bien plus importantes que la survie durant ces soixante années de solitude et de silence. »

Il s’assit à côté de Véhir après avoir relevé son manteau et sa brague. Ses articulations craquèrent comme du bois mort. Des senteurs végétales masquaient en partie son odeur de grogne.

« A’t quel âge ? demanda Véhir.

— Si tu savais compter, tu aurais déjà eu la réponse à cette question.

— Compter ? »

Jarit ramassa deux cailloux et les posa sur la mousse.

« Les grognes oublient peu à peu le savoir. Du temps où je vivais à Manac, les anciens connaissaient encore les fondements du calcul.

— Calcul ? »

Jarit sépara les cailloux et en désigna un de l’index.

« Combien est-ce que je t’en montre ? »

La finesse de sa main frappa Véhir. Ses longs doigts s’articulaient en trois phalanges, contre deux à l’ensemble des grognes de Manac – certains grognelets n’en comptaient même plus qu’une –, et semblaient aussi agiles que des pattes d’araignée. Il ne put en revanche observer ses pieds que dissimulaient des chausses de peau fermées par des tresses végétales.

« Combien ? répéta Jarit.

— Un », répondit Véhir.

Le vieux grogne rapprocha le deuxième caillou.

« Combien en vois-tu maintenant ?

— Deux.

— J’en avais un, j’en ai rajouté un, cela fait deux. Voilà la base du calcul.

— Ah… » souffla Véhir, désappointé.

Il n’avait pas l’impression d’avoir appris quelque chose de nouveau. Il lui suffisait de regarder sa propre main pour savoir qu’elle comportait trois doigts.

« Croi’t sans doute que le calcul s’arrête à ce que voi’t ! » fit Jarit d’un ton agacé, réutilisant tout à coup les tournures en usage à Manac.

La faculté qu’avait son vis-à-vis de lire dans ses pensées stupéfiait Véhir. L’inquiétait également, car les anciens décelaient l’empreinte du Grand Mesle dans ce genre de pouvoir. Il valait mieux affronter un prédateur plutôt que de tomber sous la coupe d’un serviteur du démon. Des cohortes de monstres semblaient désormais peupler la forêt escamotée par la nuit. Il se prit à regretter la chaleur du dortoir de Manac, les ronflements des mâles abrutis de fatigue ou de vin, les sifflements du vent dans les charpentes craquant sous le poids des lauzes. Et troïa Orn…

« Les grognes redeviennent des animaux, reprit Jarit à voix basse, comme s’il s’adressait à lui-même. Pas seulement les grognes, mais l’ensemble des communautés agricoles de la Dorgne, les mêles, les meugles, les glousses, les hennes… Nous avons perdu le secret des chiffres, de l’écriture, nos mesures de temps sont de moins en moins précises, nous ne savons plus travailler le métal, notre musique se limite à trois ou quatre notes, notre langage régresse, nous utilisons des matériaux, des tissus, des outils de plus en plus grossiers. »

Si bon nombre de mots échappaient à l’entendement de Véhir, il saisissait le sens général du discours de Jarit ou, plus exactement, le désarroi du vieux grogne entrait en résonance avec la détresse qu’il avait lui-même ressentie à l’intérieur de l’enclos de fécondité.

« Quel est ton nom ? demanda Jarit en le fixant avec une insistance soudaine qui le mit mal à l’aise.

— Véhir.

— Regarde-toi, Véhir, regarde tes mains, tes pieds, ton groin, tes soies, ta couenne, ton vit. Deux générations seulement nous séparent, et déjà tu n’as plus que deux phalanges à chaque doigt, tu n’as plus que trois orteils, ton groin fait le double du mien, tes soies sont plus épaisses et rêches que les miennes à ton âge, ton vit se tire-bouchonne alors que le mien est resté droit… Les clans prédateurs sont plus évolués que nous, et c’est la raison pour laquelle ils nous imposent leur loi, mais ils nous suivent à distance sur le chemin de la régression. »

Véhir tremblait de nouveau, mais d’excitation cette fois, certain que Jarit détenait la réponse à ses propres interrogations.

« Comment connai’t tout ça ?

— L’ai’j découvert en grande partie dans ma tête. L’était dans un coin de mon esprit, comme des truffes enfouies trop profondément dans la terre pour qu’on puisse les flairer. Les trois lais de l’Humpur m’ont banni de Manac parce que j’avais selon eux un comportement contraire aux intérêts de la communauté…

— Individule ? » suggéra Véhir.

Le rire de Jarit troua le silence nocturne. La brise était tombée, et des étoiles scintillaient entre les frondaisons immobiles.

« Plus facile à dire qu’individuel, pas vrai ? Je suis resté dans les parages. Fou que j’étais, j’espérais que le conseil m’entendrait et m’accorderait sa grâce. Je me suis présenté à vingt reprises…

— Vingt ?

— Les doigts de quatre ou cinq mains… à vingt reprises, disais-je, devant la porte de Manac. Les vaïrats m’ont chassé à coups de fourche ou de fléau. J’ai fini par me résigner et je me suis installé définitivement dans cette forêt. J’ai vécu comme une bête sauvage jusqu’à ce que je découvre une grotte. Pas une vraie grotte d’ailleurs, plutôt les ruines d’une très vieille demeure. Suis-moi, je vais te la montrer. »

Joignant le geste à la parole, Jarit se releva avec difficulté et, d’un hochement de tête, invita Véhir à lui emboîter le pas. Le jeune grogne ne tergiversa pas longtemps : il préférait courir le risque de s’inviter dans l’antre du Grand Mesle plutôt que de passer la nuit seul au beau milieu de cette forêt hostile.

Ils parcoururent en silence une bonne lieue entre les troncs torturés qui surgissaient de la nuit comme des spectres. Les ululements des rapaces et les craquements des branches retentissaient dans la nuit avec la force de coups de tonnerre. Jarit s’orientait dans les ténèbres sans marquer la moindre hésitation.

« Pour répondre à ta question de tout à l’heure, reprit-il tout à coup, je suis âgé de soixante-neuf cycles.

— Es’t vieux, alors ?

— Plus vieux que tous les anciens de Manac.

— A’t pas reçu la malédiction du Grand Mesle ?

— Tu veux sans doute parler de la maladie qui frappe les grognes vers l’âge de quarante-cinq ans ?

— Soi… soixante-neuf, l’est plus que quarante-cinq ?

— Ajoute la vie du plus ancien de Manac à ta propre vie, et tu auras une idée de la longueur de la mienne. Mes os sont restés aussi durs que de la pierre. Ils me font souffrir parfois, surtout en hiver, mais ils continuent de me porter. Et toi, p’tio grogne, pourquoi es’t ensauvé de l’enclos de fécondité ? »

Véhir prit le temps de retirer une branche d’épines enroulée autour de son bassin et de ses cuisses avant de répondre.

« Frayai’j avec troïa Orn mais icelle a aimé mieux offrir sa fleur à Graüm.

— Tu la voulais pour toi tout seul, n’est-ce pas ? Péché… individul. Qu’as-tu ressenti à l’intérieur de l’enclos ?

— Avai’j pas l’envie de partager les semences. Les vaïrats, les troïas, iceux saillissent comme les taureaux et les vaches dans les pâturages…

— Tu n’as pas eu besoin d’être banni par les fanatiques de l’Humpur pour te rendre compte que les grognes se comportaient comme des animaux. »

Bien que Jarit eût chuchoté cette dernière phrase, Véhir discerna une certaine allégresse dans sa voix. Puis, une succession de grondements montèrent de son estomac et lui rappelèrent qu’il mourait de faim. Il espéra que l’exilé ne se nourrissait pas que de pensées dans son mystérieux repaire.

 

Jarit puisa largement dans sa réserve de glands, de truffes et de pommes séchées pour rassasier son jeune hôte. Lui-même se contenta de mâcher quelques racines noires qui avaient, selon lui, d’intéressantes propriétés « énergétiques ». Véhir larigota plusieurs gobelets d’une boisson ambrée et sucrée que le vieux grogne tira d’un tonnelet de bois et présenta comme un vin de miel, « un présent des abeilles à leur vieil ami l’ermite de la forêt ».

Les flammes dansantes de deux torches et du feu crépitant dans l’âtre révélaient par intermittence les pierres rectangulaires des parois. Véhir n’avait encore jamais vu ce genre de construction. À Manac, les murs des bâtiments se composaient d’un torchis de terre et de pailles étayés par une structure de troncs verticaux et horizontaux. Il se demandait comment des êtres avaient réussi à donner une forme régulière à ces blocs de pierre alors qu’il fallait plus de deux lunaisons aux grognes de la communauté pour polir un moyeu, pour affûter le soc d’un araire ou la lame d’une faux.

« Nous sommes devenus aussi puants que notre lisier, avait grommelé Jarit en découvrant l’entrée de la grotte dissimulée par un rideau de laurier et de thym. Je me frotte tous les jours le corps avec des essences, mais je ne parviens pas toujours à tromper le flair des prédateurs. Avant-hier, j’ai été suivi à la trace par un miaule.

— Comment a’t échappé à çui ?

— Je me suis réfugié dans la Dorgne. Je suis resté dans l’eau jusqu’à la tombée de la nuit, j’ai respiré avec la tige d’un roseau. Il m’a fallu toute la journée d’hier pour récupérer : mes os ont beau être solides, ils supportent de plus en plus mal les bains prolongés…

— Comment a’t su qu’étai’j perdu dans ct’e forêt ? »

Avant de se glisser dans l’entrée, Jarit s’était retourné et avait dévisagé le jeune grogne.

« Ton odeur. Elle te trahit à des lieues à la ronde. Si veu’t vivre plus de deux jours dans le monde extérieur, Véhir, devra’t comprendre que le vent est ton meilleur ami et ton pire ennemi. »

Le vin de miel et les aliments s’associaient à la chaleur de l’âtre pour répandre une douce chaleur dans le corps de Véhir. Le groin collé au bois de la table, il dévorait les glands et les truffes étalés sans se servir de ses mains, une pratique de plus en plus courante dans la communauté où, exception faite des ripailles de fête, les repas étaient servis dans des auges collectives de terre cuite. Il ponctuait ses déglutitions de grognements de satisfaction, bâfrait avec une telle gloutonnerie qu’il devait récupérer d’un coup de langue les morceaux de nourriture à peine mastiqués qui lui tombaient de la bouche.

« Les grognes ripailleront bientôt à quatre pattes, murmura Jarit avec amertume. Dans quelques générations, ils auront renoncé aux derniers vestiges de la civilisation, aux vêtements, à l’agriculture, à la poterie, au langage, au feu… »

Véhir s’essuya les lèvres d’un revers de main et leva les yeux sur le vieil ermite assis sur un tabouret près de l’âtre. Il entrevit ses côtes saillantes par l’échancrure de sa tunique. La lumière vacillante des flammes soulignait ses rides, ses veines, ses arcades sourcilières, les plis de son groin, la couenne granuleuse de son crâne où ne subsistait qu’une poignée de soies blanches. Dans un coin de la pièce, des fibres de lin s’entassaient autour d’une quenouille et d’un fuseau. Un peu plus loin, se dressaient un métier à tisser rudimentaire et le socle d’une couche d’où dépassaient des brins de paille.

« Ils se laisseront guider par l’instinct, poursuivit Jarit. Ils ne se préoccuperont plus que de nourriture, d’accouplement, émigreront vers le sud en hiver et le nord en été, laisseront les plus faibles d’entre eux aux carnassiers, repeupleront les troupeaux au printemps. Toute forme d’intelligence aura bientôt disparu du pays de la Dorgne, et le Grand Mesle aura gagné la partie.

— Sommes pas des pichtres d’animaux ! » protesta Véhir.

Jarit eut un sourire désabusé que la clarté diffuse transforma en un rictus inquiétant.

« Tu l’as dit tout à l’heure : les saillies des vaïrats et des troïas sont pareilles qu’icelles des bovins. Ta façon de manger ne vaut guère mieux. Et je suis prêt à parier que les grognes de Manac chient et pissent n’importe où !

— L’est vrai, admit Véhir. Mais l’est parce que les troïas ramassent le lisier pour l’étaler dessus les chaumes.

— L’est surtout parce que la communauté aime se vautrer dans sa merde ! Les prédateurs, au moins, enterrent leurs déchets dans la terre.

— Fai’t comme iceux ?

— J’ai un petit coin pour ça. Et tant que tu seras chez moi, tu devras l’utiliser. Va te coucher maintenant : tu dois être fatigué. »

Jarit entraîna son hôte jusqu’à la couche et lui donna une épaisse couverture de lin qui le protégerait de l’humidité nocturne. Véhir ne chercha pas à savoir où le vieux grogne comptait dormir, il se laissa tomber comme une masse sur la paille, tira la couverture sur lui et s’endormit en moins d’un huant de hibou.

 

La grotte n’était pas l’une des cavités naturelles qui abondaient dans le pays de la Dorgne mais, ainsi que l’avait affirmé Jarit, une demeure très ancienne recouverte par une épaisse couche de terre et de végétaux.

« Les galeries creusées par les rivières souterraines ont autrefois provoqué un glissement de terrain », précisa le vieux grogne.

Le logis produisait sur Véhir des impressions contradictoires : ces pierres taillées et ces quatre pièces carrées dont Jarit se servait pour entreposer ses réserves de nourriture et de lin lui faisaient tantôt l’effet d’un lieu ensorcelé, lui donnaient tantôt l’étrange sentiment de revenir chez lui après un long exil. Il admirait surtout les pierres plates et lisses qui recouvraient le sol dans deux des quatre pièces, ajustées avec une telle perfection qu’on aurait pu les croire posées par les dieux humains en personne. Le temps avait accompli son œuvre, de larges fissures apparaissaient çà et là sur les plafonds envahis de moisissures, des éboulis de pierres obstruaient des passages qui ouvraient probablement sur des salles inexplorées, la mousse courait sur les embrasures des lucarnes condamnées, mais l’usure révélait la splendeur passée de la bâtisse comme les signes extérieurs de vieillesse faisaient ressortir la jeunesse d’esprit de son occupant.

« Elle a été habitée par des dieux humains, déclara Jarit, assis sur un tabouret devant le métier à tisser.

— Iceux ont pourtant rejoint l’Humpur depuis des cycles et des cycles, protesta Véhir. Et le Grand Mesle, l’est çui qu’a tout détruit leur œuvre.

— Ça, c’est ce qu’affirment les trois lais. Moi je crois que les dieux humains sont restés dans le monde, qu’ils se sont cachés dans un endroit secret en attendant qu’un grogne ou quelqu’un d’une autre communauté ne les retrouve et ne recueille leur parole.

— Es’t fou ! s’écria Véhir. Ct’es dieux jouent pas à cache-cache avec leurs créatures !

— Ce ne sont pas les dieux humains qui ont institué les lois communautaires, mais les clans prédateurs avec l’appui de ces pichtres de lais. M’est avis que l’Humpur ne se trouve pas dans le ciel mais ici, sur ce monde.

— Pourquoi n’a’t pas été chercher, alors ? »

Un voile sombre glissa sur la face de Jarit.

« Je n’en ai pas eu le temps. Quand j’ai compris que je ne pourrais pas changer les choses en restant dans les parages, il était trop tard. Mes forces déclinaient et, avec elles, ma volonté. Même si je suis en bonne santé pour un vieillard, je n’ai ni assez de vigueur ni assez de courage pour me lancer dans ce genre d’aventure. »

Il suspendit ses gestes et s’absorba dans la contemplation de l’étoffe qu’il était en train de tisser. Comme il ne disposait pas de vêtements de rechange, il avait décidé de confectionner un manteau, une brague et une tunique pour Véhir. Il détestait le travail du lin, raison pour laquelle il retardait jusqu’à l’inéluctable le renouvellement de sa propre garde-robe, mais il ne voulait pas laisser son hôte dans un état de nudité qui était, selon lui, une invitation à ripaille lancée à tous les prédateurs de la région.

« À la condition qu’on les trempe régulièrement dans une eau pure, les vêtements retiennent l’odeur. Et puis tu n’es pas un gavard, tu n’as pas suffisamment de graisse sous la couenne pour supporter les grands froids de l’hiver. »

Bien qu’il fît preuve d’une étonnante dextérité dans le maniement de la navette, la trame n’avançait pas vite. L’essentiel était toutefois de finir la brague et la tunique avant la lunaison des feuilles tombantes. Les derniers feux de l’été et la chaleur de l’âtre permettaient à Véhir de patienter sans trop souffrir de la fraîcheur humide annonciatrice de la lunaison des cèpes.

Le logis ne possédait qu’une entrée – les autres ouvertures extérieures, portes, fenêtres, avaient été condamnées soit par le glissement de terrain soit par Jarit lui-même –, mais des courants d’air venus d’invisibles passages l’aéraient régulièrement, aspiraient la fumée, assainissaient l’atmosphère. Il y avait dans cette régénération permanente un parfum de miracle qui semblait corroborer les dires du vieux grogne. Véhir s’attendait à tout moment à voir surgir devant lui des dieux humains nimbés de lumière. Il avait l’impression de déambuler dans les ruines d’un paradis perdu. Si les trois lais lui inspiraient une telle méfiance, c’était sans doute parce qu’ils maintenaient l’Humpur hors de portée de leurs fidèles, qu’ils avaient confisqué à leur seul profit le grand rêve des grognes. Le sinistre arrangement conclu avec le comté de Luprat – la protection des hurles contre la livraison annuelle d’un contingent de gavards – leur servait principalement à asseoir leur domination sur leurs « frères ». Ils jouaient en permanence de cette arme redoutable qu’était la peur. Quiconque n’obéissait pas à leur loi était jeté en pâture aux prédateurs mais, Jarit avait raison sur ce point, leur loi relevait davantage d’une volonté hégémonique que d’une quelconque légitimité divine.

La folle attirance que Véhir avait éprouvée pour troïa Orn se traduisait encore par des bouffées de désir qui se volatilisaient presque aussitôt qu’elles apparaissaient. De même la nostalgie qui venait de temps à autre lui rendre visite ne s’invitait que le temps d’un sifflement de merle ou d’un bourdonnement de mouche. Il apprivoisait peu à peu l’idée qu’il était désormais un proscrit, qu’il devrait s’habituer à la solitude et consacrer une grande partie de son énergie à assurer sa survie. Il avait tranché définitivement les liens qui l’unissaient à la communauté en s’ensauvant de l’enclos. Il n’était pas devenu un véritable individul – « individu », aurait corrigé Jarit – dans la mesure où son conditionnement influençait encore la plupart de ses réactions, mais il lui était impossible d’envisager son retour à Manac, de renouer avec le fil d’une existence rythmée par les travaux saisonniers, les rituels dans le temple de l’Humpur et les cris des veilleurs.

« Tu as connu ta mère ? » demanda Jarit en glissant la navette sur la longueur de la duite.

La question produisit sur Véhir le même saisissement que si on lui versait un baquet d’eau glacée sur la tête. De sa bouche entrouverte ne sortit qu’un gargouillement prolongé.

« J’ai connu la mienne, poursuivit le vieil ermite. J’étais son premier grognelet et elle ne s’est jamais résolue à couper le cordon. Elle me rejoignait dans les champs de blaïs, m’étreignait pendant des heures, me donnait ses mamelles à téter, m’implorait de ne jamais l’oublier. À la lunaison des fruits, alors que je venais d’atteindre mes neuf printemps, nous avons été surpris par un veilleur. Les trois lais l’ont condamnée à l’exil et m’ont battu jusqu’au sang pour extirper le Grand Mesle de mon corps. J’ai exploré les champs et les forêts pendant des jours et des jours, mais je n’ai jamais réussi à savoir ce qu’elle était devenue. Je me suis efforcé de respecter ma promesse : elle n’est jamais sortie de ma mémoire. C’est d’elle, sans doute, que je tiens ce caractère insoumis. Sans elle, sans son souvenir, je n’aurais pas survécu à ma solitude. »

Véhir s’aperçut que les mains tremblantes de Jarit ne maîtrisaient plus la course de la navette. La tristesse communicative du vieux grogne lui donnait envie de pleurer.

« Ai’j pas connu de mère, bredouilla-t-il. Souvent ai’j regardé les troïas pour connaître icelle qui m’a mis bas, mais l’ai’j pas retrouvée. La loi de Manac, l’est que les grognelets sont à tout le monde…

— Nous sommes tombés bien bas pour séparer les troïas de leurs petits, reprit Jarit en se secouant comme pour chasser ses souvenirs. La mère ne fournit pas seulement le lait à son nourrisson, elle arrose ses racines de tendresse, elle lui permet de se dresser vers le ciel comme un chêne ou un hêtre. Nous autres, les grognes, nous avons sacrifié les mères et nous touchons le fond. »

Il posa la navette sur l’armature de bois du métier et recula son siège.

« Assez de lin et de racontars pour aujourd’hui ! Allons plutôt voir si les premiers cèpes sont sortis de terre. »

 

La connaissance qu’avait Jarit des végétaux et des minéraux émerveillait Véhir. Le vieux grogne n’était pas comme ceux de Manac, qui n’avaient aucun égard pour cette terre qu’ils ensemençaient avec la même brutalité et le même mépris que le ventre de leurs femelles, il traitait la forêt avec un respect infini. Ses gestes se faisaient délicats, presque caressants, pour couper la tige d’une plante, écarter les branches d’un buisson, cueillir une mûre noire dans un roncier. Il se plaçait de temps à autre face au vent, flairait les odeurs colportées par les rafales, repartait après avoir grommelé quelques mots. Il baptisait chaque pierre de noms aussi étranges que « kouartz » ou « gips ».

À Véhir qui lui demanda d’où il tenait tout ce savoir, il répondit d’un air mystérieux qu’il lui montrerait bientôt les présents extraordinaires laissés par les dieux humains dans une pièce dérobée de leur ancienne demeure. Le jeune grogne assimila cette cachotterie à une marque de défiance.

« Pourquoi a’t pas montré plus tôt ?

— Sage est l’hôte qui prend le temps d’évaluer son invité avant de lui confier ses secrets. »

Ils déambulèrent dans la forêt jusqu’à ce que le crépuscule rougisse les clairières et les sous-bois. La découverte de trois cèpes au pied d’un chêne aida Véhir à tromper son impatience. Les champignons avaient toujours été associés à la générosité de l’Humpur chez les grognes, et ils les croquèrent avec d’autant plus de plaisir que leur longue balade leur avait ouvert l’appétit. Puis ils reprirent le chemin de la grotte, chargés chacun d’un sac de jute rempli à ras bord de plantes, de fruits et de minéraux.

Au sortir d’un sentier, Jarit s’immobilisa, leva le groin et huma un long moment le vent mollissant.

« Deux miaules. À moins d’une lieue d’ici. »

Tétanisé, Véhir tenta à son tour de percevoir l’odeur des prédateurs. Il détecta des effluves âcres, musqués, nettement moins volatils que les essences végétales environnantes.

« Viennent dans notre direction », murmura Jarit.

Il sortit de son sac deux branches de sauge, en tendit une à Véhir.

« Frotte-toi avec ça. J’ai été imprudent : nous aurions dû le faire plus tôt. »

Malgré sa terreur galopante, Véhir entreprit de se frictionner le corps avec les feuilles tandis que Jarit s’en imprégnait le visage, le cou, les vêtements.

« Insiste sur le trou du cul, souffla le vieux grogne. C’est le puits d’où sort l’odeur la plus forte, l’odeur de la peur. »

Jarit releva sa tunique, baissa sa brague et glissa la branche entre ses cuisses et ses fesses. Véhir l’imita. Ses tremblements rendaient ses gestes nerveux, imprécis. La tige et les feuilles rêches lui irritèrent l’entrejambe.

« Les miaules sont les tueurs les plus malins et les plus imprévisibles du pays de la Dorgne, ajouta Jarit à voix basse. Ils peuvent jouer toute une nuit avec leur proie avant de la saigner. J’espère que ces deux-là ont déjà ripaillé. »

Sous le parfum entêtant de la sauge, Véhir continuait de discerner la menace odorante et silencieuse des maraudeurs qui s’insinuait entre les troncs et contrastait avec la sérénité crépusculaire de la forêt. Les oiseaux n’avaient pas cessé leur chant, avertis par leur instinct qu’ils n’avaient rien à craindre du drame qui commençait à se jouer en contrebas. Leurs propres prédateurs, les chouettes, les grands ducs, les busards attendraient la nuit noire pour déployer leurs ailes.

Jarit lâcha sa branche de sauge, remonta sa brague, cala la lanière de son sac sur l’épaule.

« Tâchons à présent de semer ces pichtres. »

Les deux grognes se lancèrent dans une course éperdue entre les arbres et les buissons. Véhir s’appliqua à suivre l’allure de son congénère tout en jetant des regards fréquents par-dessus son épaule. Il lui sembla discerner des mouvements suspects dans la pénombre. Il ne cherchait pas à éviter les branches basses, les épines et les fougères qui lui cinglaient la face, le torse ou les jambes. Son cœur martelait sa cage thoracique, ses muscles, ses poumons, son corps tout entier se consumaient dans la violence de l’effort. N’ayant pas appris à courir à Manac, où les grognes n’éprouvaient jamais le besoin de hâter le train, il dispersait son énergie dans l’incohérence de ses mouvements, dans le désordre de sa respiration, tandis que Jarit progressait avec une régularité et une économie révélatrices de son entraînement, de sa maîtrise.

« Empresse ! l’exhorta le vieux grogne sans se retourner. Ou devrai’j te laisser te débrouiller seul avec ct’es charognards ! »

L’obscurité de plus en plus dense estompait les reliefs et semait de nombreux pièges sous leurs pas. La tentation de renoncer traversa Véhir. À deux reprises, il heurta une pierre, perdit l’équilibre, roula dans les fougères, exploita son élan pour se rétablir. Ses yeux se tendaient déjà d’un voile rouge. Il ne tiendrait pas longtemps à ce rythme.

« La cascade ! »

Véhir regarda dans la direction indiquée par le bras de Jarit. Il fit le rapprochement entre la chute d’eau qu’il apercevait entre deux grands saules et le bourdon grave qui sous-tendait le silence. Une paroi rocheuse se dressait devant eux, d’une largeur telle qu’ils n’en distinguaient pas les bords. Véhir pensa d’abord qu’ils s’étaient fourvoyés dans une nasse : les miaules seraient sur eux bien avant qu’ils n’aient eu le temps de contourner cette infranchissable muraille. Hors d’haleine, épuisé, il décocha un regard courroucé, presque haineux, à son vieux compagnon. La cascade jaillissait d’une hauteur de six ou sept grognes, tirait un rideau de plus en plus évasé au fur et à mesure qu’elle se rapprochait du sol, s’écrasait enfin dans un bouillonnement d’écume qui soulevait une brume grise, opaque. L’eau avait fini par creuser un vaste bassin d’où elle débordait pour se déverser dans le lit d’une rivière.

« La Zère, elle se jette plus loin dans la Dorgne », dit Jarit.

Lui ne paraissait pas plus essoufflé que s’il venait d’effectuer une petite promenade.

« L’est pas le moment ! maugréa Véhir. Pouvons plus ensauver, dornavant ! »

Il s’attendait à tout moment à voir surgir des ombres menaçantes de l’enchevêtrement des branches tombantes des deux saules. La sueur ravivait les égratignures semées par les végétaux sur sa couenne.

« Peu’t pas apprendre à être méfiant si es’t incapable d’être confiant », grommela Jarit qui enjamba le bord du bassin, s’enfonça dans l’eau jusqu’à la taille et s’avança vers la cascade.

Véhir ne bougea pas jusqu’à ce que l’étoupe de bruine eût avalé le vieux grogne. Il hésita à s’engager sur ses traces, convaincu que la cataracte allait le broyer comme un épi de blaïs sous le cylindre d’une meule, puis un craquement retentit derrière lui, qui domina le grondement de la chute et l’entraîna à franchir à son tour le bord surélevé du bassin. Talonné par la peur, il ne prit pas le temps de s’habituer à la fraîcheur saisissante de l’eau, ni même celui de surveiller ses arrières. Il surmonta la fatigue de sa course pour se diriger, avec une lenteur exaspérante, vers le cœur de la cascade. Il pénétra d’abord dans un crachin à la fois dense et léger, puis des gouttes de plus en plus lourdes lui cinglèrent le crâne et les épaules. Il commença à suffoquer mais, malgré les trombes qui s’abattaient sur lui et le contraignaient à ployer les genoux, malgré le fracas étourdissant qui lui donnait l’impression de se jeter dans la gueule d’un monstre, malgré le froid qui lui engourdissait les jambes et le bassin, il continua d’avancer.

Il se sentit tout à coup délesté d’un fardeau douloureux, sortit de l’eau, laissa à ses yeux le temps de s’accoutumer à l’obscurité. Il était arrivé sous un surplomb rocheux, un toit naturel qui déviait la course de la cataracte. Assis sur une pierre ronde, Jarit essorait son manteau. D’un signe de la main, le vieil ermite invita Véhir à venir s’installer près de lui. Lorsque le jeune grogne, transi de peur et de froid, se fut exécuté, il se pencha pour lui chuchoter quelques mots à l’oreille :

« Devra’t réagir plus vite la prochaine fois. Resterons maintenant toute la nuit dans cet abri. N’aurions aucune chance contre les miaules dans l’obscurité. Mes pauvres os… »

La fin de sa phrase se perdit dans le grondement de la cascade.

 

Jamais nuit ne parut si longue et pénible à Véhir.

« La liberté se paye au prix fort. Mais tu as encore la possibilité de retourner à Manac. »

Ayant prononcé ces mots, Jarit s’adossa à la paroi, ferma les yeux et, en dépit de l’inconfort de leur situation, ne tarda pas à trouver un sommeil qui fuyait obstinément son jeune compagnon.

Au moment où les paupières de Véhir s’abaissaient enfin de fatigue, un cri aigu transperça le fracas de la chute. Un miaulement qui lui glaça le sang et le maintint jusqu’à l’aube dans un cauchemar éveillé.