CHAPITRE V
Hugues marchait le premier. L’athlétique commandant du spationef avançait à grandes enjambées. Il n’était pas utile d’allumer la lampe de son casque. Même dans les entrailles du globe volunaire, la clarté mauve irridiante pénétrait, sans doute à une très grande profondeur comme si toute la planète eut été rendue translucide aux feux de son singulier satellite.
Christian le suivait, ayant quelque peine, en dépit de sa force et de son entraînement, à lui emboîter convenablement le pas. Derrière eux, ils avaient laissé les êtres, en leur recommandant de les attendre dans le ravin.
Une force inouïe emportait Hugues. Et Christian savait que cette force, c’était l’orgueil. Le géant fonçait, prêt à combattre, soucieux de justifier à tout prix sa nature, qu’il voulait divine.
Ils avaient fouillé le massif, découvert des traces de pas, constaté que ces traces appartenaient à la fois aux êtres et à Patrice, dont les empreintes différaient.
En suivant la piste, assez aisée, sur le sol luminescent, où le regard plongeait et se perdait dans la vitrification apparente des couches géologiques, ils avaient eu la surprise d’apercevoir une seconde empreinte.
Une empreinte très certainement humaine, les pieds des êtres, bien que calqués sur le modèle androïde, offrant quelques différences.
Un autre être humain était donc passé par là. Ce qui avait véritablement ahuri Hugues et Christian. Ils étaient absolument certains que nul n’avait quitté le spationef, demeuré à Volune. Worms commandait, en l’absence de Hugues. Jerritz, Dorian, Xol, Horace et les matelots au grand complet étaient à bord, ils l’avaient vérifié lors de leur retour-éclair, dans la grande décomposition lumineuse qui dévorait l’univers volunien.
— Un homme, à Volune !… Un homme !…
Hugues écumait. Un autre humain avait-il eu, avant lui, l’idée de venir dans la constellation morte ? Une pensée le dévorait, dont il s’était ouvert à Christian, dans son désarroi, bien que ce ne fut guère son habitude de se livrer aux confidences : cet inconnu, n’avait-il pas, AVANT HUGUES, sondé le Puits de l’Espace et atteint le Chaos ?
Christian, plus posé, avait examiné les empreintes. Le pied qui les avait produites était certainement chaussé de simples sandales, non de souliers de scaphandres, comme ceux des Dieux-Hommes.
— Cet homme est de petite taille… Un adolescent ?…
Hugues ahanait de fureur. Il ne trouvait pas les mots. Il était fou de colère à l’idée d’avoir été dépassé.
Christian le rassura : il y avait là un mystère supplémentaire, certes. Mais on saurait avant peu la vérité. De toute façon, il était impensable d’admettre que d’autres, avant eux, aient osé aller plus loin que Volune-la-Morte, risqué la lancée d’un astronef dans le maelström.
— En avant, avait dit Hugues. Nous irons tous les deux, Christian. Que les êtres ne nous suivent pas !
Christian, pour sauver Pat, eut bravé l’enfer. Et d’ailleurs, le lieu où il s’enfonçait évoquait assez bien l’enfer imaginé par les Terriens, les Solariens et, en général, tous les Androïdes qui peuplaient les Galaxies civilisées.
L’enfer sous son aspect spectaculaire bien entendu, bien que la fantasmagorie de Vol IV ne fut absolument pas théâtrale, mais d’origine purement physique.
Les Dieux ne se dissimulaient pas qu’il y avait péril à vivre dans pareille ambiance. Mais on n’avait pas le choix. Il importerait de détruire au plus vite le satellite Vol IV, danger permanent, sous son aspect actuel, pour le monde volunien. Et, en attendant, les radiations étaient menaçantes, à la fois pour les enfants du Chaos et pour leurs Créateurs, lesquels n’étaient, après tout, que des Humains, sujets aux affections physiologiques d’origine radioactive.
— Cette damnée nuit ne finira donc jamais !
Mais on approchait de l’aurore. Bientôt, Vol IV irait éclairer, et radiographier, l’autre hémisphère de Volune, tandis celui sur lequel se trouvaient les Dieux, et d’ailleurs la cité et la partie fécondée, retrouverait la norme du jour violet.
Cependant, les feux du satellite transperçaient toujours l’écorce de la planète ressuscitée.
Hugues et Christian, lancés sur la piste des disparus, vraisemblablement ravis par le monstre, n’avaient guère eu de peine à constater que les traces passaient sous une voûte rocheuse, laquelle n’était autre que l’amorce d’une galerie s’enfonçant dans les entrailles de Volune.
Les deux Dieux-Hommes fonçaient, glissant sur des pentes, heurtant des parois, contournant des roches, brisant des aiguilles, plongeant dans d’extraordinaires siphons où couraient les eaux voluniennes. Ces eaux tirées par eux-mêmes de la Substance Initiale, vagabondaient capricieusement à travers le sein de la planète morte, qu’elles vivifiaient.
Les scaphandres interplanétaires, conçus pour braver tout, leur permettaient les passages les plus difficiles. Les pistolets désintégrateurs, dont la flamme demeurait invisible dans le ruissellement de lumière mauve, trouaient, allègrement, les blocs les plus résistants qui s’opposaient aux pénétrations les plus audacieuses.
— Le monstre est là !… Et Pat !… Et ceux qu’il nous a enlevés !…
Hugues murmurait ces mots que Christian ne pouvait qu’approuver. Et il ajoutait, presque pour lui-même :
— …et aussi, il y a l’autre !
L’autre !
L’inconnu au petit pied humain qui, inexplicablement, se trouvait également sur Volune, dernière constellation du Cosmos avant le puits de l’Espace, le Hors-Temps, le Chaos, à des milliards d’années-lumière du Système Solaire.
Il est certain que plus ils réfléchissaient, moins ils pouvaient comprendre, ces deux Humanoïdes de classe, lancés à travers le labyrinthe de feu glacé que constituaient maintenant les profondeurs de la planète où ils avaient recréé la vie.
Aussi, projetés par leur passion comme des bêtes brutes, axés sur l’unique désir de percer le mystère, détruisant, pulvérisant, désintégrant tout ce qui leur barrait la route, ils descendaient, par des méandres subtils, à travers les couloirs naturels, flambant d’éclairs violets, de luminescence parme, eux-mêmes toujours semblables à deux squelettes phosphorescents à travers un conglomérat de choses innommables et lumineuses, qui étaient leurs rouages intimes, leur contexture biologique, leur chair…
Etres de flamme dans un monde de flamme, Hugues et Christian descendaient, descendaient toujours.
Et puis, il leur sembla que la bizarre ambiance se modifiait. La clarté était moins éclatante, la transparence plus atténuée. Du négatif, insensiblement, on allait retourner au positif visuel.
— L’aurore, murmura Christian. Vol IV décroît et passera bientôt vers l’autre hémisphère. Le jour va se lever, tandis que les antipodes de Volunopolis seront soumis à la nuit radioactive.
Il entendit gronder la large poitrine du commandant Hugues, et se souvint de ce que celui-ci avait juré : purger Volune de son ennemi avant le lever du soleil mauve.
La redoutable féerie s’atténuait, s’estompait. Hugues et Christian se trouveraient bientôt dans un décor naturel de galerie souterraine, semblable à tous les décors spéléologiques de l’univers.
Mais ils y étaient perdus. Lancés comme des projectiles de colère et d’orgueil, ils avaient sondé le monde souterrain sans songer à regarder une seule fois en arrière.
Pourtant, ce retour à la norme leur amenait quelque soulagement. Christian avoua qu’il en avait assez de vivre à l’état de squelette spectaculaire, dans une translucidité gênante à force de révéler l’intimité de son corps, en cette ambiance de radiologie universelle.
Hugues, lui aussi, devait se trouver mieux. Mais il demeurait le sourcil froncé, l’œil sombre. Il cherchait, comme un limier sur une piste. Maintenant, le satellite devant se coucher rapidement, la transparence générale disparaissait sur un même rythme. Les roches redevenaient des roches et les galeries des galeries. Les deux Hommes se voyaient de nouveau dans la lueur de leurs lampes.
— Où sommes-nous ?
— A plus de trois cents mètres de la surface, n’est-ce point votre avis ?
— A peu près, bien qu’il soit difficile d’évaluer… Regardez !
Christian tendait le doigt, tout à coup, vers une tache claire apparaissant loin, très loin, au fond des galeries. Instinctivement, ils allèrent de ce côté.
Ils s’interrogeaient : était-ce le jour ? Non, certes. D’ailleurs la clarté solaire volunienne tirant sur le violet, il n’en était guère question, la lumière en question, plus bleuté, plus douce, rappelant bien plus celle du soleil magnifiée par l’atmosphère terrestre.
D’ailleurs, muets, avançant dans la direction de cette pâleur insolite au fond de ces ténèbres, Hugues et Christian avaient la même impression : on eut juré une lumière terrestre.
Douce, azurée, elle paraissait vivante, et contrastait curieusement avec les feux violets, nettement artificiels, qui fécondaient Volune. Christian, ému, finit par dire :
— Commandant… regardez. On dirait… qu’elle vit !
Hugues stoppa un instant son élan :
— Pas de bêtises, Christian. Nous touchons sans doute au but !
Christian ne sut que répondre. Etait-ce là le repaire du monstre ?
Mais alors, pourquoi ce halo bleuté, aimable comme le lointain reflet de la planète-patrie, bien plus lointaine encore ?
Ils se turent définitivement, dans les moments qui suivirent. Ils allaient, frémissants, pistolets désintégrateurs en main, ayant éteint leurs lampes par mesure de prudence.
Le monde volunien était redevenu normal, les rayons de Vol IV maintenant obliques ne pouvant percer l’écorce planétaire que jusqu’à une profondeur limitée.
Et la lumière bleue guidait les Dieux-Hommes, séduisante et incompréhensible.
Ils se rapprochaient du foyer. Les galeries étaient baignée d’un azur léger. Après la lumière morte de Vol IV, c’était une lumière de vie, nullement effrayante, émanant de ce qui, peut-être, était le repaire du monstre de Volune.
Hugues posa sa main sur le bras de Christian et lui fit signe de redoubler de prudence. La galerie faisait un coude. Au-delà, la clarté irradiait plus que jamais. On devait être tout près.
L’un derrière l’autre, serrant leurs pistolets, les deux Dieux progressèrent encore. Ils retenaient leur souffle. Ils sentaient qu’ils allaient toucher le but.
Brusquement, plusieurs ombres jaillirent dans la lueur bleue. Christian se contraignit à ne pas tirer. Hugues s’était immobilisé.
Quatre êtres, quatre enfants du Chaos les arrêtaient, leur barraient la route. Il y avait, parmi eux, des gardes VII-Petit B disparus quelques heures plus tôt, un cultivateur, un marin, un citadin. Tous, évidemment, étaient de ceux que le monstre avait enlevés.
Hugues les contempla un moment. Les êtres, bras croisés, s’étaient rangés de telle façon qu’ils obstruaient toute la galerie.
Le chef des Dieux leva le bras. Mais nul ne bougea.
— Place ! gronda Hugues, soudain menaçant, sans obtenir de résultat.
Il en demeura stupéfait, le souffle coupé. Puis il tira, soudain, avant que Christian ait pu faire un geste.
Quatre cadavres, partiellement désintégrés, s’abattirent dans la galerie. Hugues les piétina pour passer. Christian ne put réprimer son horreur, son indignation :
— Commandant !… Qu’avez-vous fait ?
Le Dieu d’orgueil daigna se tourner vers son second :
— Ne voyez-vous pas que le monstre est d’une nature redoutable ? Par je ne sais quel charme, il dresse mes créatures contre moi ! Leur attitude était formelle !…
— Vous avaient-ils reconnu, seulement ?
Le rire bref de Hugues sonna dans le monde caverneux :
— Des créatures qui ne reconnaissent pas leur Dieu !…
— Il fallait leur expliquer… leur dire…
Un geste hautain coupa la phrase :
— Un Dieu ne discute pas ! Il foudroie !
Christian commençait à se demander si tout cela n’avait pas tourné la tête au commandant du spationef. Mais non ! Hugues était lucide. Seulement, conscient de sa puissance, il n’avait pu tolérer l’attitude audacieuse de ces êtres qu’il avait tirés de la Substance.
Et il passa. Christian le suivit, pénétré de l’idée qu’il allait se heurter à l’extraordinaire, et au périlleux.
Au-delà du coude de la galerie, une caverne s’ouvrait. Une grotte de dimensions médiocres, doucement éclairée par la lumière bleutée, fraîche comme celle d’un matin de printemps, presque blanche, très pure, à peine colorée.
Un groupe d’êtres occupait le centre de la caverne. Ils étaient en adoration devant le monstre de Volune. Parmi eux, très près du démon, qu’il regardait avec une tendresse infinie, ils reconnurent Pat, qui ne semblait même pas s’apercevoir de leur présence.
Hugues et Christian durent bousculer les êtres pour se frayer un passage parmi leurs groupes. Il y avait là, c’était simple à comprendre, les enfants du Chaos qui, depuis quelques jours voluniens, avaient été enlevés par l’inconnu et soumis à son enchantement.
Pâle de colère, Hugues faisait face. Christian le suivait, d’un pas mécanique. Il avait laissé retomber son bras, ne braquait plus le pistolet.
Parce qu’il se demandait comment il aurait pu tirer sur le monstre baigné dans son aura de lumière de vie.
Pour la première fois depuis leur départ du Cosmos et la création de l’univers Volunien, Hugues et Christian voyaient une femme.
D’une grâce infinie, assise sur un rocher taillé qui lui servait de trône, elle était drapée dans une sorte de tunique blanche, que la lueur parait d’ondes saphir. Gracieusement, elle semblait accueillir ceux qui arrivaient avec un maximum de bienveillance, à la fois maternelle sans mièvrerie, et majestueuse sans hauteur. Elle était chaussée des sandales dont les empreintes avaient tant intrigué les Dieux.
Sa beauté, éclatante, était celle d’une Humanoïde blonde, aux grands yeux bleu-gris, sertis de cils plus foncés qui en accusaient la profondeur. Jamais sans doute, les Dieux-Hommes n’avaient vu une si jolie bouche. Et le corps, qu’on devinait impeccable, d’une fermeté saine et franche, était paré de la plus exquise des qualités humaines, la pudeur, qui flottait sur cette surprenante créature et en atténuait la sensualité.
Devant ce tableau de rêve, qui constituait très exactement ce qu’on ne s’attendait pas à découvrir dans le monde Volunien, Hugues se dressait, de toute sa stature. Christian, abasourdi, le regarda, et lut sur ce mâle visage un tel mépris que le jour se fit aussitôt en lui.
Il savait que cette femme, c’était le monstre de Volune. Et il savait quel Dieu l’avait engendrée car, elle aussi, c’était un enfant du Chaos.
Mais Christian comprenait autre chose. Hugues réalisait également la vérité. Et de quel dédain la recevait-il, cette vérité, fade et amollissante, au regard des ambitions fantastiques de son âme de démiurge !
La jeune femme tournait vers eux sa tête adorable. Jamais, certes, Christian, qui était infiniment sensible au charme féminin, n’avait éprouvé tel attrait, devant les Vénusiennes sauvages et sensuelles ; les filles de Cassiopée, ces sirènes légendaires ; les petites créatures de la nébuleuse K147, dont on disait que nul mâle des Galaxies ne leur avait résisté ; devant les femmes d’Orion, du Cocher, du Navire, du Sextant ou des planètes de la Polaire ; devant les filles de la Terre, enfin, qui surpassaient toutes les autres.
Et il comprenait quel cancer dévorait la population volunienne. Les êtres, primaires biologiques, sans sexe défini, robots animés d’une vie encore discutable, se laissaient prendre au miel de cet être victorieux, petits insectes envoûtés.
Elle fit un geste de la main, accueillante et sereine. Hugues riposta d’un tranchant sec de ses phalanges, qui parurent scier l’air bleuté lequel, Christian le devinait, était doucement luminescent et engendrait sa propre flamme sans le secours d’aucun astre, écrin irradiant de ce joyau qu’était la jeune femme.
Et Hugues se mit à rire, tandis que la peur se lisait tout à coup sur le délicat visage de la déesse. Il riait, il ricanait, il emplissait la caverne du tonnerre de son grand rire d’homme solide, sans faiblesse, de Dieu qui avait osé s’élancer dans les gouffres du Hors-Temps pour aller arracher la Substance à son inertie mille millions de fois millénaire.
Pat, livide, se jeta devant le trône, comme pour la défendre. Hugues, d’un seul coup, cessa de rire, et toisa Pat, tandis que tous les êtres, apeurés ou charmés, on ne savait, demeuraient immobiles, en rangs pressés.
— Ainsi donc, Pat, c’est cela, le secret de Volune !… Mon pauvre ami !…
Patrice Marcus se mordit les lèvres. Christian vit qu’il tremblait et le Chef des Dieux ne lui laissa pas le temps d’enchaîner :
— Un pauvre type !… Voilà ce que vous êtes, Patrice… Vous avez eu l’occasion miraculeuse de partager ma gloire, en une découverte insensée… Auprès de moi, vous avez pu participer à la naissance d’un monde, que je voulais plus parfait, plus net, moins stupide que celui que nous connaissons… Et voilà ce que…
Il se remit à rire et s’étrangla, soudain forcé de tousser, le visage congestionné, se tordant de son rire insultant qui, ajouté aux spasmes de la toux, agitait singulièrement le corps athlétique, formidable dans son scaphandre.
— Hugues, commença Pat, quand il se fut un peu calmé, je pense qu’il est inutile d’aller plus loin… Nous n’avons jamais été d’accord… et quant à la conception de ce cosmos idéal, je…
— Ouais ! coupa insolemment le commandant. Je sais, mon cher, je sais ! Je connais votre pauvre esprit !… Et vous vous prenez pour un homme !…
Christian se demanda, à leur attitude, s’il n’allait pas, une fois encore, être astreint à arbitrer un pugilat Hugues-Pat.
Mais Hugues était peu disposé à se battre. Il poursuivait avec dédain :
— Vous pouviez être un Dieu !… Engendrer des forces de virilité, de haute tenue… Et vous accouchez de ça !…
Entre le pouce et l’index de sa moufle, il frottait une poussière imaginaire :
— … Une femme !… Taisez-vous, Pat : ne me dites pas ce que j’attends : la pureté… l’amour… l’idéal et autres fichaises… Vous êtes comme tous les minables de la Terre et d’ailleurs : vous déguisez votre sexualité par des images mièvres et sans saveur… une femme !… Alors que nous voulions, alors que je voulais, moi, un monde, sur Volune, enfin délivré de cette ânerie biologique qu’est la différence sexuelle, qui avilit l’esprit et détruit tant de noblesse d’âme…
Blême de fureur, Pat éclata :
— Taisez-vous vous-même !… Peut-on discuter avec une brute de votre espèce ? Vous niez ce que vous ne comprenez pas, et vous êtes tout juste bon à fabriquer des fourmis que vous prétendez être des hommes.
— Les Voluniens, mes créatures, sont des hommes, Patrice Marcus… Mais vous, dont toute la pensée n’a réussi qu’à fabriquer cette poupée, vous vous êtes abaissé au niveau des étalons terriens, voilà tout… Un homme !… Ah ! non, vous n’en êtes pas un !…
Christian ferma les yeux, tout en parant le choc. Il s’était jeté entre eux alors que la déesse se levait et que les êtres, d’un même pas, s’avançaient et que leur cercle se resserrait subitement autour des Dieux.
Frémissants de part et d’autre des solides épaules de Christian, les Dieux rivaux s’insultaient toujours :
— Qu’avez-vous fait de la Substance, Hugues ? Un monde sec, sans joie et sans amour ! Vous avez pensé aux légumes, mais pas aux fleurs, aux oiseaux comestibles, mais qui ne chantent jamais et qui sont aussi nuls que vos poissons… Et vos êtres ! Ils ne vibrent ni n’aiment !… Ils ne peuvent même pas rire…
— Et vous, misérable petit mâle, vous qui prenez votre désir pour de l’idéal, ce qu’il vous fallait, c’était bien cela, une…
— Hugues ! hurla Pat, couvrant le mot injurieux, bien insolite dans le monde volunien.
Le chef des Dieux jeta un regard circulaire. Les êtres, subjugués par la déesse-monstre, se rapprochaient encore pour la défendre. Une flamme inquiétante brilla dans le regard du commandant du spationef. Il revint à Pat et se croisa les bras :
— J’imagine ce qui se passe en vous, Pat ! Je comprends vos absences, vos distractions, vos rêveries… Tandis que moi, et quelques autres, poursuivions l’élaboration d’un cosmos neuf, en élaguant avec soin les faiblesses de l’autre, vous vous isoliez pour fabriquer votre… créature.
— C’était mon droit !
Hugues ne daigna pas relever et poursuivit :
— Quelle déception, Pat !… Je pensais bien que vous m’aviez trahi !… Vous avez voulu détourner les êtres de moi, et jeter en eux les germes d’un désir impossible… Vous avez fait saboter notre avion, n’est-ce pas ?… Ah ! vous le cachiez bien, au sein de Volune, votre chef-d’œuvre !… Mais tout cela, après tout, est bien banal, bien décevant… On s’attend à quelque monstre fantastique, plus effrayant que les harpies de Bételgeuse ou les Hippogriffes d’Antarès III… On trouve…
Il recommença de s’étrangler de rire :
— … Une femme !…
Pat, les poings serrés, se rapprochait, et les êtres l’imitaient. Christian se demandait, angoissé, comment éviter le combat.
Hugues se libéra dans un grand cri, on ne savait si c’était encore une toux, un râle, ou un rire :
— … Pauvre petit Dieu minable, qui se prend pour Prométhée !… Ah ! non, mon vieux… tout juste Pyg-malion… Parce que j’imagine que, pour compléter le tableau, comme dans les romans de la vieille Terre, vous en êtes amoureux, de la…
Ce fut la ruée.
Mais Hugues avait réagi avec une vitesse insensée.
Tout en ironisant, il se tenait sur ses gardes. D’un geste bref, il avait arraché le pistolet que Christian avait replacé à sa ceinture, parce qu’il l’embarrassait. Et, braquant le sien propre, Hugues, se jetait soudain dos à la paroi, ouvrait le feu sur le groupe des êtres qui couraient au secours de Pat et de la déesse.
Le double rayon d’infra-mauve troua leurs rangs. Ils s’abattirent, en masse, comme des mouches dans une trajectoire de fusée, brûlés, désintégrés, détruits.
Sans pitié, sans regret, Hugues anéantissait sa propre création. Il avait, comme toujours, adroitement manœuvré. Ni Pat, ni Christian, ne pouvaient intervenir sans se trouver dans le double éclair du Dieu qui détruisait les enfants du Chaos, ses propres enfants, d’une foudre vengeresse.
Pat voulut encore se ruer vers lui, mais Christian l’agrippa, le força à demeurer hors d’atteinte. Il connaissait trop le chef des Dieux pour savoir que, dans sa fureur, il n’eût pas épargné Pat lui-même.
Devant eux, sous leurs yeux effarés, Hugues continuait son travail de mort. Les Enfants du Chaos se tordaient, s’effondraient, mais ne reculaient pas. Ils rampaient vers leur Dieu-bourreau, qui les achevait d’une dernière giclée de feu mauve, lorsqu’ils n’étaient que partiellement atteints.
Dans la douce lumière bleue, un champ de carnage apparaissait maintenant. Aucun être ne chercha à fuir. Les uns après les autres, lancés au secours de la déesse, ils succombèrent, ignorant la panique, avançant toujours sous le rayon mortel.
Le dernier enfant du Chaos charmé par le monstre s’abattit enfin. Hugues demeura debout, planté sur ses jambes solides, un pistolet dans chaque main, jusqu’à ce que la flamme désintégrante eut dissocié le dernier atome ayant constitué ses créatures révoltées.
La voix de Pat sonna soudain, dans le silence de la caverne :
— Vous vous êtes jugé, Hugues !… Dieu féroce et maladroit, vous êtes astreint à détruire vous-même votre création manquée.
Hugues ne parut pas l’entendre. Il regardait la déesse. Devant la scène infernale, elle s’était évanouie, rejetée sur son trône en une attitude de gracieux relâchement.
— Et elle se pâme… Elle a vraiment toutes les stupidités des femelles qui constituent votre but éternel !
Il leva le bras. Le rayon infra-mauve allait détruire le monstre de beauté et de grâce que Pat avait tiré de la Substance, en le pensant de tout son amour.
Mais il était encore armé, lui. Il braqua son pistolet sur Hugues :
— Halte !… Ou, je vous le jure, vous retournerez au Néant, vous aussi, et personne ne s’amusera à vous engendrer de nouveau de la Substance !…
— Très spirituel ! ironisa Hugues.
Il hésitait. Il eût voulu détruire la déesse. Mais Pat ne lui ferait pas grâce.
Christian racla sa gorge contractée pour dire quelque chose. Mais un léger tintement résonna dans la caverne, émanant à la fois des ceintures des trois Dieux-Hommes, ceintures qui contenaient, en modèle réduit, tous les instruments indispensables au voyageur interstellaire.
Ce qui venait de tinter, les alertant tous trois, c’était le signal de l’alarme générale. Ensemble, ils branchèrent le poste miniature individuel. Ensemble, ils furent instruits de ce qui se passait par la voix du lieutenant Worms, commandant par intérim du spationef 27.
Ils étaient livides. Ils oubliaient la querelle. Des créatures de cauchemar – de vrais monstres cette fois — attaquaient à la fois le monde de Volune et les Dieux qui l’avaient fécondé…
Le premier coup de tonnerre avait fait tressaillir Vagaoo. Le matelot du S. 27 était de faction dans la coupole d’observation de l’astronef. L’appareil demeurait immobile, ayant atterri sur la terrasse du palais de Volunopolis et, pendant que se poursuivait l’épouvantable nuit radioactive, le commandant Worms, le professeur Jerritz, et leurs compagnons, ne songeant nullement à quitter la planète, attendaient le retour des trois Dieux en expédition.
Nul ne dormait, d’ailleurs, Jerritz, Horace, Xol et leurs assistants avaient tout d’abord bloqué le rayonnement de Vol IV par le truchement d’un champ magnétique spécial, si bien qu’à bord nul ne risquait de subir les redoutables effets du satellite.
Mais ils songeaient avec tristesse que Hugues, Pat et Christian, avec leurs scaphandres, n’étaient que médiocrement protégés.
Quant aux enfants du Chaos, qu’ils soient sur Volune ou sur les deux planètes colonisées, Vol II et Vol III (Vol I étant aussi désolé que Vol IV), on ne pouvait rien pour eux. Le feu irradiant détruirait toute vie dans le système volunien, si on n’y mettait bon ordre.
Les Dieux-Savants étudiaient donc fébrilement le moyen de faire sauter Vol IV dans les délais les plus brefs. L’opération était assez simple en soi. Encore fallait-il prévoir la désintégration totale de ses débris et l’évacuation de ses éléments de base en dehors de la constellation.
— En moins de dix nuits comme celle-là, toute vie sera, sinon détruite, du moins compromise, avait assuré Xol, spécialiste des radiations.
La cité demeurait en émoi, en dépit des paroles rassurantes des Dieux, d’ailleurs assez peu convaincus eux-mêmes. Puis les Démiurges s’étaient enfermés pour travailler au salut mondial.
Vagaoo, selon le règlement des astronautes, prenait un tour de garde.
Vagaoo était un homme instruit, un de ces techniciens de second plan dont les capacités permettaient les grands voyages de l’espace. Lui aussi, était assez triste. Au moyen des appareils de contrôle et de visibilité, assis devant sa table d’observation, il pouvait suivre l’évolution de la nuit fantastique. Il voyait le monde volunien transpercé des hideux rayons et la population s’agiter sous formes de squelettes phosphorescents, aux schémas voilés par la semi-opacité des chairs irradiées.
Vagaoo était un matelot de l’espace, fort et aventureux, savant et plein d’initiative. Mais il n’était qu’un homme. Il se fatiguait de tant d’épouvante et de désolation et, petit à petit, il sombrait dans une morne somnolence, celle qui, dans tous les mondes, atteint les veilleurs aux prémices de l’aube.
Il attendait avec impatience le coucher de Vol IV. Vol III roulait un peu à l’écart dans le ciel, mais son éclat était insignifiant. Vagaoo songeait que, là-bas aussi, les êtres devaient être rongés par le feu mauve.
L’astre mortel tombait sur l’horizon et échappait à ses écrans. Vagaoo se rendait vaguement compte du retour à la norme. Le terrain, les maisons, les plantes, l’océan, les êtres, tout ce qui constituait Volune redevenait positif, après l’effroyable luminescence négative.
Vagaoo dormait presque, parce que le jour se levait à peine. Le soleil violet était noyé de nuages. Certes, le retour de l’eau sur les planètes mortes avait très naturellement ramené le cycle des ondes et des nuées. Qu’un orage éclatât, cela n’avait rien de surprenant, les effets du singulier clair de lune pouvant s’y ajouter de façon encore incontrôlable.
Mais Vagaoo fut alerté par le premier grondement lointain, venant de très loin, sur l’océan, ainsi que l’attestait son contrôle-météo. Il situa aisément le point. En pleine mer.
Il assista, sur l’écran de télévision aussitôt réglé sur ce point, à la destruction d’un croiseur volunien.
Et ce qu’il vit était tellement effarant qu’il courut trouver Worms et Jerritz. Et que le commandant et le professeur se demandèrent, en le voyant, ce qui pouvait bien troubler ainsi Vagaoo, homme équilibré par excellence.
Mais quand il eut brièvement expliqué ce qu’il avait vu, les Dieux-Hommes constatèrent, sans retard, que l’orage se rapprochait de Volunopolis. L’océan s’agitait, le vent soufflait en tempête et de gros nuages roulaient dans le ciel volunien, voilant le soleil synthétique qui y jetait une grosse tache violâtre, aux rayons dilués par le mouvement incessant de la nue.
— Et Hugues, et Pat, et Christian qui ne sont pas là ! se désola Jerritz.
Worms hésitait à lancer un signal d’alarme qui eût été enregistré par les appareils individuels de leurs compagnons. Il redoutait la colère de Hugues, qui devait courir après son monstre, et eût été furieux d’être dérangé pour un orage quelconque.
Mais, justement, les aventuriers du Chaos commençaient à se dire que cet orage était autre chose qu’un orage quelconque, fut-il engendré par les perturbations amenées dans leur monde par le satellite flamboyant.
Jerritz voulut en avoir le cœur net. Accompagné de Worms et de Vagaoo, il quitta l’astronef et sortit sur la terrasse. Alain Dorian, toujours plein d’intérêt pour ce qui était anormal, insolite ou extraordinaire, se hâta de les suivre. Les quatre hommes, maintenant, dominaient la cité, cette immense métropole qu’ils avaient tirée du Néant.
Les êtres avaient presque tous regagné leurs demeures. Ils avaient dû éprouver un grand soulagement en ne se voyant plus transparents et lumineux intérieurement. Mais, épouvantés et las, désolés, dans leur esprit primaire, des perturbations incompréhensibles apportées à leur vie si bien réglée par leurs Dieux, ils devaient maintenant se terrer et il était douteux que les services publics fussent assurés avec le maximum de vigilance.
Cependant, les Hommes examinaient la planète et le ciel. Sous le plafond très bas, des éclairs brillaient, par instants, jetant sur Volune le feu livide de leur brièveté acérée. Les rafales tordaient, autour de la ville, les arbres synthétiques, couverts de fruits sans grande saveur, mais très comestibles, engendrés par la science du docteur Horace qui s’y était longuement acharné.
— La récolte va être compromise… Pauvres Voluniens !
Tout allait mal, décidément. Mais, surtout, depuis l’étrange vision que la télé avait apporté à Vagaoo, anxieux, sous la bourrasque, sans souci des torrents qui tombaient par instant de la nue et dont les scaphandres les protégeaient, ils cherchaient à voir…
Pouvait-on dire que Vagaoo avait rêvé ? Depuis la plongée dans le hors-temps du puits de l’Espace, les aventuriers du Chaos ne se trouvaient plus guère le droit de mettre en doute les assertions de tel ou tel d’entre eux, si extravagantes puissent-elles paraître à premier examen.
La tempête, jusqu’alors, n’avait rien d’exceptionnel. Elle n’était que le fruit des perturbations normales d’une atmosphère à base d’oxygène striée d’électricité. Mais, tout à coup, tous quatre tressaillirent. Les micros ultra-sensibles des casques de dépolex avaient apporté une vibration insolite.
Ils se regardèrent, très pâles. Vagaoo, lui, avait tout de même la satisfaction, la triste satisfaction, de pouvoir dire qu’il n’était pas insensé, et qu’il avait bien vu et, bien entendu, par télé, ce qui s’était passé au large de l’océan volunien.
— On dirait… une symphonie…
— De quelle école ? ricana Worms.
Alain Dorian eut une petite moue méprisante. Son tempérament l’avait toujours porté à admirer l’original et à le considérer comme l’art total. Il était héritier des esthètes du siècle terrestre XX, lesquels avaient détruit le rythme de la Beauté-Harmonie.
Le tonnerre, en effet, n’était pas une succession de bruits plus ou moins assourdis, plus ou moins intenses, mais le magma sonore de tonalités très diverses, parfaitement dissonantes, ne suivant nullement le processus universel du grondement de la foudre, toujours égal à lui-même dans toutes les planètes, pour peu qu’elles eussent une atmosphère de type terrien, capable de réagir aux trois cents mètres-seconde de la vibration audible.
L’intérêt était porté à son intensité. Dans le déchaînement des éléments, les Hommes, Dieux de Volune, regardaient se reproduire le mystérieux phénomène dont, peut-être, eux qui avaient tout créé sur cet Univers, ils étaient irresponsables.
Les nuées, capricieuses et fantaisistes comme toute nébulosité des Cosmos aux fluctuations du vent, se rapprochaient, comme mues d’une vie intrinsèque. Petit à petit, des formes se précisaient, insaisissables à l’œil, mais menaçantes, accablantes par leur présence impalpable.
Brusque, la foudre brilla et les quatre Dieux n’eurent que le temps de se jeter en arrière. Worms, en bon marin des étoiles, accoutumé à toutes les attaques, avait eu le réflexe de lancer le feu infra-mauve contre l’énorme patte aux myriades de doigts étincelants qui avait cherché, très nettement, non à les frapper bestialement comme le feu céleste, mais bien à saisir, agripper, retenir et serrer, en un organe préhensible et griffu spontanément né de la nuée magnétique.
Horrifiés, les quatre hommes, maintenant, reculaient instinctivement vers l’astronef. La chose inconnue avait elle-même reflué vers la nue, atteinte par le terrible rayon désintégrateur.
Worms, son arme à la main, et les autres, formes lourdes et sans grâce dans les vêtements spéciaux et les casques globoïdes, demeuraient figés sous la tempête. Ils se demandaient si chose pareille était possible.
Vagaoo râla et sa voix grésillait dans le micro du casque, cherchant à dominer l’ouragan :
— Vous avez vu !… Vous avez vu !… Une bête… Une bête est sortie du nuage… Une bête comme celles qui ont assailli, détruit, et coulé le croiseur au grand large !
De nouveau, la chose se reproduisit. Cette fois, il y avait incontestablement plusieurs monstres. On ne pouvait en déterminer la forme, les lignes, ni la nature. Cela venait du ciel, mais n’avait rien du volatile, cela griffait et mordait, et ce n’était pas un fauve, cela hurlait et écumait bien que ne possédant ni gueule, ni langue, ni sans doute aucun organe déterminé.
Mais c’était tangible et terriblement dangereux. Cette fois, à l’exemple de Worms, Vagaoo, Dorian et Jerritz lui-même avaient brandi les pistolets à rayon. Et les traits mauves, brillant intensément, s’enfoncèrent dans les masses vivantes, extraordinairement mouvantes et capricieuses qui s’abattaient autour de l’astronef, sur la terrasse du palais de Volune.
— Reculons !… Dans le spatio, nous serons protégés !…
D’autres matelots, des officiers, apparaissaient dans la coupole du S. 27. Presque aussitôt, de la carène du navire de l’espace, les grands tubes des canons à infra-mauves jaillirent, alors que Worms et ses compagnons regagnaient le vaisseau, harcelés par les bêtes monstrueuses, multipliées à l’infini, semblant renaître de leurs atomes désintégrés, hydres multiformes et souveraines, au fur et à mesure que les Dieux-Hommes les striaient de leurs flammes redoutables. Mais aucun d’entre eux ne fut touché.
Et puis il sembla que la nue tout entière fonça sur Volune. Autour du palais, les monstres fondaient sur la cité. Des hurlements montaient, emportés par les hululements sinistres du vent qui augmentait de violence. On vit de malheureux êtres emportés dans les griffes nébuleuses, déchiquetés par les crocs impalpables des bêtes des nuages.
Les canons entraient en action. L’alarme était donnée et la population de Volune sortait de ses repaires, se ruait vers ses armes. En un instant, toute la cité fut en état de défense, avec les moyens fabuleux dont la science de ses Dieux l’avait dotée.
Aéronefs, astronefs, canons désintégrants, gardes armés en héliscooters, ce fut une armée fantastique qui se dressa, s’envola, opposa une formidable barrière à la ruée des monstres.
Par radio, les Dieux, qui s’étaient enfermés dans leur char et demeuraient en place pour ne pas abandonner leurs créatures, avaient pris contact avec les divers départements d’Etat, alerté Hugues et ses compagnons ensevelis dans les entrailles de la planète, et aussi Aum et Huit, avec leur équipe, toujours bloqués dans le ravin.
La bataille continuait. Les monstres étaient en quantité invraisemblable. Plus on en tuait (et ils se désintégraient, disparaissaient immédiatement), plus il semblait en renaître.
Worms, en attendant le retour de Hugues, dirigeait le combat, envoyait ses ordres aux forces voluniennes, qui se battaient avec beaucoup de courage. Les Enfants du Chaos étaient capables de s’émouvoir devant quelque chose d’insolite, d’inconnu. Pas devant l’ennemi. Parce qu’ils avaient été conçus, aussi, pour combattre. Hugues estimait que la lutte était nécessaire et il les y avait entraînés. Il assurait que le bonheur et la paix ne sont que des générateurs de médiocrité, de paresse. On le sait, il haïssait la médiocrité par-dessus tout.
Ils avaient désiré engendrer un peuple qui ne fut pas composé de larves, dans son amour des vertus guerrières. Il avait réussi et tout le monde des êtres se dressait, comme un seul, contre ce péril venu des nuées.
Jerritz et Dorian se tenaient auprès de Worms dans la coupole du S. 27, d’où il était aisé de suivre, à l’œil nu, le déroulement général des opérations, l’appareil étant posé sur la terrasse qui dominait elle-même toute la cité volunienne.
Le ciel était tout noir, bien qu’il fit grand jour. Mais le soleil violet se perdait dans la masse nuageuse. Seules les flammes des infra-mauves apportaient une tragique lueur dans ce déchaînement ténébreux, jetant de brèves clartés livides sur la ville où les êtres périssaient par centaines, sous la pression redoutable des monstres célestes.
Jerritz cherchait à comprendre :
— Worms… ne relâchez pas le tir ! Lancez toutes vos forces… Toute l’armée de Volune…
Le matelot Rex accourait :
— Message du commandant !
— Passez-le-moi, ordonna Worms, dont le poste fut aussitôt branché sur celui de Hugues.
Ils discutèrent. Le chef des Dieux, ni Pat, ni Christian, ni Aum et Huit ne pouvaient regagner la cité en héliscooters. Ils eussent été assaillis par les monstres.
— Je vous envoie les soucoupes, dit Worms.
Deux officiers et six matelots quittèrent aussitôt Volune en soucoupes volantes, qui sortirent des flancs de l’astronef. Les engins étaient munis de tubes à infra-mauves et on les vit s’envoler dans la masse formidable, se frayant un passage avec leurs redoutables rayons, qui trouaient la ruée des monstres.
Les soucoupes filaient vers les montagnes. Les nuées semblaient se refermer sur les appareils, les enveloppant, les attaquant de toutes parts, cherchant à les déséquilibrer, à les rejeter au sol. Mais les petits appareils, admirablement conditionnés, et capables d’atteindre de prodigieuses vitesses se fondirent à l’horizon en quelques secondes, précédées d’un faisceau d’infra-mauve qui détruisait les hydres par myriades.
Dorian, debout près de Worms, immobile, les yeux mi-clos, suivait le fantastique combat avec son intérêt nonchalant habituel.
— On jurerait qu’elles font corps avec les nuages, ces horribles bêtes ! gronda Worms, entre deux ordres lancés aux aéronefs de Volune.
Il rageait de ne pouvoir en déterminer la nature ; la forme, la couleur. Le vacarme demeurait assourdissant, mais toujours sur ce même mode bizarre qui les avait tant frappés au départ. La symphonie extravagante continuait à rythmer le combat tandis que des couleurs surprenantes apparaissaient à présent. Les Dieux, stupéfaits, pouvaient y voir des apparences géométriques : triangle et icosaèdre, losange ou trapèze, mais tout cela étant aussi fugace que les pensées projetées dans le Chaos.
De nouveau, tout redevenait fuyant, impalpable, mais toujours aussi haineux et redoutable.
La radio volunienne annonçait des milliers de victimes. Tous combattaient dans la cité réveillée. Les campagnes, elles aussi, étaient désolées par l’attaque. Les récoltes subissaient d’affreux ravages et les exploitations minières croulaient sous les coups de l’ennemi. Plus d’un astronef tomba, malgré les infra-mauves.
Et, au large, la flotte luttait durement, assaillie elle aussi.
Worms ragea tout haut de ne pouvoir délimiter l’ennemi, perdue dans la nue. Mais Jerritz, qui cherchait à comprendre, lui dit :
— Elles ne sont pas dans les nuages, Worms. ELLES SONT LES NUAGES.
Worms parut ahuri et Dorian tressaillit sourdement.
Mais c’était vrai.
L’œil sagace du professeur avait trouvé la vérité. Toute la nue n’était qu’une masse vivante d’hydres fantastiques, indépendantes ou collectives, on ne savait. C’était de ce magma nuageux que jaillissait tout à coup une patte avec des griffes, une gueule avec des crocs, le tout perdu dans un tourbillon de trombe ou dans un invraisemblable assemblage de triangles, de cercles ou de lignes.
Rex signala le retour des deux soucoupes. Hugues et ses compagnons, et aussi le Technocrate Suprême et Huit, y avaient pris place.
Une minute plus tard, crevant littéralement les hydres-nuages, les deux soucoupes volantes se posaient sur la terrasse avec une incroyable précision.
Hugues apparaissait, soufflant de colère, poings serrés. Ce déchaînement insensé contre sa création l’irritait au plus haut degré. Il ne s’attarda pas et courut relever Worms, pour prendre toutes dispositions stratégiques. Aum, dans sa robe d’or, avait l’air minable. Une tristesse infinie abattait le Technocrate Suprême, épouvanté de voir son peuple pareillement assailli.
Huit, Pat, Christian et les gardes sortaient des soucoupes avec les Hommes venus à leur secours. Et tous se préparaient à renforcer l’armée terro-volunienne, pour repousser la gigantesque attaque.
Jerritz réfléchissait. Une nouvelle question se posait à lui : bien que les appareils voluniens, aéronefs ou astronefs, fussent semblables à ceux des terriens, munis de canons infra-mauves et de carapaces magnétiques, ils succombaient sous les attaques. Par contre, les deux soucoupes avaient pu faire l’aller et retour sans encombre. Et après l’incursion initiale, les hydres insaisissables n’attaquaient plus le S. 27, bien que ses coups fussent terribles. Le monstre-nuage s’abattait seulement sur le monde volunien.
Mais, soudain, le professeur Jerritz tressaillait et sa stupéfaction était à son comble.
Pat, suivi du fidèle Christian et de deux matelots, revenait de l’astronef à la soucoupe. Ils amenaient une civière prise à l’infirmerie. Et, sur cette civière, ils reparaissaient, portant une forme humaine. D’un regard, Jerritz vit qu’il s’agissait d’une femme.
Christian, près de lui, lui saisit le bras et Jerritz sentit les doigts solides du technicien-orienteur entrer dans sa chair à travers l’épaisseur du scaphandre.
— Je vous expliquerai, professeur… Venez !…
Quelques instants plus tard, l’astronef s’élevait, mais, sans quitter Volune, se stabilisait au-dessus de la cité. Véritable forteresse aérienne, dans cette position, il surplombait la ville, le pays, le monde de Volune tout entier. Et Hugues, au poste de commandement, organisait le combat de toute la science guerrière dont il était capable.
Rien ne semblait intervenir dans le déroulement de la bataille. La nuée vivante obscurcissait toujours le ciel de Volune. Les êtres, appuyés et dirigés par leurs Dieux, luttaient avec courage, bien que leurs pertes fussent considérables. Mais les hydres désintégrées paraissaient renaître immédiatement de leurs éléments dispersés. Inlassablement, on pouvait chercher quelles étaient leurs formes ou leurs couleurs. Tout continuait à se perdre dans le conglomérat renaissant où les rectangles verts heurtaient les trapèzes violets ou jaunes, tandis que des cercles blancs trouaient des théories de triangles rouges. Le tout retournant aussitôt à l’état nébuleux.
Le bruit de l’ouragan continuait. Mais c’était encore ce vent insolite, aux stridences d’orchestre privé de chef et inspiré par un musicâtre exacerbé. La foudre, de temps à autre, apportait des teintes inédites, avec un vacarme dissonant, qui faisait grincer les dents des Dieux-Hommes.
Autour de Hugues, l’Etat-Major au grand complet était réuni. Patrice et Christian, Worms, Horace et Xol. Jerritz venait de les rejoindre.
Pat, très pâle, l’interrogea du regard :
— Rassurez-vous, Patrice… Elle vit !
Patrice Marcus respira aussitôt plus librement et Christian remercia le professeur d’un sourire. Hugues les avait-il entendus ? En tout cas il ne tourna pas la tête et continua à diriger ses armées.
Même dans là coupole, les voix étaient assourdies par l’effroyable orage vivant, qui menaçait de détruire Volune. Pourtant, le docteur Horace s’approchait de Jerritz :
— Vous l’avez examinée ?
— Oui.
— C’est une… ?
— Oui, mon cher confrère. Une femme ! Une vraie femme. Son aspect extérieur suffirait à le prouver, car elle est aussi belle, plus belle, que toutes les femmes du Soleil, des Galaxies et du Cosmos… Mais je ne m’en suis pas tenu là…
Une flamme immense jaillit du ciel vivant tandis que le tonnerre dissonant épouvantait Volune.
Jerritz, interrompu, reprit, très calme, alors que des millions d’hydres se désagrégeaient sous l’effet des canons du commandant Hugues, pour se reconstituer aussitôt :
— … radiographiquement, elle est femme. Un véritable miracle biologique. Je me suis cru dans la clinique vénusienne, où j’ai passé trois ans et où je m’occupais de gynécologie.
Xol s’était approché, lui aussi.
— Mais son origine, professeur Jerritz, son origine ?
— Vous aurez loisir de l’examiner à votre aise, ami. Si toutefois son créateur, qui a bien voulu me la confier, y consent…
Il se tourna vers Pat qui semblait absent, retourné à son rêve intérieur, et lui mit la main sur l’épaule :
— Ne soyez pas triste, Pat. Vous avez su faire ce que nous n’avons pas su (il regarda Hugues), pas voulu réaliser : un être humain… C’est une créature idéale.
— Aurait-elle… un esprit autre que les autres enfants du Chaos ? Une âme, comme diraient les vieux Terriens ?
— Comment répondre à cette question ? Je ne puis que formuler cette observation…
Entre deux coups de ce tonnerre qui les agaçait tous tellement qu’ils devaient se boucher les oreilles pour échapper au déséquilibre nerveux produit par cette musique barbare. Jerritz acheva :
— Si parfaite, si pétrie de beauté et de bonté que je finis par la trouver inhumaine, elle aussi. Oui, Pat. Pardonnez-moi de vous le dire : vous vous êtes trompé !… Vous vouliez la femme idéale, la Béatrice. Mais, voyez-vous, ce n’est pas plus valable que le Volunien schématique. Même en reconstituant minutieusement de la Substance, toute la biologie, tout le métabolisme d’un Humanoïde femelle, même en dotant son cerveau des cellules nécessaires à lui donner des sentiments généreux, tendres, etc., vous n’arrivez pas à l’Humaine. La meilleure aurait des défauts, aussi bien physiques que moraux. Et votre déesse n’en a pas…
Pat gardait le silence. Maintenant, Hugues, les écouteurs aux oreilles, les mains sur le tableau de commande avec lequel il dirigeait toutes les armées de Volune, tournait la tête vers eux et les couvrait de son lourd regard.
Jerritz, la gorge un peu serrée, dut faire effort pour dire :
— Elle aussi, c’est un monstre ! Dans son genre !
— Et les monstres, il faut les détruire !
Un fantastique grondement venu du ciel ponctua la phrase lancée par Hugues. Pat serrait les poings. Mais il se heurtait, bien plus qu’à la puissance du commandant, à la sagesse équilibrée du professeur Jerritz.
Le vénusien Xol, quand la foudre eut cessé de gronder, demanda :
— Comment détruire les monstres, Jerritz ?
— Il faut d’abord en connaître la vraie nature…
Worms intervint :
— Si nous connaissions celle des hydres, il serait plus urgent d’en purger Volune que de désintégrer une femme aussi belle.
Et il jura en vrai matelot de l’espace :
— Mille météores ! Inhumaine ou pas, je n’ai jamais vu pareille fille !
— Espérons, reprit Hugues, que vous n’en verrez plus, ni à Volune, ni ailleurs. Mais revenons à nos hydres. Vous disiez, professeur ?…
— Qu’il faut connaître la nature de l’ennemi pour venir à bout de cet ennemi.
— Avez-vous une idée ?
— Oui. Les monstres-nuages, comme nos Voluniens, comme la déesse de Patrice, sont des enfants du Chaos. Donc ils ont été nécessairement engendrés par la volonté d’une de nous seize, volonté projetée dans la divine Substance…
Christian jeta une exclamation :
— Ah ! je me souviens… Commandant ! quand vous nous avez annoncé, à Pat et à moi, votre intention de ressusciter le monde mort de Volune, nous avons cru voir, dans le Chaos même, une pensée qui se réalisait… et cette pensée, elle était effrayante… c’était déjà un monstre. Comme…
Il montrait le ciel de vie hostile, forme immense et indéterminée, colorée comme la palette d’un peintre fou, sonore à l’instar d’une symphonie de dément, destructive et laide tel un cerveau qu’irritent l’ordre et la beauté.
Et tous, cherchant à quoi correspondait pareil désordre, semblant non dû au hasard, mais à une volonté férue d’une certaine école esthétique à base d’impuissance et de dérèglement, commencèrent à tourner les yeux vers celui qu’ils soupçonnaient.
La voix nonchalante d’Alain Dorian qui, depuis le début de la discussion, suivait le combat, son front marbré de taches rousses appuyé au dépolex de la coupole, s’éleva, à demi couverte par la foudre cacophonique :
— Vous appelez monstres ce qui vous choque, ce que vous ne comprenez pas parce que vous ne le connaissez pas ! Pauvres esprits, qui n’avez jamais admis pour norme que ce qui était préétabli. Mais, messieurs, le monde – votre Cosmos – est ainsi… Cependant, il aurait bien pu être autre… Des artistes que vous qualifiez de déments l’ont soutenu, à toutes les époques… Aujourd’hui… en voilà la preuve…
Et puis Alain Dorian chancela et s’abattit.
Hugues levait le bras, brandissant son pistolet désintégrateur.
La flamme infra-mauve avait transpercé le thorax du coupable.
Mugissants et frénétiques, les monstres s’abattaient, comme un plafond qui croule, en un seul vol noir, animé d’une vie intense et maléfique. Hugues fit donner toutes ses forces à la fois, mais cette nouvelle attaque causa d’affreux ravages parmi les enfants du Chaos. Si, un instant plus tard, les hydres parurent remonter et se regrouper, formant de nouveau l’immense voûte mouvante qui occultait le soleil violet, ce n’était sans doute qu’en vue d’une destruction définitive des êtres.
Des milliers de cadavres gisaient dans la cité et sur ses abords.
A bord du S. 27, Hugues et les siens, près d’Alain Dorian expirant, se consultaient fébrilement.
Le commandant s’était rué sur l’homme qu’il venait d’abattre. Il l’avait saisi à la gorge et l’avait secoué avec fureur :
— Misérable ! Tu as saboté notre création… Tu as voulu… Ah ! mais tu vas me dire de quoi elles sont faites, tes immondes bestioles. Il le faut ! Et que nous en finissions avec elles !
Les poumons détruits par le rayon désintégrant, Alain Dorian, plus blême que jamais, ses yeux pâles presque révulsés, crachotait un peu de sang. Il vivait encore et ne pouvait réagir à la poigne de l’hercule.
Jerritz et les autres voulaient l’arracher à son meurtrier, mais Hugues paraissait inébranlable.
L’artiste-technicien hoqueta :
— Mes… mes créatures… Elles sont trop, Hugues. A partir de la Substance… j’ai créé de la Substance… et la Substance… est infi…nie.
Il prit soudain une teinte livide. Jerritz gronda :
— Lâchez-le, Hugues… Il faut le soigner.
Le regard du savant se fit très dur. Il compléta la phrase :
— Si vous voulez qu’il parle !…
Hugues obéit. Xol et Horace soutenaient Dorian. Mais les hommes de science étaient d’accord. Dorian n’en avait plus que pour quelques instants.
Dorian essayait d’ailleurs de parler. Mais on ne comprenait guère.
Patrice et Christian, eux aussi, penchés sur lui, cherchaient à saisir les bribes de mots, les syllabes de plus en plus hachées, exhalées par le mourant. En dépit de l’étanchéité du spationef, le vacarme formidable des hydres-nuages rendait l’attention plus difficultueuse encore.
— Les hydres sont Substance…
Patrice cria tout à coup :
— Dorian !… Dorian !… Vous vous êtes servi de la Substance pour en faire jaillir une autre Substance, c’est bien cela ?… Une Substance qui est le reflet de la Substance divine, qui se reproduit sans cesse au fur et à mesure qu’on la détruit, une caricature du Chaos !…
Une faible ironie parut dans les yeux glauques du moribond. Il fit effort pour approuver de la tête.
— Alors, dit Christian, accablé, nous ne les détruirons jamais. Elles sont infinies. Monstres de formes, de couleurs, de lignes, défi à l’harmonie cosmique, mais formée de la « Substance bis » que Dorian a engendrée, elles vont renaître sans cesse.
Hugues leva les poings comme s’il allait, d’un seul coup de sa formidable musculature, faire éclater le crâne du destructeur.
— Imbécile de Dorian !… Ton monde à toi, que tu as cru original, n’est qu’une impression. Oui, un monde impressionniste, sans base solide. Mais ce n’est, après tout, qu’un monde chaotique… Tu recrées le Chaos ! Voilà tout !
La voix égale du professeur Jerritz prononça :
— Nous ne pouvions tous que recréer le Chaos… Vous, Hugues, en cherchant le monde théoriquement parfait… Vous, Pat, en retombant par excès de sentimentalité dans un romantisme désuet et banal…
Un appel radio, venant de l’intérieur du palais où s’étaient réfugiés Aum et ses ministres, les tira de leur discussion. Ils abandonnèrent un instant le mourant.
Les derniers navires de Volune lançaient le S.O.S. suprême. Sabordés par l’orage vivant, ils s’engloutissaient dans les océans de la planète. D’autre part, les astronefs étaient tous détruits et les nuages d’hydres assaillaient maintenant les colonies Vol II et Vol III, qui demandaient de l’aide.
Il était hors de doute que la partie était perdue. Les nuages-monstres allaient détruire tout sur Volune, au rythme infernal de leurs dissonances en forme de foudre. Mais elles épargnaient les Humains, sans doute parce que Dorian leur avait insufflé, en sa Genèse, de ne pas s’en prendre à eux, mais de demeurer relatives à la création volunienne.
Il fallait trouver une solution.
Worms la trouva, en rappelant qu’à bord du S. 27 on gardait encore un container avec de la Substance intacte.
L’officier, un peu fébrile, expliquait :
— N’y aurait-il pas moyen… avec cela… de créer un élément destructeur ? Je ne sais pas, moi… Quelque chose qui tuerait tous les nuages-hydres ?
Il fut vivement approuvé. Hugues, Xol, Horace, d’autres encore, proposaient des solutions : un météore de feu, une bactérie nouvelle, un super-rayon désintégrant et tout ce qui, à base d’imagination humaine, avait, depuis la planète-patrie jusqu’à la conquête du Cosmos, travaillé à la destruction, au ravage et à la mort.
Patrice leva la main pour parler. On vit des larmes couler sur le visage aux nobles traits. Il râla :
— Vous rendez-vous compte ?… La Substance, la divine Substance qui est matrice et genèse en instance éternelle, va servir à DETRUIRE !
Hugues eut son geste familier, qui coupait l’air comme une faux :
— Pour la dernière fois, Pat, ravalez votre sensibilité ! Je propose, moi, de créer une destruction nucléaire permanente, que nous lâcherons dans la masse des hydres…
— Quelque chose comme une bombe atomique illimitée ?
— C’est cela !
— Au travail, messieurs. Nous n’aurons pas trop de nos quinze cerveaux, pour projeter nos quinze volontés, catalysées sur la Substance, d’où jaillira la force inédite.
Fiévreusement, les savants se consultèrent, tandis que Hugues, aidé de Worms et de Christian, reprenait en main le regroupement désespéré des forces voluniennes.
Puis, quand tout fut au point, on se réunit, autour du container. Six par six, les Dieux-Hommes, dirigés par Xol et contrôlés par Horace, prirent place sur les fauteuils où s’étudiait la concentration de pensée. Six écrans miniatures montrèrent six sinuosités vert-luminescent, et les oscillographes permirent, en un temps record, de centraliser l’idée de Hugues, de l’unifier dans les quinze cerveaux des aventuriers du Chaos.
Il fallut, tout de même, plusieurs heures, durant lesquelles les hydres-nuages firent de grands dégâts dans le monde volunien.
Alain Dorian était mort.
Patrice, qui était auprès de lui au moment où il avait rendu le dernier soupir ne s’était pas senti le courage de l’accabler. L’un comme l’autre, ils avaient commis la même faute. En dehors du monde-robot voulu par Hugues et les autres, l’un avait réalisé son idéal inspiré par le misérable et faible cœur humain, l’autre s’était voué à son anarchie artistique.
Ils étaient revenus à l’impossible. Au Chaos.
Il sembla à Pat qu’avant de mourir, Dorian prononçait une phrase, à peine audible. Il se pencha. Le tonnerre cacophonique, reflet des musiques anticlassiques qu’affectionnait le démiurge de monstres, s’était tu un instant. Il crut entendre quelque chose comme :
— Décidément, messieurs… j’étais le seul à avoir le sens de l’humour !
Puis il alla se pencher sur la déesse née de la Substance fécondée avec tout son amour. Elle se mourait, elle aussi. De sa propre perfection, non relative aux cosmos, indésirable dans le créé comme dans l’incréé. Elle avait pu vivre dans sa grotte, sortant pour de brèves apparitions où elle séduisait les enfants du Chaos, ses frères asexués. Le décalage provoqué par l’irruption de Hugues lui avait été fatal. Elle n’était pas capable de subir l’adversité, la haine, la colère ou le chagrin…
Cependant, les Dieux-Hommes, avec le dernier potentiel de Substance amené du Chaos à travers le puits de l’espace, achevaient de mettre au point la force terrible.
Pat lui-même y participa, parce que c’était son devoir de contribuer au salut commun. Une dernière fois, les quinze pensées s’unifièrent. Et la force fut déchaînée.
Il sembla, au-dessus de Volune, qu’une tache claire se créa spontanément dans la masse vivante et destructrice. La tache s’étendit, s’élargit jusqu’à l’horizon. Le ciel reparut, doucement mauve. Déjà, le soleil violet se couchait sur l’horizon.
En quelques secondes, Volune fut libérée. Il n’y eut plus d’hydres. La Substance, devenue négative, les avait annihilées, jusqu’à celles qui attaquaient les satellites, où il ne restait plus guère d’êtres encore vivants, en dépit de leur résistance acharnée.
Ce fut terminé. Plus de monstres qui ne correspondaient à rien, vivants négatifs. Plus de formes tarabiscotés, de couleurs hurlantes, de sons discordants ! L’œuvre mortelle d’Alain Dorian était annulée par sa propre Substance de base.
La déesse expirait entre les bras de son créateur.
Christian essayait inutilement de le consoler. Et le professeur Jerritz, penché sur le cadavre de ce qui avait été la femme idéale, cherchait en vain à savoir quel était son secret, si Pat n’avait pas avancé plus qu’eux tous dans l’utilisation de la Substance chaotique.
Après tout, malgré son imperfection de Parfaite, elle était le seul enfant du Chaos qui eut exprimé un peu d’amour…
C’était le soir, l’étrange soir de Volune.
On pouvait croire que la paix allait revenir sur le monde synthétique. Il n’en était rien. Worms, alerté par sidérotélévision, recevait une image qui n’était d’ailleurs émise qu’à quelques dizaines de mètres au-dessous du spationef, dans le palais de Volune, que surplombait l’astronef immobile.
En hâte, il pria le commandant de venir devant le poste, d’écouter, avec lui, de comprendre…
Sur l’écran, l’image d’Aum apparaissait. Le Technocrate Suprême de Volune, maître de ce monde après les Dieux, était visiblement bouleversé, ce qui n’avait rien de surprenant après l’effroyable attaque subie par la cité et la planète.
Sa robe d’or était défraîchie et ses traits simplifiés offraient des lignes torturées, créant une expression de dureté inhabituelle.
Il parlait. Mais Worms avait peine à comprendre. Hugues, accouru près de lui, croyait saisir des bribes de phrases et, selon son habitude, il s’étranglait de fureur. Tellement maître de lui avant la plongée dans le puits de l’espace, il était particulièrement irritable depuis qu’il était promu au rang divin.
Ils subissaient, l’un et l’autre, des troubles consécutifs au drame de la journée. Leurs tympans étaient douloureux, encore meurtris des stridences de l’orage vivant, leurs rétines, brutalisées des visions affreuses des hydres-nuages, gardant sous forme hallucinatoire les images d’abstraction et de décalage qui les avaient cruellement éblouis pendant des heures et des heures.
Si bien qu’ils étaient encore trop troublés pour réaliser.
Aum, lui, parlait posément. Nettement. Et ce qu’il disait plongeait Hugues et Worms dans un mélange de colère et de stupéfaction :
— Dieux de Volune, finirent-ils par saisir, ne refusez pas de me comprendre. Au nom des êtres du monde où je règne, je vous conjure de vous en aller, de partir… pour toujours, vers les régions inconnues d’où vous venez…
Hugues s’était enfin repris, malgré ses yeux papillotants et ses oreilles endolories :
— Aum… avez-vous perdu la raison ?
— Chef des Dieux, je vous adjure de vous éloigner à jamais. Vous et les Dieux secondaires qui vous entourent… Non, ne tourmentez pas votre pistolet… Vous avez des armes, mais nous en avons aussi !
— Une révolte ! hurla le commandant. C’est une révolte !
— Nous ne voulons plus de vous, reprenait Aum. Ainsi en a décidé le Conseil de Volune. Vous nous apportez le malheur ! Nous avons plus de trois millions de morts, en un seul jour, sur Volune, Vol II et Vol III.
Hugues eut la tentation de ne pas répondre, de faire tirer sur le palais. Mais il céda à la tentation de discuter :
— Oubliez-vous que vos Dieux vous ont délivrés des hydres-nuages, en quelques secondes ? Seuls, vos Créateurs pouvaient le réaliser !
— Nous le savons, Hugues (c’était la première fois que Aum osait appeler le commandant par son nom, sans formule). Mais ces monstres, ennemis de notre race, c’est vous également qui les avez suscités !
— Je suis bien bon de parlementer. Je vous ai tirés du néant.
— Du Chaos, riposta posément le Technocrate Suprême, tandis que le commandant du S. 27 devenait écarlate. Le Chaos n’est pas le Néant…
— Vous vous targuez d’une science que vous nous devez, comme vous me devez la vie. Vous avez été conditionnés, vous et les vôtres, pour…
— Nous réagissons. Il y a trop de malheurs sur Volune. Dans quelques minutes, Vol IV va se lever de nouveau. Nos laboratoires sont formels, le rayonnement de notre satellite est nocif. Petit à petit, les radiations nous détruiront.
Hugues ricana :
— Usez donc de votre pouvoir, de votre science, pour anéantir cette planète de mort.
— Nous ne pouvons, en ce moment. La guerre des hydres nous a épuisés. Nos armes sont en partie détruites, nos réserves limitées, nos récoltes ravagées…
Worms, qui n’avait rien dit, fit observer :
— Aum, vous êtes fatigué. Reposez-vous, mon vieux ! Nous, vos Dieux, allons étudier le meilleur moyen de détruire Vol IV, et la menace cessera. Faites-nous confiance. Les hydres-nuages, c’était bien autre chose !…
— Nous n’avons plus confiance !
Hugues tapa du pied avec colère :
— Finissons cette discussion. Aum, dites à vos Voluniens que vous allez sentir peser la colère de vos Dieux si vous ne faites immédiatement votre soumission !
— Nous sommes prêts à la réponse, coupa Aum. Regardez !
Sur l’écran, l’image chavira. A la place du buste du Technocrate de Volune, on vit plusieurs canons infra-mauves braqués, entourés d’êtres en armes. Les Voluniens avaient dressé leurs dernières forces contre le char de leurs propres créateurs.
Hugues, de la pourpre, passa au livide. Worms, lui, pressait sur un bouton, pour alerter tous ceux qui se trouvaient sur le spationef.
Mais Aum reparaissait sur l’écran :
— Frappez, Dieux ! Nous riposterons !
Hugues demeura muet. Un flot de pensées montait en lui. Maintenant, les enfants du Chaos se croyaient égaux à leurs démiurges. Ils se dressaient et, au lieu d’offrir leur reconnaissance à ceux qui leur avaient donné la vie, ils les accusaient d’être responsables de leurs malheurs, de leurs souffrances…
Jerritz, Christian, Patrice, les médecins, les matelots arrivaient dans le poste-coupole. Ils surent, eux aussi, la révolte des êtres.
Aum les accusa encore. Hugues, disait-il, dans la caverne où régnait la déesse, n’avait-il pas foudroyé et désintégré ses propres enfants ? Il avait tué le ministre Cinq et plus de vingt Voluniens.
Le professeur Jerritz demanda :
— Aum Suprême, et vous tous, Voluniens, que demandez-vous donc ?
— Votre départ. A jamais.
— Avez-vous pensé à ce qui vous attend ? Privés de vos Dieux, vous allez vous trouver dans un monde ravagé par les hydres-nuages, privés de directives, livrés au rayonnement terrible de Vol IV, que je vois déjà se lever sur l’océan de Volune. La cité, le sol, les monts et vous-mêmes, vous serez translucides et opalescents, rongés du feu qui ne brûle pas, mais qui détruit lentement, et…
Aum leva le bras. Son visage synthétique exprima soudain une grande sérénité, une grande noblesse :
— Partez, Dieux ! Ne vous occupez plus de nous ! Nous ferons face à l’adversité, à la misère. Vous nous avez créés. Maintenant, nous sommes, et vous n’y pouvez rien. Vous avez animé la Substance. Nous, les enfants du Chaos, nous avons droit à la vie. Mais soyez maudits pour nous l’avoir donnée !
Hugues leva le poing, tenté de donner l’ordre de combat. Il ne pouvait plus en supporter davantage. Mais, au même moment, Aum avait coupé la communication, et l’écran était redevenu opaque.
Les Dieux-Hommes, abasourdis, se consultaient du regard.
Patrice, dont la voix était empreinte d’une profonde mélancolie depuis la mort de la déesse, prononça gravement :
— Ils ont raison. Il faut partir !
— Je vous retrouve, Pat ! lança Hugues. Céder… Leur obéir… A nos…
Mais Pat ne semblait plus disposé à recommencer les discussions :
— Savez-vous quel est leur crime, commandant Hugues ? Je vais vous le dire : ce sont nos créatures et elles nous ressemblent. Les Enfants du Chaos, c’est notre pensée et quoi que nous ayons fait, malgré l’entraînement intensif auquel nous nous sommes soumis, nous n’avons pu animer la Substance qu’avec un peu d’humanité, celle qui est en nous !
Hugues leva la tête, bien haut :
— J’ai voulu… j’ai réalisé, un monde supérieur à l’autre. En le peuplant d’êtres plus simplifiés, mais échappant du moins à bien des servitudes humaines…
— Mais ils se révoltent ! s’écria Christian, toujours prêt à se ranger du parti de Pat.
— Ils sont détraqués. C’est la création de Pat qui les a détraqués ! L’influence de la déesse…
— Et celle des monstres, remarqua Xol.
Jerritz intervint :
— Tout cela à la fois. Entre le monde un peu… trop froid, du commandant, et le monde de tendresse, rêvé par Patrice Marcus, même la création abstraite de Dorian était d’origine androïde. Dans une certaine mesure, cela forme un tout…
— … Un semblant, murmura presque machinalement le docteur Horace.
— Et pourtant, il n’y a même pas manqué le diable… Dorian a été notre diable…
Ils se turent tous. Hugues s’enferma dans une réserve hautaine. Il avait tué Dorian parce que, démiurge fou, il avait déchaîné la destruction et la mort sur Volune. Les autres ne pouvaient sans doute lui reprocher ce meurtre, mais ils ne l’oubliaient pas.
Worms, à un hublot, se penchait sur la cité, que les feux de Vol IV commençaient à embraser de phosphorescence violette.
— Il faut partir ! dit le marin.
Hugues eut un imperceptible signe d’acquiescement. Worms poussa des manettes, pressa des boutons. Et le Spationef 27 s’effaça, pour toujours, du monde volunien, projeté par ses vertigineux appareils à plus de trois années-lumière de la constellation.
Maintenant, ils étaient perdus en plein ciel. A travers les hublots de dépolex, ils regardaient, très loin, l’œil humain étant créé pour découvrir l’infini. Sans le secours d’instruments, ils reconnurent de rares étoiles : Ymtos XII, Hll IV, premiers postes avancés du Cosmos.
De l’autre côté, on ne voyait que la tache violacée de Volune, le soleil rallumé, leur soleil, et le cancer livide du maelström qui ouvrait le puits de l’espace.
Tous les regards étaient tournés de ce côté. Ils n’y retourneraient jamais. Ils ne révéleraient pas aux Hommes des Galaxies la possibilité de retrouver la Substance. Mais ils n’oubliaient pas.
D’accord avec Hugues et les savants, Worms mettait le cap sur Ymtos.
— Je me demande, soupira Christian, si, en acceptant cette retraite indigne de vrais Dieux, nous n’avons pas commis une lâcheté. Eux, du moins, nos êtres, ils ne manquent pas de fierté, de virilité.
Brusque, Hugues lui jeta, comme un défi :
— Au moins ai-je réussi cela. Car la virilité des hommes, dès qu’elle s’axe sur la femme, cesse d’être…
Doucement, Jerritz intervint :
— Il y a heureusement autre chose en nous. Quels soleils ne donnent point d’ombre, Hugues ? C’est vrai, les enfants du Chaos sont dignes… et leur fin ne manque pas de grandeur.
Tous avaient tressailli. Il hocha la tête :
— Réfléchissez !… Ils n’ont aucun espoir. Ils n’ont plus assez de moyens pour désintégrer Vol IV… et tous leurs astronefs ont été détruits pendant la guerre des hydres-nuages. Ils ne pourront fuir. Ils vont périr, lentement, dans l’embrasement radioactif de Vol IV. Je souhaite un cataclysme rapide, qui leur épargnerait de longues souffrances…
Silencieux, ceux qui avaient été des Dieux tournaient leurs regards vers Volune la lointaine, qu’ils perdraient bientôt de vue à la vitesse prodigieuse du Spationef 27. Ils imaginaient la mort des êtres qu’ils avaient tirés du Chaos. Repoussant l’aide des Démiurges qui leur avaient donné la souffrance avec la vie, ils avaient préféré la solitude hautaine des condamnés. Sans doute, Aum, Huit et les autres, et tous les Voluniens, savaient qu’ils n’échapperaient pas au vampirisme de Vol IV.
Du moins voulaient-ils périr sans implorer la pitié de ceux qui avaient osé les faire naître.
Des Dieux qui étaient de pauvres Dieux, puisqu’ils n’avaient pas su, auprès de la misère que constitue la condition des vivants, apporter un espoir de salut.
Laissant le commandement du navire de l’espace entre les mains de Worms, Hugues s’éloigna d’un pas chancelant et s’enferma dans sa cabine particulière. Christian s’approcha de Pat, sur un signe discret du professeur Jerritz :
— Ne rêve pas, va… C’est fini ! Il faut travailler, maintenant. Notre voyage est long encore, avant le retour dans le monde solaire. Et l’escale à Volune a causé des dégâts, des retards qu’il faut pallier.
Ils partirent tous les deux à travers les couloirs de l’astronef.
De temps à autre, en passant devant un hublot, ils jetaient un coup d’œil au vide spatial. Le ciel, à présent, semblait presque vide, du côté opposé à Ymtos. Les points indiquant Volune et le maelström ne seraient bientôt plus discernables.
Pat semblait chercher quelque chose, arrêté devant un hublot :
— Dis-moi, Christian… je voudrais me rappeler… Tu te souviens de tes études ?
— Il me semble, fit gaiement le technicien-orienteur. Je suis un cosmonaute passable et…
— Non, je veux dire : tes études littéraires.
Christian fit la moue :
— Oh ! moi, tu sais, je ne suis pas poète. Enfin, vaguement…
— Tout de même, tu as fait tes études sur la Terre ?
— Oui, à Paris. Avec un stage de deux ans sur Jupiter. C’est là, à l’Université de Jovispolis, que j’ai fait la connaissance de Jerritz. Mais pourquoi me demandes-tu cela ?
Pat eut un geste vague :
— Oh ! rien. Je cherchais à situer une phrase exacte. C’est de Voltaire… un écrivain d’il y a six siècles. Un Franco-Terre. Il fait dire à un de ses personnages, le docteur Pangloss : « Tout est pour le mieux… » Non… attends, ce n’est pas cela…
Christian réalisa très bien :
— J’y suis. Je cherche, moi aussi. Je crois qu’il dit quelque chose comme : « Ceux qui ont dit que tout était bien ont dit une sottise… il fallait dire – je ne suis plus très sûr du texte… A peu près : « Il fallait dire que tout est au mieux… » Tu ne crois pas que c’est ça ?
— Oui. Il me semble, dit Patrice. Ce doit être quelque chose comme ça !…
FIN