CHAPITRE IV

Saisis d’horreur émerveillée, les Dieux demeuraient immobiles, tandis qu’autour d’eux les monts voluniens s’embrasaient de mauve.

Ils étaient foudroyés de l’aspect de Vol IV. Depuis la résurrection de la constellation, maudite, ce n’était qu’une petite terre désolée, dénuée d’intérêt, et guère plus importante qu’un satellite martien. On n’avait pas même jugé utile de la coloniser, et elle demeurait parfaitement inhabitée, dénuée de toute atmosphère, sans une goutte d’eau.

Or, maintenant, c’était, non plus un petit globe violacé éclairant vaguement la nuit volunienne, mais une véritable améthyste incandescente, rayonnante de flammes mauves, et sertie, sur l’affreux noir du ciel, d’un halo à l’éclat à la fois assourdi et insoutenable, qui éclipsait les lointaines étoiles du Cosmos.

En même temps, ce torrent de feu, dont la gamme semblait située à l’opposé du spectre cosmique, animait la planète Volune d’un embrasement inattendu. Aux ténèbres dures succédait un velours d’empire endeuillé. Les trois Dieux claquaient des dents, sous leurs casques, saisis d’un étonnement apocalyptique, se demandant déjà si le phénomène n’annonçait pas la fin de leur création artificielle.

Ils voulurent se secouer, s’arracher à l’emprise mauve, à ce feu sombre de cauchemar. Ils utilisèrent, tout naturellement, pour disloquer le maléfice, le moyen ancestral de l’homme qui veut lutter contre sa propre névrose. Ils parlèrent.

Leur verbe trancha l’atmosphère violacée de phrases sèches :

— Mais qu’est-ce qui se passe ?

— Vol IV est transformé !

— Il flambe intérieurement !

— On dirait… Il est presque aussi rayonnant que le soleil !

— C’est de la radioactivité !

Cette phrase, la seule prononcée par Pat, semblait apporter la solution. Le docteur Marcus rappela, de la voix morne et sans passion qui était la sienne depuis peu, qu’on avait décelé, en inspectant Vol IV, des traces de radio-activité.

— C’est juste ! dit Hugues. Toutefois, nous n’avons pas prospecté cette planète. Et l’uranium, et les corps analogues, semblaient nivelés sous de telles couches de rocs qu’il semblait inutile et dangereux d’y risquer la vie de nos êtres.

Pat tendit la main vers la lune volumineuse.

— Et cependant ? Connaissez-vous une autre explication, Hugues ?

Le commandant du Spationef 27 dut bien avouer que, seule, l’hypothèse de Pat se justifiait.

— Sans doute, reprit le jeune savant, l’action solaire, que nous-mêmes comprenons assez mal, a-t-elle provoqué un éclatement de l’écorce de Vol IV, dénudant des couches profondes, où les minerais irradiants, libérés et, qui sait ? créant des combinaisons nouvelles sous l’effet de notre astre cauchemardesque, émettent, à leur tour, ces rayons qui me semblent dangereux.

Comme la lune de la planète-patrie, Vol IV évoquait vaguement un visage humain, un visage grêlé, ravagé, rongé où les cratères et les failles mettaient leurs stigmates de mort éternelle.

Tout cela, dans la nuit volunienne, flambait mauve, et le sol, les roches, les moindres recoins du massif montagneux où se trouvaient les trois Dieux, semblaient gagnés à leur tour par ce cancer aux tons insolites.

Les couleurs montaient, autour d’eux. A la nuit noire succédait une sorte d’état intermédiaire, un crépuscule infernal jailli du pinceau de quelque artiste génial qui n’eut disposé que d’une seule couleur, et en eut joué avec une diversité infinie.

Les pics aigus irradiaient de fusion mauve, comme les piliers d’un palais titanesque, atteignant la voûte où roulait l’astre d’améthyste.

Hugues, Pat et Christian étaient mal à l’aise. Le chef des Dieux, en un geste de défi, leva son pistolet désintégrateur et tira, droit devant lui, pour trouer cette ambiance d’un rayon foudroyant. Mais la flamme se perdit, se fondit dans le grand tout violet, comme se perdaient les lumières des lampes individuelles, et Christian prononça :

— Rien à faire, commandant ! Ce rayonnement insensé absorbe toute flamme, toute lumière, toute couleur. C’est une clarté vampire, qui ronge tout Volune !

Il n’obtint pas de réponse. Il apercevait les visages de Hugues et de Pat, derrière leurs casques de dépolex. Et il voyait que ses compagnons, tout à coup, le regardaient avec effarement.

Il s’inquiéta, redoutant le pire dans ce monde insensé :

— Qu’est-ce que j’ai donc ?… Qu’est-ce qui se passe encore ?…

Il baissa les yeux sur lui-même et poussa une exclamation sourde. Mais Pat lui apparaissait maintenant en transparence, et Hugues également. Et le sol, les roches, les cailloux, la masse même de la montagne paraissaient fondre, tout en demeurant tangibles.

Volune, et ceux que la planète portait, tournaient au transparent. Le mystérieux rayonnement perçait à jour les parois, les vêtements, les épidermes. Des squelettes à la lueur sourde s’agitaient dans un hideux magma de viscères, d’artères, d’organes palpitants, sur un décor de cristal en fusion.

Du moins était-ce sous cet aspect que Pat, Christian et Hugues s’apercevaient mutuellement. Il était hors de doute que Pat avait eu raison en soupçonnant la radio-activité brusquement libérée en Vol IV. Et le satellite rayonnant répandait, vers Volune, une telle bordée, que toute la planète semblait en voie de radiographie.

Cet état de chose était-il périlleux ? Non, sans doute, dans l’immédiat. Mais en quelques échanges de brefs propos scientifiques, les trois Dieux en conclurent que cela ne pourrait durer sans mettre en jeu la vie de tout un monde, ce monde qu’ils avaient voulu créer.

L’exposition quotidienne de Volune au rayonnement infernal, c’était la dévastation et la mort dans un délai qui restait à calculer, mais dont l’issue serait immanquablement fatale.

Christian serrait les poings.

— Il faut sortir de là !… Il faut partir !… C’est à devenir fou !…

— Il faudra surtout détruire Vol IV, gronda Hugues. Nous avons revitalisé une constellation morte, nous lui avons donné un peuple de dix millions d’êtres, ce ne sera qu’un jeu de pulvériser cette lune ridicule !

Ils avaient l’impression bizarre d’être quelque chose comme des insectes de verre, des lucioles diaboliques. A travers leurs moufles, ils pouvaient voir luire doucement les métacarpiens et les phalangettes, au-delà d’un invraisemblable réseau veineux luminescent, évoquant les sillages de phares d’auto sur un cliché surexposé, le tout vibrant au rythme immuable de la vie.

— On nous appelle ! dit soudain Christian.

Des voix angoissées hélaient les Dieux. Ils virent bientôt arriver Aum, Huit et les autres. Le Technocrate Suprême, ses ministres et ses gardes, eux aussi, étaient métamorphosés en statues de verre phosphorescent. Il était curieux de voir, dans cette lumière inquiétante, leur anatomie schématique, presque rudimentaire et le miracle qui était l’homme dont le prodigieux mécanisme, mis à nu, rappelait, avec une douce ironie, la différence existant entre Celui qui avait engendré le Cosmos et les Démiurges des Enfants du Chaos.

Pauvres Voluniens qui n’étaient que de pâles reflets des Humains ! Et pauvres Humains, dont le pouvoir créateur n’allait guère au-delà de la caricature !

Aum se prosterna, supplia les Dieux de sauver Volune et son peuple. Hugues, brusque, le rassura, le tança parce qu’il s’affolait. Mais Christian lui fit observer qu’il serait opportun de courir vers Volunopolis, de rasséréner une population qui devait trembler d’épouvante. Il n’y avait plus d’avion, force fut donc de recourir aux héliscooters.

Les gardes amenèrent leurs engins à la disposition des Dieux et des Pontifes Voluniens. Mais, au moment de l’envol, ceux qui demeuraient supplièrent qu’on ne les laissât pas. Il était curieux de constater que, chez les êtres au mécanisme simplifié, la peur s’implantait, sous le satellite effroyable.

Aum rassura le petit groupe. Cinq proposa de demeurer, courageusement, pour que les gardes ne se sentissent pas abandonnés. Ainsi fut décidé, et Hugues, Aum, Christian, Huit et Pat reprirent la route des airs, chacun sur un héliscooter que pilotait un garde Petit-B.

Les héliscooters étaient des engins biplaces, à selle, peu encombrants et fort maniables. Très en faveur sur les planètes du Cosmos, ils avaient été refabriqués en série sur Volune et y rendaient de très grands services.

Un instant après, les cinq héliscooters survolèrent les massifs montagneux, et un spectacle inouï s’offrit aux regards des Dieux et de leurs créatures.

Le bloc montagneux, tout entier, paraissait composé de cristal, mais un cristal qui eût brûlé d’un feu interne, éblouissant et insaisissable à l’œil comme un liquide de flamme. Les lignes jetaient des stries d’un violet suraigu, la tonalité générale demeurant axée sur la couleur unique, qui dominait tout un monde.

Les engins volants évoquaient cinq gros vers luisants, mauve-feu, filant en direction de la cité, sous les torrents de rayons répandus par Vol IV qui occupait maintenant le zénith et se dressait comme la torche de quelque Titan. Sa lumière de mort sondait, fouillait, dénudait, vitrifiait et révélait, puissance vengeresse cherchant à mettre à nu la vérité de Volune-la-Morte et de sa sacrilège résurrection.

Christian sentait ses cheveux se dresser sur sa tête, et pensait drôlement qu’il devait ainsi avoir l’air d’un hérisson à cheveux étincelants de mauve. C’était peut-être pittoresque et cocasse, mais sûrement fort désagréable.

Pour la première fois peut-être depuis la formidable aventure, le technicien-orienteur du Stratonef 27 allait au-delà de la déception. Il considérait l’expérience, moralement, comme un échec. A présent, il en mesurait les redoutables prolongements.

Ils avaient dépassé Volune, plongé dans le maelström, sondé le puits de l’espace, atteint et violé la Substance. En avaient-ils le droit ?

Dans la pluie de lumière violette, le sol et le sous-sol de Volune étaient cruellement transpercés. Les végétaux schématiques, les eaux artificielles, les animaux de synthèse fuyaient apeurés. Tout cela, et le sol naturel de la planète morte, n’était plus qu’un immense brasier violet, un bûcher sans chaleur, mais que les rayons rongeraient lentement, si les Dieux n’y mettaient bon ordre.

Ils survolèrent Volunopolis, près de l’océan factice aux vagues violettes frangées d’écume mauve, au sein duquel on voyait fuir des poissons du même ton, si foncés qu’ils n’étaient plus que des ombres où luisait en transparence l’armature simplifiée des arêtes.

Une immense rumeur montait de la ville. Pas un Volunien ne dormait. Dans les rues, sur les terrasses, autour des dômes des Départements d’Etat et à bord des navires, des avions, des astronefs ou des héliscooters ; il y avait des millions de Voluniens qui appelaient leurs Dieux. Ils avaient peur du phénomène, et leur rythme de vie étant brisé, ils ne trouvaient aucun moyen de réagir.

La ville semblait un amas de cubes irradiant de l’impitoyable feu mauve, où s’agitaient par millions les êtres phosphorescents, épouvantés de cette transformation visuelle.

Pourtant, une voix s’élevait dans les micros. Une voix qui disait des mots sûrs, doux et sensés, et qui était celle du professeur Jerritz.

Il était demeuré à Volune, avec Dorian, Worms et les autres, et le Stratonef 27 était toujours posé sur la terrasse du palais d’Aum. Jerritz avait, lui aussi, compris le sens de cet événement radioactif, et il cherchait à rassurer les Voluniens en détresse.

Les Dieux, les autres Dieux et leur chef, vinrent se joindre à lui. On promit aux Voluniens de détruire Vol IV avant peu de temps. Mais la voix de tout le peuple criait, hurlait, couvrait la voix des Dieux cependant amplifiée dans les micros.

Finalement, se concertant, les Dieux comprirent, et Aum confirma :

— Ils demandent qu’on abatte le monstre. Ils croient que c’est lui qui a provoqué la transformation de la lune Vol IV…

— Mille météores ! J’aurai la peau du monstre, et avant que Vol IV ne se soit couché sur l’horizon de Volune !

Hugues, fou de sa rage orgueilleuse, venait de lancer ce serment, comme un défi. Christian et Pat auraient pu faire quelques observations, mais c’eût été inutile.

Utiliser le stratonef était impossible, la vitesse des engins spatiaux leur interdisant, par définition, de petits parcours. Et, en aucun cas, en dehors du char des Dieux, Hugues ne voulait demander un autre avion dans la flotte aérienne de Volune.

L’hypothèse sabotage (totalement incompréhensible) demeurait vivace et, de surcroît, il fallait garder certain prestige vis-à-vis des Enfants du Chaos, en repartant tout bonnement avec les héliscooters.

Ce qui se fit. Tandis que Jerritz continuait, avec sa bonté habituelle, à se pencher sur tout un monde pour chercher à y ramener l’apaisement, le chef des Dieux, flanqué de Pat, de Christian, de Huit et d’Aum, repartirent, pilotés par les gardes VII-Petit B.

Ils survolèrent de nouveau la grande planète volunienne. Tout, au sol, dans la cité et dans les plaines, l’océan et les monts, était toujours embrasé de l’extraordinaire feu violet. Toute clarté était dévorée par l’immense rayonnement, qui détruisait les couleurs. Volunopolis se fondit bientôt à l’horizon et le cortège aérien survola de nouveau la chaîne de montagnes.

Christian devinait aisément les pensées de Hugues, lequel devait continuer à fulminer, bien décidé à en finir avec le monstre, ainsi qu’il s’y était engagé vis-à-vis de ses créatures.

Mais, quant à Pat, son attitude morne désolait et intriguait Christian.

— Qu’a-t-il donc ? Certes, il est souvent songeur, un peu mystérieux, mais il n’est plus le même depuis que nous avons exploré le Chaos !…

Au-dessous de lui, il regardait les ravins profonds, les monts aigus, les gorges abruptes, les aiguilles menaçantes. Tout cela irradiant de mauve, comme leurs propres corps à tous, dans un invraisemblable carrousel de fantasmagorie qui rappelait, en plus sinistre, la lumière noire des théâtres de la planète-patrie.

Si Christian, toujours à califourchon sur l’héliscooter, tournait la tête, il savait que tournait un globe phosphorescent, veinulé de stries mauves, où dansait un crâne de sombre lumière, monté sur des vertèbres aux reflets violacés.

Et il voyait d’autres squelettes, parfaits dans leur complexité, comme ceux d’Hugues et de Pat, les Dieux-Hommes, ou simplifiés, presque sommaires, ceux des êtres, en un prodigieux écran de radiologie, un écran à quatre dimensions qui eût contenu un univers tout en en révélant la contexture la plus subtile.

Christian se croyait plongé dans un cauchemar, mais tout cela n’était que trop réel.

Les pilotes, fort habiles, retrouvèrent bientôt le ravin où demeurait le groupe escorteur. Les héliscooters se posèrent. Les gardes coururent à leur rencontre et se prosternèrent. Plusieurs d’entre eux voulurent parler à la fois. Hugues, Christian, Pat, Aum et Huit durent élever la voix et les prier de s’expliquer posément.

Mais le Technocrate Suprême s’étonnait :

— Où est le ministre Cinq ? Appelez-le… Lui va nous expliquer.

Un garde, d’une voix hésitante, prononça :

— Aum Suprême… Il est… Cinq n’est plus ici !

— Hein ?

Cette exclamation, bien humaine, avait été poussée par Christian et par Hugues. Ils houspillèrent le garde.

— Parle ! Où est Cinq ? Que s’est-il passé ?

Ce ne fut pas très long à comprendre. Pendant leur incursion à Volunopolis, un incident s’était produit dans le ravin. Quatre des gardes avaient dû voir le monstre, car ils avaient abandonné leurs compagnons, emportés ou entraînés par lui, on ne savait. Cinq, courageusement, domptant sa terreur et sa répugnance, s’était élancé à leur poursuite. Et, lui aussi, avait été victime de l’incompréhensible démon.

Ce qui expliquait le désarroi et la terreur des gardes.

Pat se taisait, plus accablé que jamais. Hugues piaffait de colère. Jamais le surhomme n’avait été si peu maître de lui, et cette attitude intéressait beaucoup Christian, qui ne le connaissait guère sous un tel jour.

Le squelette luminescent d’Hugues oscillait, agité de curieuses vibrations. Le chef des Dieux ordonna :

— J’irai, moi aussi, à sa recherche. Je le trouverai ! Christian ! Pat ! Venez avec moi !

Pat ne répondit pas. Christian, lui, s’avança.

— Commandant Hugues !

— Oui ? Je vous écoute.

— Il serait bon, dit posément l’officier du spationef, de prendre des décisions.

Hugues leva son crâne irradiant. Il était difficile dans la clarté ultra-mauve de lire les réactions sur les visages.

— Je ne vous comprends pas. Des décisions, j’en prends, et…

Christian, brusquement, éleva la voix :

— Vous rendez-vous compte du ridicule où nous sommes plongés ? Moi, je vous le déclare tout net, j’en ai assez de jouer au dieu. Nous sommes des hommes, Hugues. Et c’est avec des moyens humains que nous arriverons à bout de cette énigme qui désole Volune !

Il ne pouvait lire, dans le magma en fusion que représentait la tête du commandant, le mépris qui devait animer les traits de son visage :

— Nous sommes des Hommes, Christian ? Mais nous avons créé, malheureux ! Nous sommes plus que des Hommes ! Nous avons atteint la Substance, nous l’avons asservie, domestiquée ! Nous avons rallumé un soleil, fait jaillir des eaux, conçu des plantes et des animaux. Enfin nous avons doté un monde de dix millions d’âmes.

Christian ricana :

— Ah ! non ! Pas cette formule ! Elle est bonne pour les statistiques de la Terre ! Direz-vous qu’ils ont une âme, nos pauvres robots ?

— Qu’importe ! Les autres, les Hommes… en ont-ils une ? Une âme ? Qu’est-ce que cela veut dire ?

Christian trancha :

— D’ailleurs, inutile de nous lancer dans la métaphysique. Je veux simplement vous dire ceci : notre expérience est une immense foutaise !

— Je ne vous permets pas…

— Et vous le savez aussi bien que moi. Nous avons joué avec la Substance. Mais le vin est tiré et il faut le boire. Sauver Volune à tout prix ! Mais pas en jouant aux petits Dieux. Par radio, demandez dix avions, et un bataillon entier. Il y a un Ministre des Sports et des Combats qui entraîne des êtres. Ils n’ont jamais combattu, sinon entre eux, aujourd’hui, voilà l’occasion. Investissez les monts de Volune. C’est facile ! Il y a ici quelque chose d’insensé et nous aurons du mal à en venir à bout !

Il se tut. Hugues s’agita, c’est-à-dire que Christian vit frémir le corps luminescent où irradiait le squelette de flamme violacée.

— Que proposez vous Christian ?

— Je viens de vous le dire !

— Je refuse. Parce que nous allons déchoir de notre rang. Vous n’y croyez pas ? C’est votre droit. Mais j'ai juré la perte du monstre. Je tiendrai parole. Et si vous refusez de me suivre…

— Hugues, dit Christian, plus calmement, un peu de raison. Dès le matin, tout ira mieux. Vol IV va descendre sur l’horizon, le soleil violet ramènera le jour normal, enfin le jour normal de Volune. Délivrés de cette irradiation qui fouille jusqu’au fond de nous-mêmes, nous agirons ! Je vous avoue que j’ai peu de goût à vivre dans cet univers qui ressemble à un immense cliché radiologique… ou à un négatif…

Il fit un geste désabusé :

— Négatif. Oui, c’est cela… Volune, c’est le négatif du monde !

— Assez ! hurla Hugues, ce qui fit frémir les êtres, un peu à l’écart des deux Dieux qui discutaient. Je vais chercher l’ennemi. J’agirai seul s’il le faut…

— Dans ce monde en teinte demi-deuil ! Prenez garde !

— Je me passerai de vous !… Pat !… Venez ici, Pat ! Docteur Patrice Marcus, où êtes-vous ?

Mais Patrice ne répondait pas.

Chritian, à son tour, en fut angoissé. Ils l’appelèrent, le cherchèrent. Ni Aum, ni Huit, ni aucun des gardes ne l’avait vu. Il s’était tenu en dehors de la dispute, et, depuis, nul ne savait où il était.

Au fond du ravin s’agitaient les formes intra-lumineuses des deux Hommes et toutes celles, plus simplettes, des êtres, fouillant les rochers translucides, le sol luminescent, les montagnes cristallines et les massifs vitrifiés.

Dans ce formidable bloc ruisselant de feux violets, sous l’éclat terrible de Vol IV qui commençait cependant à descendre vers l’horizon des plaines, il n’y avait plus aucune trace de celui qu’il cherchait, Incursion du monstre ? Fugue incompréhensible ? Désaveu de l’attitude de ses compagnons ? On ne savait.

Christian, bouleversé de chagrin, Hugues, ulcéré de colère, durent bien se rendre à l’évidence. Une énigme de plus s’ajoutait aux mystères de Volune, avec la disparition de Pat…