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Le Sang des Princes

Khemri, la Cité Vivante, en la 46e année d’Ualatp le Patient

(–1950 du calendrier impérial)

Le prêtre-roi de Khemri se tenait en plein soleil et tentait de ne pas penser au sang.

Il se trouvait sur une plate-forme de contremaître, à l’orée de la plaine des Rois, observant les ouvriers travailler aux fondations de la Pyramide Noire. Sur son ordre, la grande plaine située au cœur de la nécropole de la cité avait connu une transformation radicale. Son plan de l’édifice exploitait chaque hectare disponible réservé aux futurs rois, mais il ne s’arrêtait pas là. Des dizaines de cryptes mineures s’étaient vues démontées et déplacées vers d’autres parties de la nécropole pour faire de la place aux tailleurs, aux échafaudages et à un vaste dépotoir. Une large avenue courait désormais au nord de la grande plaine et là encore, il avait bien fallu démolir des cryptes pour faire passer les gros blocs de marbre apportés par les barges fluviales. Pour l’instant, elle servait surtout à l’évacuation des centaines de chariots de sable que l’armée d’esclaves déblayait chaque jour pour préparer les chambres souterraines de la pyramide. Une fois achevé, le monument allait non seulement surpasser de très loin tous les autres édifices de la nécropole, mais également ceux de tout Nehekhara. Telle était l’ambition du roi.

Nagash se serra les bras autour de la poitrine. Malgré la chaleur qui régnait dans la journée, il était glacé jusqu’aux os et la fatigue le minait physiquement. Il allait devoir se nourrir très bientôt. Des mois d’expérience lui avaient permis de peaufiner le processus d’absorption du sang des vivants, mais ses effets restaient très fugaces. Selon la qualité de la source, le roi pouvait jouir de quelques jours de vigueur, voire d’une semaine.

Mais les avantages étaient stupéfiants. Nagash ne se rappelait pas avoir joui d’une force et d’une clarté de pensée pareilles de toute sa vie, mais chaque fois que les effets s’estompaient, il se sentait un peu plus faible que précédemment. Ni la nourriture ni le sommeil ne pouvaient alors le débarrasser de ce froid atroce qui le glaçait jusqu’aux os, ou de cette faiblesse qui faisait de lui un enfant sans défense. La seule réponse à sa condition était l’ingestion de sang frais.

Heureusement, les réserves du roi étaient fournies en la matière.

Il y avait une demi-douzaine de camps d’esclaves entourés de tranchées et de palissades en bois, sans compter les patrouilles de cavaliers. Depuis le sac de Zandri, plus de trente mille ouvriers avaient été réunis pour assurer la mise en œuvre du projet grandiose de Nagash, dont le gros de l’armée du roi Nekumet et les deux tiers des habitants de la ville. Cependant, il en arrivait toujours plus chaque jour car les autres grandes cités de Nehekhara payaient un tribut pour ne pas subir le même sort que Nekumet et les siens.

Grâce au contingent de mercenaires de Zandri, la bataille de la route de Khemri avait connu une issue rapide et concluante. Les superstitieux barbares du nord ne croyaient pas aux dieux des Terres Bénies et ne jouissaient donc pas de la protection des incantations des prêtresses de Neru. Ils n’en furent que plus vulnérables à la sorcellerie de Nagash qui, au cours de la nuit, leur envoya toutes sortes de visions fantomatiques et de présages de mauvais augure. Au milieu de la nuit, ils cédèrent à la panique et menacèrent de provoquer une émeute. Lorsque Nekumet et ses nobles tentèrent de rétablir l’ordre, les mercenaires se soulevèrent.

Un véritable chaos s’abattit sur le camp ennemi et l’armée de Zandri connut de violents combats pendant plusieurs heures. À l’aube, les mercenaires survivants réussirent à filer vers le sud, en direction du désert. Les troupes de Nekumet étaient désormais épuisées, affamées et découragées, et leur camp n’était plus qu’un champ de ruines. Les survivants hébétés essayèrent de sauver ce qui pouvait encore l’être, et c’est à ce moment-là qu’apparut derrière eux l’armée de Nagash en bon ordre de bataille.

Malgré tout ce qu’elles avaient enduré pendant la nuit, les troupes de Nekumet formèrent les rangs et livrèrent bataille, mais elles subirent aussi les assauts de la cavalerie d’Arkhan, si bien que leurs lignes se désagrégèrent totalement sous cette double pression. En milieu de matinée, le roi Nekumet soumit les conditions de sa reddition à Nagash, qui les refusa. Il était hors de question de négocier. L’armée de Zandri devait se rendre sans la moindre réserve, sous peine d’être massacrée jusqu’au dernier homme. Consterné, Nekumet n’eut d’autre choix que d’accepter.

À la fin de la journée, les survivants de l’armée de Zandri furent désarmés et enchaînés de manière à former de longues lignes d’esclaves envoyés à Khemri. Privé de sa couronne et de sa robe royale, Nekumet fut vêtu de grosse toile et renvoyé chez lui sur une mule infestée de puces. Ce n’est qu’en arrivant aux portes brisées de Zandri qu’il sut ce que Nagash avait fait à sa cité.

Colportée par les ambassadeurs choqués qui fuirent la cité en ruine, la nouvelle de la bataille se répandit à Nehekhara comme une tempête de sable. À Khemri, une foule de citoyens descendit dans les rues pour acclamer son roi conquérant. La Cité Vivante venait de retrouver sa prééminence, et la grande œuvre de Nagash pouvait commencer pour de bon.

Le roi inspecta une nouvelle fois l’avancée des excavations et hocha la tête d’un air songeur. Un petit groupe d’érudits et d’esclaves se tenait près de lui, chargés de copies des plans de la pyramide. À sa droite se tenait Arkhan le Noir, vêtu d’une robe somptueuse et portant de nombreux anneaux d’or volés à la noblesse vaincue de Zandri. Il s’était vu récompensé pour ses nombreux efforts contre l’armée de Nekumet, et était désormais le vizir principal du roi, si bien qu’il supervisait l’édification de la Pyramide Noire. En outre, il était le premier des vassaux de Nagash à avoir goûté l’élixir du roi et profité de sa grande vitalité.

Nagash fit une estimation de l’avancée des travaux et jugea que tout se passait comme prévu.

— Continue comme ça, dit-il à son vizir. L’excavation se poursuivra jour et nuit jusqu’à son terme.

— Cela inclut-il nos citoyens ou juste les esclaves ? prit soin de demander le vizir.

Pour accélérer la construction, Nagash avait fait envoyer les criminels de la cité dans les camps d’esclaves et tous les citoyens effectuant leur service civil annuel contribuaient eux aussi à la construction. Dans l’attente, les routes et infrastructures de Khemri risquaient de souffrir par manque d’entretien.

Nagash réfléchit à la question et fit un geste de la main.

— Réserve les tâches les plus difficiles et dangereuses aux esclaves, mais chacun doit apporter sa pierre à l’édifice.

— Comme vous voudrez, mais les accidents risquent de se multiplier parmi les esclaves. Nous en avons déjà perdu beaucoup en raison de la faim et des maladies.

— Des maladies ? fit le roi en se renfrognant. Comment est-ce possible ?

Le vizir parut mal à l’aise. Lui aussi commençait à sentir les affres de la faim. Il avait les yeux caves et ses mains tremblaient légèrement en raison du froid.

— Les prêtres d’Asaph et de Geheb ne semblent pas particulièrement pressés de combattre les maladies qui sévissent dans les camps. Je me suis plaint auprès des hiérophantes, mais ils prétendent que les prêtres ont à gérer des affaires plus pressantes.

— Comme tenter de saper mon règne, gronda Nagash.

Depuis son accession au trône, les temples de la cité constituaient une gêne permanente. Ils envoyaient les doyens aux grandes assemblées pour lui demander de libérer Néferem et d’abdiquer une fois Sukhet adulte. Leurs acolytes propageaient parmi la population des rumeurs selon lesquelles les dieux étaient mécontents de son règne, et puniraient Khemri si rien n’était fait pour le chasser. Nul doute qu’ils recevaient leurs ordres du Conseil Hiératique de Mahrak, qui avait tout intérêt à garder son influence sur les affaires nehekharéennes. S’il avait eu la moindre chance de s’en débarrasser, Nagash lui aurait volontiers envoyé ses guerriers pour sortir ces maudits prêtres des temples et les mettre au travail au côté des esclaves, mais le conseil avait trop d’influence et de pouvoir sur les autres grandes cités, si bien qu’il devait supporter ses ingérences.

Un frisson parcourut le roi. Il serra plus fort encore les bras et jeta un nouveau regard aux fondations de la pyramide.

— Tous les ouvriers qui périssent, et notamment ceux qui meurent sur le site d’excavation, seront ajoutés à la structure interne de la pyramide. Ensevelis-les dans le substrat. Lie les pierres avec leur sang et leurs os. Peu importe la façon dont tu t’y prends, tant que leurs cadavres finissent dans la pyramide. Tu as compris ?

Le vizir opina du chef. De tous les vassaux du roi, Arkhan était celui qui saisissait le mieux les principes de la nécromancie. Les énergies funèbres contenues dans la pyramide offriraient une plus belle harmonie avec les invocations de Nagash, et rendraient l’édifice beaucoup plus réceptif aux vents de magie noire.

— Comme vous voudrez, dit-il en s’inclinant une nouvelle fois.

Satisfait, Nagash était sur le point de prendre congé et de s’en retourner à ses études au palais lorsqu’il aperçut Khefru gravir à toute allure les marches de la plate-forme. Tout comme Arkhan, le jeune prêtre avait bu lui aussi l’élixir magique du roi, mais cela avait été à la demande expresse du souverain. La répugnance qu’exprimait le serviteur déconcertait Nagash, mais Khefru avait lui aussi retrouvé toute sa vigueur.

Le jeune prêtre s’approcha du roi et s’inclina. Nagash l’observa avec insistance.

— Pourquoi n’es-tu pas au palais ? demanda-t-il.

Khefru était notamment chargé de surveiller Néferem et son fils, séparés l’un de l’autre dans différentes parties du palais. Le serviteur s’arrêta quelques instants pour reprendre son souffle. À la lumière du soleil, sa peau pâle affichait un teint cireux.

— Un groupe de reconnaissance est arrivé en ville il y a une heure en affirmant qu’il précédait une délégation royale de Lahmia. Le roi Lamasheptra arrivera en fin d’après-midi et demandera une audience à la grande assemblée prévue ce soir.

Le roi afficha une mine sombre.

— Eh bien, il ne fait aucun doute que Lamasheptra va demander à voir sa sœur Néferem et son fils.

— La pointe d’avant-garde n’en a rien dit, répondit le jeune prêtre.

Nagash fixa son interlocuteur.

— Ne sois pas idiot, grogna-t-il. Pourquoi donc le roi lahmian renoncerait-il à ses luxes pour traverser la moitié du pays ?

Nagash fut parcouru d’un frisson qu’il réprima en serrant les dents. L’espace d’un instant, il se demanda s’il ne valait mieux pas se nourrir avant la rencontre avec Lamasheptra, mais cette simple idée ne fit que renforcer son état de faiblesse et il la chassa de son esprit.

— Honnêtement, ce n’est pas une surprise, reprit-il. Je savais que Lamasheptra finirait par rassembler son courage à deux mains pour venir éprouver la force des vieilles alliances. Avec combien de guerriers vient-il ? fit-il en lançant un regard noir à Khefru.

— Une poignée d’ushabti et un escadron de cavaliers. C’est tout, répondit le prêtre avec un haussement d’épaules.

Nagash hocha la tête.

— Dans ce cas, il ne fera rien d’imprudent. Très bien, dit-il en adressant un geste d’impatience à Khefru. Informe Néferem et Sukhet qu’ils assisteront à la grande assemblée, ce soir. Qui sait, peut-être la simple vue de son fils après tant d’années finira-t-elle par briser l’obstination de Néferem. Cela donnerait presque un sens à cette farce.

La délégation lahmiane arriva à la Cour de Settra dans une véritable fanfare de trompettes et de clochettes de cheville, le tout accompagné du doux murmure de la soie et des bruits de pas nus sur le marbre poli. Toutes les conversations cessèrent et les têtes se tournèrent alors qu’une demi-douzaine de danseuses se frayaient un chemin dans l’allée centrale étincelante, tournoyant au beau milieu de rubans orange, jaunes et rouges telles de séduisants esprits du soleil. Les nobles blasés de tout Nehekhara oublièrent ce qu’ils disaient une seconde plus tôt, comme hypnotisés par les épaules nues, les hanches rondes et les yeux sombres aguicheurs.

Derrière les danseuses vint le roi lahmian, qui parcourait l’allée centrale à grandes enjambées, laissant dans son sillage un envoûtant nuage d’encens opiacé. Lamasheptra était mince et gracieux, et il avait le pas aussi preste et léger que les danseuses qui le précédaient. C’était un beau jeune tout juste sorti de l’adolescence. Les rois de Lahmia se mariaient sur le tard, prétendant servir au mieux leur déesse en se vautrant dans la décadence de leur cité. Lamasheptra avait encore de nombreuses années de culte devant lui. Son doux visage dénué de rides avait la couleur du miel et affichait de grands yeux brun clair. Il avait le nez saillant et des lèvres pleines et sensuelles, flanquées d’une courte barbe, et de noirs cheveux frisés qui lui tombaient aux épaules. Contrairement aux autres jeunes nobles, Lamasheptra portait une ample robe jaune ouverte au niveau de la poitrine et un pantalon de soie à motifs. Ses mains soyeuses étaient quant à elles recouvertes d’anneaux d’or et une boucle sertie d’un rubis brillant lui pendait à l’oreille gauche. Les nobles réunis contemplaient le roi lahmian comme s’il s’agissait d’une espèce d’animal exotique et Lamasheptra se délectait de cette attention.

Il n’y avait pas si longtemps que cela, la cour du roi n’était qu’une vaste salle vide, y compris du temps des grandes assemblées de Thutep. Désormais, l’endroit était plein comme il aurait toujours dû l’être. Des dizaines de nouveaux aristocrates parés de pagnes aux couleurs criardes et de demi-capes se tenaient là, bouche bée devant la procession lahmiane. De leur côté, les ambassadeurs de Numas, Rasetra, Lybaras et Ka-Sabar restaient entre eux en chuchotant. Les premiers émissaires étaient arrivés dans le mois qui avait suivi la victoire du roi sur Zandri et avaient écouté avec crainte Nagash les instruire de la nouvelle donne à Nehekhara. Après ce qui était arrivé à Zandri, nul n’osa contredire l’homme que certains appelaient l’Usurpateur.

À l’autre bout du grand hall, réunis tels une meute de chacals menaçants, se tenaient les élus du roi, ses vizirs et capitaines, en bref tous ceux qui le servaient en tout premier lieu. Ils observèrent Lamasheptra et son escorte s’approcher avec le regard de prédateurs. Parmi eux, perché sur le trône noir de Settra le Grand, se trouvait le roi Nagash. Il avait les yeux braqués sur les Lahmians, mais son visage était parfaitement neutre.

Arrivées à une dizaine de pas de l’estrade, les danseuses s’arrêtèrent et s’inclinèrent, leurs rubans de soie continuant malgré tout de s’agiter autour d’elles comme des langues de flammes. Lamasheptra passa entre elles et vint jusqu’aux marches de pierre, si près en fait qu’Arkhan et Shepsu-hur durent s’incliner et laisser passer le souverain.

Lamasheptra tendit les mains pour saluer son homologue, auquel il adressa un sourire éblouissant.

— Salutations, cousin, dit-il à l’Usurpateur. Je suis Lamasheptra, quatrième du nom, fils du grand Lamasharazz. C’est un honneur de vous rencontrer enfin.

— J’en suis heureux pour vous, dit froidement Nagash en affichant un léger sourire accompagné d’un regard d’une profondeur abyssale. Cela faisait quelque temps que les fils de Lahmia n’avaient pas rendu visite au roi de la Cité Vivante. Je commençais à croire que votre père et vous cherchiez à m’offenser.

L’horreur se dessina sur le visage des danseuses, mais Lamasheptra ne broncha pas.

— Le voyage jusqu’à la Cité Vivante est très long, mon cousin, fit le roi lahmian d’un ton caressant. Autant dire que les cours d’eau et les routes envahies de sable se moquent de vous, fit-il, déclenchant ainsi des rires nerveux de la foule et les regards courroucés des élus du roi, auxquels il n’accorda pas la moindre attention. Je ne souhaite offenser aucun de mes cousins, et certainement pas celui qui s’est emparé d’un tel trône.

— Voilà qui est bien dit, répliqua Nagash d’un ton imperceptiblement menaçant. Dans ce cas, quelle est la raison de cette visite ?

— Quelle question ! Devoir et loyauté, fit Lamasheptra, sans oublier l’amour de la famille. Avant de mourir, mon saint père m’a fait promettre devant la déesse de porter ses bénédictions à son neveu Sukhet, qu’il n’a jamais connu. Il m’a aussi prié de transmettre ses adieux à sa sœur Néferem. Et c’est donc pour tenir parole que j’ai entrepris ce long voyage.

— Pour Néferem et Sukhet, mais pas pour moi, cher cousin ? demanda Nagash.

Lamasheptra se mit à rire, comme si Nagash avait lancé un trait d’humour.

— Comme si je pouvais ignorer le grand prêtre-roi de Khemri ! Naturellement, je suis aussi venu vous rendre hommage et vous assurer de l’estime indéfectible de Lahmia.

— Rien ne me ferait plus plaisir, rétorqua Nagash. Depuis des siècles, Khemri prise l’estime de Lahmia plus que celle de toute autre cité. À l’instar des autres cités de Nehekhara, j’imagine dans ce cas que Lahmia apportera une preuve matérielle de cette estime.

— L’estime n’a pas de prix, cher cousin. Mais comment vous convaincre ?

— Avec mille esclaves, fit Nagash d’un haussement d’épaules. Un présent assurément modeste pour une cité aussi riche que la vôtre.

— Mille esclaves par an ? demanda Lamasheptra en fronçant les sourcils.

— Certainement pas, fit Nagash en haussant les épaules. Mille par mois, pour contribuer à la grande œuvre que j’élève dans la nécropole de Khemri, mais aussi dans l’intérêt de la paix, cela va de soit.

— La paix. Bien entendu, répondit le Lahmian. Et un prix nettement inférieur à celui que Zandri a dû acquitter, j’en suis certain.

— En effet. Je suis heureux que vous compreniez.

Le Lahmian acquiesça de la tête.

— N’ayez crainte, cousin, je comprends beaucoup de choses, répondit-il avant de faire un signe de la tête en direction du trône situé à la droite de Nagash. Eh bien, je ne vois pas ma noble tante et son fils. J’ai entendu de nombreux récits traitant de la beauté légendaire de Néferem, mais je ne l’ai jamais vue, ajouta-t-il en s’inclinant légèrement en direction du trône. La population de Lahmia m’a chargé de lui remettre un présent, afin de l’assurer de son amour et de son dévouement. J’espère que vous me permettrez de le remettre à la Fille du Soleil en personne.

— Nous sommes toujours heureux de recevoir des présents d’autres cités, fit Nagash avec dédain. Apportez-le et voyons de quoi il s’agit.

Lamasheptra afficha un large sourire et fit un geste à l’intention de son escorte. Une silhouette jaillit du cadre de gardes du corps, de courtisans et d’esclaves pour se précipiter au pied de l’estrade. Nagash vit qu’il s’agissait d’un garçonnet de moins de quinze ans, qui portait une robe jaune de prêtre de Ptra. L’enfant vint se placer au côté de Lamasheptra et s’inclina très respectueusement devant Nagash.

Le roi de Khemri lança un regard noir au garçonnet.

— Est-ce une plaisanterie ? demanda-t-il.

— Je comprends votre réaction, cher cousin, mais je puis vous assurer que Nebunefer est un prêtre sanctifié. Les prêtres de Mahrak eux-mêmes affirment qu’il est le jeune homme le plus doué de sa génération et que le Grand Père lui a réservé une destinée très spéciale. Mais en attendant, il restera près de la reine et veillera à ses besoins spirituels, car elle ne peut assister aux rites au temple de la cité.

Nagash s’efforça de dissimuler son agacement. Le dameret lahmian était malin, mais à quoi jouait-il ? Le Conseil Hiératique l’avait-il payé pour laisser ce petit espion au palais ou Lamasheptra était-il l’allié de ces maudits prêtres ?

Bien sûr, il pouvait refuser ce présent, mais cela serait interprété comme un signe de faiblesse et Mahrak continuerait d’en envoyer jusqu’à ce qu’il cède. Nagash observa le garçonnet avec méfiance. Nebunefer avait le visage ouvert et affichait toute la confiance de la jeunesse. Le roi se demanda quel goût pouvait avoir son sang et sourit.

— Bienvenue, mon garçon. Sers la reine comme il se doit, et tu en seras grandement récompensé.

Nebunefer s’inclina à nouveau. Les yeux de Lamasheptra brillaient de triomphe.

— Où sont ma bien-aimée tante et son fils ? Je pensais la trouver ici, à veiller sur ses invités et loyaux sujets, comme le doit tout bon souverain.

Nagash dévisagea Lamasheptra pendant un long moment, dans le plus grand silence. Puis, il leva la main droite et fit un geste en direction des ombres situées derrière le trône.

Des chuchotements se firent entendre dans l’obscurité, suivis par des pas traînants. La première personne à apparaître ne fut pas Néferem ni même Sukhet, mais un vieil homme boiteux et brisé. Son crâne chauve était couvert de cicatrices, ses lèvres pendaient mollement, mais ses yeux bleus témoignaient d’une certaine vivacité. Ghazid, le dernier grand vizir de Khemri, se retourna et fit un geste en direction des ombres tel un enfant appelant ses camarades de jeu. Il ignora totalement les visages curieux de la foule, car les regards d’horreur et de pitié n’avaient plus aucun sens pour lui. Nagash l’avait épargné la nuit même où il avait enterré vif son frère, mais certainement pas par miséricorde. Il avait confié le vieil homme aux bons soins de ses vassaux, qui l’avaient torturé avec une grande créativité pendant de longues années. L’âge et les souffrances l’avaient privé de sa grande intelligence et il n’était plus qu’un enfant prisonnier du corps d’un vieillard. Ensuite, Nagash l’avait offert à Néferem et Sukhet.

Ghazid appela à lui un grand jeune homme au port noble. Celui-ci était vêtu de beaux atours, avec un pagne et une cape de brocart lamé, ainsi que le fronteau doré seyant à son rang de prince. Sukhet avait les traits de son père et l’allure de son illustre grand-père, avec son regard perçant et sa mâchoire carrée. La foule réunie eut le souffle coupé de surprise et même Lamasheptra parut ébranlé par le port royal du jeune homme.

Sukhet, le fils de Thutep, affichait une grande dignité et une belle prestance. Il passa devant le grand trône comme s’il était inoccupé et descendit les marches de pierre jusqu’au roi lahmian. Un véritable sentiment de malaise s’empara des élus du roi à la vue du jeune prince. Arkhan en particulier vit en lui une espèce de serpent venimeux.

Lamasheptra lui sourit avec chaleur, en faisant abstraction des regards inquiets des nobles qui l’entouraient. Il tenta bien de parler, mais les mots moururent dans sa bouche en voyant la Fille du Soleil sortir de l’obscurité, derrière le trône de Nagash.

Elle portait une simple robe d’un blanc immaculé, serrée à la taille par un ceinturon de cuir et de cuivre satiné qui lui pendait légèrement aux hanches. On lui avait lavé ses longs cheveux noirs au moyen d’huiles parfumées avant de les coiffer en arrière et d’en faire une grosse natte qui lui tombait presque à la taille. Ses yeux verts et éclatants ressortaient dans leurs orbites noircies de khôl, mais son visage n’affichait pas d’autre baume ou coloration. Elle avait les pieds et le front nus. Elle avait donc laissé derrière elle sa lourde cape et son fronteau doré de reine, tout comme les bracelets et anneaux d’or de Lahmia. Néferem, la reine de la Cité Vivante et Fille du Soleil, se drapait dans l’angoisse et le déchirement. Son visage offrait un masque blafard, beau mais impavide, à l’image d’une gravure de sarcophage.

La reine n’était plus une jeune femme. La vie et le chagrin avaient laissé leur trace sur ses traits, si bien qu’elle faisait beaucoup plus que son âge. Son apparition suscita des cris étouffés, et même Lamasheptra parut bouleversé. Le roi fit un demi-pas en arrière, comme si on lui avait donné un coup. Pendant une fraction de seconde, ses yeux bruns fixèrent l’homme assis sur le trône de Khemri puis, lentement et révérencieusement, le roi de Lahmia se mit à genoux devant Néferem.

Dans un bruissement de soie et de brocart, le reste de la cour en fit de même. Certains s’agenouillèrent avec grâce, mais d’autres tombèrent tout simplement d’émerveillement. Quelques instants plus tard, ne restaient debout que les élus du roi, qui se regardaient avec une certaine inquiétude, et le fils de la reine, Sukhet.

Le prince se retourna et vit sa mère pour la première fois depuis près d’une décennie.

Nagash observa le couple et s’efforça de réprimer sa colère. Il venait de commettre une erreur. Il aurait dû organiser une rencontre privée entre Lamasheptra et Sukhet au lieu de permettre un tel spectacle. Il espérait démontrer à tous son emprise sur l’épouse de Thutep et l’héritier en les autorisant à se présenter brièvement à la cour, mais c’était sans compter sur de vieilles superstitions et la sensiblerie de la population.

Sukhet plongea les yeux dans ceux de se mère et s’oublia complètement. Renonçant à toute forme de dignité, il se précipita vers elle. Stupéfaite, Néferem avança vers lui comme dans un rêve, et le prince lui prit les mains pour les poser contre son front en signe de révérence.

Le regard braqué sur Lamasheptra, le roi de Khemri ne prêta aucune attention à cette scène larmoyante. Le Lahmian contemplait la mère et son fils d’un air mystique qui dissimulait à peine un regard calculateur.

À ce moment, Nagash comprit que Sukhet devait mourir.

Ils vinrent au plus fort de la nuit, alors que le reste du palais dormait. La cellule de Sukhet se situait à deux niveaux sous le palais tentaculaire, dans une salle étriquée jadis réservée au stockage d’épices et de vin. Toute cette section de l’édifice était abandonnée depuis l’ère de Khetep, des décennies plus tôt. Seuls Khefru et Ghazid en empruntaient les couloirs obscurs, et seul le serviteur de Nagash avait la clef de la chambre du prince.

Khefru ouvrait la voie, tenant bien haut une lampe à huile d’une main tremblante. Le prêtre se déplaça avec assurance et précision dans les couloirs labyrinthiques jusqu’à arriver devant une lourde porte en teck parfaitement quelconque. Il farfouilla dans ses robes pendant de longues secondes avant d’en sortir une longue clef de bronze ternie qu’il enfonça dans la serrure de la porte.

La clef tourna en produisant un véritable vacarme. Khefru entreprit d’ouvrir la porte, mais Arkhan le Noir avança et écarta brutalement le serviteur de son chemin, au point que la lampe à huile alla s’écraser au sol. Raamket et Shepsu-hur lui emboîtèrent aussitôt le pas.

La pièce était minuscule et faisait à peine douze pas sur six. Contre un mur apparaissait un petit lit au pied duquel se trouvait un coffre en bois de cèdre renfermant les vêtements du prince. Contre le mur opposé se trouvait une petite table accompagnée d’une chaise et d’une lampe à huile, où le prince prenait ses repas et lisait les ouvrages de la bibliothèque qu’on lui apportait. Bien qu’il fût autorisé à se promener dans certaines parties du palais, c’est dans cette pièce qu’il avait passé la majeure partie des dix dernières années.

Ghazid se releva de sa paillasse, le visage animé par l’effroi. Il poussa une sorte de cri de terreur enfantin lorsque Raamket le saisit par les bras dans le but de le pousser sur le côté. Le serviteur s’écrasa contre le mur en pierre situé près de la table et s’écroula.

Sukhet bondit du lit alors que les deux nobles étaient presque sur lui. Raamket lui arriva dessus le premier et lui saisit le bras gauche. Sukhet lui porta un coup aussi sec et son assaillant poussa un grand cri de douleur. En effet, le prince venait de lui planter un petit couteau de table au niveau de la clavicule, à quelques centimètres du cou.

Shepsu-hur arriva lui aussi et son poing s’écrasa en plein milieu du visage du prince, lui cassant le nez tout en lui ouvrant les lèvres. Poussé par la force du coup, Sukhet rejeta la tête en arrière et heurta le mur avant de s’effondrer.

Raamket et Shepsu-hur prirent le prince par les jambes et le traînèrent au sol. Ghazid, qui retrouvait ses sens, resta prostré contre le mur et se mit à gémir de terreur. Sukhet cracha du sang et tenta de se libérer de la poigne de ses agresseurs, mais une ombre apparut alors sur le pas de la porte.

Nagash s’approcha et se plaça au-dessus du prince, avec une paire d’aiguilles en cuivre entre les mains.

— Immobilisez-le ! gronda-t-il.

L’odeur métallique du sang emplissait maintenant la pièce, au point que le roi affamé fut pris de vertiges.

Le visage déformé par l’effort, Shepsu-hur et Raamket raffermirent leur prise. Nagash plongea tel un serpent et enfonça les aiguilles dans le corps de sa victime. La douleur immobilisa instantanément Sukhet et les gémissements de Ghazid redoublèrent.

— Faites-le taire ! grogna Nagash.

Tout de suite, Raamket se mit à frapper le vieil homme. Sur un signe du roi, Shepsu-hur débarrassa le prince de sa tunique et la jeta au sol.

— L’encre ! ordonna Nagash qui tendait la main vers Khefru, resté dans le couloir.

Serrant le pinceau et l’encrier dans ses mains, le jeune prêtre hésita. Ses traits bouffis n’exprimaient que la terreur, mais il avait bu l’élixir du roi à plus d’une reprise et la faim se lisait dans son regard.

— Il doit y avoir un autre moyen, balbutia-t-il. Nous ne pouvons pas faire ça, maître. Pas à lui.

— Tu oses mettre ma décision en doute ? siffla le roi. Toi ? Il est fait de chair et de sang, comme tous ceux que tu as arrachés aux rues de la ville. Il n’est pas différent des esclaves dont tu as bu le sang après les en avoir vidé.

— C’est un prince ! s’écria Khefru. Le fils de Thutep et de la Fille du Soleil. Les dieux ne nous pardonneront pas ça !

— Les dieux ? fit Nagash d’un air incrédule. Espèce d’idiot ; nous sommes les dieux maintenant. Nous avons le secret de l’immortalité, fit-il en désignant le prince. Son corps est chargé de pouvoir divin. Imagine comme il sera suave et puissant. Sans doute n’aurons-nous plus besoin d’en boire pendant cent ans !

Khefru avait maintenant le visage déformé par l’angoisse.

— Si c’est du sang divin que vous voulez, alors tuez un prêtre ! cria-t-il. S’il meurt, vous n’aurez plus aucune emprise sur Néferem et Lahmia nous déclarera certainement la guerre. Est-ce donc ça que vous voulez ?

— Néferem ne saura rien de tout ceci, dit froidement Nagash, du moins pas avant que je décide de lui en parler. Même chose pour Lahmia ajouta-t-il en faisant un pas menaçant vers Khefru. Sukhet doit mourir. Vivant, il est trop dangereux. N’as-tu donc pas vu comment les gens ont réagi devant lui à la cour ?

— Mais, la reine…, balbutia Khefru.

— La reine ne règne pas ! rugit Nagash. Ne me dis pas que tu as succombé au charme de cette sorcière ? Si ? Parce que si c’est le cas, je crois que je vais prendre le sang d’un prêtre et t’ouvrir les veines sur-le-champ !

Face à cette menace, Khefru recula pour tomber dans les bras d’Arkhan qui n’eut guère de mal à l’arrêter. Le prêtre leva les yeux vers le visage blafard du vizir et le peu de courage qui lui restait s’évanouit. De ses mains tremblantes, il tendit le pinceau et l’encre au roi.

Nagash les prit et se tourna vers le corps rigide du prince, les yeux brillant d’une lueur de cupidité.

— Apportez-moi un bol dès que j’en aurai fini avec les glyphes, ordonna-t-il en s’agenouillant près de Sukhet. Je ne veux pas en gâcher une seule goutte.

Quelques heures plus tard, Nagash emprunta le couloir obscur menant aux appartements de la reine, sa robe flottant derrière lui telles les ailes d’un aigle du désert. Le sang lui battait les tempes et lui brûlait les veines ; un sang volé, brûlant de vitalité et investi de l’essence des dieux.

Les gardes situés devant la porte de la reine étaient des hommes endurcis, cruels et incorruptibles. Au titre de geôliers, ils étaient prêts à donner leur vie pour empêcher quiconque de pénétrer dans les quartiers de la souveraine, mais ils reculèrent tels des enfants effrayés devant l’apparition soudaine du roi. Ils croisèrent son regard et saisirent le pouvoir qui y couvait, comme s’il s’agissait d’Usirian en personne. Tremblantes de terreur, les sentinelles se mirent aussitôt à genoux et posèrent le front contre le sol en pierre. Le roi ne leur prêta pas la moindre attention, passa devant elles tel une bourrasque et ouvrit la porte en la poussant de la main gauche.

Instantanément, les servantes dormant dans la grande antichambre poussèrent un chœur de cris apeurés. Elles se levèrent de leurs couches les yeux remplis d’effroi tout en hurlant le nom de leur maîtresse et suppliant les dieux de leur venir à l’aide.

— Silence ! s’écria Nagash en serrant le poing gauche avant de lancer une incantation.

Les ombres de la grande pièce devinrent alors aussi noires que l’encre et engloutirent les jeunes femmes de leur étreinte glacée. Il enjamba ensuite les tapis empilés, passa devant les corps silencieux et tremblants, et se précipita dans la chambre à coucher de Néferem.

La pièce était meublée avec luxe, avec un sol en marbre étincelant et une grande terrasse orientée plein nord, en direction du fleuve. Néferem s’était rapidement levée pour cacher sa nudité derrière un drap de soie. Ses cheveux noirs dénoués tombaient en cascade sur ses épaules nues et ses yeux brillaient comme ceux d’un chat au clair de lune. Pour la première fois, un air de terreur se dessina sur son visage.

Une fois encore, Nagash sentit le désir monter en lui en posant les yeux sur elle. Avec le pouvoir en lui, le pouvoir issu des veines de son propre fils, il était sûr d’obtenir n’importe quoi d’elle et afficha un véritable sourire de chacal.

— J’ai réfléchi, dit-il.

Tendue comme jamais, Néferem ne répondit pas. Soudain, Nagash réalisa qu’elle était dos à la terrasse. S’il faisait un pas de plus, elle se jetterait assurément dans le vide. Cette simple pensée renforça son désir.

— Aujourd’hui, lorsque je vous ai vue à l’assemblée aux côtés de votre fils, j’ai compris que j’avais eu tort, fit-il en désignant la pièce d’un geste de la main. Il n’est pas convenable que vous restiez enfermée ici telle un oiseau en cage. Ce n’est pas ainsi que je vous posséderai. Votre force de volonté est grande, presque aussi grande que la mienne, et vous avez déjà dit préférer mourir plutôt que de vous soumettre à moi. Chaque année qui passe ne fait que vous éloigner un peu plus de moi et vous finirez par vous défaire de votre enveloppe mortelle pour rejoindre votre époux dans l’au-delà.

Le visage de Néferem exprimait désormais la méfiance, et elle parut se détendre très légèrement.

— Ce que vous dites est vrai. Si vous pensiez me briser en me mettant en présence de Sukhet cet après-midi, vous avez raté votre coup.

— Oh ! Je sais. Comme je vous l’ai dit, votre force de volonté est grande, presque aussi grande que la mienne, je le vois bien maintenant. Et c’est pour cela que je suis venu vous libérer.

La Fille du Soleil regarda le roi d’un air hébété.

— Que voulez-vous dire ?

— Ce que je veux dire, c’est que je vous laisse le choix, répondit Nagash avec un sourire. Je jure devant les dieux de ne plus faire de mal à Sukhet, et je ne me servirai plus jamais de lui pour vous contraindre en quoi que ce soit, ajouta-t-il en faisant un pas vers elle. Vous êtes libre de choisir votre destin. Soit vous restez ici et régnez à mes côtés, soit vous buvez ceci et la vie telle que vous la connaissez prendra fin.

Nagash leva la main droite. Il tenait une petite coupe dorée à moitié pleine d’un liquide sombre. L’élixir était encore chaud et sortait tout droit du cœur du jeune Sukhet. La reine observa l’objet et son visage afficha une grande sérénité.

— Vous me jurez qu’il n’arrivera rien à Sukhet ?

— Dorénavant, il est libre d’agir à sa guise. Par tous les dieux, je le jure.

La Fille du Soleil acquiesça d’un signe de la tête et prit une décision rapide.

— Dans ce cas, donnez-moi la coupe.

— En êtes-vous sûre ? Lorsque vous l’aurez bue, vous ne pourrez plus faire marche arrière.

Néferem releva la tête et lui adressa un regard hautain.

— Jamais je ne me suis sentie aussi sûre de moi. Laissez la nuit venir à moi. J’en ai assez de cette existence triste et misérable.

Le nécromancien lui lança un sourire.

— Comme vous voudrez, ô ma reine, dit-il en lui tendant la coupe. Buvez donc, épouse fidèle. L’effet sera rapide et indolore.