CHAPITRE III
Une prairie inondée de soleil. Elle s'étendait à perte de vue, dans quelque direction que je me tourne. Une brise tiède sifflait à mes oreilles. Je marchais pieds nus, faisant crisser délicieusement l'herbe sous mes grandes enjambées. Mon regard était inévitablement attiré par le scintillement d'un cours d'eau, là-bas, si bien que je résolus de m'y rendre. A peine ce désir s'était-il fait jour dans mon esprit que je me retrouvai sur la berge ; l'eau coulait sans bruit. Elle était d'un vert profond, et lisse comme un miroir. Comme je m'agenouillais, une fleur extraordinaire se matérialisa à mes côtés et s'épanouit tout en nuances rougeâtres dans ma direction. Mais je n'y prêtai pas attention, trop absorbé dans la contemplation de mon reflet, qui à cet instant me souriait. Moi, je savais pourtant que je ne souriais pas, mais...
— Ne suis-je pas une chose que tu désires, Visage Pâle ?
La fleur m'avait parlé et je daignai enfin me tourner vers elle. Je remarquai que le centre de sa corolle était occupé par un visage humain à la peau bistre et au nez crochu. De larges feuilles engainaient sa tige, et une forte envie me saisit de l'arracher du sol. Mais comme je l'effleurais, j'éprouvai une vive douleur à la main et un rire infernal résonna tout autour de moi. Des gouttes de sang vinrent perler sur la fleur, et brusquement celle-ci se métamorphosa en une main brune, aux doigts recroquevillés et armés d'ongles noirs. Elle tenta de happer la mienne dans une étreinte que je devinai mortelle, mais je pus lui échapper. Alors elle rentra sous terre. Le rire dément redoubla à mes oreilles, tandis qu'une petite voix cruelle se faisait entendre.
— Je sais ton sang, à présent, je le sais !
Et la rivière coula plus vite à mes pieds, rouge et bouillonnante. La terreur me fit redresser et prendre la fuite. Mais la prairie avait disparu. La nuit s'était brusquement abattue et la tempête grondait au-dessus de moi. A la lueur des éclairs, j'aperçus quelque chose de visqueux qui rampait vers moi, et...
Je bondis sur mon séant, baignant dans ma transpiration. En face de mon lit, j'accrochai du regard la photo de ma femme, disposée sur une étagère. Cela m'aida à recoller à la réalité, mais mon cœur battait à grands coups, comme si une partie de moi-même était toujours là-bas, qui n'avait pu se sauver. Depuis tout gosse, j'avais une sainte peur des cauchemars. Tout doucement, je me réacclimatai à mon environnement quotidien. Une cellule de cinq mètres sur trois, aux murs bouffis d'humidité ; ici des posters érotiques tridimensionnels, là des souvenirs de mon temps d'aspirant à la Compagnie d'Exploration. Dans un coin, mon robot personnel, déglingué comme à l'habitude. Pas encore aujourd'hui que j'irais fouiller ses circuits. Je me sentais bien trop dans les vapeurs. Il fallait que je prépare mon infusion moi-même, mais ce n'était pas grave. Mon bras me faisait souffrir. C'est probablement la fièvre qui m'avait conduit à rêver cet épisode horrible. D'un coup de pied, je rejetai loin mes draps jaunis. Des semaines que je n'avais pas pris la peine de les emporter à la laverie.
Je dus patauger dans un capharnaüm indescriptible pour parvenir jusqu'à la kitchenette et balayer un impressionnant échafaudage de vaisselle avec mon bras valide pour arriver à mes fins : réchauffer un vieil ersatz de thé qui traînait là.
Un peu plus tard, rasé et changé, je contemplai la muraille lugubre de l'usine qui faisait face à ma pyramide d'habitation, ma tasse de breuvage infect à la main. Bien que la fenêtre fût fermée, je pouvais entendre distinctement le cliquetis des machines-outils et l'éructation des cheminées d'échappement de vapeurs. Quatre-vingt-trois étages, plus bas, la rue. Invisible pour l'instant, à cause des nappes de brouillard. Il devait être quatre heures. Je le savais parce que mon estomac réclamait bruyamment sa pitance. L'organe le plus stupide et le plus inutile que je connaisse, d'autant plus qu'il grevait à lui seul le tiers de mon maigre budget. Je me résolus donc à descendre chez Freddie, au coin de la Huitième, constituer un nouveau stock de ces galettes insipides aux prétendues vertus énergétiques. Une minute et demie d'ascenseur, et je débarquai sur l'asphalte glissant, les oreilles un peu bouchées par la dégringolade, comme à l'habitude. Je relevai le col de mon manteau, pour éviter que la pluie froide ne s'insinue dans mon cou — ça provoquait chez moi des rhumes à n'en plus finir.
Freddie m'accueillit avec un cri de bonne humeur et me tendit une main empestant le graillon.
— En avance, aujourd'hui, Laghan ! Tu es tombé du lit ?
— Si on veut, ouais.
— Comme d'habitude ?
— Hélas.
— Tu t'es fait bobo à la menotte ?
— Oh, ça passera.
— Vous n'avez pas de veine, les Civiques, en ce moment. C'est la série noire.
— Comment ça ?
— Va t'asseoir, je te donnerai le journal en même temps.
A cette heure de l'après-midi, le bar de Freddie était désert. Je pris mes quartiers à ma table habituelle. Il ne tarda pas à venir me porter mon plateau. Une fois de plus, il m'avait glissé une saucisse sous les galettes et offert une vraie tasse de café ; ça m'aurait coûté une vraie fortune si j'avais dû régler la note, mais avec Freddie...
— Bon appétit, gars !
— Si tu n'étais pas là, je serai déjà transparent depuis le temps...
— Jette un coup d'œil à la dernière page...
J'acquiesçai mais n'en fis rien. Trop occupé à dévorer ma portion. Freddie retourna à la plonge en sifflotant. C'était un vieux de la vieille sur Intimar. Il était arrivé parmi les premiers. Il avait amassé suffisamment d'argent pour se retirer sur Terre, dans un ranch paisible, adossé aux Appalaches. Il ne lui restait plus guère à tirer.
— Tu sais que j'ai encore dû virer des Arkens de mon magasin à coups de pied dans le train, me lança-t-il de derrière sa pile d'assiettes. Ils avaient forcé la porte, dis donc, et pour piquer quoi, je te le demande.
— Ils devaient avoir faim, non? En général, ils préfèrent se cantonner à la périphérie...
— Ouais, moi je peux te dire qu'il en vient souvent de ce côté. Et qu'un jour, ça va mal finir. Ils ont la chaparde dans le sang, ces lutins. J'ai été refait d'une douzaine d'ustensiles de cuisine... De vrais chiens. Si la loi ne les protégeait pas, je te jure...
— Ils montent peut-être un restaurant.
— Ou un abattoir. Il ne me reste plus un seul couteau digne de ce nom et ma hache, aussi...
Mon sourire se figea.
— Tu as prévenu les flics du coin ?
— Oh, ceux-là...
Il replongea ses mains dans le baquet d'eau savonneuse et moi dans la lecture du journal, à la page qu'il m'avait indiquée. Je laissai filer une exclamation :
— Mais... Je le connais, c'est Huxley, de la Sixième ! C'est pas vrai...
— Tu as vu, hein, pauvre gars. Il s'est tiré une balle dans la tête. Ce métier, ça vous mine un homme, pas à dire. Tu devrais faire gaffe, toi aussi. Un moment de déprime, et hop, on perd les pédales...
— Non, moi, pas de risques.
Si j'avais résisté à cette tentation après la mort de ma femme, rien ne pourrait maintenant m'y pousser. Je parcourus le bref article, sous la photo, mais il fut loin d'étancher ma curiosité. Il y avait seulement mentionné l'heure approximative du drame et avancé l'hypothèse d'une crise de démence. Rien ne permettait en effet de l'expliquer autrement, bien que l'on sût qu'il passait quelques jours de repos chez lui.
Je dois dire que ça me secoua rudement. Une vague angoisse rampait au fond de mon estomac. Je ne savais pas très bien pourquoi. Ou plutôt, si, je le savais. C'était parce que je venais d'établir inconsciemment une corrélation entre cet accident et le changement d'humeur des Arkens à l'égard des Civiques. Il n'y avait jamais eu mort d'homme au sein du personnel de la Compagnie. Et il fallait que la première survienne justement à la suite d'une de ces agressions. J'en avais froid dans le dos. Peut-être après tout n'avais-je pas une vision bien claire des choses, étant moi-même encore sous le choc de mon aventure de la nuit dernière. Mais je pressentais confusément qu'il existait bel et bien un lien entre ces faits.
J'eus brusquement besoin d'être rassuré. De quelqu'un d'autorisé me disant, avec une conviction calme et bienveillante que confère le savoir : « Non, mon cher monsieur, vous faites fausse route. Vous voyez, Huxley avait des problèmes d'argent insolubles. Alors il a dû décider de couper l'herbe sous le pied à ses créanciers... »
Je crois que rien ne m'aurait fait plus plaisir que d'entendre quelque chose dans ce goût-là. Alors j'abrégeai mon repas et pris congé de Freddie, le journal plié sous le bras. Je savais où logeait Huxley : une pyramide d'habitation, dans la 74e Rue du Bloc 8. Plusieurs gars de la Sixième s'étaient regroupés là-bas.
Il y avait une queue infernale aux passerelles. Je fis demi-tour pour m'engouffrer dans la première bouche de métro. J'atterris une vingtaine de minutes plus tard dans la 74e Rue. Et la pluie tombait toujours. Par endroits, le mucilum pointait à nouveau ses racines aériennes, tapissant les murs gris, emplissant l'air de ses relents putrides. Bon sang, que ça pouvait sentir mauvais. On pouvait encore le piétiner sans risque de recevoir un jet d'acide, mais d'ici quelques heures, il aurait atteint son stade de maturité, et alors seuls les Crache-Feu pourraient l'affronter. C'était fou la rapidité avec laquelle il se développait. Il surgissait comme ça, à même le macadam, auquel il ne tardait à pas à adhérer. Quelques filaments, semblables à ceux d'une toile d'araignée et puis...
Moi j'avais l'habitude et n'hésitai pas à franchir ces zones de formation que je savais inoffensives. Et non pas sans un certain plaisir pervers, d'ailleurs. Mais les gens autour de moi faisaient un détour, guidés par une peur, un dégoût instinctifs. Laissant en cela cette lèpre végétale se reformer en toute tranquillité. Dommage. Un nombre incroyable de recoins, de ruelles étaient ainsi abandonnés à leur sort en fin de journée. Aux Civiques ensuite d'aller s'y mouiller, quand toute la ville dormait et qu'entre-temps le danger avait décuplé. Chienne de vie.
Le poste de police tenait le coin de la rue. Quand je m'y présentai, le planton me considéra avec un air vaguement méprisant et m'expédia dans un bureau aux murs verdoyants d'humidité, tout au fond d'un corridor antipathique. Un grand bougre d'officier était là, manches retroussées, l'air débordé par les paperasses qui jonchaient son bureau bancal. Il me lorgna sans aménité.
— Ouais?
— Mon nom est Laghan. Je suis un Civique. Un de mes copains s'est donné la mort la nuit dernière et...
— C'est pas possible, vous vous êtes donné le mot pour défiler ici aujourd'hui ?
— Pas du tout, mais...
— Le corps est à la morgue, à deux pas d'ici. La Compagnie a fait savoir qu'elle prenait à ses frais l'inhumation et tout le toutim. Pour les objets personnels qui...
— Non, ce que je veux savoir, c'est ce qui s'est « exactement » passé.
Je commençais à bouillir devant l'évidente mauvaise volonté du fonctionnaire assermenté. Je me penchai en avant, appuyant mes bras contre la table pour signifier que je ne sortirais de la pièce qu'une fois satisfait par ses réponses.
Il le comprit si bien que son ton s'était radouci d'une demi-octave quand il soupira :
— Bon, on va vous donner les faits. Votre collègue s'est tiré une balle dans la tête vers quatre heures du matin. Quelqu'un l'aurait entendu crier : « Tu n'auras pas ma peau ! » et puis, bang. Le premier sur les lieux était son copain, un dénommé Montgomery. Il a témoigné. D'autres aussi. La porte était fermée. Il a fallu démonter la serrure vocale avec l'aide de spécialistes. Le type était déjà mort, bien sûr.
— On n'a pas retrouvé le moindre papier, où il expliquait son geste?
— Non, vous savez, ce n'est pas une règle. Apparemment, il a agi sur un coup de tête. Le rapport mentionne qu'il était en convalescence. Accident du travail.
— Si on peut dire, oui. Vous n'avez pas remarqué une agitation particulière dans les bandes d'Arkens, ces temps-ci ?
— Pas plus que d'habitude. Toujours chapardeurs, toujours sinistres... Je crois qu'ils sont tous un peu fêlés, mais pas vraiment méchants.
En sortant du poste de police, je n'étais pas totalement convaincu. La nuit commençait à descendre doucement sur la cime des tours et l'odeur musquée du mucilum flottait déjà un peu partout, portée par le vent. Mon bras blessé me lançait douloureusement et mes courbatures se rappelaient à mon bon souvenir. J'avais encore deux heures de battement pour prendre mon service. Un brouillard opaque avait succédé à la pluie froide, rampant le long des murs luisants, s'accrochant dans les moindres recoins. Avec un temps pareil à longueur d'année, pas étonnant de trouver des champignons poussant sur le pavé. Une véritable infection. Ce pays tout entier était une véritable infection. Depuis combien d'années n'avais-je pas vu la Terre? Et combien s'écouleraient encore avant que je ne puisse amasser suffisamment d'argent pour y retourner? Je préférai rentrer ces wagons de pensées moroses au garage. Il suffisait déjà que l'environnement ne se prête pas à la rigolade...
Je remontai la 74e Rue, jusqu'à hauteur de la pyramide d'habitation où Huxley et quelques autres de la 6e Brigade s'étaient regroupés. Je décidai d'aller interroger Montgomery, puisque j'étais là. Je trouvai le numéro de sa cellule sur la plaque du hall d'entrée et pris l'ascenseur. Quelques instants plus tard, je sonnai à sa porte. D'abord, j'entendis un pas furtif, de l'autre côté du battant, et puis un judas clignota.
— Qu'est-ce que vous voulez ?
C'était bien la voix de Montgomery, mais je fus frappé par la terreur et l'énervement qu'elle laissait transparaître.
— C'est moi, Montgo ! Laghan, de la 4e Brigade. Tu me reconnais, mon vieux?
La réponse tarda à venir. Il semblait sur les dents, le copain Montgo, probablement très secoué par la mort tragique de son ami Huxley.
— Je ne peux pas te voir, maintenant. Plus tard.
Je sentis qu'il allait retourner se terrer au fond de son réduit et ne plus répondre. Je frappai au battant.
— Montgo, ouvre, c'est important. Je dois te parler.
— Qu'est-ce qui me prouve que c'est bien toi?
Je mis cette étrange question sur le compte de son abattement.
— Tu me vois, non ? Tu as ton œil collé contre le judas depuis deux minutes et tu me laisses poireauter dehors comme un malpropre...
La porte s'ouvrit enfin. Je n'eus que le temps de me faufiler. Le temps d'un souffle, et Montgo verrouillait tout derrière moi. Je lui trouvai d'emblée une sale tronche. Il n'était pas rasé et ses yeux bouffis attestaient qu'il n'avait pas dû dormir depuis longtemps. Sans un mot, il retourna vaquer à ses occupations. En l'occurrence, il vidait le contenu de ses armoires et fourrait le tout dans des malles. Ses mains tremblaient et par instants, ses yeux lançaient des éclairs fous.
— Tu pars en voyage ?
— Oui. Je ne peux pas rester.
— Huxley risque d'être inhumé demain, non ?
— Je suis obligé de partir. Toi, qu'est-ce que tu veux ?
— Je voulais te parler de lui, justement, mais je vois que je tombe mal.
— Plutôt, oui.
— Moi aussi, j'ai été attaqué par les Arkens, la nuit dernière, sans raison.
Montgomery s'interrompit net et me considéra avec une sorte d'indéfinissable compassion.
Puis sans transition, un sourire sinistre étira le coin de ses lèvres crispées.
— Il y en aura d'autres. Oui. Mais moi, je m'en vais.
— Qu'est-ce qui se passe, Montgo...
— Ils nous ont saignés, voilà ce qui se passe ! Et depuis... Huxley a fichu le camp à sa façon. Et moi, je fais ma valise. Parce qu'on ne peut rien faire contre... « ça ». Si je restais, ha, ha... Je... Je deviendrais fou de peur. Et...
Sur le coup, je pensai qu'effectivement il avait un grain. J'attendais qu'il poursuive, mais il ravala sa phrase une fois encore, comme s'il renonçait à l'effort d'affronter une terrible réalité à voix haute. Je n'avais guère besoin d'être psychologue pour comprendre qu'il était réellement miné par une trouille abjecte.
— De quoi as-tu peur? m'énervai-je. Tu ne peux quand même pas tout lâcher comme ça...
— J'ai démissionné. C'est fini. Je rentre sur Terre. Et pas question de manquer la navette pour Petrom.
— Je t'accompagne au spatioport...
— Je n'y tiens pas.
Moi non plus, à vrai dire, car je devais prendre mon service à la Compagnie. Mais quelque chose me poussait obscurément à ne pas le laisser seul en ce moment. Comme je faisais mine de rester, il me poussa dehors ! J'eus beau protester, je me retrouvai tout bête sur le palier, pas plus avancé. Pour moi, il était devenu fêlé. Je ne voyais pas d'explication plus plausible sur le moment. Je repris l'ascenseur, coinçant une longue cigarette blanche entre mes lèvres. Une fois dans la rue, je ne pus pourtant me résoudre à m'éloigner. Il faisait tout à fait nuit, maintenant. Je m'adossai sous un grand néon verdâtre, une pub d'ordinateur de poche, je me souviens. Je n'avais pas tiré trois bouffées que Montgomery apparut au bas de la pyramide d'habitation, littéralement éjecté de l'ascenseur. Il ne portait qu'un sac, et courait comme s'il avait le diable aux trousses. A cet instant précis, il y eut un mouvement dans l'ombre, dans une ruelle non loin de l'endroit où je me tenais. Un frisson parcourut mon échine. Des Arkens. Ils venaient dans ma direction. Je jetai mon mégot et courus à toutes jambes en direction de la passerelle que Montgo venait d'emprunter. Il y avait encore pas mal de monde sur les trottoirs roulants. Je l'aperçus néanmoins, car il bousculait des gens pour aller encore plus vite, ce qui était formellement interdit. De temps à autre, il jetait des coups d'œil affolés derrière lui, comme pour s'assurer qu'il n'était pas suivi. Moi, je décrochai, malgré la meilleure volonté. Au premier carrefour, je cessai cette poursuite idiote, que je ne pouvais même pas justifier. Essoufflé, je me mis sur le côté, à examiner les visages anonymes qui défilaient devant moi. Etait-ce un de ceux-là que Montgomery fuyait comme un damné ? Ou quoi, alors?
Un type masqua son visage avec un journal en m'apercevant. Il prit un couloir opposé et s'éloigna d'un pas pressé. Probablement un resquilleur qui devait me prendre pour un flic en civil. Je haussai les épaules, me moquant de ma conduite puérile. Après tout, que Montgomery aille au diable, je pensais.
D'un pas tranquille, je pris le chemin de la Compagnie.