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PROLOGUE

Il y a soixante millions d’années…

L’astre se consumait à petit feu. Cette étoile naine d’un million et demi de kilomètres de diamètre existait depuis six milliards d’années. Sans l’immense vaisseau en forme de croissant de lune qui orbitait autour de la quatrième planète de ce système solaire, et la drainait de son énergie, elle aurait probablement pu vivre pendant seize milliards d’années supplémentaires.

Elle émettait une quantité colossale d’énergie par le phénomène de fusion des atomes d’hydrogène et d’hélium qui se produisait en permanence en son sein. Cette réaction nucléaire perpétuelle générait d’intenses champs électromagnétiques qui remontaient par vagues à la surface de l’astre.

Un groupe d’entre eux entra en éruption et prit la forme d’une tache solaire de deux cent mille kilomètres de diamètre dans la photosphère.

Cette région d’intense activité magnétique enfla rapidement pour
exploser en projetant un panache de matière incandescente d’un milliard de kilomètres carrés qui vint enrichir la couronne solaire. Ces puissantes vagues d’énergie électromagnétique et ces jets de plasma formèrent une spirale lumineuse qui fut captée par une pyramide couverte de runes trônant au centre du vaisseau. Des symboles antiques gravés sur les flancs de l’engin s’illuminèrent et la coque entière émit une pulsation, comme si l’astronef enflait à cause de cet afflux de puissance.

Chaque émission de matière arrachée à l’étoile par le vaisseau diminuait la durée de vie du corps céleste d’une centaine de milliers d’années, mais ses occupants ne se souciaient ni de l’avenir de l’étoile, ni du sort du système planétaire qui orbitait autour d’elle, ni des formes de vie qu’il abritait. Des galaxies avaient vécu et péri selon le bon vouloir de leurs maîtres, des empires stellaires avaient disparu pour leur plus grand plaisir, et des races entières avaient été créées pour leur servir de jouets. Qu’importait un système solaire insignifiant à des êtres aussi puissants ?

À la manière d’une obscène sangsue mécanique, le bâtiment en orbite continua d’absorber la force vitale de l’étoile. Un groupe de pyramides plus petites et d’obélisques placés sous l’engin se mit à miroiter, comme sous
l’effet d’une chaleur intense tandis que le vaisseau tressaillait à cause des quantités colossales d’énergie qu’il drainait.

Soudain, le faisceau de lumière liquide qui s’échappait de l’astre se tarit, le navire argenté momentanément rassasié.

Lentement, il vira de bord et se dirigea vers l’atmosphère de la planète. Des flammes apparurent aux extrémités du croissant alors qu’il descendait en direction d’un vaste désert d’oxyde de fer situé dans l’hémisphère nord. La surface défila rapidement : montagnes escarpées, plaques tectoniques et volcans en éruption se succédèrent ainsi. Le vaisseau ralentit sa course alors qu’il atteignait sa destination : une cuvette naturelle emplie de sable au centre de laquelle se trouvait un point de ténèbres absolues.

La vitesse continua de diminuer tandis que le point noir se précisait. Il s’agissait d’une pyramide noire au sommet recouvert d’or. Ses murs d’obsidienne luisante semblaient insensibles aux vents violents qui balayaient la planète. De petites créatures dont la carapace reflétait la lumière du soleil rampaient sur la surface de la pyramide, se déplaçant d’une démarche mécanique. Des runes identiques à celles qui ornaient le vaisseau émirent un bourdonnement alors que les récepteurs étaient mis sous tension.

L’astronef se plaça en vol stationnaire au-dessus de la pyramide tandis que le sommet s’ouvrait comme une fleur de métal. Le bourdonnement devint un hurlement suraigu lorsque les obélisques et les petites pyramides placées sous son ventre libérèrent l’énergie stockée, en une colonne de force électromagnétique pure, qui alla s’engouffrer dans la gueule béante de l’édifice noir.

La pyramide dorée émit une intense lumière blanche, incinérant instantanément les créatures mécaniques qui rampaient sur ses parois. Le désert s’illumina à son tour alors que des vagues d’énergie vitrifiaient le sable selon un schéma géométrique complexe. L’énorme vaisseau resta en place jusqu’à ce que toute l’énergie soit transférée. Le sommet de la pyramide refermé, il repartit se mettre en orbite pour reprendre son opération de siphonage des ressources de l’astre.

Il se mit en position et réactiva son système d’absorption.

Une zone de l’espace immédiatement derrière le navire se déforma alors que le voile de la réalité se déchirait pour laisser passer une armada de vaisseaux spatiaux tous plus étranges les uns que les autres.

Chacun des nouveaux arrivants était unique de par sa conception ou ses dimensions, mais tous étaient de redoutables machines de guerre. Comme guidée par une seule volonté, la flotte se rapprocha rapidement du vaisseau en forme de croissant de lune et ouvrit le feu à l’unisson. Une série d’explosions secoua sa coque alors que les armes de tous types atteignaient leur cible. L’immense navire sembla vaciller, comme un animal blessé.

Mais il avait les moyens de riposter.

Ses batteries projetèrent des éclairs bleutés qui détruisirent une dizaine d’appareils ennemis en une salve tandis que des rayons invisibles brisèrent la structure atomique d’un autre groupe de vaisseaux. Cependant, en dépit des lourdes pertes subies, la flotte poursuivit son attaque. Face à ces adversaires nombreux et déterminés, l’équipage de l’astronef attaqué comprit qu’il n’avait aucune chance de l’emporter et choisit la fuite. Le gigantesque engin commença à tourner sur son axe alors que ses moteurs montaient en puissance.

Une multitude d’armes étranges frappèrent le dos du vaisseau en fuite, arrachant des pans entiers de la coque. Les mécanismes d’autoréparation tentèrent de limiter les dommages mais, tout comme le navire, ils livraient une bataille perdue d’avance. Des débris de l’engin se perdirent dans le vide lorsque ses moteurs se déclenchèrent enfin. Le temps sembla se figer alors que l’astronef paraissait s’étendre comme s’il était élastique, le puits gravitationnel de l’astre tout proche prenant sa revanche sur le vampire mécanique qui tentait vainement de s’enfuir.

Avec un hurlement qui résonna dans le Warp, le vaisseau se contracta en un seul point lumineux. Ses attaquants furent entraînés dans son sillage,
précipités dans l’oubli, peut-être à jamais.

L’étoile continua à se consumer et, loin en dessous, le sommet d’or de la pyramide noire s’atténua lentement, jusqu’à prendre l’aspect du bronze.

Bientôt le sable recouvrit complètement l’édifice.