Seize
En entendant les hurlements d’Almerz Chanda résonner dans toute la prison, Barzano espérait que ses tourments étaient aussi horribles qu’ils en avaient l’air. Peu importait qu’un extraterrestre torture un humain. En trahissant son serment de loyauté envers l’Empereur, Chanda avait perdu tout droit à la pitié.
L’inquisiteur ne savait pas depuis combien de temps ils étaient incarcérés, car il avait perdu connaissance à cause de sa blessure. Il s’était réveillé dans cette cellule pour se rendre compte qu’on lui avait pris ses armes, y compris l’arme digitale cachée dans l’anneau de son index droit, et sa blessure avait été nettoyée et pansée. Le nez cassé de Mykola Shonai avait également été remis en place. Apparemment, le chirurgien extraterrestre n’aimait pas travailler sur des sujets endommagés.
Le bloc de détention où ils se trouvaient avait été construit dans les fondations du palais. Les barreaux avaient été fixés avec du ciment à chaque arche. Chaque cellule comprenait un petit lit ainsi qu’une vasque pour les ablutions. C’était une prison plus confortable que certaines geôles où il avait envoyé des traîtres.
Lortuen Perjed et ses scribes étaient détenus dans la cellule d’en face, et Barzano était rassuré de voir qu’aucun d’eux n’avait été blessé.
Partageant sa cellule avec lui, Mykola Shonai était assise dans un coin, son visage toujours figé dans un masque de fureur absolue. Jenna Sharben était quant à elle allongée sur le lit. Le juge avait reçu un tir de laser dans le ventre et, bien que la chaleur ait cautérisé la plaie, Barzano craignait qu’elle souffre d’une hémorragie interne. Elle n’avait pas repris connaissance depuis la trahison de Chanda sur l’aire d’atterrissage et Barzano savait que sans assistance médicale, elle mourrait dans quelques heures. Apparemment, elle ne méritait pas de goûter aux scalpels du chirurgien eldar.
Lorsque le gouverneur s’était réveillée, elle s’était déchaînée contre la porte, donnant des coups de pied et proférant des jurons à faire rougir un sergent instructeur de la Garde Impériale.
Barzano l’avait calmée en lui promettant que justice serait faite. Il ne savait pas vraiment comment il allait tenir sa promesse, mais il leur restait encore quelques atouts dans la manche.
Il alla vers le lit et épongea le front de Sharben avec sa manche. Le corps du juge était froid et sa peau avait déjà la teinte grisâtre d’un cadavre.
— Je vous promets que vous ne mourrez pas, juge Sharben, dit Barzano dans un murmure.
— Encore une promesse que vous n’êtes pas sûr de pouvoir tenir ? demanda Shonai.
— Pas du tout, Mykola. Je tiens toujours mes promesses, assura l’inquisiteur. Il posa la main sur son cœur. Je le promets.
Shonai sourit malgré elle.
— Vous pensez vraiment qu’on pourra s’en sortir ? Il y a au moins trois régiments rebelles dans la ville, dont au moins deux cents soldats rien qu’à ce niveau, et l’Empereur sait seulement combien de traîtres ont envahi le palais.
— N’oubliez pas les trois Space Marines, répondit Barzano en lui faisant un clin d’œil.
— Je ne les ai pas oubliés, mais le sergent Learchus est sûrement mort à l’heure qu’il est.
— J’en doute fort, ma chère Mykola. Je suis certain que de Valtos n’aurait pas résisté à l’envie de nous montrer leurs dépouilles si c’était le cas. Non, il ne sera pas aisé de tuer le sergent Learchus, et il va bien trouver un moyen de contacter le Vae Victus.
— Et vous pensez que le capitaine Ventris va tenter de nous secourir ?
— Je parie que tous les démons du Warp ne parviendraient pas à l’en empêcher.
— Tenter de nous délivrer relèverait du suicide.
— Peut-être, reconnut Barzano, mais vous croyez que cela va arrêter Uriel ?
— Sans doute pas, admit à son tour Shonai. Elle appuya la tête contre le mur de pierre de la cellule. Elle ferma les yeux et l’inquisiteur pensa qu’elle s’était endormie. Pourtant, elle reprit. Ce vaisseau que de Valtos recherche, selon vous, est-ce qu’il peut l’obtenir ?
— Je n’en suis pas sûr. D’après mon Ordo, un membre d’une ancienne race d’entités que l’on appelle les C’tan entra dans une sorte de stase quelque part dans ce secteur, sans que l’on sache où exactement. Nous pensons que le Nightbringer était jadis son vaisseau amiral, faute d’un meilleur terme. On peut trouver des textes et des indices qui mentionnent le vaisseau et son maître tout au long de l’histoire, mais on ne sait presque rien à son sujet. Tout cela date d’avant l’apparition de la race humaine.
— Ce… ce C’tan, à quoi ressemblait-il ?
— Personne ne peut le dire avec certitude. Cela fait sans doute des millions d’années qu’il est en stase et les chroniques sont très vagues à ce sujet, c’est le moins qu’on puisse dire. J’ai lu tout ce que j’ai pu trouver au sujet du Porteur des Ténèbres, mais j’ignore presque tout de lui, à l’exception d’une chose.
— Et de quoi s’agit-il ? demanda Shonai d’un ton hésitant.
— Le Nightbringer est la mort incarnée. Ses rêves sont la base des cauchemars de toutes les races, la véritable image de leur damnation. La moindre pensée que vous n’ayez jamais eue sur l’horreur de la mort et votre condition de mortelle vient de cette créature. Lorsqu’il parcourait librement les étoiles, il laissa cet héritage dans la mémoire collective de presque toutes les espèces conscientes de la galaxie.
— Peut-on vaincre une telle créature ?
— Vous voulez la vérité ?
— Bien sûr.
Barzano attendit que l’écho d’une nouvelle série de hurlements de Chanda ait fini de résonner avant de répondre.
— Non, dit-il doucement. Je ne pense pas que ce soit possible.
La forme majestueuse du Vae Victus se plaça lentement perpendiculaire à la surface de Pavonis, alors que les générateurs de ses accélérateurs linéaires avant montaient en puissance. Peu d’hommes connaissaient le pouvoir de destruction dont disposait le capitaine d’un vaisseau de guerre ; le pouvoir d’anéantir des villes, des continents entiers. Les capitaines de la Marine Impériale pouvaient bien être fiers des capacités de leurs navires, mais aucun ne pouvait rivaliser avec la vitesse et la force de frappe d’un croiseur d’attaque Space Marine.
Les lasers de défense placés dans des silos blindés tiraient sporadiquement depuis la surface de la planète. Aucun de ces canons ne pouvait ajuster le croiseur à temps. Les colonnes de lumière ardente qu’ils projetaient dans l’atmosphère avaient un caractère désespéré. Tant que le Vae Victus restait en orbite haute, ils ne pourraient rien faire.
En revanche, les batteries antiaériennes, c’était une autre affaire. Des dizaines de silos abritant de telles armes étaient placés tout autour de Brandonsgatt. Elles étaient certes incapables d’endommager un vaisseau, même en orbite basse, mais elles pouvaient abattre sans peine tout appareil volant approchant à moins de quinze kilomètres de la ville. Elles étaient contrôlées par des serviteurs lobotomisés qui étaient eux-mêmes commandés par un bunker situé quelque part dans le palais.
Tant que ces canons protégeraient la ville, il serait impossible de lancer un assaut aérien.
Kasimir de Valtos se massa les sinus avec les doigts tout en grognant à l’adresse de l’image holographique devant lui.
— Lasko, si vous ne me donnez pas une réponse précise, je vous fais enterrer dans une de vos précieuses mines. Maintenant dites-moi, avec des mots de deux syllabes ou moins, si vous avez, oui ou non, ouvert cette foutue porte. Je n’ai pas de temps à perdre.
L’image vacillante du contremaître Jakob Lasko semblait mal à l’aise, c’était perceptible en dépit de l’importante distorsion du signal codé qui provenait de Tembrasrett, à près de cent kilomètres du palais.
— Eh bien, le dernier découpeur laser a fini de percer la porte, mais nous n’arrivons pas à la bouger.
— Et pourquoi donc ? insista de Valtos, se penchant en avant. Il ressemblait à un prédateur.
— Non n’en sommes pas certains, monseigneur. Les technoprêtres affirment que la densité de la porte excède de beaucoup ce que l’on pourrait attendre d’un objet de cette taille. Nous avons été forcés de démonter une de nos plus grosses grues et de la descendre en pièces détachées. Les technoprêtres finissent de la remonter et une fois qu’ils l’auront bénie, nous serons prêts.
— Quand ? demanda à nouveau de Valtos, sans cesser de se masser les sinus.
— Plus tard dans la journée.
— Cela vaudrait mieux pour vous, répondit de Valtos. Il coupa la liaison et se renfonça dans le fauteuil de l’ex-gouverneur planétaire. Il se massa les tempes et inspira longuement avant de vomir un flot de bile noire par terre. La douleur empirait et les équipements spéciaux du chirurgien avaient été détruits par les Ultramarines. Jamais plus sa chair ne serait arrachée de ses os et puis rassemblée pour le soigner momentanément. Il devait réussir, et vite. Si cet idiot de Lasko ne pénétrait pas bientôt dans le complexe funéraire, il serait condamné.
Ceci dit, une fois à l’intérieur, il connaîtrait les joies de la vengeance et de l’immortalité.
Il se remémora le jour où il avait appris l’existence des C’tan grâce aux manuscrits de Corteswain. Il avait depuis dépensé la plupart de sa fortune pour localiser l’endroit où le dieu reposait, alors qu’il se trouvait sous ses pieds pendant tout ce temps-là. Quelle ironie ! se dit-il. C’était le destin qui avait voulu qu’il soit enseveli dans les montagnes de Pavonis.
Quelle surprise le jour où il avait découvert le tombeau oublié, enterré sur sa planète alors que celle-ci était encore inhabitée.
Il eut un rire sans
joie en se rendant compte que ce serait bientôt à
nouveau le cas.
Bientôt, il marcherait dans la demeure d’un dieu ! Pas les pitoyables corridors poussiéreux de Terra, qui abritaient ce cadavre pourrissant qui se faisait passer pour une divinité, mais une créature vivante, disposant du pouvoir de création et de vie éternelle.
Quand l’Empereur avait-il marché parmi les siens pour la dernière fois ? Il y avait plus de dix mille ans de cela ! Où était l’Empereur quand le cardinal apostat Bucharis plongea des secteurs entiers dans l’horreur de la guerre en Son nom ? Où était l’Empereur quand les tyranides dévoraient les mondes les uns après les autres ?
Et où était l’Empereur quand les eldars noirs avaient abordé son vaisseau et l’avaient torturé ? Où était-Il ?
De Valtos sentit la fureur l’envahir et lutta pour maîtriser sa rage. Du sang coula à l’endroit où ses ongles artificiels s’étaient enfoncés dans la chair de ses doigts. Il essuya le sang et se passa la main dans sa chevelure trempée de sueur en s’efforçant de ralentir sa respiration.
Il se leva et commença à arpenter la pièce ravagée. Il enjamba le bureau fracassé, évita les chaises brisées et les fragments de maçonnerie qui s’étaient écroulés. Son pied heurta un objet et il baissa les yeux pour voir ce que c’était.
Il sourit et se baissa pour ramasser un buste de marbre blanc, qu’il tint délicatement entre ses mains couturées de cicatrices. Il passa la main sur le visage sévère de Forlanus Shonai et son sang souilla les traits patriciens de la statue. De Valtos se dirigea vers le mur dévasté des appartements du gouverneur.
La cité était enveloppée dans un suaire de fumée noire. Des détonations étouffées parvenaient à ses oreilles, en provenance des dernières poches de résistance qui s’opposaient à l’inévitable, car ses chars et ses soldats tenaient chaque rue de la ville. Il était regrettable que ces hommes doivent mourir, mais c’était un faible prix à payer au regard de son ascension imminente au rang de dieu.
Il tapota gentiment la tête de Forlanus Shonai et sourit à nouveau, avant de jeter le buste aussi fort qu’il le put. Il le regarda tournoyer dans l’air puis éclater en mille morceaux quand il toucha enfin le sol pavé de l’esplanade.
Le seigneur amiral Lazlo Tiberius suivait avec attention sur son écran de surveillance la trajectoire du point lumineux qui représentait le Thunderhawk d’Uriel alors que celui-ci se dirigeait vers la capitale de Pavonis. L’atmosphère était tendue sur le pont, même le chœur astropathique s’était tu. Tiberius éprouvait une sensation analogue lorsqu’il partait au combat, ce qui était finalement le cas, même si son vaisseau n’était pas directement menacé.
C’est le capitaine Ventris et ses hommes qui étaient en danger. Les astropathes du Vae Victus avaient indiqué que des symboles de pouvoir avaient été incorporés dans les murs des cellules. Tout ceci combiné à l’écran de protection qui avait été activé empêchait un assaut par téléportation.
Comme le temps jouait contre eux, ils allaient devoir le faire à l’ancienne.
— Combien de temps ? demanda-t-il.
— Encore quelques minutes, répondit Philotas.
— Vous avez rentré les coordonnées dans le cogitateur d’attaque ?
— Oui, seigneur amiral,
tout est prêt. Les trajectoires de tir ont été
confirmées.
Tiberius remarqua l’impatience qui pointait dans la voix de son second et il eut un sourire. Il savait déjà que tout avait été préparé, mais il n’avait pas pu s’empêcher de vérifier une deuxième fois, puis une troisième. Il était presque temps. Tiberius pria pour que la transmission anonyme reçue par Uriel quand il avait survolé Brandonsgatt plus tôt ce jour-là soit authentique.
Que l’Empereur ait pitié de lui si ce n’était pas le cas.
Tiberius se força à retourner à son poste. Il agrippa son pupitre et s’adressa à son équipage.
— Mes frères, nous sommes arrivés à l’heure où rester unis est la seule façon de triompher. Nous ne faisons qu’un et nous n’avons qu’un seul souhait. Aucun de nous n’a jamais abandonné ni accepté la défaite, et pour cela je vous remercie. Tiberius inclina la tête et Philotas fit son rapport.
— Ils sont à la limite de la portée des batteries antiaériennes, seigneur amiral. Tiberius hocha la tête.
— Officier d’artillerie, ordonna-t-il. Faites tirer le canon de bombardement de proue.
Le cœur de Lutricia Vijeon faillit s’arrêter de battre quand elle vit le cuirassé Thunderhawk en approche sur son écran de contrôle. L’appareil volait en rase-mottes et son pilote était bon, mais cela ne suffirait pas.
Le centre de commandes l’avait repéré dès son entrée dans l’atmosphère. Vorens faisait les cent pas dans la salle, un sourire prédateur affiché sur ses lèvres, impatient qu’il fût d’en découdre. Il avait été momentanément terrifié lorsque les trois Space Marines avaient tenté d’entrer mais il avait bien vite retrouvé son arrogance habituelle quand ils étaient repartis. Lutricia se demandait où ils avaient bien pu aller.
La plupart des membres de l’équipe étaient à leur poste, où ils priaient sans cesse. Seuls les serviteurs obéissaient aveuglément à Vorens. Elle voulut essuyer une larme mais elle vit quelque chose se détacher de l’icône représentant le Vae Victus.
Un deuxième croiseur d’attaque ?
Non, l’écho radar était trop petit et, remarqua-t-elle en s’approchant, se déplaçait bien trop vite. Elle comprit soudain de quoi il s’agissait et où cela atterrirait.
Une alarme sonna lorsque les cogitateurs de la salle de contrôle arrivèrent à la même conclusion. Une série d’autres petites icônes se détachèrent du croiseur d’attaque des Space Marines.
Danil Vorens serra de toutes ses forces les bras de son fauteuil et se leva, son visage déformé en un masque de pure terreur.
— Non, siffla-t-il en regardant l’écran principal, tandis que la salve de bombes à magma tirée par le Vae Victus se précipitait sur eux, suivant les coordonnées transmises par Lutricia.
Vorens s’effondra dans son fauteuil.
Lutricia regardait les bombes traverser l’atmosphère de Pavonis à une vitesse incroyable. Elles toucheraient bientôt le sol afin d’effacer ce bunker de la surface de la planète, et même le champ de force ne pourrait les protéger.
Retrouvant soudain son calme, elle quitta son poste et traversa la salle.
Danil Vorens la suivit du regard. Il pleurait à chaudes larmes à l’idée de sa mort imminente et ne fit rien pour l’arrêter. Elle lui prit son pistolet laser. Elle n’avait jamais tenu d’arme de sa vie mais elle savait exactement quoi faire.
Lutricia Vijeon abattit Danil Vorens d’un coup de pistolet laser dans le cœur, puis laissa tomber l’arme au moment même où l’alarme de proximité du bunker annonçait une collision imminente.
Elle se tourna vers l’écran principal et s’agenouilla.
Lutricia souriait, submergée par une immense satisfaction. Elle avait pris la bonne décision et remercia l’Empereur de lui avoir accordé une occasion de Le servir une dernière fois.
Elle tendit la main et s’adressa aux autres techniciens.
— Venez, mes frères et mes sœurs. Prions ensemble.
Ses collègues la rejoignirent pour former un petit cercle. Ils pleuraient tout en priant l’Empereur une dernière fois.
Les bombes à magma atteignirent leur cible à quelques secondes d’intervalle.
Le premier groupe frappa de plein fouet l’écran de protection, ce qui fit entrer en surcharge les générateurs qui couvraient cette section du palais. Les suivantes s’abattirent sur l’aile de l’édifice sous laquelle était installé le bunker ce qui désintégra totalement cette partie du palais et projeta des blocs de pierre de la taille d’un char dans les airs. La vague suivante pénétra une couche de rocbéton de dix mètres d’épaisseur et produisit un cratère de plus de cent mètres de diamètre.
Deux bombes connurent des avaries. L’une d’elle eut un problème de direction en entrant dans l’atmosphère et alla s’écraser en bordure de la forêt de Gresha, détruisant au passage une maison de campagne appartenant au cartel Abrogas. La deuxième rata sa cible de plus de neuf cents kilomètres et s’écrasa dans l’océan sans faire de dégâts.
Mais toutes les autres s’enfoncèrent dans le cratère et pilonnèrent la salle de contrôle, leurs ogives à retardement leur permettant de n’exploser qu’une fois la cible atteinte. Les occupants du bunker furent incinérés en quelques instants. Une large colonne de fumée noire et de flammes volcaniques s’élevait des ruines du bunker. L’onde de choc du bombardement généra un mini tremblement de terre, comme si un dieu courroucé venait de frapper la terre.
L’accès à Brandonsgatt par voie aérienne était désormais possible. Privés de directives, les tourelles antiaériennes demeurèrent immobiles, attendant des ordres qui ne viendraient jamais.
Uriel eut un soupir de soulagement lorsqu’il entendit le pilote dans sa radio.
— Par Guilliman ! Vous avez vu ça ?
Il avait vu le flash de l’explosion des bombes à magma par le hublot, et il savait que rien ne pouvait résister aux tirs vengeurs d’un vaisseau de guerre sanctifié par l’Empereur en personne.
— Pas de tirs en provenance du sol, confirma le copilote. Nous entamons la phase d’attaque.
Ainsi, le message avait été authentique. Uriel ferma les yeux et pria pendant quelques secondes pour le salut de l’âme du serviteur courageux de l’Imperium qui lui avait transmis les coordonnées de la salle de contrôle des défenses orbitales et avait signé par la même occasion son arrêt de mort.
Le seigneur amiral Tiberius avait voulu détruire la totalité du palais par un bombardement orbital, mais Uriel s’était opposé à un tel plan, car il savait que les tirs du Vae Victus auraient éradiqué toute vie dans un rayon de cinquante kilomètres. Par contre, les bombes à magma, moins puissantes, avaient frappé avec juste la force requise. Oui, il y ait certainement eu des dommages collatéraux, mais Uriel espérait qu’ils étaient minimes.
Ils étaient ici pour sauver des gens et non pour les tuer. Il laissait la boucherie pure et simple aux Blood Angels ou aux Marines Malevolent. Les Ultramarines n’étaient pas des tueurs assoiffés de sang mais l’instrument terrestre de la divine colère de l’Empereur. Protéger Ses sujets était leur raison d’être.
Parmi les défenseurs de l’Imperium, trop nombreux étaient ceux qui oubliaient qu’il s’agissait d’un territoire regroupant des milliards d’êtres humains. Sans eux, l’Imperium n’était rien. Tous les humains étaient liés à l’Empereur et Uriel refusait de les abattre de sang-froid.
Un frisson le parcourut au souvenir des paroles de Gedrik sur Caernus IV.
La Mort des Mondes et le Porteur des Ténèbres attendent de naître dans cette galaxie…
Maintenant qu’il en comprenait le sens, il
n’aimait guère ce que ces mots
présageaient.
Le Thunderhawk s’inclina violemment tandis que le pilote faisait tourner l’appareil autour du palais avant de plonger dans la brèche qu’avait ouverte l’écran de protection. Quelques tirs en provenance des tours atteignirent le cuirassé, mais ces piqûres ne pouvaient rien contre son blindage.
Le pilote s’adressa à tous les hommes par radio.
— Préparez-vous mes frères ! Débarquement dans dix secondes !
Uriel se tendit et tapa son plastron et son bolter pour en honorer l’esprit guerrier. Il s’agrippa à un côté du compartiment de transport et dégaina son épée. Il regarda par le hublot le sol qui se rapprochait à toute allure.
Le Thunderhawk se posa sur l’esplanade pavée devant le palais.
— Courage et honneur ! cria Uriel, et il sortit en courant.
Les Ultramarines reprirent son cri de guerre et chargèrent à sa suite.
Barzano et Shonai regardèrent avec inquiétude le plafond de leur cellule tandis que toute la prison était secouée par l’onde de choc de la destruction du centre de contrôle. Des fissures apparurent en serpentant le long de la voûte. Une dizaine d’arches s’effondrèrent, enterrant leurs occupants sous des tonnes de débris.
La pierre se fissura dans un bruit de fusillade et l’acier grogna tandis que des millions de tonnes de roche pesaient de tout leur poids sur les fondations. Barzano se leva précipitamment. Les barreaux de leur cellule ployèrent vers l’extérieur en émettant un couinement de protestation lorsque l’arche au-dessus d’eux s’affaissa légèrement.
— Pas trop tôt, marmonna-t-il.
— Que se passe-t-il ? demanda Mykola Shonai en criant pour couvrir le fracas des éboulements.
— Je dirais qu’il s’agit de la première phase d’un bombardement orbital, répondit calmement l’inquisiteur. Il mit la main dans sa bouche et essaya d’en retirer quelque chose. Shonai le regardait, interdite, tandis que les secousses du bombardement se poursuivaient.
— Qu’est-ce que vous faites ?
— Je nous sors d’ici, répliqua Barzano. Il finit par s’arracher une dent dans un grognement de douleur. Du sang perlait sur ses lèvres et souillait la dent en ivoire qu’il tenait entre ses doigts.
Il se précipita vers la
porte et plaça la fausse dent dans le verrou, tout en veillant à ce
qu’il n’y ait pas de gardes alentour. Dans toute la prison, des
détenus apeurés imploraient qu’on les libère, alors que leurs
geôliers leur criaient de se taire.
Barzano s’éloigna rapidement de la porte prenant Shonai au passage. Ils soulevèrent le lit à eux deux et allèrent au fond de la cellule. Barzano s’agenouilla pour protéger les deux femmes de son corps.
— Mykola, fermez les yeux, bouchez-vous les oreilles et ouvrez grand la bouche, pour que la déflagration ne vous perce pas les tympans, lui conseilla Barzano avant de presser son visage contre l’épaule de Sharben.
Le gouverneur se tapit au sol lorsque l’explosif dissimulé dans la fausse dent de l’inquisiteur se déclencha et déchiqueta le verrou. La porte ne s’ouvrit pas car elle était coincée dans son encadrement par le plafond affaissé. Avant même que l’écho de la détonation ne se soit dissipé, Barzano se leva pour aller donner un coup de pied dans la porte.
Celle-ci bailla légèrement, mais un autre coup bien placé permit de l’ouvrir en grand, et Barzano était dehors.
— Restez ici pour veiller sur Sharben, dit-il à Shonai tout en tenant son épaule blessée. Je serai bientôt de retour.
— Soyez prudent, l’avertit Shonai.
— Comme toujours, rétorqua l’inquisiteur dans un sourire.
Il ramassa un bloc de pierre de bonne taille tombé du plafond et partit en courant prudemment le long du couloir, en se plaquant contre le mur. Il atteignit un tournant et s’arrêta lorsqu’il entendit des gardes parler entre eux d’une voix paniquée. Grâce à ses pouvoirs, il sentit qu’ils étaient tendus, nerveux et peu concentrés. Il souleva son arme de fortune.
— Vite ! dit-il en prenant son plus bel accent pavonien. Les prisonniers tentent de s’évader !
Trois hommes arrivèrent quelques secondes plus tard.
Barzano frappa le premier au visage avec sa pierre. Celui-ci s’écroula à terre, le nez fracassé. Il brisa le morceau de pierre sur le casque du deuxième, puis plongea pour éviter un rayon laser. Il se mit à genoux et donna un coup de coude dans l’entrejambe du troisième. Il lui prit son fusil laser et le frappa à la tempe avec la crosse de l’arme. Le deuxième garde voulut se relever, mais Barzano l’abattit d’un coup de fusil à la tête.
Il épaula son arme à la recherche d’éventuelles nouvelles cibles. Sa blessure le faisait souffrir, ses bandages étaient souillés de sang, mais il n’avait pas le temps de s’en occuper.
Il entendit des cris derrière lui et s’accroupit pour éviter des tirs qui mitraillèrent le mur à côté de lui. Il se retourna et tira une rafale de lasers qui abattit deux gardes. Cependant, il restait une demi-douzaine de soldats, et Barzano fit une roulade pour tourner dans le couloir d’où ses premières victimes étaient venues.
Il se releva rapidement et se mit à courir, les gardes de la prison sur ses talons. Devant lui le couloir se séparait en deux et Barzano plongea à gauche au moment où un autre tir lui déchira la manche et laissa une brûlure douloureuse le long de son bras. Le couloir était froid et mal éclairé.
Des portes de cellules perçaient les murs à intervalles réguliers et une porte en métal rouillé se trouvait au bout du corridor. Les sens empathiques de l’inquisiteur décelèrent une aura de désespoir qui émanait d’au-delà de cette porte, dont l’intensité le fit vaciller.
Il combattit la crainte qui l’avait saisi et avança pour se mettre à couvert avant que les gardes ne retrouvent sa trace. Il descendit le couloir et donna un puissant coup de pied dans la porte.
Elle s’ouvrit en grand et il entra en faisant une roulade, grognant de douleur quand il sentit sa blessure se rouvrir. Il tira dans le couloir et entendit un cri, avant de refermer la porte et de mettre le verrou en place.
Il se releva et se tourna pour braquer son arme sur les occupants de la pièce.
Le chirurgien se tenait derrière une table en métal couverte de sang, occupé à découper les os d’Almerz Chanda avec une scie électrique.
Barzano baissa son arme, figé d’horreur en découvrant comment l’eldar noir avait honoré la chair de Chanda.
Uriel se mit à l’abri derrière des gravats et arrosa la tranchée d’une rafale de bolter. Ses tirs firent mouche et bientôt, le cri des mourants vint s’ajouter au fracas des armes. Malgré les soins de l’apothicaire Selenus, la blessure infligée par le seigneur eldar le lançait douloureusement à chaque mouvement.
L’entrée de la prison du palais se trouvait au bout de cette vaste zone de terrain découvert, parsemée de gravats et de débris en flammes. Deux bunkers de rocbéton encadraient l’entrée et couvraient toutes les voies d’accès. En outre, une tranchée pleine de troupes leur barrait la route, protégée par un champ de barbelés déployé récemment. Des rafales de fusils laser et de bolters lourds jaillissaient des défenses ennemies.
Les Ultramarines ripostaient depuis leurs barricades de fortune, leurs bolts s’abattant contre les fortifications sans faire plus de dégâts. Deux missiles furent tirés contre les murs des bunkers, mais seule l’artillerie avait une chance d’en venir à bout.
Les positions des Ultramarines étaient prises sous un feu nourri et Uriel savait qu’ils devaient agir vite avant que l’ennemi n’achemine des armes lourdes pour contre-attaquer. Les guerriers de l’Adeptus Astartes étaient de formidables combattants, mais même de tels surhommes devraient battre en retraite si cela était nécessaire.
Le capitaine convoqua ses sergents pour faire le point sur la situation.
— Quelles sont nos options ? leur demanda-t-il.
Pasanius rengaina son bolter et sortit son lance-flammes avant de répondre.
— Je propose de demander une frappe orbitale limitée pour ouvrir une brèche dans leur ligne et attaquer.
Uriel considéra la question. Opter pour une frappe orbitale était tentant mais peu réaliste.
— Non. Si les systèmes de visée font une erreur de calcul, on risque de se retrouver pris dans le bombardement. En outre, si les charges sont trop puissantes, la prison tout entière peut s’effondrer.
— Dans ce cas, il va falloir se salir les mains, avança Venasus d’un ton sinistre.
Uriel hocha la tête. Venasus n’était pas réputé pour sa subtilité, mais en évaluant leurs options, il se rendit compte que le sergent avait raison. Il était temps de laisser tomber toute finesse tactique. Leur entraînement et leur foi dans l’Empereur étaient essentiels, mais il survenait toujours un moment dans une guerre où le seul moyen de remporter une bataille était de se jeter en avant sous le feu de l’ennemi et de le combattre au corps à corps, lame contre lame. Et ce moment était venu.
Une autre rafale d’arme lourde atteignit leurs lignes. Les tireurs des forces de défense planétaire, qui balayaient la zone de gauche à droite, avaient transformé les abords de la prison en champ de tir.
— Très bien, finit par dire Uriel. Voici comment nous allons procéder.
Barzano leva son fusil juste à temps pour bloquer le coup de scie du chirurgien. L’instrument médical entailla le métal du canon en produisant des étincelles cramoisies. Il plongea pour éviter une autre attaque et se jeta sur son adversaire, épaule en avant. Les deux combattants tombèrent au sol, chacun se débattant pour prendre le dessus. Barzano hurla quand la scie mordit sa hanche avant d’être déviée par l’os du bassin.
Il administra un puissant coup de tête au visage du chirurgien. Le sang gicla de son nez cassé et l’extraterrestre glapit de douleur. Barzano plongea pour éviter un autre coup de scie, qui creusa une profonde entaille dans le sol. Il ramassa ce qui restait de son fusil laser. L’arme était hors d’usage, mais sa lourde crosse en bois ferait une massue idéale contre l’eldar.
Il se plaqua contre la porte et sentit des coups de laser la frapper de l’autre côté. Elle ne tiendrait plus très longtemps, il était temps d’en finir.
Le chirurgien s’avança vers lui, la lame de la scie faisant gicler du sang dans toutes les directions alors qu’elle tournait follement sur elle-même. Le visage de l’eldar dégoulinait également de sang et ses yeux violets affichaient une haine sans limite.
Derrière lui, le corps atrocement mutilé d’Almerz Chanda bougea légèrement sur la table tandis que les effets des produits anesthésiants de son tortionnaire commençaient à s’estomper.
Uriel se plaqua contre le bloc de béton qui lui servait de couvert et adressa une prière à son primarque pour que son attaque réussisse. Les autres Ultramarines attendaient ses ordres alors que le chapelain Clausel entonna la litanie de bataille. Sa voix sévère et inébranlable était un exemple pour tous les combattants de la 4e compagnie. Uriel savait qu’il devait lui aussi donner l’exemple et mener la charge.
Les artilleurs des forces de défense planétaire tiraient à l’aveuglette. En effet, les Space Marines avaient saturé la zone de grenades aveuglantes et fumigènes. Ainsi les nuages de fumée âcre couvriraient temporairement leur avance.
— Maintenant ! Pour la gloire de Terra ! hurla Uriel lorsqu’il estima que la fumée était assez épaisse. Il jaillit hors de son abri.
Comme un seul homme, les Ultramarines suivirent leur capitaine à travers la fumée, les tirs de laser et les rafales de bolters. Leur mort assurée s’ils n’avaient été protégés par une armure énergétique bénie par les techmarines et habitée par les esprits de la bataille.
Les Space Marines se dispersèrent immédiatement afin qu’un tir groupé ne les abatte pas tous. Chaque homme devrait traverser cette épreuve seul. Uriel courut à travers le brouillard artificiel, illuminé par les incendies fantomatiques. Il enjamba des corps carbonisés, des zones de terrain calciné et d’équipements abandonnés. Les balles et les lasers sifflaient tout autour de lui en écartant momentanément la fumée. Tous ses sens étaient en alerte pendant qu’il menait la charge.
Ses autosens perçaient difficilement le nuage créé par les grenades et seules les flammes des canons ennemis lui indiquaient la distance qu’il leur restait à couvrir.
Cent cinquante pas.
Il apercevait dans la fumée la silhouette de ses guerriers dont les armes crachaient la mort en direction des lignes ennemies.
Cent pas.
Il entendait des rugissements de douleur ici et là. La fureur s’empara de lui à mesure qu’il s’approchait.
Soudain, le sol autour de lui explosa et une pluie de fragments de pierre et de métal fumant se déversa sur son armure alors que des bolters lourds saturaient la zone où il se trouvait. Des obus endommagèrent une de ses épaulières et son casque, l’envoyant voler en arrière. Un autre bolt frappa de plein fouet son épée et en sectionna la lame dans une gerbe d’étincelles.
Uriel tomba et roula à couvert alors que ses lentilles affichaient des runes clignotant d’un rouge inquiétant. Le sang coula dans ses yeux et il finit par retirer son casque pour nettoyer la substance qui l’aveuglait. Il suffoqua de rage en voyant les dégâts causés à son épée.
La poignée ne supportait plus qu’un court fragment de lame. Le tir avait tranché le réseau complexe de câbles qui contenait l’esprit guerrier de l’arme. L’héritage d’Idaeus était détruit. Le dernier lien qui rappelait le transfert de l’autorité de son défunt mentor n’était plus.
Il rengaina son épée et se releva. La fumée commençait à se dissiper.
Il vit qu’ils étaient à moins de cent mètres des bunkers. Ils étaient presque arrivés, mais à cette distance, le feu nourri de la tranchée était plus dangereux que jamais et les tirs avaient brisé l’élan des Space Marines. Il était tout simplement impossible d’avancer sous ce déluge de feu et d’acier.
Il fut soudain saisi par la certitude absolue de la justesse de sa cause. Il brava calmement les tirs adverses pour rejoindre la dépouille d’un frère de bataille et lui prit son épée tronçonneuse. Les balles labouraient le sol autour de lui mais il ne cilla point, refusant même de prêter attention aux tirs.
— Capitaine ! À couvert ! lui cria Pasanius.
Uriel se tourna vers ses hommes.
— Suivez-moi ! leur dit-il. Un rayon laser le frappa droit à la poitrine.
Il fit un pas en arrière mais ne tomba pas. L’aigle sur son torse avait fondu sous la chaleur de l’impact. Le chapelain Clausel se leva en brandissant son crozius arcanum.
— Voyez, mes frères ! L’Empereur nous protège ! rugit-il, sa voix portant aisément sur tout le champ de bataille. Debout, mes frères ! Debout ! Pour l’Empereur ! En avant !
Uriel actionna le moteur de son épée tronçonneuse. Il se tourna vers la ligne ennemie.
Ils y arriveraient. Et une fois là-bas, ils ne feraient pas de quartier.
Il commença à courir en direction de l’ennemi.
Barzano fit un pas de côté pour éviter le coup de scie du chirurgien qui visait son ventre. Il agrippa le bras de son adversaire qui tenait l’arme et s’introduisit dans sa garde. Il tourna sur lui-même et enfonça son coude dans le flanc du xenos. Il roula pour éviter le revers de la scie et s’écrasa contre le plateau supportant les instruments chirurgicaux, à côté de la table d’opération. Il entendit Almerz Chanda gémir de douleur au-dessus de lui et s’empara d’un scalpel à la lame recourbé pour faire face au chirurgien qui se précipitait sur lui.
Les forces de Barzano l’abandonnaient. Il ne tiendrait plus très longtemps, il le savait. Il se releva, le scalpel à la main. Le chirurgien voulut le frapper à la tête avec la scie.
L’inquisiteur para le
coup avec son avant-bras, et ne put retenir un hurlement quand les
dents de la scie lui labourèrent la chair jusqu’à hauteur du coude.
La lame s’arrêta brutalement, coincée dans l’os du bras.
Barzano
étendit le bras, la scie que tenait toujours son opposant fichée
dans son os, et fit un pas en avant pour enfoncer le scalpel dans
la tempe du chirurgien.
L’extraterrestre vacilla. Le sang jaillit de sa bouche et il tomba à genoux, quinze centimètres d’acier enfoncés dans le cerveau. Il eut un dernier soupir avant de s’effondrer au sol. Entraînée par son poids, la scie chirurgicale fut arrachée du bras de l’inquisiteur.
Barzano retomba contre la table d’opération, luttant pour rester conscient malgré la gravité de sa blessure. Une couche épaisse de peau et de muscle pendait de son coude et il se força à ne pas regarder la plaie pour éviter de tourner de l’œil.
Des tirs de lasers martelèrent à nouveau la porte. Reprenant ses esprits, il décrocha un pistolet à l’aspect étrange de la ceinture du chirurgien. Chaque mouvement déclenchait des explosions de douleur dans son cerveau.
Il sentit plus qu’il ne le vit un mouvement à côté de lui et se tourna tout en braquant son pistolet.
Almerz Chanda s’assit avec difficulté dans un suprême effort avant que la mort ne l’emporte.
Ses traits exprimaient une souffrance inimaginable et l’inquisiteur comprit que les « soins » du chirurgien l’avaient conduit aux portes de la folie. Mais il sentit également que son âme désirait plus que tout la rédemption.
Tandis que l’inquisiteur essayait de rester debout, les soldats enfoncèrent finalement la porte de la salle de torture.
Uriel enfonça son poing dans la visière du soldat, dont le crâne éclata sous l’impact. Un laser atteignit son plastron, mais l’armure le protégea une fois de plus et Uriel abattit le tireur d’un tir de bolter bien placé. Il fit décrire un arc à son épée tronçonneuse, qui décapita un soldat et en éventra un deuxième. Il tira un bolt dans la tête d’un troisième et poussa un rugissement de triomphe.
La tranchée était devenue un abattoir.
Le courroux des Ultramarines ne connaissait pas de limites. Ils submergèrent aisément la position des forces de défense planétaire et les taillèrent en pièces à coups de pistolet bolter, d’épée tronçonneuse et de prométhéum ardent. Ils ne firent pas de prisonniers et en quelques secondes la tranchée devint le tombeau des rebelles.
Avant que l’élan de la charge ne diminue, Uriel ordonna à ses hommes de le suivre. Il s’élança hors de la tranchée, en direction des bunkers. Des balles de gros calibre se frayèrent un chemin vers lui mais il évita la rafale en faisant un pas de côté et tirait tout en courant. Sa charge l’amena à moins de dix mètres du bunker. Il vit Pasanius tirer au lance-flammes à travers la meurtrière du second blockhaus, condamnant ses occupants à une mort certaine.
Uriel plongea au pied du bunker et évita de justesse une rafale à bout portant qui l’aurait coupé en deux. Le blockhaus était un bloc de rocbéton percé de meurtrières à un mètre au-dessus du sol, sur chaque côté. Les grenades étaient inutiles car il devait sans doute y avoir une tranchée à grenades, conçue pour en ignorer les effets.
D’autres tirs partirent du bunker. Uriel attendit jusqu’à ce qu’il entende le son caractéristique d’un bolter lourd à court de munitions. Il retint son souffle et se concentra pour percevoir le double clic d’une nouvelle bande de munitions introduite dans l’arme.
Il rugit et se releva subitement afin d’enfoncer son épée tronçonneuse dans la meurtrière. Il décapita proprement le tireur, passa sa main à l’intérieur et en ressortit le bolter lourd, qu’il retourna pour viser l’intérieur de la salle fortifiée. Il appuya sur la détente et balança l’arme de droite à gauche. Les cris des soldats s’éteignirent rapidement, mais Uriel vida quand même le chargeur de l’arme.
Il jeta le bolter lourd. Son visage était couvert de sang et de sueur.
Maintenant qu’ils avaient capturé les bunkers, le passage vers la prison leur était ouvert.
Les gardes de la prison entrèrent dans la salle de torture pour être confrontés à une vision cauchemardesque. Almerz Chanda se jeta sur eux avec ce qu’il lui restait de force et emporta dans sa chute les premiers hommes à être entrés.
Battant des membres, le traître poussait des hurlements terrifiants qui sciaient les nerfs de tous ceux qui les entendaient. Instinctivement, les gardes tirèrent. Leurs lasers touchèrent à la fois le corps mutilé de Chanda et leurs camarades coincés sous lui.
Le dernier cri d’Almerz Chanda exprimait plus un intense soulagement que de la douleur.
Les fantassins quittèrent des yeux le cadavre horriblement mutilé pour tourner leur attention vers le seul occupant de la pièce encore en vie. Barzano tenait à peine debout, un côté de son corps couvert de sang. La mort de Chanda lui avait fait gagner de précieuses secondes qu’il comptait bien mettre à profit. Il pointa le pistolet du chirurgien sur les gardes et pressa la détente.
Une grêle d’aiguilles noires jaillit de l’arme en formant un cône. Elles déchiquetèrent sans aucune pitié les gardes les plus proches. Les fantassins immédiatement derrière eux n’eurent pas cette chance, et les aiguilles empoisonnées leur injectèrent de violentes toxines extraterrestres.
Barzano tituba jusqu’à la porte tandis que les gardes se repliaient. Certains des soldats en fuite étaient agités de spasmes à cause du tir, d’autres avaient simplement choisi de reculer pour éviter ce triste sort. L’inquisiteur referma la porte. Il s’écroula enfin, ses dernières forces s’écoulant par la plaie béante de son bras.
De nouveaux cris lui parvinrent de l’autre côté de la porte, ainsi que des coups de feu et des explosions. Quelque chose voulut ouvrir la porte et l’inquisiteur essaya de la maintenir fermée mais il n’y parvint pas et tomba au sol. Sa vision se brouilla alors qu’il tentait de soulever le pistolet eldar.
Le sergent Learchus prit l’arme des mains de Barzano et la jeta au loin. Lui et deux de ses frères de bataille venaient d’entrer dans la salle de torture, accompagnés de Mykola Shonai, de Lortuen Perjed et d’une demi-douzaine de scribes apeurés. Un des Space Marines portait le juge Sharben dans ses bras, qu’il posa délicatement sur la table d’opération.
Occupez-vous de lui, ordonna le sergent Learchus en désignant Barzano. Il activa sa radio.
— Capitaine Ventris, nous avons retrouvé l’inquisiteur. Il est en vie, mais grièvement blessé. Nous devons l’amener à bord du Vae Victus au plus vite.
Uriel chargea tout en tirant à travers les ruines fumantes de la porte de la prison. La déflagration avait tué presque tous les gardes qui défendaient l’entrée ; seules les plaintes des mourants se faisaient entendre.
Il s’était senti renaître en apprenant que l’inquisiteur était vivant. Demander au sergent de rester dans l’enceinte du palais et de s’infiltrer dans la prison avait été la bonne décision.
Learchus avait récupéré Barzano, certes, mais le complexe était toujours gardé par plusieurs centaines d’hommes. Pasanius tira une nouvelle gerbe de flammes dans les escaliers qui menaient aux cellules.
Des hurlements leur parvinrent d’en bas, puis Uriel mena une nouvelle fois la charge des Ultramarines.
Learchus tira une nouvelle rafale de bolter par la porte. Il abattit deux gardes et en blessa un troisième. Ils avaient repoussé trois attaques jusqu’à présent, mais ils commençaient à manquer de munitions et de temps. Cette salle comptait deux autres points d’accès, de sorte que chacun des trois Space Marines se battait pour mettre en fuite les assaillants avec leurs bolters et leurs épées tronçonneuses.
Pendant ce temps, Shonai et Perjed tentaient vainement d’empêcher le bras de Barzano de saigner. La lame du chirurgien avait tranché la chair jusqu’à l’os et la plaie courait du poignet à son coude. De plus, cet endroit ne comportait que des instruments voués à prendre la vie, pas à la préserver. La peau de l’inquisiteur était pâle, son pouls faible et irrégulier.
Les soldats rebelles lançaient charge après charge contre les trois Space Marines, pour être à chaque fois massacrés par des tirs de bolter ou de puissants coups d’épée tronçonneuse. L’entêtante odeur de la mort emplissait l’air et prenait à la gorge.
Learchus abandonna son bolter après avoir vidé son dernier chargeur et se lança à la rencontre des ennemis qui essayaient d’entrer. Il tua les premiers hommes à coups d’épée avant qu’une rafale de lasers ne le fasse tomber à terre. Des runes rouges s’allumèrent sur les lentilles de son casque. Il roula au sol, trancha la jambe d’un soldat et brisa le bassin d’un autre d’un coup de poing. Les gardes tentèrent de le poignarder avec leurs baïonnettes, mais son armure arrêta la plupart des coups.
Il frappa de taille et d’estoc, donna des coups de poing et de pied de droite et de gauche, brisant des os à chaque fois. Des coups de feu résonnèrent tandis qu’il repoussait une nouvelle fois ses assaillants, tel une véritable machine à tuer.
Ils tenaient bon, mais ils ne pourraient pas continuer ainsi bien longtemps.
Uriel envoya un autre adversaire en enfer d’un revers de la main bien placé, puis il poursuivit son avancée dans la prison avec Pasanius. Comme son heaume gisait sur le champ de bataille au-dessus d’eux, il se fiait aux augures de son sergent pour localiser Learchus.
Il perçut l’écho d’une furieuse bataille et des cris d’agonie devant eux. Il partit en courant et tourna au coin d’un couloir pour voir plusieurs groupes de soldats qui se dirigeaient vers une large ouverture. Pasanius n’attendit pas l’ordre de son capitaine et noya les traîtres sous les flammes. Les soldats hurlèrent et l’odeur affreuse de la chair brûlée s’ajouta à celle du sang versé.
C’était un massacre. L’ennemi n’avait aucune chance d’en réchapper. Pris entre la fureur de Learchus et ce nouvel assaut, les survivants implorèrent Uriel de les épargner mais celui-ci n’avait aucune pitié à leur offrir.
Le capitaine Space Marine entra dans la salle de torture du chirurgien. Essoufflé, il essuya le sang qui couvrait son visage. Des cadavres, entassés dans la pièce, et la puanteur du sang submergeaient tout. Le silence qui était retombé offrait un contraste saisissant avec le vacarme du combat qui l’avait précédé. Learchus abaissa enfin son épée tronçonneuse ensanglantée.
Uriel s’avança vers lui et lui serra la main.
— Heureux de vous revoir, mon frère, dit Uriel dans un souffle.
— Heureux de vous revoir, mon capitaine, répondit Learchus en hochant la tête.
Le Thunderhawk quitta la surface de Pavonis, poursuivi par des ornithoptères et des navettes équipées à la hâte de canons. Conçus pour mitrailler des cibles lentes au sol, ces appareils n’étaient pas dans leur élément face au cuirassé Space Marine. Ils se replièrent après avoir perdu sept des leurs.
Le sauvetage de l’inquisiteur Barzano avait coûté la vie à trois Space Marines et deux de ses scribes, abattus lors de la fusillade dans la salle de torture. Lortuen Perjed ne cessait d’insister pour que les deux hommes soient enterrés avec les honneurs.
Avant de s’occuper des blessés, Selenus avait veillé à retirer les glandes progénoïdes des Space Marines morts, la survie du chapitre prenant le pas sur toute autre considération.
Il stabilisa l’inquisiteur et prépara une transfusion sanguine avec un scribe dont le groupe sanguin était compatible. L’homme avait exprimé le désir de donner tout son sang pour sauver Barzano, mais l’apothicaire lui avait assuré que cela ne serait pas nécessaire.
Il avait également traité la blessure de Jenna Sharben. Celle-ci devrait garder le lit pendant plusieurs jours, mais au moins elle survivrait à ses blessures sans conséquences trop graves pour sa santé. Les Space Marines ne souffraient quant à eux que de blessures légères.
Le Thunderhawk atteint l’orbite haute de la planète et attendit que le Vae Victus les rejoigne pour récupérer ses guerriers.
Les officiers de l’expédition sur Pavonis étaient rassemblés dans la salle de briefing du capitaine. Ils s’étaient installés autour d’une table ronde, taillée dans le bois de sapins entourant la forteresse d’Hera sur Macragge.
Le seigneur amiral Tiberius était assis dos au mur. Une magnifique bannière en soie était suspendue derrière lui, sur laquelle étaient inscrits les victoires de son vaisseau ainsi que les noms de tous les capitaines qui l’avaient précédé, plusieurs siècles avant sa naissance pour certains. À sa droite étaient assis les Ultramarines aux armures cabossées et salies qui venaient de revenir de Pavonis : Uriel, Learchus, Pasanius, Dardino et Venasus. En face d’eux étaient installés Mykola Shonai et Lortuen Perjed.
Un fauteuil vide séparait les deux civils. Shonai but une gorgée d’eau lorsque le dernier membre du conseil de guerre fit son entrée. Un de ses bras était entouré d’un bandage de chair synthétique et il boitait de façon prononcée.
Uriel regarda Barzano s’avancer dans la salle de briefing et remarqua l’éclat étrange dans ses yeux, qui indiquait qu’il avait pris une dose massive de stimulants. L’inquisiteur les utilisait sans doute pour calmer la douleur. Il s’installa, livide, en face du capitaine Ventris.
— Bien, commença Barzano. Je pense qu’on peut dire que la situation est grave. Kasimir de Valtos contrôle Pavonis et il risque à tout moment de se procurer une arme extraterrestre capable de détruire des systèmes solaires entiers. Est-ce que cela résume correctement la situation ?
Personne ne vint contredire l’inquisiteur.
— Que suggérez-vous, inquisiteur Barzano ? demanda Tiberius.
— Je propose de transmettre un message codé à Macragge pour qu’on nous envoie une barge de bataille chargée de torpilles cycloniques.
Uriel frappa du poing sur la table.
— Non ! s’exclama-t-il. Il n’en est pas question. Nous sommes venus pour sauver ces gens, pas les détruire.
Tiberius posa la main sur le bras d’Uriel pour le calmer. Le regard de Mykola Shonai allait sans cesse de Barzano à Uriel.
— Pardonnez mon ignorance, dit-elle d’un ton confus, mais que sont exactement des torpilles cycloniques ?
— Des armes tueuses de planète, répondit simplement Uriel. Elles consumeront l’atmosphère de Pavonis qui brûlera jusqu’à ce que toute vie ait disparu à sa surface. Les mers s’évaporeront et votre monde deviendra un astre mort, recouvert des cendres de votre peuple.
Shonai, horrifiée, se tourna vers Barzano.
— Vous seriez prêt à détruire ma planète ? lui demanda-t-elle, incrédule.
— Si cela peut empêcher un malade mental de s’emparer du Porteur des Ténèbres, je n’hésiterai pas. Je préfère sacrifier une planète, plutôt qu’en perdre l’Empereur sait combien d’autres parce que nous avons hésité à faire notre devoir.
— Tuer des innocents n’est pas notre devoir, fit remarquer Uriel.
— Notre devoir est de sauver autant de vies que possible, rétorqua Barzano. Si nous ne faisons rien, de Valtos réussira à capturer le vaisseau, et de nombreux mondes périront. Je ne prends pas cette décision à la légère, Uriel, mais je dois compter sur la logique et ma foi en l’Empereur pour me guider.
— Je ne peux me résoudre à croire que c’est la volonté de l’Empereur.
— Qui êtes-vous pour juger de ce que veut l’Empereur ? contra Barzano. Vous êtes un guerrier qui voit ses ennemis sur le champ de bataille et les frappe avec son bolter ou son épée. Mes ennemis sont l’hérésie, la déviance et l’ambition. Ce sont des adversaires plus sournois que tous ceux que vous ne pourrez jamais affronter. Donc, les armes que j’utilise ont bien plus d’ampleur que les vôtres.
— Vous ne pouvez pas faire ça, Barzano. Mes hommes ont combattu et sont morts pour cette planète. Je ne céderai pas sur ce point.
— La question n’est pas de céder, expliqua
Barzano. La question est de
prévenir. Nous ne savons pas où se trouve de Valtos, ni comment il
pense récupérer ce vaisseau. Sans ces informations, nous ne pouvons
rien faire. Si nous hésitons et que nous arrivons trop tard pour
l’empêcher de retrouver le Nightbringer, qui sait combien de victimes il fera ? Dix
milliards ? Mille milliards ? Plus encore ?
— Ne pouvons-nous vraiment pas trouver autre chose pour l’arrêter ? demanda Shonai. Il y a des millions d’habitants sur Pavonis. Je refuse de rester assise ici à vous écouter discuter du sort de mon monde natal comme si sa destruction ou non importait peu.
— Croyez-moi, Mykola, répondit Barzano en se tournant vers elle, je ne suis pas un monstre sans cœur et je ne pense pas que la destruction, même d’une seule planète, n’ait aucune importance. Je n’ai jamais eu à condamner un monde entier auparavant. Si je connaissais un autre moyen de stopper de Valtos, croyez bien que je l’utiliserais.
Pendant que Barzano parlait, les paroles de Gedrik revinrent une nouvelle fois hanter les pensées d’Uriel.
La Mort des Mondes et le Porteur des Ténèbres attendent de naître dans cette galaxie. L’un vivra, l’autre mourra, le choix est entre vos mains.
— Vous pensez vraiment ce que vous dites, inquisiteur ? demanda-t-il.
— Penser quoi ? demanda Barzano d’un ton prudent.
— Que vous choisiriez une autre méthode si vous le pouviez.
— Oui.
— Dans ce cas, je crois qu’il existe un autre moyen, dit Uriel.
Barzano leva un sourcil, incrédule, et se pencha en avant. Il appuya ses coudes sur la table en prenant soin de ne pas se faire mal.
— Et quel est ce moyen, Uriel ?
Le capitaine sentit qu’il avait atteint un moment capital, aussi prit-il le temps de réfléchir à ce qu’il allait dire.
— Lorsque nous étions chez de Valtos, quand nous avons trouvé les deux squelettes en métal dans le sous-sol, j’ai remarqué que l’un d’eux était relié à des batteries portant des marques d’identification.
— Et ?
— Elles comportaient le mot « Tembrasrett ». Peut-être que le gouverneur ici présent pourra nous dire de quoi il s’agit, répondit Uriel.
— Tembrasrett ? C’est une chaîne de montagnes, à environ cent kilomètres au nord de Brandonsgatt. Elles courent depuis l’océan à l’ouest jusqu’à la forêt de Gresha à l’est. C’est une région minière : il y a des centaines d’exploitations là-bas. Le cartel de Valtos en possède plusieurs.
— Si ces choses ont été déterrées d’une des mines de Tembrasrett, il n’est pas impossible que le Nightbringer s’y trouve aussi, non ? fit remarquer Uriel.
— Excellent, dit Barzano dans un sourire. Et si nous parvenons à localiser la mine en question, nous aurons une véritable raison de nous réjouir.
Uriel remarqua que le ton de l’inquisiteur était légèrement sarcastique, mais il vit également qu’au moins celui-ci acceptait l’idée que la destruction de Pavonis n’était pas inévitable. Barzano s’adressa à Mykola Shonai.
— À quelle profondeur s’enfoncent ces mines ?
— Cela dépend. Les plus profondes descendent jusqu’à dix kilomètres, tandis que d’autres vont seulement jusqu’à trois ou quatre kilomètres. Cela dépend du gisement et de la profondeur à laquelle on peut creuser tout en continuant à dégager des profits.
— Alors il suffit de trouver quelles mines appartiennent à de Valtos, et on les bombarde depuis l’espace, grogna Uriel.
— Lortuen ? dit Barzano en se tournant vers son aide de camp. Le vieil homme hocha pensivement la tête et ferma les yeux. Sa respiration ralentit et il battit des paupières pendant qu’il triait les faits, les chiffres et les statistiques que lui et ses scribes avaient collectés pendant leurs recherches.
Uriel regarda les yeux du vieillard qui allaient rapidement de droite à gauche comme s’il lisait des informations qui défilaient à l’intérieur de ses paupières et remarqua pour la première fois le métal qui luisait derrière ses oreilles. On lui avait greffé des implants cybernétiques, similaires sans doute à ceux d’un serviteur savant ou d’un lexmécanicien. Sans ouvrir les yeux, il parla d’une voix monotone.
— Le cartel de Valtos possède quatre mines le long de Tembrasrett. Elles produisent toutes du minerai de fer destiné aux aciéries qui forgent des châssis de Leman Russ et des canons, mais le rendement de l’exploitation la plus au nord est de beaucoup le plus faible des quatre. Je soupçonne ces mauvais résultats d’être compensés par une surexploitation des autres gisements, ce qui expliquerait le nombre élevé d’accidents du travail dans les trois autres mines.
Perjed baissa la tête et sa respiration revint à la normale. Uriel adressa un regard triomphant à Barzano.
— Là, dit-il. Nous l’avons localisé et nous pouvons attaquer sans commettre de génocide.
— J’ai bien peur que cela ne change rien, capitaine Ventris, déclara Tiberius.
— Pourquoi ?
— Même à pleine puissance, les projectiles de notre canon de bombardement ne pourront pas atteindre cette profondeur.
— Alors redescendons à la surface de Pavonis, cria Uriel. Les techmarines m’ont dit que nous avions deux Thunderhawks à notre disposition désormais. Je propose de partir dès que nous le pourrons et d’arrêter de Valtos, à mains nues s’il le faut.
Uriel défiait Barzano du regard, prêt à repousser la moindre objection que celui-ci formulerait.
Mais l’inquisiteur se contenta de hocher la tête.
— Très bien Uriel, nous allons essayer votre plan. Mais si vous échouez, Pavonis mourra. Que ce soit par ma main ou par celle de Kasimir de Valtos.
— Nous n’échouerons pas, affirma Uriel. Nous sommes les Ultramarines.