Minuit
En une fraction de seconde, tout s’éclaire.
Des kilomètres de bord de mer explosent en des dizaines de feux d’artifice, s’illuminent à perte de vue. Des milliers de lanternes chinoises s’envolent ensemble dans le ciel, telle une migration fabuleuse de lucioles géantes et incandescentes. On entend une immense clameur, comme une ola qui ferait le tour de l’île.
Ça ne s’arrête jamais. Les filaos sont en feu.
C’est beau. Inoubliable. Inouï.
Il fait plus de trente degrés. Il est minuit.
Partout on chante, on rit.
— On s’embrasse ? dit Manu.
Manu possède un sourire de bébé, des yeux farceurs, un bras fort, il l’avance tout doucement, comme on cueille un fruit délicat.
Ce bras…
Manu est à vingt centimètres de Johana.
Il avance les lèvres pour recevoir son baiser, le premier de l’année.
Johana lui offre la mort.
Lui plante le couteau en plein cœur.
Le ciel continue d’être inondé de lumières, d’étoiles éphémères.
Le corps de Manu coule doucement dans l’eau. Johana se sent légère.
Elle a soudain envie d’une bière, de champagne, elle se sent libérée, aérienne comme ces mini-montgolfières, comme si c’était ses années d’enfer, de honte, de peur, qui s’envolaient dans le ciel.
Comme si tout était réglé selon un calendrier sacré. Minuit pile. Les pendules sont remises à l’heure.
Maintenant, elle peut vivre.
Maintenant, elle peut s’amuser.