CHAPITRE XI

Campé devant l’homme assis, mains sur les hanches, Brice lâche une sorte de gloussement ironique :

— Vous savez à quoi vous ressemblez, Drake ? À un porc-épic ou à un hérisson. Naturellement, vous n’avez jamais vu de tels animaux. Dans ce cas, vous imaginez très mal la comparaison. Pourtant, demandez à mes amis. Ils vous diront ce qu’est exactement un porc-épic. Ou un hérisson.

Nadia lance un coup d’œil sévère à l’Américain, bien que, en réalité, l’envie de rire la tenaille :

— Je vous en prie, Jack, soyez sérieux.

— Pas moyen de plaisanter, non ? Quand j’affirme que Drake n’a jamais vu un porc-épic ou un hérisson, est-ce que je me trompe ?

Il se ravise :

— En fait, d’accord. Drake a probablement rencontré de tels animaux. Ou il en a observé à la télé ou sur des photos. Je parle de Drake. Du vrai… Votre nom, à vous, serait… Rappelez-le-moi.

Ligoté sur le siège, l’homme fait grise mine. Son regard flamboie de colère mais aussi de panique.

— Xori, dit-il sombrement.

— Ah ! Oui… Xori. Riga vous a donné l’apparence de Drake. Il aurait pu vous donner ma gueule, ou celle de Nadia. Ou encore celle de Craw. Or, notre ami Drake, le vrai, se morfond à Aquontas. Tout ça parce que Pan’Os a décidé de refiler aux Zürgs une civilisation digne de ce nom.

Le prisonnier sent que Brice se fiche de sa figure. Mais il ne comprend pas très bien pourquoi il se trouve attaché à ce fauteuil, dans un laboratoire d’une annexe de la centrale. Des sangles le maintiennent solidement et un peu partout dans le corps, en des points certainement précis, Craw lui a enfoncé une bonne douzaine d’électrodes, toutes reliées à un tableau de commandes.

Devant ce tableau, Nadia contrôle divers appareils. Des aiguilles se déplacent sur des cadrans, des points lumineux crépitent sur des écrans, forment des lignes géométriques fulgurantes.

— Quel potentiel ? demande Korski.

— Indice 118 G.M., précise la camarade Gordneff.

— Bien. Surveillez la parabolique, Nadia. C’est très important.

— Je sais. Quand un courant électromagnétique traversera le continent Quatre, je vous préviendrai. Rassurez-vous, ça marchera. Alk’Ki nous a certifié que les courants passaient au-dessus du continent.

Une certaine anxiété taraude le professeur. Il marche de long en large dans le labo. Parfois, il s’arrête devant Drake, le contemple, hoche la tête. Puis il retourne vers les deux sphères placées sur des socles, à un mètre du sol.

Ces sphères ne se ressemblent pas. L’une est beaucoup plus grande que l’autre. Toutes les deux sont traversées par un gros filament électrique, en tire-bouchon. Des isolateurs empêchent tout accident dû à une fausse manœuvre et des neutraliseurs de force absorberont l’énergie en excès.

Tout un réseau de câbles encombre le labo. Ceux qui ont monté cet appareillage complexe, c’est-à-dire Korski, Mâ, Gû et Craw, ainsi que quelques techniciens de l’électronique, comme Mervey, ont travaillé avec le souci d’aller vite, très vite, de perdre un minimum de temps. Ils savaient, au départ, qu’il ne s’agissait que d’installations provisoires. Aussi, ils n’ont pas trop regardé à l’esthétique.

Dans un coin, Mâ et Gû restent immobiles, attentifs. Leurs silhouettes cadrent mal avec les lieux. Ils en ont conscience et se font aussi discrets que possible.

Craw vérifie l’implantation des électrodes dans le corps du Zürg. Satisfait, il branle la tête :

— Ça va, ça va bien, dit-il.

Au labo, la nervosité croît à mesure que les minutes passent. Alk’Ki a regagné Aquontas depuis longtemps, mais il est revenu plusieurs fois pour diriger certaines opérations. Brave Alk’Ki ! Il se donne beaucoup de mal pour aider les Terriens, mais comme il l’a dit, il ne peut pas prêcher la révolte parmi les Yos. C’est une action à laquelle il ne pense même pas, qui ne signifie rien pour lui. Il ne conteste pas le pouvoir de Pan’Os, élu légalement. En s’opposant verbalement au premier magistrat, il exprime seulement son opinion personnelle car la liberté de pensée et d’expression existe à Aquontas. Elle n’excède pas ce cadre et ne se manifeste pas sous d’autres formes plus constructives.

Depuis des heures, au labo, ils attendent. Ils attendent tous, anxieux, passionnés, bourrés d’espérance. Sur la terrasse, une antenne parabolique tourne sans arrêt et le bâtiment entier de l’annexe est isolé par un champ d’ondes protecteur, mettant ainsi à l’abri de Riga, hommes et matériel.

Soudain, Nadia tressaille. Quelque chose crépite sur un écran jusque-là noir, désespérément noir. Elle appelle d’une voix haletante :

— Un courant électromagnétique !

Korski se précipite :

— Quelle altitude ?

— Vingt mille mètres.

— Ça ira.

Il observe un autre tableau de contrôle. Brusquement, les appareils détecteurs s’animent. Une énergie gonfle les capteurs, s’amplifie. Elle atteint très rapidement l’indice 118 G.M.

— Un Zürg ! triomphe le professeur. Allez-y, Nadia, basculez-le dans la sphère Une.

La jeune fille, excitée, émue, abaisse une manette. Le mano-contact déclenche toute une série de phénomènes. Des faisceaux d’ondes électromagnétiques s’échappent par l’antenne parabolique, foncent vers la masse électronique localisée dans l’atmosphère, l’enserrent, la happent littéralement, la ramènent, captive, dans le labo.

Nadia et Korski suivent toutes les phases de l’opération. Craw, Mâ et Gû également. En experts, ils apprécient le parfait fonctionnement de l’appareillage. Seul, Brice nage un peu et n’y comprend pas grand-chose. Il sait seulement que le but de la tentative est la capture d’un Zürg à l’état embryonnaire, primitif.

Mais Drake, ou Xori comme l’on voudra, s’interroge toujours sur le motif de sa présence ici. Les Terriens l’ont gentiment convié dans le labo et, là, ils l’ont ficelé sur ce maudit siège, malgré ses véhémentes protestations. Le reste s’est déroulé très vite. Xori s’est retrouvé bardé d’électrodes.

La sphère Une s’agite drôlement. Brice se demande si elle ne va pas éclater. Sûr. Une énergie considérable se rue dans la boule, s’y concentre. Heureusement, les neutraliseurs opèrent avec succès et évitent la rupture des champs de force capteurs.

Finalement, l’orage électromagnétique s’apaise dans la sphère Une, la plus petite. Le filament de tungstène noircit.

Korski pousse un profond soupir. Il marque un point. Un point très net. Cette victoire, il la doit à toute son équipe, aux Abrix, et aussi à Alk’Ki.

— Seconde phase, annonce-t-il. J’ai toujours une petite appréhension.

Brice transmet cette crainte à Mâ. Celui-ci sautille en direction de Nadia, se penche sur certains cadrans :

— Ayez donc confiance, tout marchera bien.

Quand le commandant eut traduit, le Russe conserve le même visage un peu sombre. Un pâle sourire éclaire son visage :

— Remerciez Mâ pour ses encouragements, Brice. Vous savez, je compte surtout sur la chance.

Il appuie sur un bouton. Il sait ce qu’il déclenche. Une énergie considérable en provenance d’un puissant générateur. Des torrents d’énergie se précipitent dans la sphère Une, occupée par le Zürg. De formidables étincelles claquent. Des rouges, des vertes, des bleues. Dans la zone perturbée, les électrons subissent un bombardement intense de neutrons, dosé, calculé. Ils se fragmentent, s’ouvrent, perdent leurs charges positives, se vident.

Cette énergie ainsi extirpée est canalisée dans des faisceaux, projetée à l’extérieur du labo, dans l’atmosphère où elle se dissout très rapidement.

Puis, une opération à peu près analogue se succède. La sphère Une subit un nouveau bombardement neutronique. Les électrons, vidés préalablement, se rechargent de particules négatives, jusqu’à saturation.

Un contrôle permet d’affirmer que cet échange a parfaitement réussi. La confiance revient chez Korski.

— Mes amis… Nous avons transformé un Zürg positif en un Zürg négatif. C’était, si vous voulez, la phase préliminaire de l’expérience, la phase technique. Maintenant, il nous reste l’expérimentation proprement dite, la phase pratique, la plus importante pour nous puisque d’elle, de ses résultats, dépendra le succès.

Brice se plante devant Drake, toujours immobilisé par les sangles du fauteuil :

— Mon bon gros, le moment est venu de t’enlever tes épines.

Craw s’occupe activement de cette opération. Une à une, il ôte les électrodes du corps de Xori. L’enregistrement du potentiel énergétique émis par Drake était d’une précieuse indication pour la capture d’un Zürg à l’état primitif. La similitude des deux enregistrements prouvait qu’il s’agissait bien de deux créatures identiques.

Le commandant de la BX.14 libère le prisonnier de son siège :

— Mon vieux, nous avons encore besoin de toi.

— Vous ne me rendez pas ma liberté ?

— Ah ! Nous n’avons jamais signé de contrat en ce sens. Vous avez pris la place de Drake dans notre communauté, nous voulons bien. Nous le tolérons. Mais n’exagérez pas. Votre petit ami Kssu désire faire de nous un clan de robots. Si nous restons les bras croisés, nous vous servirons bientôt de larbins. Là, nous ne marchons plus.

— Ce n’est pas ma faute si Kssu…, proteste le Zürg.

— D’accord, concède Brice. N’empêche, vous avez accepté votre biomutation par Riga et le plan de Pan’Os, en ce qui concerne votre race, vous remplit d’aise. Désolé, mais il fallait qu’un d’entre vous passe à la casserole. Le hasard est tombé sur vous.

L’Américain tient solidement le bras de Xori. À ce contact, il éprouve un certain chatouillement au bout des doigts dû à l’énergie électrique qui parcourt le corps du Zürg. Fort heureusement, cette impression ne va pas plus loin et ne représente aucun danger d’électrocution.

Brice pousse Drake vers la grosse sphère que Korski vient d’ouvrir comme un cockpit.

— Entrez là-dedans.

La panique saisit le Zürg. Il résiste, marque un violent mouvement de recul. Craw arrive à la rescousse du commandant, empoigne Drake par l’autre bras.

— Entrez là-dedans, que ça vous plaise ou non ! répète l’Américain.

Le Zürg ne brille pas. Il comprend très vite qu’il se sacrifie pour une expérience scientifique, qu’il ressortira de la boule dans un drôle d’état. Peut-être même qu’il n’en ressortira pas du tout.

C’est ce qui l’inquiète salement. Brice et Craw le poussent dans la sphère et leurs efforts réunis parviennent au résultat qu’ils souhaitaient. Vivement, Korski referme le globe translucide.

— Il n’acceptait pas volontiers, remarque le commandant.

— Mettez-vous à sa place ! objecte Nadia.

— Oh ! non…, assure le chef d’équipage, mains en avant, comme par protection. Drake va passer un sale quart d’heure…

— Quelques secondes, rectifie la jeune Russe.

— Même quelques secondes… Elles ne seront pas agréables. Au fond, c’est un Zürg. Ne le plaignons pas. Sans eux, les Yos nous auraient laissés tranquillement sur la Terre. Ils sont responsables de notre aventure.

— Vous n’avez pas de cœur, Jack ? plaide la camarade Gordneff en rougissant.

— Je n’en ai qu’un et je tiens à le conserver. C’est pourquoi je ne l’échangerais pas contre celui de Drake. Enfin de Xori. D’ailleurs, cette créature ne possède aucun organe interne.

Derrière les parois translucides de la sphère, le Zürg s’agite. On dirait une mouche prisonnière dans un bocal. Il cherche vainement à s’échapper.

Korski soupire :

— Ne prolongeons pas davantage le supplice de ce malheureux.

Son index écrase un contacteur. Ce simple geste libère le Zürg captif dans la sphère Une. Le Zürg invisible, mais présent. Une violente secousse électrique le chasse de la boule et, par une tubulure, le projette dans la sphère Deux.

Immédiatement, une explosion secoue le labo. Dans le globe numéro Deux, quelque chose se passe. Un phénomène, qui dure une fraction de seconde. Drake se dématérialise instantanément.

Brice, sueur au front, contemple les deux sphères vides. Il s’approche de la plus grosse, cherche le Zürg.

— Xori, positif en contact avec des charges négatives, s’est désintégré, explique Korski.

— À quoi ça vous sert ? soupire le commandant.

— Comment, vous n’avez pas compris ?

— Si. À détruire les Zürgs qui pullulent dans l’atmosphère d’Ustrula. C’est ce que m’a dit Nadia. Mais en agissant comme ça, vous ne parviendrez jamais à persuader Riga. Car lui seul peut nous reprojeter sur notre planète.

Le professeur livre le fond de sa pensée :

— Je croyais que vous aviez l’imagination fertile. Alors, mettons les points sur les « i ». Les Yos et les Zürgs se ressemblent biologiquement parlant. Ou plutôt physiquement parlant. Car l’électronique, c’est de la physique, pas de la biologie. Ce que nous avons réussi avec un Zürg, nous le réussirons tout aussi bien avec un Yos… Alors, ça ne vous ouvre pas certains horizons ?

Brice est vexé de ne pas y avoir songé plus tôt. Enfantin. Il devine le sourire un peu moqueur de Nadia.

— Ouais !… Ouais…, grommelle-t-il. C’est bien joli votre petite histoire. Mais, pour capturer un Yos, il faudra se lever de bonne heure. De très bonne heure. Ce n’est pas votre avis ?

***

Les Terriens sont tellement habitués au sas Trois qu’ils ne cherchent pas une autre issue. Le 0-10 se présente devant la porte étanche et il attend. Au bout de quelques minutes, le passage s’ouvre.

L’énorme demi-sphère, vidée de son eau, le bathyscaphe repose en cale sèche. Korski, Brice et Josiane Kervec en descendent. Ils marchent vers le Point Zéro, s’orientent parfaitement dans les couloirs aux parois transparentes.

Fidèles à leur mentalité pacifiste, les Yos accueillent leurs visiteurs. Pourtant, s’ils l’avaient voulu, ils auraient demandé à Riga de renvoyer les Solariens en surface. Hors du champ protecteur du 0-10, les océanautes n’auraient pas échappé à la machine.

Immédiatement, Brice expose le motif de leur venue :

— Nous avons réfléchi, longuement réfléchi. Devant l’échec de notre tentative contre Kssu, nous sommes maintenant persuadés que nous n’avons aucune chance dans la lutte qui nous oppose. La disproportion des moyens vous donne un avantage certain.

Kssu, qui se tient auprès de Pan’Os, hoche la tête. Il se méfie de Brice comme de la peste.

— Si je comprends bien, vous déposez votre soumission.

— Exactement, dit Korski. N’est-ce pas, pour nous, le plus sûr moyen de regagner notre planète ?

— Vous oubliez les exigences des Zürgs, remarque Pan’Os.

— Ah ! Le clan des robots…, soupire l’Américain.

— Oui. En clair, cela signifie que vous deviendrez les domestiques des Zürgs. Aussi, je m’étonne que vous renonciez à la lutte.

Le professeur essaie de justifier leur position :

— Nous ne voyons pas très bien comment nous nous en sortirions. Nos compagnons commencent à se lasser. L’espoir s’atténue dans leurs cœurs. Leur courage décline. Nous prenons conscience de notre infériorité.

— Dommage, reconnaît le Yos. Votre résistance me plaisait. Je découvrais en vous des sentiments nobles, chevaleresques. J’allais même, parfois, jusqu’à souhaiter votre victoire. Votre brusque résignation me déçoit. Vous étiez un peuple fier, courageux. Vous deviendrez des créatures privées de volonté et de mémoire.

— Nous espérons toujours, précise le Russe, que Kssu renoncera à son idée primitive, qu’il nous renverra sur notre planète. Nous le lui demandons expressément et nous comptons sur vous, Pan’Os, sur votre influence, pour le persuader.

— Je ne peux pas influencer Kssu, explique le premier magistrat. Je laisse les Zürgs agir comme ils l’entendent. S’ils veulent vous renvoyer sur la Terre, je ne m’y opposerai pas.

Kssu se montre inflexible, dur, impitoyable. Il n’oublie pas la mort dramatique de Quas. Il revoit Brice, braquant son pistolet au napalm. Cet affront, il le fera payer cher. Très cher.

— Ne comptez pas sur ma clémence, ricane-t-il. J’aspire à commander un jour tous les Zürgs biomutés. Ceux des trois communautés. D’ailleurs, mon projet d’association tient toujours. Solariens, Abrix et Fags fusionneront. Mais, pour appliquer ce programme, il me faut des auxiliaires soumis, disciplinés, obéissants. Des auxiliaires sur lesquels je peux compter sans restriction.

— Les robots ? grogne Brice.

— Appelez ces domestiques comme vous voudrez. Mais ayant une connaissance parfaite de la civilisation que nous avons adoptée, ils seront à même de nous rendre les plus grands services, dans tous les domaines.

Selon un plan concerté, les trois Terriens courbent la tête. Korski pose une seule condition à cette soumission :

— Je demande à ce que mes proches collaborateurs, Nadia, mes techniciens, Craw, ainsi que Josiane Kervec et l’équipage de la BX.14, soient remplacés en dernier par les Zürgs.

— Pourquoi ? s’étonne Kssu.

— Nous aimerions profiter au maximum du peu de temps qu’il nous reste. Nous voudrions vivre une ultime fois une existence d’hommes libres. Si vous refusez, alors nous reprendrons la lutte.

Kssu examine très rapidement ce problème. Il sait que Korski et ses compagnons, et même les Américains, constituent les cadres nécessaires à l’implantation des Zürgs. Fragmenter ce groupe soudé, uni, serait sûrement une erreur juste bonne à soulever la colère chez les Solariens.

— J’accepte cette clause. Mais voyez-vous, je me méfie tellement, que je dirigerai d’Aquontas l’implantation progressive de mes congénères. En revenant sur le continent Quatre, je ne serais pas certain d’y circuler en toute tranquillité.

— La confiance entre nous ne règne pas, Kssu, sourit Korski. J’aimerais pourtant la dissiper.

— Non, n’insistez pas. Un fossé nous sépare. Il ne se comblera pas.

— Bien, bien, soupire le professeur.

Quand les Terriens regagnent le 0-10, la méfiance ne s’est pas apaisée, loin de là. Brice commente la décision du pseudo-Ganet :

— Il a la trouille, c’est certain. Pourtant, qu’il ne s’illusionne pas. Nous lui réservons une surprise de taille.

Alk’Ki attend les océanautes au sas Trois. Korski se précipite vers lui, l’entraîne à bord du bathyscaphe :

— Ici, nous pouvons parler hors de l’écoute de Riga. Vous êtes notre ami, Alk’Ki, et vous désirez le rester.

Le Yos porte son traducteur linguistique en sautoir.

— Vous voilà bien soucieux, soudain, remarque-t-il.

— Des choses graves, très graves, vont se dérouler à Aquontas. Ne restez pas dans la Cité. Fuyez. Fuyez immédiatement, vous et vos amis.

— Mais peut-on savoir…

— Non, la réussite exige le secret absolu. Mais quittez Aquontas, je vous le répète. Question de vie ou de mort. Rejoignez-nous sur le continent Quatre. J’ignore si vous serez fier de nous ou non. De toute façon, il est déjà trop tard…

— Trop tard ?

Brice pousse le Yos hors du 0-10 :

— Endossez votre scaphandre et regagnez la surface.

Alk’Ki disparaît très vite. À l’intérieur du bathyscaphe, Josiane, Brice et Korski télécommandent l’ouverture du sas. La demi-sphère se remplit lentement.

L’Américain se caresse le menton. Un pli barre son front :

— Je n’en doute pas, les pires difficultés commencent pour les Yos. Mais aurions-nous dû nous apitoyer sur Alk’Ki ?

— Voyons, Brice…, reproche le professeur. Il nous a aidés. Vous l’oubliez déjà. Nous lui devons une certaine reconnaissance.

— S’il prévient Pan’Os ? Nous l’avons laissé un peu décontenancé.

— Non, je ne crois pas. J’ignore s’il quittera Aquontas immédiatement, mais en tout cas, il restera discret. Vous savez, les Yos n’ont pas les mêmes sentiments que nous.

— Bon, bon, grommelle le commandant.

Il vérifie les instruments de contrôle. La remontée vers la surface s’effectue sans incident.

***

Reg’So donne le premier l’alarme. Il travaillait dans un laboratoire, en compagnie de plusieurs de ses assistants, quand une violente explosion retentit dans la pièce.

Il note avec effroi le phénomène. L’un des assistants s’est littéralement volatilisé, désintégré. Les autres Yos présents, stupéfaits, s’interrogent sur l’origine de cette disparition.

Reg’So, face à un écran, alerte Pan’Os, dans un labo voisin. Il lui relate ce qui se passe.

— C’est impossible ! s’écrie le premier magistrat. Comment expliquez-vous la chose ?

— Je n’ai pas d’explication. Seul Riga pourrait tirer cela au clair.

Pan’Os s’apprête à contacter la machine lorsqu’il se fige devant l’écran, brutalement déchiré par une lueur aveuglante comme celle d’un éclair.

— Reg’So ! hurle Pan’Os, conscient du drame.

En vain, il appelle son lieutenant. Alors il comprend qu’une lourde menace pèse sur Aquontas. Il devine aussi que les Solariens n’y sont peut-être pas étrangers. Mais pourquoi… Pourquoi Riga s’est-il laissé prendre en défaut une nouvelle fois ?