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Dutton, mercredi 31 janvier, 2 h 30

 

Depuis qu'Alex se concentrait sur ces photos abjectes, le sandwich que Meredith l'avait forcée à avaler menaçait de rebrousser chemin.

— Je suis désolée..., dit-elle pour la septième fois.

Et moi qui croyais que je savais ce que c'était, de faire des cauchemars. ..

— Je ne connais pas cette femme.

Daniel posa la photo suivante devant elle, sur la table. Meredith était assise près d'elle. Chase assistait à la scène en conservant un silence glacial. Luke, l'ami de Daniel, s'était installé sur le canapé, avec son ordinateur sur ses genoux. Il la fixait d'un air songeur, comme la première fois qu'il l'avait vue, au centre commercial.

— Alex ? murmura Daniel.

Elle fit un effort pour se concentrer.

— Je ne...

Elle s'interrompit et fronça les sourcils. Puis elle prit la photo que Daniel lui tendait. Ses yeux la piquaient comme si on les avait frottés avec de la glace pilée. Elle contempla longuement le visage de la fille. Ce nez...

— C'est Rita Danner, murmura-t-elle.

— Tu en es sûre ? demanda Daniel.

— Elle avait le nez cassé. Elle était mauvaise comme la gale, surtout quand elle était jalouse de quelqu'un. Elle était du genre à vous harceler.

— Elle te harcelait ?

— Elle a essayé. Un jour, nous étions à la sieste et j'ai été réveillée par Rita qui étalait du beurre de cacahuètes dans mes cheveux. J'en ai pris une pleine poignée et je la lui ai écrasée sur le visage.

Daniel battit des paupières.

— Et tu lui as cassé le nez?

— J'y suis allée un peu fort, soupira Alex. Je la haïssais, mais tout de même... Seigneur...

— Luke ? appela Daniel.

— Rita Danner a épousé Josh Runyan à Columbia, en Géorgie.

Il tapota sur son clavier.

— Elle a divorcé il y a deux ans, mais elle est restée vivre à Columbia, apparemment.

— Ce n'est pas très loin, fit remarquer Daniel. On peut lui rendre visite. Et celle-ci ? ajouta-t-il en faisant glisser une autre photo.

Alex la contempla en silence.

— Eh bien ? insista-t-il.

— Je la connais aussi... C'est Cindy... Cindy Bouse. C'était une chouette fille. Je ne lui ai pas cassé le nez.

— On devrait peut-être commencer par elle, dans ce cas, commenta Daniel d'un ton pince-sans-rire. Luke ?

— Elle s'est suicidée il y a huit ans, annonça Luke d'un air sinistre.

Alex soupira.

— Seigneur..., murmura-t-elle.

Daniel lui caressa le dos.

— Je suis désolé. Je sais que tout ça est très pénible pour toi.

Alex acquiesça.

— Passons à la suivante, dit-elle.

Elle venait de voir la onzième photo... Daniel en avait quinze, mais il l'avait prévenue qu'il ne lui montrerait pas Alicia, ce dont elle lui était reconnaissante, ni Sheila. Il ne lui en restait donc plus que deux à voir.

Il posa la douzième.

— Gretchen French, répondit aussitôt Alex. Nous étions amies au collège.

— Je cherche, s'empressa de dire Luke. Voilà... Elle vit sur Peachtree Boulevard, à Atlanta. Elle est nutritionniste. Elle a même un site web.

Il leur apporta l'ordinateur. Avec une photo récente.

Daniel compara les deux photos.

C'est bien elle, dit-il. Commençons par elle, intervint Chase. C’était la première fois qu'il ouvrait la bouche depuis le début de la séance.

— Passe-lui la dernière, qu'on en finisse, insista-t-il. Alex se concentra.

— Caria Solomon. Elle jouait dans l'orchestre de l'école avec Bailey.

— Je vois une C. Solomon à Dutton, Troisième Avenue, dit Luke. C'est tout ce que j'ai.

— Et les neuf que tu n'as pas reconnues ? demanda Meredith.

— Elles n'étaient sans doute pas dans le même lycée que moi, répondit Alex.

— Nous allons nous procurer les albums de promotions de tous les lycées de Dutton, assura Chase. Daniel, tu as suffisamment de pistes pour commencer. Tout le monde au lit. Je t'attends demain au bureau, à 8 heures pile.

II se tourna vers Alex.

— Merci de votre coopération, ajouta-t-il.

— J'espère que ça aidera à retrouver Bailey, répondit-elle.

L’épuisement lui brouillait l'esprit.

Daniel lui pressa le genou.

— Tiens le coup, murmura-t-il.

Elle releva le menton.

— Je tiendrai le coup.

 

Mercredi 31 janvier, 2 h 30

 

Mack ricana en contemplant l'écran de son ordinateur. Tout se passait formidablement bien. Gemma était morte et empaquetée, prête pour son fossé. Et je suis plus riche de cent mille dollars... Mais il ne faisait pas ça pour l'argent. Il voulait leur rendre la monnaie de leur pièce, c'est-à-dire les terroriser. L'un d'eux avait déjà craché cent mille, et il avait tellement la trouille qu'il montait la garde devant la maison de sa sœur.

Ça prouvait qu'il avait atteint son but.

Je suis là. Tu n'es plus en sécurité. Ta famille non plus.

L'autre, le geignard, n'avait pas versé un centime, mais il avait eu tout de même la trouille.

Et surtout, il avait payé. D'une autre manière, plus satisfaisante. Il avait donc réussi avec les deux premiers, les plus faibles, les fruits des branches basses, faciles à cueillir. Les deux autres commençaient déjà à se montrer affectés par les événements. Ils devenaient nerveux.

Janet, Claudia et Gemma avaient servi de petit bois pour allumer le feu. A présent, le feu s'entretenait tout seul.

Bailey Crighton avait officiellement disparu. Mack savait où elle se trouvait, qui l'avait enlevée et pourquoi. Ça lui faisait un peu de peine pour Bailey. Elle était innocente, elle trinquait pour les autres, et il était bien placé pour savoir que ça n'était pas agréable. Quand tout ça serait terminé, si elle était encore vivante, il irait la délivrer.

Quelqu'un avait tenté d'éliminer Alex Fallon. Quelle maladresse! Maintenant, la fille Fallon avait un garde du corps et deux agents du FBI postés devant sa maison. Il y avait eu ce soir une sorte de réunion au sommet chez elle. L'enquête de Vartanian avançait à grands pas.

Il avait entendu parler d'une fusillade à la pizzeria. Trois morts. Dont Sheila. Vartanian approchait de la vérité.

Les trois qui restaient devaient commencer à trembler. Oui, ils n'étaient plus que trois, puisque le quatrième venait de mourir, victime de sa culpabilité et de sa lâcheté. L'un de ses compagnons avait fait exploser sa voiture. Il ne s'était donc pas trompé. Du beau monde... Ils étaient prêts à s'entretuer sans hésiter.

Ce soir, ils avaient éliminé Rhett Porter. Il sortit le dernier journal intime de son frère Jared. Le cahier était à moitié vide. Parce qu'ils s'étaient débarrassés de lui cinq ans plus tôt. Aujourd'hui, ç'avait été le tour de Rhett. Il le savait, et demain, tout Dutton le saurait aussi.

 

Mercredi 31 janvier, 2 h 30

 

— Bailey...

Bailey entendait murmurer Beardsley depuis quelques minutes. Je suis là... Aidez-moi... Les mots tournaient dans sa tête, mais elle n'arrivait pas à les prononcer. Tous ses muscles étaient douloureux. Elle était en manque. Ce salaud avait réussi son coup...

— Bailey...

Elle vit quatre doigts émerger de dessous le mur. Il avait réussi à agrandir son trou. Un rire hystérique monta du plus profond d'elle-même. Ils étaient piégés. Ils allaient mourir ici. Mais au moins, Beardsley pourrait lui dire adieu en agitant les doigts.

Les doigts disparurent.

— Chut, Bailey... Ne riez pas si fort. Il risque de venir.

Il viendra, de toute façon.

Elle ferma les yeux et pria pour mourir.

 

Mercredi 31 janvier, 3 h 15

 

Mack grimpa silencieusement les marches. Finalement, ce n'était pas si difficile que ça d'entrer par effraction dans la maison d'un flic.

Il était passé devant une vitrine remplie d'armes, au rez-de-chaussée, en regrettant de ne pas pouvoir se servir. Mais ce soir, il venait en reconnaissance, discrètement. Donc, pas de vol. S'il avait fait la razzia sur la vitrine, comme ça le démangeait, on aurait su que quelqu'un était entré.

Il s'était préparé à mettre le type hors d'état de nuire avec un mouchoir imbibé de chloroforme, mais ça n'avait pas été nécessaire. Ce crétin était rentré soûl et s'était couché avec ses chaussures. Il tapota ses poches et sourit en sentant un portable. Il le prit et releva rapidement le numéro de l'appareil et celui des appels entrants et sortants.

Pouvoir joindre cet homme sans qu'il se méfie était essentiel. Il remit le téléphone en place aussi précautionneusement qu'il l'avait sorti. Il consulta sa montre. Il lui restait encore à déposer Gemma. Il devait se dépêcher, s'il voulait commencer ses livraisons à l'heure.

 

Dutton, mercredi 31 janvier, 5 h 5

 

Des éclairs. Le tonnerre. Je te hais. Je te hais. Je voudrais que tu sois morte...

Alex se réveilla en tremblant. Elle avait froid. Elle s'assit sur le lit et appuya le revers de sa main sur sa bouche. Près d'elle, Hope dormait profondément, et elle résista au désir de caresser ses boucles blondes. Hope avait besoin de se reposer.

Riley leva la tête et la fixa de son regard triste de basset. Elle le caressa d'une main tremblante.

— Reste là, murmura-t-elle en sortant du lit.

Elle enfila sa robe de chambre par-dessus sa chemise de nuit, et quitta la pièce en refermant soigneusement la porte derrière elle, sans faire de bruit, pour ne pas alerter Daniel.

Il dormait sur son canapé. Il avait refusé de partir, même avec les agents Hatton et Koenig qui montaient la garde à l'extérieur. Elle le contempla longuement, en se frictionnant les bras pour se réchauffer.

Il est si beau...

Oui, il était beau, avec ses cheveux blonds, sa mâchoire carrée, ses yeux bleus au regard parfois si doux. Et parfois si impitoyable.

Il m'a menti...

Non, il ne lui avait pas vraiment menti. C'était pour la protéger qu'il n'avait rien dit, et ce silence avait lourdement pesé sur sa conscience. Tout comme le fait de savoir que son frère était un monstre.

On va bientôt se retrouver en enfer, Simon. A la différence de Daniel, elle pouvait se consoler en se disant qu'elle n'avait aucun lien de parenté avec Wade. Elle songea à la manière dont Wade avait tenté de la prendre, le soir de cette fameuse fête. Il avait paru sincèrement surpris quand elle avait refusé.

Est-ce que cela signifiait qu'il avait l'habitude de coucher avec Alicia ? Alicia et Wade ? Elle n'arrivait pas à y croire... Quel genre de fille avait vraiment été Alicia ?

Quant à Wade... Elle revit les photographies de Simon... Wade avait violé toutes ces filles. Elle avait vécu sous le même toit que lui pendant des années, sans se douter qu'il était capable d'autant de dépravation et de cruauté.

Alicia. Sheila et Rita. Gretchen et Caria. Et Cindy, qui s'était suicidée. Alex savait ce que c'était que toucher le fond au point de vouloir mourir... Pauvre Cindy. Pauvre Sheila.

Et les neuf autres qu'elle n'avait pas identifiées.

Et Daniel qui avait vécu avec ça pendant une semaine. Pauvre Daniel...

Même endormi, il paraissait sombre et préoccupé. Il avait ôté sa veste de costume, seule concession apparente au confort. Les muscles de sa poitrine montaient et descendaient sous la chemise qu'il avait déboutonnée pour libérer le col. Il avait aussi desserré sa cravate, mais son revolver était toujours attaché à sa cuisse, dans son étui. Il n'avait pas enlevé ses chaussures. Il paraissait prêt à bondir.

De nouveau, les photos défilèrent devant les yeux d'Alex. Elle n’avait pas vu celle d'Alicia, mais elle imaginait aisément la scène. Elle songea à la première fois que Daniel l'avait rencontrée, à son expression choquée.

Puis elle songea à la manière dont il l'avait regardée aujourd'hui, juste avant de l'embrasser, et aussi un peu plus tôt, quand il était venu la chercher au centre commercial.

Qu'est-ce que tu veux de moi. avait-elle demandé.

Rien de spécial, juste ce que tu es prête à donner, avait-il répondu.

Sur le moment, elle l'avait cru. Mais à présent, elle n'était plus très sûre de le croire.

Daniel était pétri de culpabilité. Il avait besoin de réparer quelque chose.

Et elle ne voulait pas qu'il ait pitié d'elle. Richard avait eu pitié d'elle, et le résultat avait été catastrophique.

Daniel remua un peu. Il se réveillait. Il ouvrit les paupières, posa sur elle son regard bleu, et la contempla quelques secondes sans rien dire. Puis il roula sur le côté et lui tendit la main.

Brusquement, ce qu'elle voulait ou ne voulait pas n'eut plus d'importance, et il ne resta plus que ce désir qui la poussait vers lui. Il s'assit à un bout du canapé et l'attira sur ses genoux. Elle se laissa aller en absorbant avidement sa chaleur.

— Tu as les mains gelées, murmura-t-il en les couvrant pour les réchauffer.

Elle posa sa joue contre le rempart solide de son torse.

— Riley monopolise les couvertures, expliqua-t-elle.

— C'est pour ça que je ne lui permets pas de dormir sur mon lit...

Elle leva son visage vers lui.

— Qui dort avec toi ? demanda-t-elle.

— Personne. Depuis très longtemps. Pourquoi ?

Elle songea à la nouvelle femme de Richard.

— J'ai besoin de savoir si tu as déjà été marié. Si je joue le rôle d'une remplaçante...

Elle crut qu'il allait sourire, mais il demeura on ne peut plus sérieux.

— Non.

Il lui caressa les lèvres du bout des doigts et elle frissonna.

— Mais toi oui, dit-il.

— J'ai divorcé, fit-elle remarquer.

— Avec ton mari, tu avais l'impression de jouer le rôle d'une remplaçante?

— Même pas, ajouta-t-elle en souriant. Plutôt de celle qui apporte l’eau pour désaltérer les joueurs. Je n'étais pas vraiment sur le terrain.

Mais il ne lui rendit pas son sourire.

— Tu l'aimais ?

— Je croyais l'aimer, mais j'avais surtout peur de dormir seule.

— Donc il te tenait compagnie...

Le bleu de ses yeux devint plus intense.

— ... toutes les nuits, acheva-t-il.

— Non. Au début, il avait un logement dans l'hôpital où je travaillais. Nous sommes sortis ensemble quelques fois et... Quand ma colocataire est partie, il est venu s'installer chez moi sans même que je m'en rende compte. Il travaillait énormément, il n'était pas souvent à la maison.

— Mais tu l'as tout de même épousé.

— Oui.

Ça aussi, ça s'était fait insensiblement, sans qu'elle s'en rende compte.

— Tu l'aimais ?

C'était la deuxième fois qu'il posait la question.

— Non. J'aurais bien voulu. Mais je ne l'aimais pas.

— Il était gentil avec toi ? Elle sourit.

— Oui... Richard est un garçon très gentil. Il aime les enfants... II aime les chiens...

Elle s'arrêta net en se rendant compte que ce n'était pas très délicat de faire l'apologie de Richard.

— Il me voyait comme une sorte de défi. Il voulait m'éduquer, en un sens.

Il fronça les sourcils.

— T'éduquer? Qu'est-ce qui ne lui convenait pas chez toi?

Elle resta quelques minutes silencieuse, à le regarder. Cette question lui faisait l'effet d'un baume... Elle ressentait un peu moins la cuisante déception de ne pas avoir été à la hauteur, avec Richard.

— Je n'en sais rien... Le problème venait de moi, en fait... J'aurais voulu être plus intéressante. Plus dynamique. Plus délurée.

Il haussa un sourcil.

— Délurée?

Elle rit.

— Tu vois ce que je veux dire, répondit-elle en remuant les sourcils.

Il acquiesça, avec un visage de marbre.

— Tu aurais voulu lui suffire, résuma-t-il.

— Sans doute. Mais je ne pouvais pas devenir la femme dont il rêvait.

— Donc il est parti ?

— Non, c'est moi qui l'ai quitté. Un hôpital, c'est comme une petite ville. Les secrets finissent toujours par remonter à la surface. Richard avait des maîtresses.

Elle soutint son regard.

— Il était discret, bien sûr, mais... Il aurait dû me quitter, mais il craignait de me faire souffrir.

Daniel fit la grimace.

— C'était réussi! Tu l'as donc quitté quand tu as appris qu'il te trompait ?

— Oui. Il a refait sa vie depuis. Pas avec une des infirmières de l'hôpital, heureusement. Je n'aurais pas pu rester.

Il fronça les sourcils.

— Tu travailles toujours dans le même hôpital que lui ?

— Nous avions acheté une maison ensemble et je la lui ai laissée, mais je n'allais tout de même pas quitter l'hôpital. D'autant plus que j'y étais avant lui.

Il lui fit un clin d'œil.

— Tu voulais bien lui abandonner la maison, mais pas le boulot.

— Exactement, répondit-elle comme s'il s'agissait d'une évidence. Il avait terminé son internat et signé pour un engagement à plein temps aux urgences. Tout le monde s'attendait à ce que je parte, ou au moins à ce que je demande un transfert en pédiatrie ou en chirurgie. Mais moi, j'étais bien aux urgences.

Il parut perplexe.

— Ça ne doit pourtant pas être drôle tous les jours.

— C'est peu dire...

Elle haussa les épaules.

— J'ai quitté le domicile conjugal il y a un an et ma remplaçante a emménagé peu après. Ils ont l'air bien, ensemble.

— Tu es très magnanime, fit-il remarquer d'un ton las.

Elle eut un petit rire. Un rire sans gaieté.

— Je suppose que je l'aimais assez pour avoir envie de le savoir heureux. Meredith, elle, rêve de l'enterrer à côté d'une fourmilière après l'avoir enduit de miel.

Cette fois, il ne put s'empêcher de sourire, et elle eut le cœur plus léger.

— Je note, murmura-t-il. Ne pas déplaire à Meredith.

Elle acquiesça.

— Voilà, tu as compris.

— Tu t'es levée parce que tu faisais un cauchemar ? reprit-il d'un ton grave.

Elle se sentit soudain glacée.

— Oui, murmura-t-elle en se frictionnant les bras.

Il l'attira contre lui et lui frotta le dos pour la réchauffer. Il était comme une fournaise, chaud, puissant, mâle... Elle se pelotonna dans sa tiédeur.

Sa cuisse rencontra son sexe dur.

Elle en eut le souffle coupé. Elle n'avait plus du tout froid. Ainsi, il la désirait autant qu'elle le désirait...

Mais il ne lui laissa pas le temps de réfléchir, encore moins celui de prendre l'initiative; il la fit glisser de ses genoux et cette merveilleuse chaleur qui l'enveloppait tout entière disparut. Il la prit dans ses bras et sa tête se cala sous son menton, là où elle avait sa place.

— Je suis désolé, murmura-t-il contre ses cheveux.

Elle recula un peu pour le regarder et il lui jeta un regard coupable.

— Pourquoi?

Il jeta un coup d'œil du côté de la porte de Meredith.

— Je t'avais promis de ne pas te brusquer.

— Et alors ? Il ne s'est rien passé... Du moins pour l'instant.

Elle eut ce petit mouvement fier du menton qui l'attendrissait tant.

— Mais ça peut changer, ajouta-t-elle dans un murmure.

Son torse se gonfla et le bleu de ses yeux s'assombrit. Mais il résista.

— Si Hatton n'avait pas frappé à la porte la nuit dernière, je...

Il ferma les yeux et rougit.

— J'avais envie de toi... Si nous n'avions pas été interrompus, je n'aurais pas pu résister.

Alex prit le temps de réfléchir avant de répondre. Toutes ces précautions, ça commençait à bien faire. Il prenait décidément trop de gants.

— Daniel...

Elle attendit qu'il ouvre les yeux.

— Je n'ai plus seize ans et je ne suis pas une victime. Je vais avoir trente ans. J'ai un travail qui me plaît, une vie que j'ai choisie. Et suffisamment de bon sens pour prendre mes décisions.

Il acquiesça et elle décela une lueur de respect dans son regard triste.

— Compris, dit-il.

— Je n'ai pas terminé.

Elle glissa son doigt dans le nœud de sa cravate.

— J'aspire toujours à me montrer un peu plus délurée...

Une étrange lueur brilla dans les yeux de Daniel. La minute d'après, il l'embrassait et elle s'abandonnait sans retenue. Il la fit basculer sous lui et elle sentit son corps chaud et musclé pousser contre elle. Ses grandes mains prirent son visage, ses doigts se glissèrent dans ses cheveux, et il l'ajusta pour la placer selon l'angle qui lui convenait.

Puis il se mit à la dévorer en poussant un gémissement qui semblait monter du plus profond de lui-même. Elle avait décidé de profiter de chaque seconde de cet instant, et elle lui rendit ses baisers. Quand il entrouvrit ses lèvres, elle en profita pour goûter la texture de sa bouche et de cette langue qui la fouillait.

Il se redressa trop vite, pour prendre une longue goulée d'air, posant sur elle des yeux devenus sombres et qui brillaient d'un éclat presque inquiétant.

— C'était...

— Vraiment bon..., murmura-t-elle.

Il rit tout bas.

— Vraiment bon? J'en attendais plus d'une femme qui se veut délurée.

Elle haussa un sourcil.

— Je ne le suis pas encore. Mais tu vas voir...

Il eut un petit sourire, mais ses yeux restèrent sérieux.

— La prochaine fois, dit-il. Ce soir, tu files au lit.

Il remua pour se dégager, et comprit qu'elle ne le laisserait pas partir. Elle  attrapa sa ceinture à deux mains et le tira en arrière, en reculant du canapé pour se coller à lui, jusqu'à sentir son sexe battre contre elle.

— Je ne veux pas filer au lit, protesta-t-elle.

Il fit les yeux ronds.

— Non..., dit-il. Pas ici. Pas question.

Il fit de nouveau mine de se lever, mais elle le maintint fermement par sa ceinture. Elle se sentait sûre d'elle. S'il avait vraiment voulu s’éloigner, il l'aurait déjà fait... Lui aussi avait envie d'elle. Elle remua les hanches — un mouvement qui, elle l'espérait, ne laisserait aucun doute sur ses intentions.

— Pourquoi pas ? demanda-t-elle d'un ton aguicheur.

Il la fixa d'un air incrédule.

— Tu veux que je te fasse la liste des objections ? murmura-t-il.

— Non. Je veux que tu te taises et que tu m'embrasses.

— Ça, je peux, répondit-il avec un soulagement évident.

Il commença par un baiser doux et tendre, qu'il transforma rapidement en une attaque vorace. Elle plongea sans hésiter dans ce monde de sensations et de désir auquel elle n'avait pas l'intention de résister. Elle tira sur les pans de sa chemise, pour les libérer de son pantalon et glisser ses mains sur la peau qu'elle avait seulement entrevue tout à l'heure. Il poussa un gémissement contre sa bouche.

— Arrête-toi, Alex...

Elle obéit et s'écarta de lui pour scruter son visage.

— Tu veux vraiment que j'arrête ? murmura-t-elle.

Elle attendit la réponse, en retenant sa respiration, un peu rassurée par le désir inquiet qu'elle lisait dans ses yeux.

— Non, dit-il enfin.

Elle soupira de soulagement.

— Tant mieux.

Elle défit adroitement les boutons de sa chemise, puis fit passer sa cravate par-dessus sa tête et la jeta à terre. Elle avait enfin accès à ce torse chaud et doux, et l'explora lentement. Il était couvert de poils blonds dont elle suivit l'implantation, plus bas, jusqu'aux abdominaux.

— Regarde-toi, Daniel, murmura-t-elle.

Il l'embrassa de nouveau, avec plus de retenue.

— Je préfère te regarder, toi, répondit-il d'une voix rauque.

Il tira sur la ceinture de sa robe de chambre et attrapa le bas de sa chemise de nuit.

— Soulève-toi, dit-il.

Elle obéit et il fit rouler le tissu au-dessus de ses hanches, puis de ses seins. Elle frissonna en sentant l'air frais sur ses mamelons.

Elle ferma les yeux quand sa bouche se referma sur son sein, qu'il suça longuement. Ensuite, pour faire bonne mesure, il passa à l'autre.

Quand il posa sa main sur son ventre, elle cessa de respirer. Mais Il ne bougea pas et elle comprit qu'il attendait sa permission. Et ses encouragements.

— Je t'en prie, supplia-t-elle.

Ces simples mots suffirent et des doigts glissèrent aussitôt sous la culotte de coton. Elle ne s'était pas trompée, son pouce était vraiment magique. Mais quand elle gémit pour réclamer davantage, il posa sa bouche sur la sienne.

Elle était si près de la jouissance... Elle enfonça ses talons dans le canapé et se cambra contre lui, les nerfs en feu. Enfin, la lumière explosa sous ses paupières et elle retomba sur les coussins, pantelante, apaisée, merveilleusement bien.

Il appuya son front sur son épaule, le souffle court.

— Parfait, murmura-t-il d'une voix rauque. A présent, va au lit. Mais il continuait à la caresser, et elle sut qu'il n'était pas question de dormir. Elle avait encore envie de lui. Et ce sexe dur qui battait contre sa cuisse lui disait qu'il avait aussi envie d'elle.

Elle attrapa sa ceinture et il sursauta, les sourcils froncés. La main quitta sa culotte pour lui saisir le poignet, mais elle avait déjà défait la boucle.

— Qu'est-ce que tu fais ? demanda-t-il.

— D'après toi ?

Sa mâchoire se crispa.

— Je croyais t’avoir demandé d'aller au lit.

Elle effleura du bout des doigts sa taille et son ventre.

— Tu le veux vraiment ?

Il parut hésiter, puis jeta un coup d'œil du côté de la porte de Meredith.

Elle retint un sourire et tira sur sa chemise. Quand il retomba lourdement sur elle, elle s'accrocha à son cou et l'embrassa passionnément.

II répondit à son baiser en gémissant sauvagement et en poussant ses hanches contre les siennes.

Puis il s'écarta.

— C'est de la folie, murmura-t-il contre ses lèvres. Faire l'amour sur un canapé... Nous ne sommes tout de même pas des adolescents.

— Non, j'ai presque trente ans, répondit-elle en le regardant droit dans les yeux. Mais ça ne m'empêche pas d'avoir envie de faire l'amour sur un canapé. Avec toi. Tu veux vraiment qu'on y renonce ?

— Non, dit-il d'une voix étranglée. Tu es sûre de toi ?

— Oh oui, j'en suis sûre!

Elle fit descendre sa fermeture Eclair, mais quand elle posa la main sur son sexe, il eut un mouvement de recul et laissa échapper un juron. Elle retira précipitamment sa main.

— Mais si toi tu n'es pas sûr... Je ne voudrais pas...

Il la fit taire d'un baiser, défit la boucle qui retenait l'étui accroché à sa cuisse, déposa soigneusement son revolver devant le canapé, puis fouilla dans la poche arrière de son pantalon pour en sortir son portefeuille, qui contenait un préservatif. Le portefeuille alla rejoindre le revolver, tandis qu'il la contemplait avec des yeux luisants comme des flammes.

— Réfléchis bien, dit-il.

Elle soutint son regard et fit glisser sa culotte le long de ses jambes.

— Je te le demande, murmura-t-elle.

Lorsque son regard dériva vers la peau qu'elle venait de dénuder, elle vit monter et descendre sa pomme d'Adam. Elle comprit que ce qui se jouait entre eux était plus qu'une simple rencontre entre deux adultes conscients et consentants. Désormais, à ses yeux, elle n'était plus simplement une victime à protéger.

— Je te le demande, répéta-t-elle.

Il prit le temps de la regarder, puis il ouvrit le préservatif et l'enfila en prenant possession de sa bouche avec un calme et une autorité plus excitants que sa fougue antérieure, tout en la pénétrant avec une tendre lenteur qui lui coupa le souffle.

Il remua de droite à gauche, en roulant des hanches, posément, pour jauger sa réponse. Quand elle gémit, il se pencha vers elle.

— Ici ? dit-il.

— Oui, ici, c'est vraiment bon, confirma-t-elle en posant ses mains en coupe sur ses fesses, dont les muscles se crispaient en cadence.

Des fesses bien rondes, bien remplies, à la fois douces et dures.

De nouveau, il entreprit de la guider lentement vers le plaisir, de plus en plus vite. Elle sentait qu'il perdait peu à peu le contrôle de lui-même et elle voulait qu'il le perde, qu'il oublie qui il était, qu'il ne pense plus qu'à la posséder.

Elle fit glisser ses doigts jusqu'à la douce peau de son sexe et il se figea en poussant un long gémissement.

— Daniel, je t'en prie, maintenant, murmura-t-elle à son oreille.

Il frissonna et, cette fois, lâcha prise et se mit à bouger frénétiquement en elle, comme si ce n'était pas assez profond, pas assez rapide pour lui. Agrippée à ses épaules, ses ongles enfoncés dans sa peau, elle l'encouragea en épousant son rythme. Il dut sentir que sa jouissance montait, parce qu'il la fit basculer d'une dernière poussée, plus forte encore. Elle faillit crier, mais il posa sa main sur sa bouche pour étouffer son gémissement.

Ensuite, ce fut son tour. Il se cambra au-dessus d'elle qui frissonnait encore, sans bouger, sans un murmure, la mâchoire serrée, avant de replonger. Pendant quelques secondes, il demeura tout au fond, immobile, tendu, plein de sa magnifique puissance de mâle. Enfin, il poussa un long soupir et s'effondra, en enfouissant sa tête contre son épaule, haletant et tremblant. Elle caressa doucement son dos sous la chemise qu'il portait encore.

Quand il cessa de trembler, il se redressa sur un coude pour la regarder. Il avait la bouche encore humide. Mais ses yeux... Elle en revenait toujours à ses yeux...

Il posait sur elle un regard plein d'admiration, et elle eut l'impression d'avoir vaincu l'Everest.

Il soupira.

— Je t'ai fait mal ?

Elle secoua la tête. Ces yeux...

— Non, c'était parfait.

Il fut de nouveau parcouru d'un frisson, comme s'il était traversé par les répliques d'un tremblement de terre.

— Nous n'avions pas beaucoup de place. J'aurais fait mieux dans un lit. J'aurais dû...

— Daniel...

Elle le fit taire en posant un doigt sur ses lèvres.

— C'était parfait, murmura-t-elle. Parfait.

— Il n'empêche que la prochaine fois je...

— Police ! Restez où vous êtes !

Le cri venait de l'extérieur et Daniel réagit aussitôt. Il remonta son pantalon tout en se redressant et en attrapant son arme.

— Reste couchée, ordonna-t-il.

Il alla se placer près de la fenêtre et scruta au-dehors à travers les rideaux de dentelle.

Alex obéit en gardant les yeux rivés sur lui. Au bout de quelques secondes, il parut se détendre.

— Que se passe-t-il ? se risqua-t-elle à demander.

— Que se passe-t-il ? fit en écho la voix de Meredith qui entrouvrait sa porte.

— Ce n'est que le livreur de journaux, répondit Daniel. Hatton a ramassé le journal et il remonte l'allée. Mais il n'a pas l'air content, ajouta-t-il d'un ton crispé. Je me demande ce que ça signifie.

Alex ramassa précipitamment sa culotte et la fourra dans la poche de sa robe de chambre dont elle noua la ceinture. Elle fit mine de ne pas remarquer le sourcil interrogateur de Meredith et fila dans la cuisine pour préparer du café — et se donner une contenance — pendant que Daniel ouvrait à Hatton.

— Désolé, Daniel, dit celui-ci. Mademoiselle Fallon, ajouta-t-il en faisant un signe de tête du côté d'Alex, puis de Meredith.

Sans doute jugeait-il superflu de répéter le nom deux fois, puisqu'elles avaient le même.

Il est arrivé dans une camionnette et nous ignorions qu'il s'agissait du livreur de journaux, poursuivit-il à l'intention de Daniel. Peu Importe... Jette plutôt un coup d'œil sur la première page. Ton ami Woolf ne chôme pas, en ce moment.

Daniel lui prit le journal des mains. Il lut. Puis il leva les yeux. paraissait abattu.

Alex abandonna le café et se précipita pour lire à son tour. Elle fronça les sourcils.

— Rhett Porter est mort?

— Qui est Rhett Porter ? demanda Meredith en lisant par-dessus l'épaule d'Alex.

— Rhett était un ami de Wade, expliqua Alex. Un type qui vendait des voitures. Son père représentait tous les concessionnaires de voitures du coin.

— Rhett était aussi le frère des gamins qui avaient découvert le corps d'Alicia, ajouta Daniel.

Hatton haussa les sourcils.

— Tu crois qu'il s'agit d'une coïncidence?

Daniel secoua la tête.

— Dans cette ville, rien n'est une coïncidence.

— Je me demande comment Woolf a obtenu ce tuyau, intervint Meredith. L'information n'est pas encore diffusée par les médias. J'étais justement en ligne, en train de lire mes e-mails, et je n'ai rien vu.

Elle jeta un regard appuyé du côté d'Alex pour montrer qu'elle savait, qu'elle ne dormait pas, qu'elle avait entendu.

Alex rougit et Daniel boutonna sa chemise.

— Une petite discussion avec M. Woolf s'impose, dit-il.

— Je reste à l'intérieur avec mademoiselle Fallon, proposa Hatton.

— Je vais finir de préparer le café, dit Alex. Nous en avons tous besoin.

Meredith la suivit dans la cuisine avec un petit sourire.

— Moi, j'ai besoin d'une cigarette, murmura-t-elle.

Alex la regarda de travers. Elles ne fumaient pas.

— Je t'interdis le moindre commentaire, lui dit-elle. Meredith pouffa.

— Quand tu décides de lâcher la bride, ce n'est pas à moitié !

 

Dutton, mercredi 31 janvier, 5 h 55

 

Daniel s'engageait dans Main Street quand il vit la lumière s'éteindre dans les locaux du Dutton Review. Son instinct lui dictant de se montrer prudent, il se gara derrière un buisson de buis, éteignit ses phares, et attendit. Quelques minutes plus tard, Jim Woolf sortit de derrière le bâtiment et passa près de lui, tous feux éteints. Il prit son portable et appela Chase.

— Qu'est-ce qui se passe ? grommela Chase d'une voix endormie.

— Woolf a encore eu un scoop la nuit dernière. Un type de Dutton a eu un accident. Sa voiture a quitté la route et il est mort. J'allais à son bureau pour lui poser des questions à ce sujet, mais il sortait, figure-toi.

— Merde, gronda Chase. Et où va-t-il ?

— Vers l'Est. Je vais le suivre, mais il me faudrait du relais. Je ne voudrais pas qu'il me remarque.

— Demande à Hatton de rester au pavillon et dis à Koenig de te prêter main-forte. Je me mets en route pour vous rejoindre. Appelle-moi avant de lui tomber dessus.

 

Mercredi 31 janvier, 6 heures

 

Non... Non... Non... Non...

Bailey se balançait en se cognant la tête contre le mur. Cette douleur la soulageait de l'insupportable nausée qui la tenaillait depuis un moment.

— Bailey... Arrêtez ça.

La voix de Beardsley... Mais Bailey s'en fichait.

Bang... Bang... Bang... Bang...

Sa tête lui faisait mal et elle le méritait. Elle méritait de souffrir. Elle méritait de mourir.

— Bailey...

La main entière de Beardsley sortit de dessous le mur et lui saisit le poignet.

— J'ai dit stop, insista-t-il.

Bailey laissa retomber sa tête en avant, entre ses genoux.

— Foutez-moi la paix, murmura-t-elle.

— Bailey... Que s'est-il passé ?

Elle contempla la main couverte de terre qui serrait son poignet comme un étau.

— Je lui ai dit! lança-t-elle. Vous avez compris, maintenant ? Je lui ai tout dit.

— Ce n'est pas votre faute. Vous avez tenu le coup tant que vous pouviez. Vous n'avez rien à vous reprocher.

Pour de la came... Elle avait craqué pour de la came... Il lui avait mis la seringue sous le nez. Elle en avait tellement envie... Tellement besoin... Au point que plus rien d'autre n'avait compté.

— Qu'est-ce que j'ai fait? gémit-elle.

— Que lui avez-vous dit exactement, Bailey?

— J'ai essayé de mentir, mais il s'en est aperçu. Il savait que la clé n'était pas chez moi.

Il l'avait bourrée de coups de pied, giflée, il avait craché sur elle chaque fois qu'elle proférait un mensonge. Mais elle avait tenu le coup. Jusqu'à la seringue.

A présent, ça n'avait plus d'importance. Plus rien n'avait d'importance.

— Où l'aviez-vous cachée ?

Elle se sentait lasse. Si lasse...

— Je l'avais donnée à Alex.

Elle essaya de déglutir, mais sa gorge était trop sèche. Elle voulut pleurer, mais elle n'avait plus de larmes.

— Il va s'en prendre à elle, maintenant, poursuivit-elle. Et Hope est avec elle. Ensuite il me tuera. Et il vous tuera aussi. Il n'aura plus besoin de nous.

— Il ne me tuera pas. Il croit que j'ai consigné par écrit la confession de Wade et que je l'ai cachée.

— Vous avez fait ça?

— Non, mais j'ai réussi à l'en persuader pour gagner du temps. Quant à vous, il vous gardera en vie tant qu'il n'aura pas vérifié que la clé se trouve bien là où vous avez dit.

— Je m'en fiche. J'aurais préféré qu'il me tue tout de suite.

— Ne dites pas ça. Nous allons sortir d'ici.

Elle renversa sa tête en arrière, contre le mur.

— Nous ne sortirons jamais, soupira-t-elle.

— Nous sortirons. Mais pour ça, il va falloir que vous m'aidiez.

Les doigts s'enfoncèrent dans son poignet.

— Aidez-moi. Pour votre enfant et pour les autres filles qui sont prisonnières ici et qu'on entend pleurer la nuit.

Bailey sursauta.

— Vous les entendez aussi ? Je croyais que je délirais.

— Vous ne délirez pas. J'en ai vu une quand il m'a emmené dans son bureau.

Le bureau... Cette pièce où il l'avait torturée plusieurs jours d'affilée.

— Qui était-ce ?

— Je l'ignore, mais elle n'avait pas plus de quinze ans.

— Mais pourquoi a-t-il enlevé des gamines de quinze ans ?

— D'après vous, Bailey?

— Seigneur... Elles sont combien ?

— J'en ai compté douze, rien que dans ce couloir. A présent, vous allez m'aider. Pour elles et pour Hope.

Bailey poussa un soupir qui lui fit mal. A l'intérieur et à l'extérieur.

— Qu'attendez-vous de moi ? demanda-t-elle. Il lâcha son poignet et mêla ses doigts aux siens.

— Vous êtes quelqu'un de bien, murmura-t-il.