MEMORY OF PAST REMEMBRANCES
Un jour, elle se souviendra s’être longtemps rappelé la froideur des vagues d’Alexandrie sur sa peau : laissait-elle traîner sa main dans l’eau lorsqu’on l’emmenait en barque chez son père ?
Le souvenir de cette fraîcheur aigre, remontée du passé, avait brusquement resurgi au moment où la procession du Triomphe était arrivée au bas du Capitole ; plus tard, il l’avait submergée chaque fois que, convoquée par Octavien-César, elle se rendait dans la tanière du « Prince » par les souterrains du Palatin. Toujours ce même souvenir glacé qui, d’un coup, engourdissait ses doigts. La même humidité salée, corrosive, qui dissolvait son cœur et noyait sa pensée : dans un halo, elle apercevait au loin un palais de marbre blanc qu’elle n’atteindrait jamais…
Un jour, elle se rappellera que pendant des années son corps s’est souvenu de cette morsure de la mer – si violente que, dix ans après, elle devait encore, pour en effacer l’acidité, caresser des lèvres et de la langue le dos de sa main.
Puis cette sensation retrouvée, la mémoire de cette sensation, et la mémoire de cette mémoire avaient disparu, elles aussi. De la Timonière, des voyages répétés à travers le Grand Port jusqu’au palais fermé, et du temps passé à ramener son père vers la vie, il ne lui restera rien, que ce souvenir abstrait d’un souvenir enfui.