VIII

 

En revenant de la poste, j’avais aperçu tout au loin, dans la grande prairie communale, derrière l’église, Hans Aden, Frantz Sépel et bien d’autres de mes camarades qui glissaient sur le guévoir. On les voyait prendre leur élan à la file, et partir comme des flèches, les reins pliés et les bras en l’air pour tenir l’équilibre ; on entendait le bruit prolongé de leurs sabots sur la glace et leurs cris de joie.

Comme mon cœur galopait en les voyant ! comme j’aurais voulu pouvoir les rejoindre ! Malheureusement l’oncle Jacob m’attendait alors, et je rentrai la tête pleine de ce joyeux spectacle. Pendant tout le dîner, l’idée de courir là-bas ne me quitta pas une seconde ; mais je me gardai bien d’en parler à l’oncle, car il me défendait toujours de glisser sur le guévoir à cause des accidents. Enfin il sortit pour aller faire une visite à M. le curé, qui souffrait de ses rhumatismes.

J’attendis qu’il fût entré dans la grande rue, puis je sifflai Scipio, et je me mis à courir jusqu’à la ruelle des Houx, comme un lièvre. Le caniche bondissait derrière moi, et ce n’est que dans la petite allée pleine de neige que nous reprîmes haleine.

Je croyais retrouver tous mes camarades sur le guévoir, mais ils étaient allés dîner ; je ne vis, au tournant de l’église, que les grandes glissades désertes. Il me fallut donc glisser seul, et, comme il faisait froid, au bout d’une demi-heure j’en eus bien assez.

Je reprenais le chemin du village, quand Hans Aden, Frantz Sépel et deux ou trois autres, les joues rouges, le bonnet de coton tiré sur les oreilles et les mains dans les poches, débouchèrent d’entre les haies couvertes de givre.

– Tiens ! c’est toi, Fritzel ! me dit Hans Aden ; tu t’en vas ?

– Oui, je viens de glisser, et l’oncle Jacob ne veut pas que je glisse ; j’aime mieux m’en aller.

– Moi, dit Frantz Sépel, j’ai fendu mon sabot sur la glace ce matin, et mon père l’a raccommodé. Voyez un peu.

Il défit son sabot et nous le montra. Le père Frantz Sépel avait mis une bande de tôle en travers avec quatre gros clous à tête pointue. Cela nous fit rire, et Frantz Sépel s’écria :

– Ça, ce n’est pas commode pour glisser ! Écoutez, allons plutôt en traîneau ; nous monterons sur l’Altenberg, et nous descendrons comme le vent.

L’idée d’aller en traîneau me parut alors si magnifique, que je me voyais déjà dessus, descendant la côte en trépignant des talons et criant d’une voix qui montait jusqu’aux nuages : « Himmelsfarth ! Himmelsfarth ! »

J’en avais des éblouissements.

– Oui, dit Hans Aden ; mais comment avoir un traîneau ?

– Laissez-moi faire, répondit Frantz Sépel, le plus malin de nous tous. Mon père en avait un l’année dernière, mais il était tout vermoulu, la grand-mère en a fait du feu. C’est égal, arrivez toujours.

Nous le suivîmes pleins de doute et d’espérance. Tout en descendant la grande rue, devant chaque hangar nous faisions halte, le nez en l’air, et nous regardions d’un œil d’envie les schlittes [5] pendues aux poutres.

– Ça, disait l’un, c’est une belle schlitte, nous pourrions tous y tenir sans gêne.

– Oui, répondait un autre, mais elle serait trop lourde à traîner sur la côte : elle est en bois vert.

– Eh ! faisait Hans Aden, nous la prendrions tout de même, si le père Gitzig voulait nous la prêter ; mais c’est un avare : il garde sa schlitte pour lui seul, comme si les schlittes pouvaient s’user.

– Arrivez donc ! s’écriait Frantz Sépel qui marchait en avant.

Et toute la troupe se remettait en route. De temps en temps on regardait Scipio, qui marchait près de moi.

– Vous avez un beau chien, faisait Hans Aden, c’est un chien français ; ils ont de la laine comme les moutons et se laissent tondre sans rien dire.

Frantz Sépel soutenait qu’il avait vu l’année précédente, à la foire de Kaiserslautern, un chien français avec des lunettes et qui comptait sur un tambour jusqu’à cent. Il devinait aussi toutes sortes de choses, et la grand-mère Anne pensait que ce devait être un sorcier.

Scipio, pendant ces discours, s’arrêtait et nous regardait. J’étais tout fier de lui. Le petit Karl, le fils du tisserand, disait que si c’était un sorcier, il pourrait nous faire avoir une schlitte, mais qu’il faudrait lui donner son âme en échange, et pas un de nous ne voulait lui donner son âme.

Nous allions donc ainsi, de maison en maison, et deux heures sonnaient à l’église, lorsque M. Richter passa sur son traîneau, en criant à sa grande bique décharnée :

– Allez, Charlotte, allez !

La pauvre bête allongeait ses hanches, et M. Richter contre son ordinaire, paraissait tout joyeux. En passant devant la maison du boucher Sépel, il cria :

– Bonne nouvelle, Sépel, bonne nouvelle !

Il faisait claquer son fouet, et Hans Aden dit :

– M. Richter est un peu gris ; il aura trouvé quelque part du vin qui ne lui coûtait rien.

Alors toute la bande rit de bon cœur, car tout le village savait que Richter était un avare.

Nous étions arrivés au bout de la grand-rue, devant la maison du père Adam Schmitt, un vieux soldat de Frédéric II, qui recevait une petite pension pour acheter son pain et son tabac, et de temps en temps du schnaps [6].

Adam Schmitt avait fait la guerre de Sept ans et toutes les campagnes de Silésie et de Poméranie. Maintenant il était tout vieux, et depuis la mort de sa sœur Roesel, il vivait seul dans la dernière maison du village, une petite maison couverte de chaume, n’ayant qu’une seule pièce en bas, une au-dessus et le toit avec ses deux lucarnes. Elle avait aussi son hangar sur le côté, derrière un réduit à porcs, et vers le village, un petit jardin entouré de haies vives, que le père Schmitt cultivait avec soin.

L’oncle Jacob aimait ce vieux soldat ; quelquefois, en le voyant passer, il frappait à la vitre et lui criait : « Adam, entrez donc ! »

Aussitôt l’autre entrait, sachant que l’oncle avait du véritable cognac de France dans une armoire, et qu’il l’appelait pour lui en offrir un petit verre.

Nous fîmes donc halte devant sa maison, et Franz Sépel, se penchant sur la haie, nous dit :

– Regardez-moi ce traîneau. Je parie que le père Schmitt nous le prêtera, pourvu que Fritzel entre hardiment, qu’il mette la main à côté de l’oreille du vieux, et qu’il dise : « Père Adam, prêtez-nous votre schlitte ! » Oui je parie qu’il nous le prêtera, j’en suis sûr ; seulement il faut du courage.

J’étais devenu tout rouge ; d’un œil je regardais le traîneau, et de l’autre la petite fenêtre à ras de terre. Tous les camarades, au coin de la maison, me poussaient par l’épaule en disant :

– Entre, il te le prêtera !

– Je n’ose pas, leur disais-je tout bas.

– Tu n’as pas de courage, répondait Hans Aden ; à ta place, moi, j’entrerais tout de suite.

– Laissez-moi seulement regarder un peu s’il est de bonne humeur.

Alors je me penchai vers la petite fenêtre, et, regardant du coin de l’œil, je vis le père Schmitt assis sur un escabeau devant la pierre de l’âtre, où brillaient quelques braises au milieu d’un tas de cendres. Il nous tournait le dos ; on ne voyait que sa longue échine, ses épaules voûtées, sa petite veste de toile bleue, qui ne rejoignait pas sa culotte de grosse toile grise, tant elle était courte, sa touffe de cheveux blancs tombant sur la nuque, son bonnet de coton bleu, la houppe sur le front, ses larges oreilles rouges écartées de la tête, et ses gros sabots appuyés sur la pierre de l’âtre. Il fumait sa pipe de terre, qui dépassait un peu de côté sa joue creuse.

Voilà tout ce que je vis, avec les dalles cassées de la masure, et dans le fond, à gauche, une sorte de crèche hérissée de paille. Cela ne m’inspirait pas beaucoup de confiance, et je voulais me sauver, lorsque tous les autres me poussèrent dans l’allée en disant tout bas :

– Fritzel… Fritzel… il te le prêtera, bien sûr !

– Non !

– Si !

– Je ne veux pas.

Mais Hans Aden avait ouvert la porte, et j’étais déjà dans la chambre avec Scipio, les autres, derrière moi, penchés, les yeux écarquillés, regardant et prêtant l’oreille.

Oh ! comme j’aurais voulu m’échapper ! Malheureusement Frantz Sépel, du dehors, retenait la porte à demi fermée ; il n’y avait de place que pour sa tête et celle de Hans Aden, debout sur la pointe des pieds derrière lui.

Le vieux Schmitt s’était retourné :

– Tiens ! c’est Fritzel ! dit-il en se levant. Qu’est-ce qui se passe donc ?

Il ouvrit la porte, et toute la bande s’enfuit comme une volée d’étourneaux. Je restai seul. Le vieux soldat me regardait tout étonné.

– Qu’est-ce que vous voulez donc, Fritzel ? fit-il en prenant une braise sur l’âtre pour rallumer sa pipe éteinte.

Puis, voyant Scipio, il le contempla gravement en tirant de grosses bouffées de tabac.

Moi, j’avais repris un peu d’assurance.

– Père Schmitt, lui dis-je, les autres veulent que je vous demande votre traîneau pour descendre de l’Altenberg.

Le vieux soldat, en face du caniche, clignait de l’œil et souriait. Au lieu de répondre, il se gratta l’oreille en relevant son bonnet, et me demanda :

– C’est à vous, ce chien, Fritzel ?

– Oui, père Adam, c’est le chien de la femme que nous avons chez nous.

– Ah bon ! ça doit être un chien de soldat ; il doit connaître l’exercice.

Scipio nous regardait le nez en l’air, et le père Schmitt, retirant la pipe de ses lèvres, dit :

– C’est un chien de régiment ; il ressemble au vieux Michel, que nous avions en Silésie.

Alors, élevant la pipe, il s’écria : « Portez armes ! » d’une voix si forte, que toute la baraque en retentit.

Mais quelle ne fut pas ma surprise, de voir Scipio s’asseoir sur son derrière, les pattes de devant pendantes, et se tenir comme un véritable soldat !

– Ha ! ha ! ha ! s’écria le vieux Schmitt, je le savais bien !

Tous les camarades étaient revenus ; les uns regardaient par la porte entrouverte, les autres par la fenêtre. Scipio ne bougeait pas, et le père Schmitt, aussi joyeux qu’il avait paru grave auparavant, lui dit :

– Attention au commandement de marche !

Puis, imitant le bruit du tambour, et marchant en arrière sur ses gros sabots, il se mit à crier :

– Arche ! Pan… pan… rantanplan… Une… deusse… Une… deusse !

Et Scipio marchait avec une mine grave étonnante, ses longues oreilles sur les épaules et la queue en trompette.

C’était merveilleux ; mon cœur sautait.

Tous les autres, dehors, paraissaient confondus d’admiration.

– Halte ! s’écria Schmitt, et Scipio s’arrêta.

Alors je ne pensais plus à la schlitte ; j’étais tellement fier des talents de Scipio, que j’aurais voulu courir à la maison, et crier à l’oncle : « Nous avons un chien qui fait l’exercice ! »

Mais Hans Aden, Frantz Sépel et tous les autres, encouragés par la bonne humeur du vieux soldat, étaient entrés, et se tenaient en extase, le dos à la porte et le bonnet sous le bras.

– En place, repos ! dit le père Schmitt, et Scipio retomba sur ses quatre pattes, en secouant la tête et se grattant la nuque avec une patte de derrière, comme pour dire : « Depuis deux minutes une puce me démange ; mais on n’ose pas se gratter sous les armes ! »

J’étais devenu muet de joie en voyant ces choses, et je n’osais appeler Scipio, de peur de lui faire honte ; mais il vint se ranger de lui-même près de moi, modestement, ce qui me combla de satisfaction ; je me considérais en quelque sorte comme un feld-maréchal à la tête de ses armées ; tous les autres me portaient envie.

Le père Schmitt regardait Scipio d’un air attendri ; on voyait qu’il lui rappelait le bon temps de son régiment.

– Oui, fit-il au bout de quelques instants, c’est un vrai chien de soldat. Mais reste à savoir s’il connaît la politique, car beaucoup de chiens ne savent pas la politique.

En même temps, il prit un bâton derrière la porte et le mit en travers, en criant :

– Attention au mot d’ordre !

Scipio se tenait déjà prêt.

– Saute pour la République ! cria le vieux soldat.

Et Scipio sauta par-dessus le bâton, comme un cerf.

– Saute pour le général Hoche ! Scipio sauta.

– Saute pour le roi de Prusse !

Mais alors Scipio s’assit sur sa queue d’un air très ferme, et le vieux bonhomme se mit à sourire tout bas, les yeux plissés, en disant :

– Oui, il connaît la politique… hé ! hé ! hé ! Allons… arrive !

Il lui passa la main sur la tête, et Scipio parut très content.

– Fritzel, me dit alors le père Schmitt, vous avez un chien qui vaut son pesant d’or ; c’est un vrai chien de soldat.

Et, nous regardant tous, il ajouta :

– Puisque vous avez un si bon chien, je vais vous prêter ma schlitte ; mais vous me la ramènerez à cinq heures, et prenez garde de vous casser le cou.

Il sortit avec nous et décrocha son traîneau du hangar.

Mon esprit se partageait alors entre le désir d’aller annoncer à l’oncle les talents extraordinaires de Scipio, ou de descendre l’Altenberg sur notre schlitte. Mais quand je vis Hans Aden, Frantz Sépel, tous les camarades, les uns devant, les autres derrière, pousser et tirer en galopant comme des bienheureux, je ne pus résister au plaisir de me joindre à la bande.

Schmitt nous regardait de sa porte.

– Prenez garde de rouler ! nous dit-il encore.

Puis il rentra, pendant que nous filions dans la neige. Scipio sautait à côté de nous. Je vous laisse à penser notre joie, nos cris et nos éclats de rire jusqu’au sommet de la côte.

Et quand nous fûmes en haut, Hans Aden devant, les deux mains cramponnées aux patins recourbés, nous autres derrière, assis trois à trois, Scipio au milieu, et que tout à coup la schlitte partit, ondulant dans les ornières et filant par-dessus les rampes : quel enthousiasme !

Ah ! l’on n’est jeune qu’une fois !

Scipio, à peine le traîneau parti, avait passé d’un bond par-dessus nos têtes. Il aimait mieux courir, sauter, aboyer, se rouler dans la neige comme un véritable enfant, que d’aller en schlitte. Mais tout cela ne nous empêchait pas de conserver un grand respect pour ses talents ; chaque fois que nous remontions et qu’il marchait près de nous plein de dignité, l’un ou l’autre se retournait, et, tout en poussant, disait :

– Vous êtes bien heureux, Fritzel, d’avoir un chien pareil ; Schmitt Adam dit qu’il vaut son pesant d’or.

– Oui, mais il n’est pas à eux, criait un autre, il est à la femme.

Cette idée que le chien était à la femme me rendait tout inquiet, et je pensais : « Pourvu qu’ils restent tous les deux à la maison ! »

Nous continuâmes à monter et à descendre ainsi jusque vers quatre heures. Alors la nuit commençait à se faire, et chacun se rappela notre promesse au père Schmitt. Nous reprîmes donc le chemin du village. En approchant de la demeure du vieux soldat, nous le vîmes debout sur sa porte. Il nous avait entendus rire et causer de loin.

– Vous voilà ! s’écria-t-il ; personne ne s’est fait de mal ?

– Non, père Schmitt.

– À la bonne heure.

Il remit sa schlitte sous le hangar, et moi, sans dire ni bonjour ni bonsoir, je partis en courant, heureux d’annoncer à l’oncle quel chien nous avions l’honneur de posséder. Cette idée me rendait si content, que j’arrivai chez nous sans m’en apercevoir ; Scipio était sur mes talons.

– Oncle Jacob, m’écriai-je en ouvrant la porte, Scipio connaît l’exercice ! le père Schmitt a vu tout de suite que c’était un véritable chien de soldat ; il l’a fait marcher sur les pattes de derrière comme un grenadier, rien qu’en disant : « Une… deusse ! »

L’oncle lisait derrière le fourneau ; en me voyant si enthousiaste, il déposa son livre au bord de la cheminée et me dit d’un air émerveillé :

– Est-ce bien possible, Fritzel ? Comment !… comment !…

– Oui ! m’écriai-je, et il sait aussi la politique : il saute pour la République, pour le général Hoche, mais il ne veut pas sauter pour le roi de Prusse.

L’oncle alors se mit à rire, et, regardant la femme, qui souriait aussi dans l’alcôve, le coude sur l’oreiller :

– Madame Thérèse, dit-il d’un ton grave, vous ne m’aviez pas encore parlé des beaux talents de votre chien. Est-il bien vrai que Scipio sache tant de belles choses ?

– C’est vrai, monsieur le docteur, dit-elle en caressant le caniche qui s’était approché du lit et qui lui tendait la tête d’un air joyeux ; oui, il sait tout cela, c’était l’amusement du bataillon ; Petit-Jean lui montrait tous les jours quelque chose de nouveau. N’est-ce pas, mon pauvre Scipio, tu jouais à la drogue, tu remuais les dés pour la bonne chance, tu battais la diane ? Combien de fois notre père et les deux aînés, à la grande halte, ne se sont-ils pas réjouis de te voir monter la garde ? Tu faisais rire tout notre monde par ton air grave et tes talents ; on oubliait les fatigues de la route autour de toi, on riait de bon cœur !

Elle disait ces choses, tout attendrie, d’une voix douce, en souriant un peu tout de même. Scipio avait fini par se dresser, les pattes au bord du lit, pour entendre son éloge.

Mais l’oncle Jacob, voyant que madame Thérèse s’attendrissait de plus en plus à ces souvenirs, ce qui pouvait lui faire du mal, me dit :

– Je suis bien content, Fritzel, d’apprendre que Scipio sache faire l’exercice et qu’il connaisse la politique ; mais toi, qu’as-tu fait depuis midi ?

– Nous avons été en traîneau sur l’Altenberg, oncle ; le père Adam nous a prêté sa schlitte.

– C’est très bien. Mais tous ces événements nous ont fait oublier M. de Buffon et Klopstock ; si cela continue, Scipio en saura bientôt plus que toi.

En même temps il se leva, prit dans l’armoire l’Histoire naturelle de M. de Buffon, et posant la chandelle sur la table :

– Allons Fritzel, me dit-il, souriant en lui-même de ma mine longue, car je me repentais d’être revenu si tôt, allons !

Il s’assit et me fit asseoir sur ses genoux.

Cela me parut bien amer, de me remettre à M. de Buffon après huit jours de bon temps ; mais l’oncle avait une patience qui me forçait d’en avoir aussi, et nous commençâmes la leçon de français.

Cela dura bien une heure, jusqu’au moment où Lisbeth vint mettre la nappe. Alors, en nous retournant, nous vîmes que madame Thérèse s’était assoupie. L’oncle ferma le livre et tira les rideaux, pendant que Lisbeth plaçait les couverts.