Préambule

L’eau est la vie, mais elle est aussi la ville, comme elle est le progrès et la libération des femmes de corvée d’eau depuis les premiers jours de l’humanité.

 

Les deux auteurs de cet ouvrage sont suffisamment âgés pour avoir conçu comme jeunes ingénieurs des projets d’adduction d’eau pour des communes rurales de l’est de la France qui, à la fin des années 1960, ne disposaient pas d’eau courante. Le maillage du territoire national ne s’achèvera d’ailleurs que vingt ans plus tard, et encore, pas partout. Il est difficile d’imaginer aujourd’hui, même un instant, ce que serait notre vie avec seulement un puits, un point d’eau, une citerne pour nos usages domestiques ! Difficile en effet, mais quel changement pour ceux qui l’ont vécu ! Quelle libération !

Nous nous souvenons aussi de l’animation des lavoirs communaux et, plus douloureusement, en hiver, des engelures des lavandières. Nous avons en mémoire l’odeur du savon les jours où, faute de machine à laver, l’on faisait les « grandes lessives » dans des lessiveuses en zinc qui embuaient une bonne partie de la maison. « Eau à tous les étages » était encore signe de modernité à la fin des années 1950, et jusqu’au milieu des années 1960 il n’y avait qu’un point d’eau aux étages supérieurs, ce qui paraissait alors, pour les bourgeois, bien suffisant pour les « chambres de bonnes ».

Si Jean de Kervasdoué n’a consacré qu’une petite partie de sa vie professionnelle à la maîtrise de l’eau dans un pays sahélien, Henri Voron réside une partie de l’année au Burkina Faso où il enseigne toujours l’hydraulique dans une école d’ingénieurs. Il a également, pendant plusieurs années, suivi les problèmes d’adduction d’eau potable et d’assainissement pour l’agglomération lyonnaise.

L’eau sous toutes ses formes, l’eau pour tous les usages, et avec elle la vie qui change. Les terres arides, avec l’arrivée de la « main d’eau », donnent deux récoltes par an, la santé des enfants s’améliore, les femmes se libèrent, les rues deviennent propres, les pompiers disposent de quantité illimitée... Quel incroyable progrès que l’eau courante et toujours potable qui évite, notamment, de se demander si elle pourrait ne pas l’être ! Or cette eau-là n’est pas tombée du ciel.