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Une
France bien arrosée,
y compris par les idées fausses36
BEAUCOUP D’EAU
Comme cela a déjà été indiqué ci-dessus, la pluviométrie moyenne en France peut être estimée à 889 mm par an, mais n’attachons pas à ce chiffre une précision qu’il n’a pas : il s’agit d’un ordre de grandeur. Le volume de pluies qui tombe sur le territoire métropolitain est d’environ 486 milliards de m3 ou tonnes d’eau. La « lame d’eau » moyenne qui ruisselle en France est estimée à 320 mm en moyenne, autrement dit, 36 % de nos pluies se retrouvent dans nos rivières, et nos cours d’eau rejettent à la mer 175 milliards de m3. Sans compter l’eau évaporée qui sert à faire pousser champs, prairies et jardins, le volume global d’eau ruisselée, divisé par les 63 millions d’habitants de la France métropolitaine, représente 2 800 m3 d’eau potable ou facilement potabilisable. Or toute cette eau est rejetée à la mer. Faut-il empêcher ce « gaspillage » d’eau de 2 800 m3 par an et par Français ? Le « manque d’eau » est en réalité un excédent de 175 milliards de m3 net, après usages, prélèvements et restitutions.
PARIS NE MANQUE PAS
D’EAU,
ET CEUX QUI PRÉTENDENT LE CONTRAIRE
NE MANQUENT PAS D’AIR
A Paris, le débit moyen de la Seine est de 320 m3/s, soit environ 10 milliards de m3 par an. Les 10 millions d’habitants de l’agglomération parisienne disposeraient chacun, s’il en était besoin, de 1 000 m3 par an, soit la masse d’eau qui coule dans la Seine avant son confluent avec l’Oise. Le Français moyen, dont le Parisien, utilise environ 150 litres d’eau par jour, soit de l’ordre de 55 m3 par an pour les besoins domestiques. 99 % de ce volume repart à l’égout, puis au milieu naturel, donc à la Seine pour le cas de Paris. Cette eau sera disponible pour un autre usage en aval : la conservation du débit naturel du fleuve, la baignade, la navigation, l’irrigation, l’eau potable, etc., dans le même bassin versant.
Si un yaourt consommé est détruit, si les kilowattheures (kWh) d’EDF se transforment en chaleur ou en énergie, 99 % de l’eau des maisons ou des appartements n’est pas détruite. Il est donc absurde d’additionner les usages de l’eau en prétendant qu’ils sont des « consommations », car les prélèvements d’eau sont en général suivis de restitutions. Répétons-le, si l’usager consomme quelque chose, c’est un service de production d’eau potable, de sa distribution à son robinet, puis la reprise de ses eaux usées, suivie de sa purification et de son rejet au milieu naturel. Et pas un bien, en l’occurrence l’eau.
DES FLEUVES
GÉNÉREUX
ET AUCUN AUTRE « BESOIN » D’EAU
Le débit moyen de la Seine au Havre n’est « que » de 563 m3/s, toutefois cela représente 17 milliards de m3 par an. Cela après tous les usages possibles de l’eau, notamment en Ile-de-France, avec ses 10 millions d’habitants, car, et ce qui peut paraître paradoxal, toute l’agglomération parisienne ne consomme pas d’eau de façon significative tout simplement parce qu’il pleut aussi sur Paris et sa région et que cette pluie compense très largement la prétendue « consommation ».
Le Rhône, après avoir alimenté des industries, des tours de refroidissement de centrales nucléaires et permis d’irriguer des milliers d’hectares, débite en moyenne 1 800 m3 par seconde à son embouchure dans la Méditerranée. Il rejette donc dans la mer un volume de 56 milliards de m3 par an. Quant aux Lyonnais, ils voient passer sous leurs ponts, chaque année, 30 milliards de m3. La Garonne débite en moyenne 631 m3 par seconde, soit environ 20 milliards de m3 par an, avant son confluent avec la Dordogne. Quant à la Loire, son débit moyen à l’embouchure est de 1 000 m3/s soit 30 milliards de m3 par an.
Ces quatre grands fleuves rejettent à la mer 123 milliards de m3 par an. Soit 123 000 millions de m3. Les apports des autres bassins versants : bassin versant du Rhin (Moselle, Meuse) et des « petits » fleuves côtiers (la Somme, la Vilaine, les deux Sèvres, la Charente, l’Adour, l’Hérault, le Var...) sont estimés à 52 milliards de m3. Au total, on retrouve bien le chiffre de la « lame d’eau écoulée » citée ci-dessus de 175 milliards de m3. Il semble difficile de prétendre que l’on va manquer d’eau, alors que chaque année 175 milliards de m3 se perdent dans la mer, et si elle s’y perd, c’est que les Français n’en ont pas besoin.
d’immenses réserves37...
Les nappes font partie intégrante du bassin versant des rivières et des fleuves, elles stockent l’eau en période humide et la restituent aux rivières et fleuves en périodes sèches. Elles amortissent les variations et jouent un rôle de régulateur entre été et hiver, mais aussi d’une année à l’autre, voire entre décennies pour les plus vastes d’entre elles. Elles ne cessent de couler ; ces nappes forment d’immenses et très lentes rivières souterraines (un millimètre par seconde, voire moins).
Si l’on ne prend que les 200 plus grands aquifères (il y en a 1500), ils renferment 2 000 milliards de m3 d’eau, soit environ 30 000 m3 par habitant de la métropole, donc 500 fois les prélèvements pour les besoins domestiques et 1 000 fois les prélèvements moyens pour l’irrigation annuelle en France.
Le BRGM évalue à cent milliards de m3 l’écoulement annuel des nappes vers les sources, les cours d’eau et la mer. L’exploitation de nappes et leur renouvellement se compensent sur une année, ce qui permet de laisser globalement intact leur stock de 2 000 milliards de m3. Il est ridicule de se priver de ce flux et de ces réserves naturelles.
Bien entendu, ces réserves ne sont pas équitablement réparties ; elles sont abondantes dans les deux tiers du territoire correspondant aux bassins sédimentaires. Ainsi, la nappe de la Beauce représente un stock de 30 milliards de m3 ; d’où le développement de la culture du maïs irrigué en Loir-et-Cher.
Il y a moins de réserve sur un socle granitique (Bretagne, Massif central, Corse), mais on peut y réaliser des forages qui débitent entre 1 et 10 m3 par heure s’ils ont été creusés après avoir recherché une zone fissurée, peu coûteuse à détecter au moyen d’études de résistivité électrique.
... DANS LESQUELLES ON PEUT POMPER...
Pour l’année 2004, le SOeS38 estime que les prélèvements en eau douce en France représentent 34 milliards de m3, dont 28 milliards en eaux superficielles (avec le refroidissement des centrales nucléaires) et 6 milliards en eaux souterraines. Sur les 6 milliards de m3 prélevés pour l’approvisionnement en eau potable, 62 % proviennent des eaux souterraines, à savoir 4 milliards de m3 ; le solde, donc 2 milliards de m3, proviennent d’eaux de surface. La croissance des volumes prélevés pour l’eau potable s’est fortement ralentie au cours des dernières décennies mais elle reste en légère progression. Chaque année, environ 100 m3 par habitant sont prélevés pour la production d’eau domestique. Le secteur industriel prélève quant à lui 3,5 milliards de m3 dont la quasi-totalité retourne au milieu naturel, après épuration.
... ET IRRIGUER (PRESQUE) SANS LIMITES
Présente dans le sud-est de la France et, dans une moindre mesure, dans le sud-ouest dès la Renaissance, l’irrigation a connu un fort développement dans les régions centrales comme Poitou-Charentes ou la région Centre, au cours des vingt-cinq dernières années.
La superficie irriguée en France représente un peu moins de 5 % de la surface agricole utile estimée à 30 millions d’hectares, à savoir 1,5 million d’hectares environ. Sur les 3,6 milliards de m3 consommés pour l’irrigation, 70 % proviennent des eaux superficielles et donc 30 % des eaux souterraines. En 2007, les sept premiers départements dépassant les 40 000 hectares irrigués en céréales, oléagineux et protéagineux sont les Landes, le Gers, le Lot-et-Garonne, la Charente-Maritime, la Vendée et la Haute-Garonne.
Quatre-vingt-cinq pour cent des cultures sont donc pluviales. L’eau nécessaire à leur croissance est fournie « gratuitement » par les pluies. L’irrigation est inutile sur toutes les cultures de céréales ou de protéagineux d’hiver (blé, orge, seigle, avoine, colza...). Elle est rare sur les prairies permanentes. Elle est interdite dans les vignobles de qualité. Il n’y a pratiquement pas d’irrigation dans le tiers nord de la métropole. L’irrigation en France ne fonctionne que trois mois par an : du 15 juin au 15 septembre. Dans le temps comme dans l’espace, l’irrigation reste marginale.
L’irrigation permet d’augmenter les rendements et de réduire leur variabilité. Aussi, entre 1988 et 1997, l’accroissement des surfaces irriguées a été de 66 %. Cet essor a été permis par la grande densité du réseau hydrographique au sud et des ressources souterraines au nord du pays. Un système d’aides directes spécifiques aux cultures irriguées institué par la politique agricole commune a favorisé ce mouvement.
Cette surface irriguée est consacrée à 60 % au maïs, céréale d’origine tropicale qui ne pousse qu’en été, exigeante en chaleur, et pour laquelle l’irrigation d’appoint en juin, juillet, août et parfois septembre est quasi obligatoire. Le sorgho, le tournesol et le soja nécessitent également une irrigation d’appoint pendant les mois les plus secs. Les cultures fruitières et les cultures maraîchères comptent peu dans le total : autour de 20 %.
La surface agricole irriguée baisse et est passée de 2 millions à 1,5 million d’hectare. La surface équipée n’est pas irriguée chaque année et les agriculteurs n’utilisent que rarement leur capacité à 100 %. Le volume d’eau consommé ne représente que 3 % des 175 milliards de m3 d’eau que rejettent nos fleuves et rivières dans la mer, 1,1 % du total des eaux de pluie ou 5 % des flux naturels dans nos nappes phréatiques. L’irrigation ne prive personne et l’on se demande pourquoi des contraintes pèsent sur les agriculteurs qui veulent accroître la capacité de leur forage.
L’irrigation en France, principale consommatrice nette d’eau, n’a pas d’impact significatif sur l’évapotranspiration globale. L’irrigation en France n’a pas d’impact significatif sur le débit cumulé des fleuves et rivières. L’irrigation en France n’a pas d’impact significatif sur les nappes phréatiques, ni sur leur flux naturel, ni a fortiori sur leur stock. Les éventuelles tensions sur la ressource ne peuvent être que locales (haut bassin de la Garonne, comme nous l’avons vu) et marginales en termes de volumes concernés. Elles peuvent surgir si la ressource est un ruisseau à faible débit, ou une nappe phréatique modeste, dans le cas où les concepteurs du réseau n’auraient pas prévu de marge de sécurité ou que les acteurs concernés n’auraient pas investi ou géré correctement leurs équipements de mobilisation de la ressource et de sa distribution. Ces tensions doivent être gérées localement par les acteurs, élus et professionnels.
LES CENTRALES
THERMIQUES ET NUCLÉAIRES
CONSOMMENT DE L’EAU,
MAIS... INFINIMENT MOINS QUE LES FORÊTS
Les centrales thermiques, comme les centrales nucléaires, oui, les deux, ont besoin de beaucoup d’eau. Jugez-en. Les prélèvements, suivis de restitutions, pour le refroidissement s’élèvent à 19 milliards de m3, soit 57 % du volume total prélevé en France. Toutefois, le volume réellement consommé (par évaporation) représente 1,3 milliard de m3 seulement, soit 22 % du volume net « consommé » en France tous usages confondus (6 milliards de m3).
Le débit prélevé dépend de la puissance thermique à évacuer. Les besoins pour le refroidissement en circuit ouvert sont de l’ordre de 10 m3/s pour une centrale thermique de 250 mégawatts (MW) et de 40 à 50 m3/s pour les centrales nucléaires de 900 à 1 300 MW. Autrement dit, les besoins en eau sont les mêmes pour les centrales thermiques que pour les centrales nucléaires. En termes d’échauffement, la variation de température de l’eau rejetée en aval d’un système de refroidissement en circuit ouvert est de l’ordre de 10 °C, ce qui, après dilution, engendre localement un échauffement de l’ordre du degré. Pour la France métropolitaine, l’eau annuelle évaporée et donc consommée serait de l’ordre de 1,7 m3 par MW, d’où le total de 1,3 milliard de m3 évaporés alors que, dans le même temps, l’évapotranspiration par les plantes s’élève à 31139 milliards de m3 environ...
pour bien gérer, il faut
savoir
laisser couler40 sans être
coulant
La France compte 850 000 kilomètres de canalisations d’eau potable, soit plus de deux fois la distance de la Terre à la Lune ! Ce réseau s’est développé principalement dans la seconde moitié du XXe siècle. Il couvre aujourd’hui pratiquement la totalité du territoire et est composé d’une somme de réseaux locaux qui, le plus souvent, ne sont pas interconnectés. Si les réseaux urbains en centre-ville ont été construits avant la Première Guerre mondiale, les réseaux ruraux se sont surtout développés dans les années 1960 à 1980.
Les matériaux utilisés ont varié selon les époques : 55 % des réseaux sont en fonte (grise ou ductile), 38 % en PVC, le reste dans des matériaux divers tels que l’amiante-ciment41, l’acier ou le polyéthylène. Des matériaux qui réagissent différemment à l’usure naturelle, aux vibrations, aux mouvements de terrain ou à la topographie... Là encore, les collectivités ne sont pas sur un pied d’égalité : montagne ou plaine, ville ou village, forte ou faible densité, état de la voirie, aménagement urbain... tout peut jouer sur la durée de vie des canalisations. Ainsi, il n’est pas rare de voir des conduites centenaires poser moins de problèmes que des canalisations plus récentes : l’âge des conduites ne peut pas être le seul critère de décision concernant le renouvellement des réseaux. Ce patrimoine est estimé à 200 milliards d’euros. Est-il en bon état, y a-t-il trop de fuites, faut-il définir en la matière un seuil « acceptable » au-delà duquel on « gaspillerait » ?
Changer un tuyau de diamètre inférieur à 100 mm coûte environ 150 000 euros le kilomètre. La réparation d’une fuite coûte, quant à elle, environ 1 000 euros. Il faudrait donc 150 fuites au kilomètre, soit une tous les 7 mètres, pour que le renouvellement soit rentable, car dans la totalité des réseaux, nous le verrons, la production d’eau elle-même (pompage, filtration, etc.) ne coûte presque rien. Par ailleurs, si l’on répare beaucoup de fuites, on génère beaucoup de perturbations pour les consommateurs et pour la voirie. La « bonne » politique de renouvellement se calcule avec les outils d’optimisation classiques en la matière. Mais on voit, dans cet exemple, une fois encore qu’un raisonnement fondé en économie domestique, où les fuites sont en général lourdes de conséquences, ne peut être transféré facilement quand l’on change de nature et de grandeur. En effet, pour la collectivité distributrice, 80 % des coûts sont fixes (essentiellement l’amortissement du réseau, des pompes, etc.).
LE GRENELLE DE
L’ENVIRONNEMENT :
L’ÉTAT SE MÊLE DE CE QUI NE LE REGARDE PAS
Il se substitue aux collectivités locales
Le Grenelle de l’environnement a décrété qu’il fallait mettre en place des « plans d’action » lorsqu’une collectivité enregistrait un taux de perte de ses réseaux d’eau supérieur à un seuil. A ce jour, 28 000 communes déclarent avoir les plans de leur réseau ; parmi elles, 15 000 disposent d’un système de repérage informatique pour au moins une partie de leur réseau. Mais nous venons de voir que les fuites ne coûtaient presque rien, que l’eau qui fuyait retournait au milieu naturel et restait disponible pour d’autres usages, en aval. En revanche, nous avons aussi vu que le renouvellement de certaines canalisations pouvait être très coûteux et ainsi majorer lourdement le prix de l’eau. Pourtant, au printemps 2011, la ministre de l’Ecologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, lance une lutte contre les « pertes » ou « gâchis » dans les réseaux, sans, bien entendu, payer les conséquences de ses ambitions en la matière. Or, maintenir quelques fuites coûte beaucoup moins cher que renouveler une canalisation ! La France prétend se décentraliser et les ministres passent leur temps à faire des déclarations dans des domaines qui ne sont pas de leur compétence administrative, technique ou financière.
L’Etat prend des mesures absurdes
pour, au mieux, des raisons symboliques
La gestion des sécheresses illustre aussi un pouvoir mal placé et un activisme ridicule. La sécheresse printanière de mars et avril 2011 en donne l’illustration. Les préfets ont, par application du principe de précaution, réagi à la « peur » du manque d’eau et demandé des « économies d’eau » d’autant plus inutiles que la menace était inexistante et les « économies » éventuelles inutilisables. Soixante départements ont ainsi fait l’objet d’arrêtés préfectoraux. Dans le Rhône, le préfet a demandé à tous, par arrêté, de réduire leurs « consommations » (interdiction de laver les voitures, de remplir les piscines...). Mais le Rhône en étiage ne débite jamais moins de 200 m3/s42, ce qui est largement suffisant pour l’eau et l’assainissement de l’agglomération lyonnaise dont les besoins varient entre 4 et 6 m3/s en tête de réseau. De plus, 100 % des « consommations » retournent au Rhône après épuration43... Aucun usager à l’aval de Lyon n’est pénalisé.
Par ailleurs, les « économies » qu’auraient pu faire les Lyonnais ne sont d’aucune utilité pour les éleveurs de moyenne montagne de l’ouest et du nord de ce département, dont les prés ont jauni précocement... En effet, comment amener l’eau « économisée » à Lyon à 20 kilomètres de distance pour arroser une prairie, dans l’urgence et sans argent, pour placer des pompes et creuser des canalisations ? Quant aux vignes du Beaujolais et des Côtes du Rhône, la sécheresse du printemps 2011 n’a pas eu d’impact : ce végétal est résistant à la sécheresse. Les pseudo-économies infligées aux citadins ne permettront jamais d’arroser les 25 millions d’hectares non irrigués en France. Les interdictions préfectorales étaient donc aussi symboliques que totalement inutiles.
Le lavage des voitures, si l’eau retourne à l’égout, ne consomme pas d’eau. Une fois pleines, les piscines ne « consomment » pas d’eau et stockent une eau qui peut se révéler très utile en cas de panne de réseau ou d’incendie. Chaque piscine est potentiellement une ressource pour les pompiers. En situation de pénurie réelle ou supposée, il faudrait au contraire obliger leurs propriétaires à les remplir et à faire tourner le système de filtrage et de chloration pour avoir une eau, sinon potable, du moins désinfectée, pour tous les usages hygiéniques : lavages, toilette, vaisselle, WC... En attendant, le préfet du Rhône a déclaré dans la presse qu’il ferait surveiller les piscines des déviants par hélicoptère et pourrait d’infliger de lourdes amendes... Il faut en rire, en pleurer accroîtrait le gaspillage d’eau !
Les arrêtés préfectoraux de mars-avril 2011 interdisant l’irrigation de jour pour la remplacer par une irrigation nocturne sont, si nous osons le dire, du même tonneau. Il est exact que l’on consomme moins d’eau la nuit quand on irrigue, mais a-t-on sérieusement évalué « l’économie » réalisée par rapport aux ressources disponibles dans les nappes ou les rivières, même en période d’étiage ? Est-on sûr que l’eau économisée (10 % ?) par les irrigants « de nuit » serve à quelque chose ? Pour permettre au voisin d’irriguer lui aussi la nuit et qui, par hypothèse, manquerait d’eau si le premier irriguait de jour ? Rappelons que cela se passe pendant les mois de mars, avril et mai, périodes pendant lesquelles l’irrigation est nulle ou marginale en France. En effet, les cultures d’été comme le maïs, le tournesol ou le soja n’ont pas encore été semées. On peut rencontrer des tensions ici ou là, mais les réponses ne peuvent être que locales et dépendent des débits disponibles, des intentions des autres agriculteurs concernés sur le choix de leurs emblavures, etc.
On reste dans le symbolique, le négligeable lorsqu’on prend la peine de faire calculs ou estimations... L’Etat, pour établir son illégitime omnipotence, applique des « recettes de grands-mères » et ne traite que du symbole en s’appuyant sur une prétendue « solidarité volontaire ». Le résultat chiffré est dérisoire ou futile. L’aide apportée aux victimes de la sécheresse – les agriculteurs non irrigants – est nulle car impossible. Au demeurant, la récolte française de céréales 2011, avec 6344 millions de tonnes, se situe dans la moyenne habituelle des dix dernières années (la récolte de 2010 était de 65 millions de tonnes). Pourtant, les médias ont affirmé au printemps que la récolte de blé serait « modeste »45. Or on a récolté 34 millions de tonnes de blé tendre en 2011, contre 35 millions en 2010. Après l’épisode tragi-comique de la mini-sécheresse de mars et avril 2011, les pluies sont revenues et le mois de juillet 2011 a été exceptionnellement froid et humide. A l’automne, tous les silos de céréales du pays étaient pleins, ce qui n’a fait la une d’aucun média.
TRISTE ÉTAT, GÉNÉREUSE NATURE
L’Etat serait bien avisé de laisser les acteurs locaux gérer eux-mêmes leurs éventuels conflits d’usage et de n’intervenir qu’en seconde instance. On conçoit qu’il puisse aussi exiger des collectivités locales le respect de certains critères de qualité et de continuité du service. Il est alors, et alors seulement, légitime car il remplit son pouvoir de police.
Aucun citoyen n’admet un rationnement de l’électricité, même lors des pointes au moment des grands froids hivernaux, telles qu’observées en février 2012. EDF serait accusée de ne pas remplir ses obligations de service public. Pourtant, l’énergie est la denrée rare, et le sera de plus en plus.
Or on rationne l’eau si abondante, dont la ressource, si elle est bien exploitée, est infinie par rapport à la demande, même en période de sécheresse. Les acteurs de l’eau, sauf rares exceptions, gèrent sagement les réseaux d’eau potable, d’assainissement et d’irrigation, largement dimensionnés, et dont les ressources sont le plus souvent redondantes.
Merveilleux pays que celui qui a la chance d’avoir beaucoup d’eau ! Mais triste pays que celui qui a trop d’Etat !