Un poste avancé, donnant sur la mangrove touffue de Monthax. Ici aussi les mouches étaient nombreuses, pareilles à une poussière volante. Installés sur les bancs de sables boueux, les batraciens coassaient de satisfaction.
Les sapeurs avaient érigé ce poste au-delà des terrassements principaux, avec cinq autres qui offraient aux snipers de Tanith une meilleure pénétration en territoire contesté. Ces affûts, clos par des murs en zigzag de sacs entassés, étaient coiffés d’une double épaisseur de plaque pare-éclats.
Gaunt remonta la langue de terre en restant courbé et dépassa à mi-chemin les sentinelles du nid de bolter lourd. La boue, stagnante dans cette tranchée, sentait la mort liquide.
Une ligne de communication terrestre courait sur la longueur des sacs, suspendue au-dessus de l’eau à des pitons de fer. Parce qu’il l’avait décrété, Gaunt savait qu’à son bout se trouvait la radio du poste avancé. Dans l’éventualité d’une attaque, il voulait en être alerté au plus tôt par ses snipers aux yeux perçants, et quoi de mieux pour convoyer leur avertissement, quoi de plus fiable et de moins soumis aux brouillages qu’un bon vieux câble électrique.
Larkin était là, toujours un peu agité, semblable à lui-même. Assis sur des sacs vides devant la meurtrière frontale, occupé à astiquer méticuleusement son arme.
Signe de maniaquerie compulsive, identifia le commissaire en arrivant à sa hauteur. Larkin se retourna, manifestement nerveux.
— Vous me donnez toujours l’impression d’avoir peur de moi, lui jeta Gaunt sans taquinerie aucune.
— Oh, non, commissaire. Pas de vous, commissaire.
— J’en serais navré ; je compte beaucoup sur des hommes comme vous, Larkin. Des hommes ayant un vrai talent particulier.
— Vous me flattez, commissaire.
Larkin avait déjà rendu son fusil rutilant, ce qui ne l’empêchait pas de continuer à frotter.
— Continuez comme ça, le félicita Gaunt.
Mais combien de temps encore, se demandait-il ?