Chapitre 16

— Dirk, j’ai une nouvelle terrible.

Au téléphone, la terreur de Sarah était presque tangible.

— Que se passe-t-il ?

— C’est Irv. Il a été hospitalisé à Anchorage. Les médecins disent qu’il a attrapé la variole. Je n’arrive pas à le croire.

— La variole ? Je croyais que ça n’existait plus.

— En théorie, non. Mais si les médecins ont raison, ce sera le premier cas recensé aux États-Unis depuis trente ans. Les autorités médicales gardent l’information secrète, mais le CEE a commandé d’urgence des doses de vaccin au cas où une épidémie éclaterait.

— Comment va Irv ?

— Il est à un tournant, répondit Sarah, dont la voix s’étranglait presque. Les deux ou trois prochains jours seront cruciaux. On l’a mis en chambre d’isolement à l’hôpital régional, ainsi que trois autres personnes avec qui il a été en contact.

— Je suis désolé, répondit Dirk avec une compassion sincère. Mais Irv est costaud, je suis sûr qu’il va s’en sortir. Avez-vous une idée de l’endroit où il a pu être contaminé ?

— Eh bien, fit Sarah en déglutissant avec peine, la période d’incubation est d’environ quatorze jours. Cela voudrait dire qu’il l’a attrapée à peu près au moment où nous nous trouvions à Yunaska... et à bord du Deep Endeavor.

— Vous croyez qu’il a pu attraper ça à bord ? demanda Dirk, incrédule.

— Je n’en sais rien. Soit à bord, soit sur l’île, mais cela n’a plus guère d’importance. Le virus de la variole est particulièrement contagieux. Il faut vite faire examiner tous ceux qui se trouvaient à bord du Deep Endeavor et isoler ceux qui auraient été contaminés. Le temps est compté.

— Et Sandy, et vous ? Vous avez passé pas mal de temps avec Irv. Ça va ?

— Sandy et moi avons été vaccinées il y a deux ans, comme tous les employés du CEE, à l’époque où l’on craignait que les terroristes n’essayent de propager la variole. Mais Irv n’appartient pas au CEE, il a été détaché par son service : il n’a donc pas été vacciné.

— Est-ce qu’il est encore temps de vacciner l’équipage ?

— Malheureusement, cela ferait plus de mal que de bien. Le vaccin n’est efficace que s’il est administré quelques jours avant l’exposition. C’est une maladie terrible. Une fois qu’elle s’est déclarée, on ne peut rien faire d’autre qu’attendre.

— Je vais prévenir Burch et nous allons prendre contact avec tous les hommes dès que possible.

— Je reviens ce soir de Spokane. Si vous arrivez à récupérer tout le monde, je vais prévenir le médecin, il viendra les examiner demain matin.

— Ils seront tous là, Sarah, mais j’aurais une autre faveur à vous demander : je peux passer vous prendre demain matin ?

— Bien sûr, très volontiers. Et Dirk... je prie le ciel que vous ne soyez pas atteint.

— Entre nous, je ne m’en fais pas trop. J’ai trop de rhum dans le sang pour que cette petite bête ait la moindre chance d’y survivre.

* * *

Aussitôt après avoir raccroché, Dirk appela Burch et, avec l’aide de Léo Delgado, prit contact avec tous ceux qui avaient séjourné à bord du Deep Endeavor pendant la période à risque. À leur grand soulagement, aucun d’eux ne présentait le moindre symptôme, mais tous se présentèrent quand même dans les bureaux de la NUMA le lendemain matin.

Comme promis, Dirk passa prendre Sarah chez elle avec sa nouvelle Chrysler.

— Dites-moi, elle est énorme, lui dit Sarah en grimpant dans le monstre.

— C’est ce qu’on appelle un char lourd, répondit-il en riant.

Puis il quitta le parking et se dirigea vers les bâtiments de la NUMA.

De nombreux marins du Deep Endeavor firent un accueil chaleureux à Sarah. Elle se fit la réflexion que tous ces hommes se comportaient moins comme des collègues de travail que comme les membres d’une même famille.

— Cela me fait plaisir de revoir mes amis de la NUMA. Comme vous le savez, mon associé, Irv Fowler, qui était à bord avec nous, est atteint de la variole. Ce virus est très contagieux et il faut impérativement isoler ceux qui auraient pu être infectés. J’ai donc besoin de savoir si, depuis que Irv et moi-même avons débarqué, vous auriez ressenti les symptômes suivants : de la fièvre, des maux de tête ou de dos, des douleurs abdominales aiguës, et si vous avez fait des malaises, déliré, ou constaté des éruptions sur le visage, les bras ou les jambes.

Puis elle les examina les uns après les autres, prenant leur température et les interrogeant scrupuleusement. Dirk et Burch durent se soumettre comme les autres à cet interrogatoire. Quand elle eut terminé, Sarah poussa un gros soupir de soulagement.

— Je n’ai noté des signes de grippe que chez trois de vos hommes, capitaine, et cela ne prouve rien. Je vous demande de les maintenir en isolement jusqu’à ce que nous ayons effectué les analyses de sang. Les autres doivent éviter de rencontrer du monde, au moins pendant quelques jours. J’aimerais refaire une série d’examens à la fin de la semaine, mais j’ai bon espoir que l’équipage ait échappé à cette affection.

— Voilà une bonne nouvelle, lui répondit Burch, soulagé lui aussi. Je trouve étrange que le virus ne se soit pas propagé à bord d’un navire où tout le monde est entassé.

— Les malades atteints deviennent plus contagieux lorsque les boutons sont sortis, ce qui prend en général de douze à quatorze jours. Irv avait débarqué depuis longtemps et il travaillait déjà à Anchorage lorsqu’il a atteint ce stade. Il est donc possible qu’il n’ait contaminé personne à bord. Mais j’insiste, capitaine, il faudra désinfecter sa chambre à fond, ainsi que tous les couchages, les serviettes et les nappes.

— Je vais m’en occuper.

— On dirait que l’origine du virus est à rechercher du côté de Yunaska, remarqua Dirk.

— Je le crois aussi, lui répondit Sarah. Que Jack et vous n’ayez pas été atteints pendant que vous vous trouviez sur l’île tient du miracle.

— C’est sans doute notre combinaison qui nous a protégés.

— Dieu soit loué, fit-elle avec beaucoup de chaleur.

— J’ai l’impression que les salopards à bord du chalutier se sont amusés avec autre chose que du cyanure. Tiens, ça me rappelle... la faveur que je vous ai demandée ?

Dirk la raccompagna à la voiture et ouvrit le grand coffre. Il y avait laissé l’enveloppe de la bombe, cette enveloppe en porcelaine qu’il avait trouvée à bord du I-403, soigneusement emballée dans du carton. Sarah examina l’objet, l’air perplexe.

— Je donne ma langue au chat. Qu’est-ce que c’est ?

Dirk lui raconta rapidement sa petite promenade à Fort Stevens puis leur plongée au-dessus du sous-marin japonais.

— Pourriez-vous demander à votre labo d’identifier les traces qui se trouvent dedans ? J’ai ma petite idée sur ce qu’ils risquent de trouver.

Sarah regarda Dirk, intriguée.

— D’accord, dit-elle d’une voix sérieuse, je vais le leur demander. Mais, ajouta-t-elle en esquissant un petit sourire taquin, cela va vous coûter un déjeuner.

Vent mortel
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