DOUZE



JE DEVAIS RAFRAÎCHIR MES NOTIONS DE LATIN SI JE VOULAIS LIRE sérieusement ce texte. Et je devais pour cela déballer mon dictionnaire de latin. Ce livre était un monstre. Du peu que j’avais lu, c’était de l’histoire… ou peut-être de la philosophie. L’ouvrage était divisé en trois parties que je pensais liées, sans savoir de quelle manière. Je n’arrivais pas vraiment à mettre le doigt dessus. Et cela ne sonnait pas comme du Hobbes, ce qui était décevant. J’avais peur que le livre soit une imitation que l’un de mes ancêtres avait découverte sans prendre la peine de vérifier son origine. Étais-je l’héritier de philosophes ratés ? Ce ne serait pas très encourageant.

Même s’il ne s’agissait pas de Hobbes, c’était assez étrange pour m’intéresser. Une des premières choses qui retinrent mon attention, mis à part le titre, fut que le livre ne commençait pas par du texte. Les premières pages ne présentaient que des cartes. Il y en avait quatre, dont les lieux et la topographie étaient écrits en latin.

J’avais cherché en vain dans le livre une note d’édition ou une date de publication. D’après le style des cartes et les enluminures sur les pages de titre, j’avais l’impression que le livre datait du Moyen Âge. Ce n’était pas très précis.

Je passai plus de temps à regarder la première carte. Quelque chose me chagrinait, mais je ne savais pas vraiment quoi. J’avais besoin de poster une autre vidéo et d’avoir des retours, mais je voulais d’abord faire le vide avec une bonne randonnée, du genre qui me prendrait presque toute la journée et m’épuiserait. Si j’étais assez fatigué, je pourrais peut-être dormir sans être réveillé par le bruit nocturne.

Je sortis la carte sur laquelle j’avais marqué les chemins que je voulais essayer. Je la fixai du regard.

– Impossible.

Je regardai encore.

Je finis par rouvrir le livre à la première carte. Le terrain était identique. Mais cela n’avait aucun sens, l’autre carte devait avoir au moins cinq cents ans. Et elle venait d’Europe.

Ce devait être une coïncidence. Pendant une heure, j’examinai minutieusement les deux cartes, jouant au jeu des différences. Une autre montagne ici ou une rivière différente là. Rien. Il s’agissait immanquablement du même endroit. La seule divergence était que ma carte d’aujourd’hui était remplie de villes, qui bien sûr n’apparaissaient pas sur la plus ancienne. Mais qui avait pu la concevoir ?

Et pourquoi ?

Il semblait que j’avais une autre vidéo à faire.

Mon téléphone sonna alors que je préparais le tournage. Je l’attrapai brusquement, étant plus que lassé de ces appels fantômes.

– Lâchez-moi la grappe !

– Pardon ?

La voix de mon oncle était plus amusée que choquée.

– Oh… Oncle Bosque. Désolé, j’ai reçu de faux appels ces jours-ci.

– Veux-tu que je demande à ton opérateur téléphonique de regarder ça ?

– Non. Je vais régler ça tout seul. J’aurais dû vérifier le numéro avant de répondre. J’aurais su que c’était toi.

– Pas besoin de t’excuser, mon garçon. Je ne t’ai pas appelé aussi souvent que je l’aurais dû. Est-ce que tout va bien à Rowan Estate ?

– Euh…

Il ne me laissa pas le temps de répondre.

– Parfait. Je suis sûr que tu as deviné pourquoi je t’appelle ?

– Euh…

– Le lycée de la Montagne est prêt à t’accueillir. Tu commenceras les cours lundi. Tout est arrangé. Je suis sûr que Logan pourra te conduire au lycée le premier jour si tu préfères ne pas y aller seul.

Le lycée ? Maintenant ? Ce que j’attendais depuis mon emménagement était en train d’arriver. J’aurais dû être content : cela signifiait des choses à faire et des gens à voir. Mais j’avais besoin de plus de temps.

– Je n’aurai pas besoin de Logan. J’ai acheté une camionnette.

– Une camionnette ? dit-il en riant. Évidemment.

Comment allais-je résoudre toutes ces énigmes en passant la journée au lycée ? Si j’étais réveillé à cinq heures tous les matins, je pourrais travailler dans la bibliothèque à ce moment-là, pensai-je.

– Et comme je veux être sûr que tout se passe sans problème, continua Bosque, je vais rester avec toi quelque temps.

– Tu rentres à Rowan Estate ?

– Exactement. Je serai là mercredi. Tu n’auras que les deux premiers jours à tenir tout seul.

Huit jours. Il serait là dans huit jours. Quand Bosque serait de retour, ce serait la fin de mes incursions dans la bibliothèque.

Je devais trouver des réponses le plus rapidement possible.