CHAPITRE XXIV
Quand Yan la laissa enfin sortir de l’armurerie secrète de la cabine, le visage de Leia était couvert de sueur.
— Tout va bien, déclara-t-il. Ils sont partis.
— Ils ont pris leur temps, commenta-t-elle, ignorant la main qu’il lui tendait pour l’aider. Je les ai entendus faire le tour de la chambre trois fois.
— Ils n’étaient pas contents de trouver une motojet à bord, confia Yan alors qu’elle s’asseyait sur le lit.
Leia ne ressemblait pas vraiment à une princesse en cet instant. Des mèches de cheveux lui collaient au front et aux joues, et elle portait toujours son tablier. Mais au-dessous, il sentait l’altesse royale. Et cette combinaison lui plut.
— Mais je leur ai inventé une histoire de surplus militaires et ils y ont cru, ajouta-t-il.
— Ils sont probablement en train de vérifier le numéro de série, l’avertit-elle.
— Grand bien leur fasse. Nous serons partis avant qu’ils ne l’obtiennent. Brightwater vient d’appeler – ils sont en route pour le spatioport.
— Il s’agit de l’un des déserteurs dont vous m’avez parlé ?
— Ne vous inquiétez pas, nous pouvons leur faire confiance, l’assura Yan. Et nous ne sommes pas obligés de leur dire qui vous êtes. Chewie nous tient prêts à décoller. Dans deux heures, nous serons à bord du Faucon, et nous ne les reverrons plus jamais. À moins que vous ne vouliez, essayer d’enrôler LaRone dans la Rébellion ? continua-t-il, haussant un sourcil.
— D’anciens soldats de choc ? reprit-elle. Non, je ne crois pas. Surtout quand je n’arrive pas à vous convaincre de vous joindre à nous.
Il grimaça. Ainsi, elle s’en était aperçue. Il se sentit un peu gêné – et flatté qu’elle ait pris le temps d’analyser la situation.
— C’est un grand pas à franchir, lui rappela-t-il.
— Je sais, dit Leia. Surtout quand on n’a pas l’habitude d’obéir à d’autres que soi. Mais nous l’avons tous fait. (Son regard glissa vers le placard et l’armure blanche.) Et après Alderaan, personne ne devrait rester neutre. Soit l’on soutient les agissements de l’Empire, soit l’on se bat contre lui.
— Je suppose que je peux rester encore un peu, proposa Yan. Mais je ne me sens pas prêt à m’engager auprès de Mon Mothma, Rieekan et les autres.
— Alors ne commencez pas par eux, suggéra-t-elle, les yeux dans les siens. Engagez-vous envers une seule personne.
Yan lui renvoya son regard, une drôle de sensation au creux de l’estomac. Était-elle en train de suggérer…
— Chewbacca veut se joindre à nous, continua Leia. Faites-le pour lui et pour les souffrances de son peuple.
La drôle de sensation s’évanouit.
— Oh, lâcha-t-il.
— Oh quoi ?
— Juste oh, répondit-il, ayant recouvré son aplomb. Bon, je ferais mieux d’aller sortir Luke de son placard.
Elle écarquilla les yeux.
— Vous voulez dire que vous êtes ici, à discuter avec moi, pendant qu’il est enfermé ?
— Il a un sabre laser. S’il s’ennuie, il peut sortir par ses propres moyens.
— Yan…
— À plus, Princesse.
Mais elle marquait un point, il devait l’admettre. Peut-être pouvait-il s’engager auprès d’une personne. Chewie, par exemple… ou quelqu’un d’autre.
Jade écouta en silence le récit de LaRone tandis que Quiller les conduisait dans les rues désertes de Makrin City.
— Vous auriez dû aller voir votre commandant, dit-elle quand il eut fini. Il existe des procédures pour gérer ce genre de situations d’autodéfense.
— Mais au bout du compte, nous aurions été remis aux mains du BSI, commenta Grave.
— Oui, concéda Jade. Vous auriez quand même dû vous constituer prisonniers. Maintenant, il est trop tard.
— Probablement, dit LaRone, essayant de lire sur son visage – en pure perte. Pour être honnête, nous n’avons plus envie d’y retourner. Après Teardrop…
— Oui, et soyez assurés que je vais mener l’enquête, promit-elle. Ordonner le massacre de civils est contre tous les principes de l’Empire. Si c’est vrai, quelqu’un paiera, je vous le garantis.
LaRone regarda Marcross et le vit grimacer. Malgré sa force et sa compétence, cette Main de l’Empereur était encore bien naïve. Mais elle apprendrait.
— Qu’allez-vous faire de nous ? demanda Quiller.
Jade garda le silence un long moment.
— Vous êtes des déserteurs, dit-elle enfin. Vous avez juré allégeance à l’Empire et vous vous êtes parjurés. Techniquement parlant, vous êtes des traîtres au même titre que Choard.
— Nous comprenons, l’assura LaRone. Mais avec tout le respect que je vous dois, nous avons juré de défendre l’Empire et ses citoyens.
— Et vous croyez que c’est ce que vous faites ? rétorqua Jade.
— Nous protégeons davantage les citoyens maintenant que ce jour-là, sur Teardrop, répliqua Grave.
LaRone tressaillit. Pourtant Jade ne répondit pas.
Ils arrivaient en vue du spatioport quand elle reprit la parole.
— Quel est le nom de votre vaisseau ?
— Le Lance de Melnor, répondit LaRone.
— Je vais contacter l’Executor pour lui dire de vous laisser passer. Quittez Shelkonwa et n’y remettez jamais les pieds.
LaRone regarda Marcross, puis de nouveau Jade.
— Merci. Puis-je vous demander pourquoi ?
La jeune femme regarda par la vitre.
— Vous m’avez aidée à identifier un traître et à l’arrêter, commença-t-elle, avant de continuer, d’un ton hésitant. Et puis, il y a quelques jours, j’allais accorder un pardon intégral à un homme qui avait commis des crimes contre l’Empire. Il n’en aura pas besoin. Autant que vous en profitiez.
— Oui, Madame, dit LaRone, qui aurait bien aimé savoir de quoi elle parlait. Merci encore.
Quiller amena le speeder sous le Suwantek.
— Évitez les ennuis et gardez profil bas, conseilla Jade, ouvrant sa portière. Le prochain impérial que vous croiserez sera sans doute moins compréhensif.
Elle observa Marcross un instant et il sembla à LaRone qu’elle inclinait très légèrement la tête. Puis elle pivota… pour se retourner de nouveau vers eux.
— À propos, cette Main du Jugement…
— Oui ? fit LaRone, fronçant les sourcils.
— Oubliez ce nom, ordonna-t-elle. Il n’y a qu’une seule Main dans l’Empire, et c’est moi.
Et sur ce, elle disparut dans la nuit.
— Qu’est-ce que tout ça signifie ? demanda Brightwater à LaRone quand il sortit avec raideur du speeder.
— Une sorte de conflit politique, je suppose, répondit-il. Mais ça joue en notre faveur. Assurons-nous que Solo et les autres sont à bord et fichons le camp d’ici.
— D’accord, répondit l’éclaireur alors que l’ascenseur s’arrêtait. Alors, allons-nous vraiment nous faire discrets comme elle a dit ?
LaRone regarda Quiller amener le véhicule sur la plateforme.
— Comment le pourrions-nous ? Nous avons juré de défendre les citoyens de l’Empire.
— J’espérais que tu dirais ça, admit Brightwater, lui posant brièvement la main sur l’épaule. Malgré les plaies et les bosses, jouer les héros aide à bien dormir la nuit.
— Oui, acquiesça LaRone. Ramenons nos passagers au Faucon et reprenons le cours de nos vies. (Il regarda vers le palais.) Et faisons notre devoir.
L’Empereur se renfonça dans son trône. Ses yeux jaunes luisant sous son capuchon, il observait froidement les deux personnes debout devant lui.
— Organa vous a glissé entre les doigts, semblerait-il, dit-il d’un ton indéchiffrable.
— Oui, Maître, admit Vador, baissant la tête en signe de contrition. Les recherches n’ont rien donné.
Son casque se tourna légèrement vers Mara.
— Mais un vaisseau a pu quitter la planète.
— Mon enfant ? s’enquit l’Empereur.
— Il s’agit des soldats de choc que j’avais pris sous mes ordres, répondit-elle. Il n’y a aucune chance pour qu’Organa ait fui à leur bord. Et d’ailleurs, les scanners de l’Executor n’y ont détecté que cinq formes de vie.
Elle regarda Vador.
— Je ne crois pas qu’Organa a jamais été sur Shelkonwa, poursuivit-elle. Je soupçonne l’administrateur Disra d’avoir inventé cela pour que le seigneur Vador se déplace en personne.
— À quelle fin ?
— D’après Disra, il rassemblait des preuves contre Choard depuis longtemps. Quand on veut dénoncer son supérieur, il faut s’adresser à quelqu’un qui n’y est pas allié. (Mara montra le Seigneur Noir de la main.) Le seigneur Vador semblait la personne toute désignée.
— Oui, surtout pour aider Disra à réaliser ses ambitions, acquiesça Palpatine.
— Il désire effectivement prendre la place de Choard, admit Vador.
— J’en suis certain, fit l’Empereur, et Mara sentit qu’il s’apaisait. Mais pas maintenant. Peut-être plus tard. La guerre continue. Retournez à vos devoirs, Seigneur Vador, ajouta-t-il, avant de sourire à Mara. Votre mission vous attend dans vos quartiers.
Ils avaient quitté la salle du trône et longeaient le couloir côte à côte quand Vador prit la parole.
— Que pensez-vous de Disra ?
— Il est habile et manipulateur. Je ne lui ferais pas confiance, si j’étais vous.
— Je n’en ai pas l’intention.
— Bien, répondit Mara, avant d’hésiter. Puis-je vous demander une faveur, Seigneur Vador ?
Il marqua un temps avant de répondre.
— Allez-y.
— C’est au sujet du capitaine Ozzel. Il prétend que l’attaque de la base de Gepparin n’avait rien à voir avec moi.
Il l’aurait lancée sur les bases de preuves apportées par le colonel Somoril.
— Et Somoril confirme ses dires ? demanda Vador avec mépris.
— Bien sûr, lâcha-t-elle sur le même ton, car malgré leurs différences et leur différend, ils avaient la même opinion sur le BSI. Et donc il n’y aura pas d’enquête.
— Qu’attendez-vous de moi ?
— Je n’en suis pas sûre, avoua Mara. Que vous gardiez un œil sur Ozzel, je suppose. J’ignore si cet homme est déloyal, facile à manipuler ou tout simplement idiot, mais il mérite qu’on le surveille.
Vador resta silencieux quelques secondes.
— Laissez-le-moi, dit-il enfin. Je crois pouvoir arranger ça.
— Comtesse ? appela une voix dans un couloir qu’ils dépassaient. Comtesse Claria ?
Mara se tourna vers elle et vit une ancienne connaissance venir vers elle.
— Bonjour, Général Deerian, répondit-elle, s’arrêtant pour l’attendre.
Vador ne ralentit même pas.
— Que faites-vous ici ? demanda-t-elle.
— J’ai été promu, énonça Deerian avec fierté. On m’a assigné à l’équipe chargée de renforcer les défenses planétaires du Centre Impérial.
— Félicitations, dit Mara. J’imagine que vous avez été désolé de quitter les fastes de la cour du Moff Glovstoak.
— Pas du tout, avoua-t-il, et son expression s’assombrit. J’ignore si vous êtes au courant, mais alors que j’étais transféré, Glovstoak était arrêté pour trahison et vol de biens impériaux.
— Je l’ignorais.
— Ce fut un choc, fit-il en secouant la tête. Imaginez, un homme comme lui profitant ainsi de son autorité !
— J’imagine.
— Bon, j’ai une réunion, déclara Deerian. Mais en vous apercevant, j’ai tenu à vous saluer.
— J’en suis heureuse, répondit Mara. Bonne chance, Général.
— À vous aussi, Comtesse.
Deerian s’inclina et repartit.
Mara le regarda s’éloigner et une douce chaleur l’envahit. LaRone pouvait bien parler d’abus de pouvoir, car il y en avait certainement. Mais aussi longtemps que l’Empire produirait des hommes comme le général Deerian, il serait digne d’être défendu. Elle y mettrait toute son énergie et y consacrerait sa vie.
Elle retourna à ses quartiers pour découvrir la nouvelle mission qui l’attendait.