CHAPITRE V

De l’espace, le Centre Aérospatial de Drunost ressemblait exactement à l’étoile qui constituait l’emblème du Conglomérat. Regardant par-dessus l’épaule de Marcross, LaRone vit une douzaine de gros transports garés à différents points autour. Des zones d’atterrissage et de maintenance formaient un anneau plus lâche à quelques kilomètres de là. Et au sud-est, une cité de taille moyenne s’étendait sur la rive d’un vif cours d’eau.

— Vous voyez ces appareils ? demanda Quiller. Un convoi vient d’arriver. C’est bon pour nous. Il y aura des tas de gens et de véhicules.

— Nous pourrons nous perdre dans la foule, acquiesça Marcross.

— À quoi servent ces pistes ? s’enquit LaRone, indiquant les alentours.

— Elles sont réservées aux appareils qui viennent prendre un chargement ou acheter directement dans les magasins du Conglomérat, expliqua Quiller.

— Nous n’allons pas au Centre même, n’est-ce pas ? fit Grave, assis derrière lui.

— Non, répondit Quiller. Le Conglo a sa propre force de sécurité, et ces gars-là ne rigolent pas. Les zones de transfert ont chacune leurs commerces. Une fois en bas, nous ne devrions pas avoir à faire plus de quelques centaines de mètres pour trouver tout ce qu’il nous faut.

— Et les Impériaux ? fit Brightwater du poste de l’astro-navigateur. Il y en a certainement.

— Probablement pas, remarqua Marcross. Le Conglo n’aime pas avoir quelqu’un dans ses pattes, et il est si puissant que le Centre Impérial lui laisse la bride sur le cou.

— C’est pour ça que j’ai choisi Drunost, confirma Quiller.

— Mieux vaut quand même faire chauffer les lasers, conseilla Brightwater. Ce genre de stations attire les pirates.

— Surtout celles que les Impériaux évitent, ajouta Grave.

— Excellent point, dit LaRone. Brightwater et toi devriez aller armer les canons.

— D’accord.

Grave fit signe à Brightwater, et ils sortirent du cockpit.

LaRone se retourna et les vit contourner les ordinateurs du vaisseau pour gagner les postes de tirs de part et d’autre à l’avant du Suwantek.

— Ceux qui tâteront de nos lasers auront une surprise, déclara Quiller. Ils sont bien plus puissants que ceux que l’on trouve sur ce genre d’appareil.

— Logique, fit LaRone, étudiant les terrains d’atterrissage. Que penses-tu de celui-là ? demanda-t-il à Quiller, en montrant un à moitié occupé.

— Ça me paraît bien. Je vais nous poser près de ces deux Barloz.

— Alors, comment procédons-nous ? demanda Marcross. On sort chacun avec une liste ?

— Non, Grave et moi irons faire les courses pendant que vous autres resterez ici, décida LaRone. Nous achèterons des vivres pour quelques jours dans un magasin, puis la même chose dans un autre, pour ne pas attirer l’attention.

— D’accord. Je présume que nous pouvons passer commande ?

— C’est le BSI qui paye, rappela LaRone. Je vous écoute !

 

Le permabéton du terrain d’atterrissage était craquelé, et les marquages au sol si délavés qu’ils avaient quasiment disparu. Malgré cela, ils se posèrent en douceur, avec bien moins de cahots que leur dernier voyage de troupe. Soit Quiller était meilleur pilote que LaRone ne l’avait jamais imaginé, soit on avait vraiment amélioré l’intégralité du Suwantek.

— Ouvrez l’œil, dit LaRone aux autres alors que Grave amenait l’un des deux landspeeders sur l’élévateur.

— Vous aussi, répondit Marcross. S’ils ont lancé un avis de recherche, nos photos doivent être placardées partout.

— J’espère que non, fit Grave en tapotant le blaster à sa ceinture. Pour eux.

Drunost avait peut-être été laissée dans l’ignorance, ou le capitaine Ozzel et le BSI se demandaient encore comment formuler un mandat d’arrêt contre plusieurs soldats déserteurs. LaRone observa les commerçants pendant que Grave et lui remplissaient leurs caddies, mais nul ne fit mine de les reconnaître.

Ils payèrent leurs achats et ressortirent. À l’ouest, plusieurs véhicules aériens quittaient le Conglomérat et une file de camions et de landspeeders y arrivait et en repartait. Parmi eux, il y avait six hommes et femmes en haillons de fermiers, conduisant une paire de chariots tirés par des animaux et chargés de conteneurs en plastique.

— Les fermes les plus proches doivent se trouver à une quinzaine de kilomètres, observa Grave, montrant la procession de la tête. Ça fait une belle trotte.

— Peut-être vont-ils faire une partie du chemin dans leurs chariots, suggéra LaRone.

— J’en doute. J’ai vu le logo de la Compagnie Johder sur les caisses. Il s’agit de matériel lourd, de basse technologie. Ils ne risqueront pas d’épuiser leurs bêtes en leur faisant tirer des passagers en plus.

LaRone grimaça en repensant aux pauvres fermiers de Copperline.

— Je me suis engagé pour échapper à cette vie.

— Tu veux les emmener ? proposa Grave. Nous pourrions mettre leur chargement dans une soute et leurs attelages dans l’autre.

— Pour que le BSI frappe à leur porte un jour prochain ?

Ils ont assez de problèmes comme ça.

— Je suppose, exhala Grave.

Une sorte de sifflement se fit entendre dans le dos de LaRone. Fronçant les sourcils, il pivota… et s’accroupit à côté du landspeeder alors que deux swoops passaient à moins d’un mètre au-dessus de sa tête.

— Grave ! cria-t-il, alors qu’une demi-douzaine d’autres arrivaient, filant droit vers les fermiers.

LaRone tira son blaster et évalua la situation. Les deux swoops de tête s’étaient séparés et décrivaient des cercles au-dessus et autour des chariots. Leurs conducteurs étaient à peine plus que des taches floues, mais d’après leurs vêtements, il s’agissait d’un gang. Les camions et les landspeeders disparurent dans la nature, abandonnant les travailleurs de la terre à leur sort.

— Ils viennent de ce cargo, dit Grave.

LaRone tourna la tête et remarqua deux camions chargés d’humains et de non-humains descendre la rampe de l’un des Barloz à côté desquels ils s’étaient posés.

Il n’avait donc pas affaire à des délinquants locaux. C’était des bandits organisés, et ils en avaient après les équipements des fermiers.

LaRone lâcha un grognement étranglé. Attrapant son comlink, il l’alluma.

— Quiller ?

— Vous avez besoin qu’on vienne vous chercher ?

— Je veux que vous dégommiez ces salauds.

Il y eut une pause.

— Tu es sûr ? demanda Quiller.

— Oui, coupa Grave. LaRone et moi, nous nous chargeons des swoops. Vous vous occupez du transport.

— Bien reçu.

LaRone remit le communicateur à sa ceinture et prit appui sur le landspeeder. À cette distance, il n’atteindrait pas forcément sa cible, d’autant plus que les swoops ne tenaient pas en place. Et puis, il n’était pas familiarisé avec l’arme qu’il avait choisie.

Il ne lui restait plus qu’à faire de son mieux. Il visa l’un des swoops…

— Regardez en l’air, dit une voix dans son comlink.

Il obéit et vit Brightwater passer sur une motojet, en tenue de soldat impérial, et tirer sur les swoops.

LaRone eut à peine le temps de se remettre de sa surprise. Un autre véhicule entra dans son champ de vision – Marcross, à bord de l’autre landspeeder.

— Tiens ! cria-t-il, lui jetant deux longs objets.

LaRone lâcha son blaster et se leva en tendant les bras.

Une seconde plus tard, il tenait le BlasTech T-28 de Grave dans sa main droite et son propre E-11 dans la gauche.

— Grave ! appela-t-il.

L’intéressé le regarda et rangea rapidement son pistolet alors que LaRone lui lançait le fusil. Puis il pivota de nouveau vers la route et commença à ajouter son feu à celui de Brightwater.

Les pirates étaient faits comme des rats. Ils ne s’attendaient vraiment pas à une intervention impériale, à l’écart du Centre et de ses gardes. Brightwater descendit en spirale sur eux, les empêchant de se disperser pour permettre à Grave de les abattre l’un après l’autre. Leurs renforts n’eurent pas un sort plus enviable. Marcross les bloqua et LaRone fit un joli carton.

Bientôt, les camions étaient en miettes et leurs occupants hors d’état de nuire. Brightwater et Grave se débarrassaient des derniers swoops quand une explosion leur parvint du cargo.

LaRone se retourna. Les moteurs du Barloz venaient d’être pulvérisés et le laser tribord du Suwantek passait déjà le long de la rampe. Quiller voulait décourager les pirates restés à l’intérieur de se joindre à la fête.

LaRone tira son comlink.

— Quiller, mets les canons sur automatique et démarre les moteurs, ordonna-t-il. Vous autres, repliez-vous.

— Attends une minute, protesta Grave. Nous n’avons pas encore tout ce qu’il nous faut.

— Nous achèterons le reste ailleurs. On doit filer avant que quelqu’un du Conglomérat arrive et commence à poser des questions.

Grave grimaça, mais il rangea son T-28 dans le coffre du landspeeder et sauta sur le siège du conducteur. LaRone attendit que Brightwater et Marcross soient en route pour leur navire avant de prendre place à côté de lui.

Cinq minutes plus tard, ils avaient regagné l’espace.

 

— Aucun signe de poursuite, annonça Quiller.

— Je dois avouer que je me suis bien amusé, dit Brightwater. Mais il vaut mieux éviter ce genre de chose, à l’avenir.

— Je suis d’accord, renchérit Grave. Bon sang, qu’est-ce qui vous a pris de charger comme ça ?

— Oh, je ne sais pas, répondit Marcross avec une pointe de sarcasme. Nous avons pensé que vous pourriez avoir besoin d’aide.

— On a apprécié votre aide, lui assura Grave. Et surtout le fait de m’avoir apporté un blaster. Je parlais de votre sortie en armure.

— L’idée venait de moi, admit Brightwater. Je me suis dit que ça déstabiliserait les pirates. Et les autorités locales n’enquêteront sûrement pas sur une intervention par des soldats impériaux.

— De plus, quand les tirs de blasters ont commencé à partir dans tous les sens, j’avoue que j’ai apprécié de porter une armure, ajouta Marcross.

— Oui, mais…

— Tout va bien, Grave, dit LaRone. Nous nous en sommes tirés, et nous avons aidé ces fermiers. C’est tout ce qui compte.

— Et il n’y a pas une personne en dehors de l’armée capable de différencier un soldat de choc d’un autre, rappela Quiller. Ils ne sauront jamais que c’était nous. Alors, que faisons-nous maintenant ?

— Nous allons sur une autre planète pour finir de nous approvisionner, répondit LaRone. Prenons une carte et voyons quelles sont nos options.

— Une seconde, fit Marcross. Avant de poursuivre, j’aimerais savoir depuis quand LaRone prend toutes les décisions.

— Ça te pose un problème ? demanda Grave avec un soupçon de défi dans la voix.

— Sur le principe, oui, répondit calmement l’autre. Pour autant que je sache, nous avons tous le même rang, ici.

Brightwater renifla avec dédain.

— Je pense que cette conversation peut attendre. Nous ne sommes plus un groupe de combattants officiels.

— Nous nous sommes bien débrouillés, dit Grave.

— C’est pour ça que j’ai précisé « officiel ». Il n’y a rien de mal à discuter d’un plan pour arriver à un accord.

— Évidemment, en présumant que nous y parvenions, fit Marcross. Malheureusement, ce n’est pas toujours possible.

— Traduction : tu veux nous pousser à aller sur Shelkonwa ? demanda Grave.

— J’estime que c’est notre meilleure chance.

— Il a raison sur un point, admit LaRone. En cas de combat, l’un de nous doit prendre les commandes et les autres accepter d’obéir à ses ordres.

— Alors, je répète : pourquoi pas LaRone ? fit Grave.

— Parce que sans lui, nous ne serions pas dans cette merde, marmonna Brightwater.

— Qu’est-ce que tu insinues ? gronda Grave.

— Eh bien, s’il n’avait pas tué Drelfin, nous serions toujours à bord du Représailles.

— À faire quoi ? À massacrer des civils comme sur Teardrop ?

— Peut-être étaient-ils tous des Rebelles, insista Brightwater. Nous ignorons cela. Ne vous ai-je pas entendu dire que l’un de nous devait donner les ordres et les autres les suivre ?

— Quand ces ordres ont pour but de protéger l’Empire et ses citoyens, rétorqua Grave.

— Voulez-vous faire marche arrière ? demanda LaRone.

Cela mit fin à l’argument.

— Que veux-tu dire ? fit Grave.

— Ce n’est pas une question piège. Si tu veux y retourner, Brightwater, ou si l’un de vous le souhaite, allez-y. Déposez-moi n’importe où et repartez.

— Tu serais mort avant une semaine, répondit Grave. Ils nous traîneraient en salle d’interrogatoire et nous nous mettrions à table.

— Peut-être cela suffirait-il à les calmer. Comme Brightwater l’a rappelé, j’ai tué Drelfin. Ils vous laisseraient peut-être reprendre vos places.

— Moi, je reste, annonça Grave. Brightwater ?

L’intéressé grimaça.

— Non, répondit-il à contrecœur. Même si nous le pouvions Peu importe. On ne le peut pas et on ne le fera pas.

— Ce qui nous ramène à notre question, intervint Marcross, avant de jeter un regard à Brightwater. Et dois-je vous rappeler que Drelfin est à l’origine de cette affaire, et non LaRone ?

— Peut-être devrions-nous procéder autrement, suggéra Quiller. L’un de vous veut-il commander ?

— Personnellement, je ne vois aucune raison pour que LaRone ne continue pas à le faire, lâcha Marcross.

— Ne viens-tu pas à l’instant de t’y opposer ? fit Quiller, fronçant les sourcils.

— J’ai dit que je désapprouvais en principe. Pas nécessairement en pratique.

— J’ai vu LaRone en situation de combat très souvent, insista Grave. Je vote pour lui.

— Je ne veux pas de cette position, c’est sûr, ajouta Quiller, avec un coup d’œil à Brightwater. Qu’en dis-tu ?

L’éclaireur grimaça, mais hocha la tête.

— C’est raisonnable. Et je présume que ce n’est pas une décision irrévocable ?

— Certainement pas, répondit LaRone. De plus, quand et si l’un de vous a une quelconque objection, n’hésitez pas. C’est nous contre le reste de l’univers, désormais. Nous ne pouvons pas nous permettre d’avoir du ressentiment.

— Alors c’est réglé, déclara Marcross en se levant du siège du copilote. Je vais voir si les landspeeders ont subi des dommages. Trouvez-nous une planète – où vous irez, j’irai.

 

Marcross était allongé sur le dos, sous l’un des landspeeders, quand LaRone entra.

— Les dégâts sont importants ?

— Non, répondit Marcross en se tortillant pour se dégager. Superficiels seulement. Mais si tu as la liste de courses sur toi, ajoute un chariot de mécanicien.

— Aucun problème, acquiesça LaRone, lui tendant la main pour l’aider à se relever. Je suis surpris que le BSI n’ait pas pensé à en inclure un dans l’équipement présent sur ce navire.

— S’ils l’ont fait, je ne l’ai vu nulle part. (Il s’épousseta le dos maladroitement.) Et tout le monde sait que pour retrouver un objet, il faut en acheter un autre. Quiller a trouvé une destination ?

LaRone hocha la tête.

— Ranklinge. C’est à deux jours de vol.

— N’y a-t-il pas une fabrique de chasseurs là-bas ? Des 17 Howlrunners, si j’ai bonne mémoire.

— Excellente. C’est dans la banlieue de Ranklinge City. Quiller pense que le BSI n’imaginerait pas nous trouver dans ce genre d’endroit.

— Sûr, à condition de ne pas se poser près des chasseurs ou de vouloir y établir notre base. (Il haussa un sourcil.) Ce n’est pas le cas, hein ?

— Non, nous déciderons de cela plus tard. (LaRone hésita.) Je voulais te poser une question.

— Tu veux savoir pourquoi j’ai voté pour toi après avoir protesté parce que tu donnais les ordres.

LaRone pinça les lèvres.

— En gros, oui.

Marcross haussa les épaules et alla se planter devant le mur d’outils, au fond.

— Pour faire court, tu sembles posséder les capacités requises. (Il le regarda par-dessus son épaule tout en attrapant un tube d’enduit.) Je suppose que tu l’ignorais ?

— Pour être honnête, oui.

— Les vrais chefs ne reconnaissent généralement pas ces qualités en eux-mêmes. (Marcross vérifia l’étiquette du produit et en choisit un autre.) Je t’ai observé pendant notre discussion. Tu es resté en retrait, laissant chacun de nous donner son opinion et parfois s’échauffer un peu. Puis tu es intervenu et tu as calmé les esprits avant que ça ne dégénère.

LaRone essaya de se rappeler – était-ce vraiment ce qu’il avait fait ? Ça n’avait pas été si délibéré que Marcross paraissait le penser.

— Tu aurais pu faire la même chose.

L’autre secoua la tête alors qu’il retournait vers son landspeeder.

— J’ai bien observé nos supérieurs, mais j’ignore si je pourrais mettre la théorie en pratique. Et puis, même si c’était le cas, les autres ne me suivraient pas. (Il eut un sourire triste.) J’ai l’impression qu’ils me prennent pour quelqu’un de dominateur.

— Parce qu’ils ne te connaissent pas aussi bien que moi, objecta LaRone.

— C’est une autre des qualités d’un chef : comprendre ses hommes. Et leur faire confiance. Et pour couronner le tout, tu as refusé de tirer sur des civils sans défense, donc tu as une grande moralité.

LaRone déglutit, les images du massacre défilant dans son esprit.

— Vous auriez tous fait pareil.

— Peut-être, dit Marcross. Peut-être pas. Grave et Brightwater n’ont pas eu à prendre ce genre de décision. Et j’ignore ce que déciderait Quiller.

— Et toi ?

Marcross le regarda droit dans les yeux.

— J’ai obéi aux ordres.

Pendant un long moment, nul ne dit mot. Puis Marcross se retourna et s’agenouilla près de son véhicule.

— Dis à Brightwater que sa moto a pris quelques éraflures, fit-il en commençant à étaler de l’enduit sur une marque laissée par un blaster.

— Entendu, répondit LaRone, la phrase J’ai obéi aux ordres tournant dans sa tête.

 

Il faisait nuit et le ciel était moucheté d’étoiles. Les animaux soufflaient de devoir tirer les lourds chariots quand l’homme qui se faisait appeler Porter et son équipe gagnèrent la lisière du bois où ils avaient rendez-vous.

— Par ici, Porter, dit la voix qu’il s’attendait à entendre.

À la clarté des astres, il vit une haute et mince silhouette se lever au pied d’un arbre. Derrière, dans l’ombre plus profonde, il distingua la forme familière du cargo surronien.

— Tu es en retard. Tu chassais les papillons, ou quoi ?

Porter se détendit et sortit la main de sous sa robe. Dans son métier, il y avait toujours un risque de se faire prendre, jusqu’à la dernière seconde. Mais ils utilisaient le mot « papillon » pour signifier que tout allait bien.

— Les caisses n’étaient pas à la bonne place, puisque nous avons changé leurs étiquettes, expliqua-t-il en s’avançant vers l’autre homme, tandis que d’autres figures sortaient du bois. Il leur a fallu du temps pour les retrouver.

— J’espère qu’ils ne se sont pas montrés trop curieux, répondit Casement.

— Non, ils étaient plutôt irrités qu’un de leurs collègues ait fait une erreur. Mais j’avais inventé une histoire, au cas où ils regarderaient à l’intérieur.

— Tu paries ?

— Non, tu n’y es pas, insista Porter. J’avais prévu de leur dire que le sol est si rocailleux que les blasters sont considérés comme du matériel agricole.

Casement rit.

— J’aurais aimé assister à cette conversation.

— Tu aurais adoré ce qui s’est passé ensuite, dit Porter en fouillant dans l’une de ses poches. Tu as déjà vu ce logo ?

Il tendit l’écusson qu’il avait coupé sur la chemise de l’un des pilotes de swoops à Casement, qui l’examina à la lumière d’une torche.

— Non, jamais. Mais cet enchevêtrement d’épines, en tas, ressemble à la marque des BloodScars.

— C’est ce que j’ai pensé aussi. Mais ils sont sortis d’un cargo barloz.

— Ils peuvent quand même être affiliés aux BloodScars, rétorqua Casement en se frottant la mâchoire. Les pirates sont peut-être en train d’imiter les Hutts et d’étendre leurs opérations.

— Ça m’inquiète d’ailleurs. Et le pire, c’est que les swoopers ont dédaigné tout le monde autour de nous. On aurait dit qu’ils savaient que nous transportions quelque chose d’intéressant.

— Génial, gronda l’autre. Comme si nous n’avions pas assez d’ennuis avec les pirates. Surtout depuis que les Impériaux ne s’en préoccupent plus.

— Peut-être pas. Les swoopers ont été abattus par deux soldats de choc.

Porter ne pouvait pas voir l’expression de Casement, mais l’autre se raidit.

— Quoi ?

— Tu m’as très bien entendu. Un éclaireur sur une motojet Aratech et un soldat dans un landspeeder. Ils sortaient d’un cargo fatigué. Je n’ai pas reconnu l’origine. Ils travaillaient avec deux hommes en civil, et ils avaient au moins un autre homme à bord.

— En civil ? répéta Casement, pensif. Pas en treillis ?

— Non, affirma Porter. Je pense qu’il s’agissait du BSI ou d’un commando spécial.

— Et ils vous ont laissé partir ? (Casement leva les yeux vers le ciel.) Peut-être qu’ils nous tendent un piège.

— Dans ce cas, ils seraient déjà là. Non, je crois qu’ils ne nous ont pas reconnus. Ils en avaient après les pirates. (Il grimaça.) Je me demande ce que ça signifie.

— Rien de bon pour nous, c’est sûr, dit l’autre en fourrant l’écusson dans sa poche. Je vais établir un rapport à Traceuse. Elle saura quoi faire.

— Bien. (Porter montra les ombres qui s’affairaient.) Pendant ce temps, nous avons un chargement à mettre dans les soutes.

— Et ce caillou ne semble plus si accueillant, acquiesça Casement. Finissons-en.