CHAPITRE X
— Voici l’enregistrement de la transmission, inspecteur, dit la femme au centre de l’HoloNet de Conglo City, sur Drunost, retirant une datacard de son ordinateur. Mais je crains de devoir vous demander une triple injonction judiciaire pour vous communiquer le nom de celui qui l’a passée.
— J’en aurai une dès demain, promit LaRone. En attendant, je vais consulter ce dossier.
Une minute plus tard, il était ressorti au soleil de la fin d’après-midi, la datacard en sécurité dans une poche intérieure. Il ne s’attendait pas à ce que la politique du Conglomérat lui permette de connaître autant de détails sans papiers officiels, mais qui ne tentait rien n’avait rien. Il avait récupéré la communication. Peut-être serait-ce suffisant.
LaRone réalisa qu’il y avait beaucoup de circulation autour du centre de l’HoloNet, et il comprit pourquoi quand il vit une banque marquée du logo du Conglomérat. Il était l’heure pour les marchands et les divers services de venir déposer leur recette du jour. Tout en se demandant combien de crédits rentraient quotidiennement, il chercha Grave du regard.
Celui-ci n’était nulle part en vue. Fronçant les sourcils, LaRone l’appela.
— Grave ?
— Ici, répondit immédiatement l’intéressé sans ajouter de mots de code signifiant qu’il avait des ennuis. Je suis dans le café en face de la banque. Tu devrais venir me rejoindre.
— J’arrive, dit LaRone. Des nouvelles des autres ?
— Quiller m’a contacté. Le Conglo a mis les restes du Barloz sous clé et ne laisse personne les voir. Il n’a pas voulu insister avant que nous ayons comparé nos notes. Marcross et Brightwater n’ont pas pu avoir accès aux dossiers d’autopsie non plus.
Et Grave avait élu domicile dans un café.
— Tu fêtes quelque chose ou tu noies ton chagrin ?
— Ni l’un ni l’autre. Entre discrètement – je suis assis dans le fond, à droite de la porte.
L’établissement ressemblait à tous ceux que LaRone avait visités à travers l’Empire : peu de lumière, large comptoir dans le fond, tables de quatre ou de six personnes occupées par un assortiment d’humains et de non-humains. Grave s’était installé à l’une des plus petites.
— Pourquoi tout ce mystère ? demanda LaRone en s’asseyant.
— Là-bas, répondit l’autre en montrant d’un hochement de la tête. Trois humains et un Wookie. L’un des humains ne te rappelle rien ?
LaRone se gratta la joue et jeta un coup d’œil discret dans la direction indiquée. L’un des humains n’était encore qu’un gamin qui semblait découvrir les grandes cités pour la première fois. L’autre, un peu plus âgé, arborait plutôt l’expression d’un type qui avait tout vu. Étaient-ce les vestiges d’une Bande Rouge Corellienne ? Cela ferait de lui un héros.
Le troisième… LaRone fronça les sourcils.
— Ne serait-ce pas l’un des fermiers que nous avons sauvés des swoopers ?
— Si ce n’est pas lui, il lui ressemble, sauf qu’il a revu sa garde-robe.
Effectivement, au lieu des haillons crasseux qu’il avait portés ce jour-là, l’homme était vêtu d’un pantalon et d’une tunique brodée, comme la majorité des clients.
— Intéressant.
— Je l’ai repéré dans la rue. Il n’a pas éveillé mes soupçons jusqu’à ce qu’il jette un coup d’œil furtif autour de lui. Ça m’a paru louche.
— Et les autres, qui sont-ils ?
— Aucune idée. Ils étaient là quand il est arrivé.
Le « fermier » avait donc rendez-vous.
— Je vais renvoyer Quiller à bord pour qu’il lance une recherche sur les équipages composés de deux humains et d’un Wookie, dit LaRone, en saisissant son comlink.
— Pas si vite, répondit Grave en lui posant une main sur le bras. D’abord, dis-moi ce que tu penses des deux humains et du Rodien près de la porte.
Des tueurs, tous les trois, c’était évident.
— Oh, oh ! fit LaRone.
— Ils veulent donner l’impression d’être assis là depuis longtemps, mais ils paraissent beaucoup trop alertes pour avoir trop bu.
— Ils repèrent les lieux ?
Mais alors qu’il disait cela, il réalisa qu’ils avaient non seulement l’air de criminels, mais de criminels en train de préparer leur coup.
Ils ne surveillaient pas le bar, ni le barman ou la caisse. Leur attention était focalisée de l’autre côté de la salle. Regardant dans cette direction, LaRone vit sept hommes à une table. Larges d’épaules, les cheveux courts et le regard vif, ils étaient de la même trempe que Grave et lui.
— Des vigiles ?
— Ou des mercenaires, répondit Grave. Il s’agit peut-être d’une rivalité entre professionnels.
— Non, corrigea LaRone, qui avait compris. Quelqu’un s’apprête à dévaliser la banque.
— Oh, shunfa, murmura Grave. Et ces trois-là, près de la porte, surveillent les gardes qui ne sont pas de service ?
Oui, répondit LaRone, allumant discrètement son comlink. Quiller, où es-tu ?
— En route pour le Suwantek. Je n’ai pas pu…
— Grave m’a mis au courant. Dépêche-toi – nous allons avoir besoin d’une aide aérienne.
— Attends un peu ! (Grave fronça les sourcils.) LaRone…
— Bien reçu, dit Quiller d’une voix tendue. Où et comment ?
— Le dépôt d’espèces sur Newmark, au nord de la cité. Des truands mijotent quelque chose.
Il y eut un court silence.
— Et pourquoi nous interposer ?
— Parce qu’aider le Conglo à pincer les pirates pourrait nous procurer ce que nous voulons, expliqua LaRone. Appelle Marcross et Brightwater. Il est possible que les soldats de choc fassent une apparition. Grave et moi restons là pour vous tenir au courant.
— D’accord. Le vaisseau sera prêt dans dix minutes. Prévenez-moi quand je dois intervenir.
LaRone ferma le comlink.
— Quand ? demanda Grave.
— Dix minutes.
— Espérons que ça ira, grogna l’autre.
— Que veux-tu dire ?
— Eh bien, je viens de m’apercevoir que les agents de la sécurité nous ressemblent, ou l’inverse.
LaRone coula un regard vers la porte. Les deux humains continuaient de surveiller les employés du Conglo, mais le Rodien les tenait maintenant à l’œil, Grave et lui.
— Génial, marmonna-t-il.
— Et maintenant ?
— Nous ne bougeons pas. Pour le moment.
— Vous pensez qu’ils étaient avec les BloodScars ? demanda Yan quand Porter eut terminé de décrire l’attaque des swoopers.
— D’après leur écusson. Plus le fait qu’ils le portent sur l’épaule. Les BloodScars se prennent pour une organisation militaire.
— Vous avaient-ils déjà attaqués ? s’enquit Luke, reniflant la boisson que Porter avait commandée pour lui.
Elle sentait le fluide nettoyant pour moteur. Il n’était pas sûr de vouloir avaler ça.
— Pas vraiment. Nous nous frottons parfois à des petits groupes de pirates venant de Purnham et de Chekria. La seule fois où nous avons eu des ennuis avec les BloodScars, remonte à deux mois. Ils ont attaqué le convoi de Casement près d’Ashkas-kov.
— Alors qu’est-ce qui vous fait croire qu’ils forment une grosse bande ?
— Parce que dix de leurs navires ont participé à l’attaque, rétorqua Porter. S’ils peuvent se permettre d’en envoyer autant sur une seule route commerciale, ils doivent en avoir des tas d’autres.
Chewbacca grogna doucement.
— Bonne question, acquiesça Yan. Combien de vaisseaux les pirates ont-ils frappés ?
— Quatre, je crois, répondit l’autre. Mais ils ont tiré sur tous, d’après Casement. Il a survécu parce que le sien a une coque blindée intérieure. Il a fait le mort en attendant qu’ils partent.
— Ils devaient donc savoir lesquels transportaient la marchandise qui les intéressait, suggéra Yan.
— Je suppose, concéda Porter à contrecœur. Mais pour ça, il faudrait qu’ils aient des milliers d’informateurs répartis dans tous les bureaux.
— Ou juste deux ou trois à des postes clés.
— Ce serait aussi difficile que de rassembler une vraie flotte ! Peut-être même plus. Pourquoi discutez-vous autant sur des détails ?
— Hé, inutile de me sauter dessus ! protesta Yan. Je veux seulement comprendre ce qui se passe. Soit nous avons affaire à une grosse flotte capable de frapper n’importe où, soit à une plus petite mais avec de bons renseignements. Vous voulez résoudre le vrai problème ou celui qui vous arrange ?
Porter inspira et exhala entre ses dents.
— Le vrai, bien sûr, gronda-t-il. Mais si les BloodScars prennent le contrôle de tout un tas d’autres gangs, nous nous retrouvons avec un autre problème sur les bras. (Il jeta un regard noir à Chewbacca.) Surtout s’ils bénéficient d’un excellent réseau d’information.
— Revenons-en aux swoopers. Une idée de leur origine ?
— Pas Drunost – ils sont arrivés dans un Barloz. (Porter leva l’index.) Ils ne sont pas tous morts. J’ai vu des landspeeders décoller après le départ des soldats.
Des soldats. Luke frissonna. Il avait grandi avec la menace des hommes des sables et il savait plus ou moins comment s’y prendre avec eux. Mais les soldats de choc de l’Empire, c’était autre chose. Les autres et lui avaient survécu à une ou deux rencontres dans l’Étoile Noire, uniquement parce que les Impériaux avaient été pris de court.
Et puis, il savait désormais que Tarkin et Vador avaient permis au Faucon de s’échapper pour le suivre jusqu’à Yavin 4. Luke soupçonnait que, s’il écrasait l’élite de l’Empire, ils ne s’en sortiraient pas aussi facilement.
— Bien, nous avons donc quelqu’un à qui parler, fit Yan. Où sont-ils allés ?
— Ils sont toujours ici, répondit Porter, indiquant la cité. C’est le seul endroit où se terrer.
— Vous êtes certains qu’ils ne sont pas partis ?
Il haussa les épaules.
— Pas à bord de leur navire. Et s’il avait un autre moyen de transport, le Conglo a tout confisqué.
— Le Conglo ? fit Luke.
— Qui d’autre ? rétorqua Porter, surpris.
— Les autorités du port. Ou la police locale.
L’autochtone secoua la tête.
— Il n’y en a pas ici.
— Je t’ai dit que Drunost appartient au Conglo, rappela Yan. Tout ici en fait partie.
— Comme le secteur de la Corporation, à moindre échelle, ajouta Porter. Et plus fréquentable.
— Ça se discute, marmonna Yan.
— Non, vraiment, ils ne sont pas si mal. Ils font respecter l’ordre et les lois. Et c’est toujours mieux que d’avoir affaire à l’Empire.
Luke. Luke sursauta et regarda autour de lui avant d’identifier la voix. Celle de Ben Kenobi, comme durant l’attaque de l’Étoile Noire. Une menace plane, Luke. Utilise la Force.
— Quel genre de menace, souffla-t-il.
Il n’obtint pas de réponse, bien sûr. Luke se pencha au-dessus de son verre, balayant la salle des yeux. Tout lui semblait normal. Mais Ben lui avait dit d’employer la Force. Serrant les dents, il étendit ses perceptions.
Les images et les voix semblèrent s’estomper dans le lointain. Il parcourut de nouveau le café du regard, essayant de discerner les émotions derrière les visages. Mais il ne sentit rien – et il ignorait ce qu’il cherchait ! Soudain, une image lui traversa l’esprit : un prédateur à la fourrure hirsute, affamé et prêt à bondir sur sa proie.
Il retint son souffle. Par tous les mondes…
Puis il eut un sourire tendu – c’était un indice ! Il reprit ses observations, mais en gardant la bête à l’esprit, pour y comparer ses impressions. Et il trouva ce qu’il cherchait : deux humains et un Rodien, près de la porte. Et non seulement il perçut leur impatience, mais aussi le mal qui bouillonnait en eux.
— Petit ?
Luke revint à la réalité.
— Quoi ?
— Nous t’ennuyons, peut-être ?
— Non. (Il regarda les hommes que les malfrats observaient.) Vous connaissez ces types ?
Porter jeta un coup d’œil par-dessus son épaule.
— Des agents de la sécurité. Ils ont les boissons à moitié prix, ici. Ça les encourage à rester dans le coin. Pourquoi ?
— Ils sont surveillés de près, répondit Luke. Les deux humains et le Rodien, à côté de l’entrée.
— Ridicule, renifla l’autochtone. Personne ne fait du grabuge, à Conglo City.
— Les swoopers ne se sont pas gênés, rappela Yan, lorgnant discrètement les vigiles.
— C’était hors de la ville. Nous nous trouvons au cœur des opérations du Conglo. Il y a leur centre de l’HoloNet, leur dépôt…
— Oui, juste de l’autre côté de la rue, coupa Yan.
— C’est ça, déclara Luke. Ils vont l’attaquer.
— Génial. Il y a une porte de derrière ?
— Juste là, répondit Porter, montrant un rideau à côté du comptoir.
— Parfait, remercia Yan en voulant se lever.
— Attends, nous allons fuir ? fit Luke.
— Loin d’un casse ? Tu parles !
— Nous devons les aider !
— Qui ça ? Des voleurs contre une grosse corporation. C’est un choix évident !
— Ce n’est pas juste, insista Luke.
— Il a raison, petit, interjecta nerveusement Porter. Et puis, nous essayons de garder profil bas.
Luke grimaça. Les mots qu’il avait dits à Ben sur Tatooine revinrent le hanter : Je ne peux pas m’impliquer. Mais s’il ne l’avait pas fait, Tarkin et l’Étoile Noire auraient gagné, conduisant Leia, Rieekan et des centaines d’autres à la mort.
— Parfait, gardez profil bas. Je m’en occupe.
Chewbacca protesta et posa une patte massive sur le bras de Yan.
— Oh, pour… (Le Corellien se tut et fusilla son partenaire du regard.) Oh, très bien. Restez assis, Chewie et moi, nous nous en chargeons.
— Solo… commença Porter.
— Ou bien filez, je m’en fiche.
— Mais je veux t’aider ! protesta Luke.
— Alors trouve un moyen de les distraire, répondit Yan en se levant pour de bon cette fois. Allez, Chewie. Finissons-en.
— Ils partent, murmura Grave en voyant le Corellien et le Wookie se diriger vers la porte. De quel côté sont-ils, à ton avis ? Les voleurs ?
— C’est possible, admit LaRone, qui observait le jeune homme.
Le fermier et lui étaient toujours attablés, mais le gamin tripotait quelque chose dans sa tunique. Un blaster ? Alors que les deux autres passaient devant le trio, la main du Corellien tomba sans y paraître vers celui accroché à sa ceinture.
Et soudain, des explosions étouffées leur parvinrent de l’autre côté de la rue. Le murmure des conversations mourut instantanément.
Tous tendirent l’oreille, sauf les trois près de la sortie. Ils bondirent sur leurs pieds, l’un des humains pointant un gros blaster sur LaRone et Grave, l’autre visant les gardes et le Rodien pivotant pour couvrir le Corellien et le Wookie.
— Au temps pour l’effet de surprise, fit Grave.
— Ouais, répondit LaRone.
Le Corellien s’était tourné vers le Rodien avec une expression faussement étonnée, quant au Wookie, il avait l’air dangereux. Du coin de l’œil, LaRone vit le gamin se lever, le bras droit au-dessus de la tête.
Nul n’avait dû entendre le son d’un sabre laser sur Drunost depuis la Guerre des Clones. Mais personne n’avait oublié ce sifflement sec comme un claquement, si distinctif. Tous les regards convergèrent vers l’adolescent, qui brandissait l’arme comme une bannière. Même le Rodien tourna à moitié la tête…
Et cet instant d’inattention fit basculer la situation. Le Corellien traversa la distance qui les séparait d’une longue enjambée et lui tordit le poignet pour le désarmer. L’approche du Wookie s’avéra plus directe encore. Il attrapa le non-humain par le col de sa tunique, le souleva et le jeta sur ses camarades. Tous trois atterrirent sur leur table et disparurent dans un enchevêtrement furieux de membres et de corps.
Le Rodien fut rapide. Alors que LaRone tirait son blaster, le non-humain roula sur lui-même en jurant et pointa son arme sur ses assaillants. LaRone le visait quand le Corellien l’abattit d’un seul coup.
Les vigiles prirent le relais, trois d’entre eux s’agitant au-dessus des deux hommes à terre avec leurs menottes. Les autres se ruèrent vers la porte. Celui de tête l’ouvrit et ils prirent une seconde pour évaluer la situation avant de partir en courant. Alors qu’elle se refermait sur eux, LaRone entendit des tirs dans la rue.
Le Corellien et le Wookie ne les suivirent pas. Ayant apparemment rempli leur mission, ils retournèrent à leur table. Le gamin au sabre laser l’éteignit et le rangea tandis que le fermier se levait. Tous les quatre se dirigèrent vers le rideau à côté du bar. Tandis que les autres sortaient, le petit se retourna pour regarder LaRone et Grave.
Cela ne dura qu’un instant. Puis il disparut.
— Eh bien, je ne m’attendais pas à ça, fit Grave en rengainant son arme. On se joint à la fête ?
— Je ne sais pas, répondit LaRone, sortant son comlink, car quelque chose dans le regard de l’adolescent lui avait donné des frissons. Quiller ?
— Nous sommes en route. Nous arriverons dans quatre-vingt-dix secondes.
— Le Conglo a envoyé quelque chose dans les airs ?
— Tout ce qui peut voler, répondit Quiller. On peut dire qu’ils savent réagir.
LaRone se tourna vers le rideau.
— Dans ce cas, passe au-dessus des bâtiments à l’est de la banque. Je veux que tu traques un groupe de quatre individus, trois humains et un Wookie.
— Attends.
Le comlink devint silencieux.
— Tu crois que notre fermier ne se contente pas de gratter la terre ? demanda Grave.
— Je me le demande. Peut-être a-t-il renseigné les BloodScars et que les trois autres et lui travaillent pour ces pirates.
— Alors pourquoi auraient-ils voulu prévenir le casse de la banque ?
— Les voleurs pourraient appartenir à une bande rivale. Je pense qu’il faut garder un œil sur eux.
— Je les ai, annonça Quiller. Deux landspeeders, l’un avec un humain, l’autre avec trois individus à son bord. Ils se séparent.
— Reste sur les trois, décida LaRone.
— Bien reçu. Ils semblent se diriger vers une aire de service.
Cela signifiait-il que leur tâche était terminée ?
— Nous reniflons la piste derrière eux, fit LaRone en se levant, invitant Grave à le suivre. Fais-le-moi savoir quand ils arrivent à leur appareil. Et marque-les – nous allons les suivre.
— Pourquoi ? demanda Grave.
— Parce qu’ils sont liés à cette histoire, répondit-il. Je ne sais pas comment, mais c’est le cas. Et pour le moment, ils constituent notre seule piste solide.
— Pas si solide, à mon avis.
— Ça ne nous coûte rien de la suivre.
Grave haussa les épaules.
— Juste du temps et du carburant.
— Nous avons le temps, répondit LaRone. Et le BSI paye pour le carburant.
— Non, Purnham, répéta Yan. Le système Purnham. Où vous avez été attaqués.
— Vous êtes fous ? fit la voix de Casement dans le haut-parleur. Nous essayons d’éviter les pirates !
— Nous devons élucider cette affaire.
— Mais il ne s’agissait pas des BloodScars ! insista l’autre.
Yan leva les yeux au ciel et Chewbacca exprima son mépris. Ces idiots ne comprenaient donc rien ?
— Écoutez, continua Yan, sur le ton de quelqu’un qui s’adresse à un enfant attardé ou un bureaucrate bouché. Nous ignorons où ils se trouvent, mais Porter et vous pensez que d’autres gangs les ont rejoints. Peut-être essaient-ils de recruter celui de Pumham. Et nous savons où dénicher celui-là. Si nous réussissons à en coincer un ou deux, ils nous diront peut-être où sont les BloodScars.
— Euh… peut-être, concéda Casement. Mais il ne sera pas facile de les faire parler.
Yan regarda le Wookie furieux derrière lui.
— Je m’occupe de ça. Vous amenez un cargo là-bas – disons dans trois jours. Faites enregistrer votre route exactement comme la dernière fois. Quelqu’un doit se charger de mettre la main sur les cibles idéales.
— Bien, répondit l’autre, résigné. Mais je dois dire que j’ai un mauvais près…
— Trois jours, répéta Yan, avant de couper la communication. (Il posa un regard noir sur Luke.) Ou avons-nous d’autres objections ?
— Non, j’aime ce plan, assura le jeune homme. Ils ne s’attendent pas à une embuscade.
— Parfait, nous sommes donc tous d’accord, fit le Corellien en se tournant vers les contrôles.
Il mit les répulseurs en marche et le Faucon quitta son emplacement.
Vous n’aurez rien d’autre à faire que parler à nos fournisseurs, avait dit Rieekan.
Bien sûr. C’était très clair.
— Mes ingénieurs disent que tout sera terminé dans quatre heures, dit le capitaine Ozzel, reculant d’un pas quand un morceau de bouclier accroché à une chaîne vint vers eux.
Les yeux et le cerveau de Mara procédèrent à de rapides calculs. Elle ne bougea pas et il passa à cinq centimètres de son visage.
— Puis-je faire autre chose pour votre service ?
— Je vais avoir besoin de deux de vos hommes répondit-elle. Ils devront savoir se battre et manier un vaisseau de cette taille.
— Vous voulez parler de combat rapproché ? Ça ne sera pas facile.
— Prenez-les sur le contingent de soldats de choc.
Une étrange lueur traversa le regard d’Ozzel.
— Peut-être. Je vais en parler à leur commandant.
— Ne prenez pas cette peine, je m’en charge, fit Mara. Dites-lui de me retrouver dans le bureau.
— Bien, dit-il, tirant son comlink.
Mara quitta le Happer’s Way et traversa le hangar du Représailles. Elle vérifia qu’ils avaient bien suivi ses ordres, et que seules les réparations nécessaires avaient été effectuées. Il fallait qu’elles aient l’air d’avoir été faites dans l’espace.
Quand elle entra dans le bureau, un homme au visage lisse, portant les insignes d’un colonel, l’attendait.
— Main de l’Empereur, salua-t-il. Colonel Vak Somoril.
— Êtes-vous le commandant des soldats de choc ? demanda Mara.
— Non, je commande seulement un contingent spécialisé. Le capitaine Ozzel a pensé que les hommes de mon unité feraient mieux l’affaire.
— J’ai besoin de deux combattants aguerris qui connaissent les cargos rendilis. Vous avez ça ?
— Je crois, oui, répondit Somoril. Quand les voulez-vous ?
— Immédiatement. Dites-leur de prendre des tenues civiles et de se présenter à bord du Happer’s Way. Le capitaine Norello leur enseignera rapidement les bases. Nous quitterons le Représailles dans quatre heures.
— Ils seront là dans vingt minutes.
— Parfait. Rompez.
Pendant quelques secondes, Mara regarda la porte qui s’était refermée sur Somoril, lui laissant le temps de traverser le hangar. Puis elle alluma l’ordinateur et entra des codes qu’elle seule connaissait pour jeter un coup d’œil à la liste du personnel.
Il n’y avait pas de colonel Vak Somoril.
Pinçant les lèvres, elle consulta les registres de la passerelle. Toujours rien. Elle recommença, cette fois avec ceux des vols. Et enfin, elle trouva quelque chose. Aucun nom, mais deux semaines standard plus tôt, huit navires militaires étaient arrivés à bord du Représailles, réquisitionnant le Hangar 5. Puis l’un d’eux était reparti trois jours plus tard. Elle releva certaines contradictions dans les rapports. Les autres vaisseaux étaient toujours là.
Tout cela menait à une conclusion évidente. Somoril et son contingent spécialisé appartenaient au BSI.
Mara fronça le nez de dégoût. Le BSI était un mal nécessaire, mais qui d’après elle faisait plus de mal qu’autre chose. L’expérience lui avait appris que ces hommes étaient arrogants, cruels et bien trop fiers de leur statut d’élite.
Dès qu’ils pouvaient tirer profit d’une situation, ils répondaient présents. Voilà sans doute pourquoi Somoril avait répondu à l’appel d’Ozzel et offert ses hommes à la Main de l’Empereur.
Pourtant, il ne s’était pas identifié comme appartenant au BSI. Peut-être comptait-il faire cette révélation au moment du départ.
Mara ferma le terminal et quitta le bureau pour gagner la salle de briefing des pilotes. Deux soldats montaient la garde devant. L’un d’eux s’écarta pour lui ouvrir la porte.
Tannis était menotté à l’un des pieds de la table de conférence.
— Il était temps ! gronda-t-il. Quand me donnerez-vous quelque chose à manger ?
— Fermez-la et écoutez-moi, répondit Mara, tirant une datacard de sa poche. J’ai préparé une liste de charges contre vous, de quoi vous coûter entre trente ans dans un pénitencier et la peine de mort.
Le pirate esquissa un rictus.
— C’est ça votre marché ?
— Je n’ai pas terminé. Jusqu’ici, vous avez eu la vie belle. Vous et vos amis, vous gardiez l’anonymat en abattant les gens susceptibles de vous identifier. Aussi longtemps que vous n’étiez pas assez bêtes pour porter vos couleurs de BloodScars, vous passiez inaperçus.
Elle tapota la carte de l’index.
— Mais c’est fini. En plus des charges, j’ai là vos empreintes, vos données biométriques et votre profil ADN. Une fois que j’aurai tout rentré dans les banques de données de l’Empire, n’importe quel agent un peu curieux pourra consulter votre historique criminel en moins de temps qu’il n’en faut pour appeler le Centre Impérial. (Elle haussa les sourcils.) En d’autres termes, vous avez le choix entre la prison à perpétuité ou passer votre vie dans un trou à rat à vous cacher.
Tannis contrôlait très bien ses expressions, mais Mara sentait la peur qui commençait à lui nouer les entrailles.
— À moins… ? fit-il.
— Les données sont déjà dans le système, mais dans un dossier privé, isolé de tout, qui ne deviendra public que dans trente jours, à moins que je ne l’efface avant cela.
— Et donc, plus de dossier ?
— En quelque sorte. Intéressé ?
Tannis se passa la langue sur la lèvre.
— Qu’est-ce que vous attendez de moi ?
— Nous allons amener le Happer’s Way à votre base, répondit Mara. L’hyperdrive et le système de communication de son vaisseau ayant souffert pendant l’attaque, Shakko vous a envoyé pendant que le reste de l’équipage procédait aux réparations.
— Et vous sortez d’où ?
— Mes hommes et moi étions montés à bord du Happer’s Way pour nous en emparer. Nous passions à l’action quand vous avez donné l’assaut. C’est pourquoi le Happer’s Way est toujours opérationnel, et non une épave. Nous vous avons facilité la tâche. Nous avons entendu parler des BloodScars et nous aimerions nous engager.
— Et si le Commodore veut savoir à quelle bande vous appartenez ? contra Tannis. Il connaît tout le monde dans ce secteur.
— Faites-moi confiance, ça marchera.
Il grimaça.
— Vous me demandez de trahir mes camarades.
— Oh, pitié ! fit Mara. Vous êtes un pirate. Vous n’avez que des connaissances, qui vous poignarderaient dans le dos pour dix pour cent de plus. (Elle lui laissa le temps de digérer cela, puis elle continua.) Et vous n’allez pas réellement les trahir. Je ne m’intéresse qu’à la personne qui tire vos ficelles.
Tannis fronça les sourcils.
— Vous voulez parler de Caaldra ?
— Celui qui est au-dessus de lui. Il a l’air impressionnant, mais ce n’est qu’un messager cher payé. Je veux avoir accès aux dossiers du Commodore pour trouver qui prend les décisions, qui donne les ordres… (Elle marqua une pause, brève.) Et qui fournit l’argent.
Une fois de plus, le visage de Tannis ne trahit rien, mais les vagues émotionnelles qu’elle perçut lui apprirent qu’elle avait gagné la partie. Tannis ne se trouvait peut-être pas au sommet de la hiérarchie, mais il savait suivre une piste financière.
Elle avait donc raison – une partie de l’argent de Glovstoak était maintenant en possession des BloodScars.
— Et si le Commodore ne marche pas ?
— Vous vous assurerez que ça n’arrive pas, rétorqua Mara.
— Et si vous vous faites tuer ?
— Je veillerai à ce que ça n’arrive pas. Ça marche ?
Tannis renifla avec dédain.
— J’ai le choix ?
— Bien sûr – vous pouvez commencer votre peine dès aujourd’hui.
— Non merci, répondit-il sur un ton qui lui indiqua qu’il avait trouvé une autre option – la trahir et profiter des trente jours pour se dénicher une planque. Je vous suis.
— Parfait, répondit Mara, venant se camper devant lui. Et histoire que tout soit bien clair, je sais très bien ce que vous mijotez…
Elle se concentra sur ses menottes et les ouvrit avec la Force. Les bracelets tombèrent sur le sol.
Tannis les regarda, les muscles de son cou soudain tendus, puis il leva les yeux sur elle.
— Vador, murmura-t-il. Vous êtes comme Vador.
— Juste meilleure, répondit-elle froidement, se demandant ce que le seigneur Sith penserait de sa repartie. Marché conclu ?
Le pirate déglutit avec peine.
— Oui, réussit-il à prononcer.
— Bien, répondit Mara, reculant d’un pas tout en faisant de nouveau appel à la Force, pour ramasser les entraves. Un garde va vous conduire à bord de votre vaisseau pour que vous y preniez quelques affaires. Ensuite, vous vous présenterez à bord du Happer’s Way pour un cours d’orientation. Je vais m’assurer qu’il y a assez de bacta pour soigner votre jambe avant notre arrivée à la base.
Tannis se leva lentement, ses yeux fixant les menottes, puis remontant vers le visage de Mara.
— Bienvenue parmi les BloodScars, Main de l’Empereur. J’espère que vous aimerez notre vie.
— Merci, répondit-elle. Ça vaudrait mieux.
Le capitaine Ozzel se renfonça dans son fauteuil, regardant l’écran de son ordinateur avec un sentiment de défaite. Tout – son labeur, sa sueur, ses rêves… tout était parti en fumée.
La porte de son bureau s’ouvrit et le colonel Somoril entra.
— Ils viennent de passer en subluminique.
— Aucune importance, répondit Ozzel, montrant la console. Nous sommes foutus.
— De quoi parlez-vous ? demanda le BSI, tournant l’écran vers lui.
— Notre rusée Main de l’Empereur a trouvé un moyen de pénétrer dans l’ordinateur de bord, fit Ozzel, amer. Elle a accédé à la liste du personnel, au journal de la passerelle et à celui des vols.
Le visage de Somoril devint de pierre. Il regarda les données, puis à la surprise d’Ozzel, il se détendit.
— Bon, dit-il en s’asseyant. Elle sait que le Gillia est parti il y a deux semaines. Et alors ? Pour autant qu’elle sache, il s’agit d’une simple opération menée par le BSI.
— Oh, vraiment ? gronda le capitaine. Vous pensez qu’elle aurait tout fait pour monter à bord de ce navire si elle n’avait pas cherché quelque chose ?
Somoril haussa les sourcils.
— Elle a tout fait pour monter à bord ? Comme organiser l’attaque d’un cargo impérial ?
— Les agents spéciaux ne s’occupent pas des pirates. Nous parlons de la Main de l’Empereur. Ce n’est pas une coïncidence !
— Je n’en suis pas convaincu, fit l’autre en secouant la tête.
— Eh bien, vous allez l’être. (Ozzel entra un mot clé et un autre dossier apparut.) Voilà deux rapports mentionnant l’intervention de soldats de choc. Une fois pour sauver des fermiers, une autre pour prendre un poste de patrouilleur.
— Ils ont pris la tête d’une cité ?
— Non, apparemment ils ont réinstallé d’anciens fonctionnaires à leurs postes. Je n’ai pas réussi à apprendre les détails de cette affaire. Mais peu importe. Ce qui compte, c’est que la Main de l’Empereur sait d’où ils viennent.
— Si elle a fait le lien, répondit Somoril. Et quand bien même, elle ne parviendra pas à communiquer cette information.
Ozzel le regarda, avec un sentiment déplaisant.
— Qu’êtes-vous en train de suggérer ?
— Elle n’a passé aucune transmission du Représailles, et elle n’en enverra pas non plus du Happer’s Way. Brock et Gilling vont s’en assurer. Il restera le transmetteur à destination. (Il marqua une pause.) Et d’après leur vecteur de départ, il s’agit de l’opération minière sur Gepparin.
— Vous avez installé un système de traçage ?
— Sinon comment pourrais-je savoir où la trouver ? Maintenant, Capitaine, vous avez une décision à prendre.
— Vous réalisez ce que vous suggérez ? fit Ozzel d’une voix qui sonna étrangement à ses propres oreilles. Vous parlez de tuer un agent impérial. Une femme qui reçoit ses ordres de Palpatine !
— Une simple gamine, corrigea le BSI. Elle vient à peine de terminer son entraînement et n’a aucune expérience du terrain.
— C’est un agent impérial.
— Cessez de répéter ça. Elle a choisi une vie dangereuse. Des agents impériaux meurent tous les jours.
— Pourquoi ne l’avez-vous pas tuée pendant qu’elle était à bord ? demanda le capitaine.
— Quoi ? Devant des centaines de témoins potentiels ? contra Somoril avec mépris. Et puis, j’ignorais qu’elle était si près de tout découvrir.
Ozzel exhala bruyamment. Mais le colonel avait raison, aussi terrible que cela paraisse.
— Comment procéder ?
— Je le répète, un agent vit dangereusement. On ne sait jamais quand on va se retrouver du mauvais côté d’une opération militaire. (Il haussa les sourcils.) Le genre d’action qui se produit quand un destroyer stellaire trouve des indices le guidant jusqu’à un repaire de pirates.
Pendant une minute, les deux hommes se mesurèrent, chacun d’un côté de la table. Puis, lentement, Ozzel tendit la main vers l’intercom.
— Ici le capitaine, dit-il. Mettez le cap sur le système de Gepparin dès que l’hyperdrive sera opérationnel. (Quand il eut reçu confirmation, il se tourna de nouveau vers Somoril.) Je suppose que vous savez combien de temps après elle nous arriverons sur place ?
— Quelques heures. Brock et Gilling pourront la tenir éloignée de tout transmetteur pendant notre voyage. (Il se leva.) Avec votre permission, Capitaine, je vais essayer d’en apprendre plus sur nos cinq déserteurs.
Il inclina légèrement la tête et pivota vers la porte.
— Qu’auriez-vous fait si j’avais dit non ?
Somoril ne le regarda pas.
— J’aurais envoyé l’un de mes vaisseaux s’occuper d’elle. Et je vous aurais méprisé jusqu’à la fin de vos jours.
Ozzel renifla.
— Ne voulez-vous pas plutôt dire, jusqu’à la fin de vos jours ?
— Pas du tout, répondit calmement Somoril. J’ai l’impression que votre vie aurait été bien plus courte que la mienne.