CHAPITRE XIX

— Nous arrivons à Shelkonwa, annonça Quiller. Nos invités sont-ils prêts à partir ?

— Pour autant que je sache, répondit LaRone, jetant un coup d’œil à Marcross, dont les traits étaient tendus. Grave et Brightwater les surveillent. Marcross ?

Le visage de l’intéressé se détendit légèrement, comme s’il revenait d’un endroit sombre et lointain.

— Quoi ? fit-il.

— Je veux m’assurer que tu vas bien, expliqua LaRone. Je te trouve un peu bizarre depuis Gepparin.

— Je vais bien. Je veux juste qu’on en finisse.

— À condition que nous trouvions le contact des BloodScars, observa Quiller. Tu crois en savoir assez grâce à cette transmission…

— C’est le cas, insista Marcross.

— Bien. Mais Shelkonwa est une grosse planète…

— J’ai récupéré toutes les informations nécessaires.

— Tu ne penses pas qu’il est temps de partager ce que tu sais avec nous ? suggéra LaRone. Donne-nous au moins le numéro, au cas où il t’arriverait quelque chose.

L’autre se tendit de nouveau.

— Inutile. Le traître est au palais.

— La résidence du gouverneur ?

— Il n’y en a pas d’autre.

— Je sais, mais…

— Mais quoi ? fit Marcross. Il y a des traîtres de toutes les races et dans toutes les fonctions. Regarde les trois que nous transportons !

— Nous y voilà, annonça Quiller, tirant les leviers de l’hyperdrive.

Les étoiles réapparurent…

Et le pilote se raidit dans son siège.

— Oh, non, murmura-t-il. Non, non, non…

— Du calme, dit LaRone, dont la poitrine s’était serrée à la vue du gros vaisseau en orbite. Nous avons une fausse identité. Nous n’avons aucune raison de nous inquiéter.

La com bipa.

— Executor à cargo en approche. Votre immatriculation est celle d’un appareil militaire. Veuillez confirmer.

— Quiller ? interrogea LaRone.

Il n’obtint pas de réponse. L’intéressé regardait fixement le navire impérial.

— Je l’ai, fit Marcross, pivotant avec son siège pour entrer le code d’identification.

Il y eut un silence, puis…

— Code confirmé. Destination ?

— Makrin City, répondit Quiller. Le Palais du Gouverneur.

— Le tarmac privé du palais a été fermé. Makrin Principal ou Spatioport Régional de Greencliff ?

— Pourquoi le palais est-il bouclé ? interrogea LaRone, affichant une carte de la région.

Makrin Principal se situait au nord-est, à seulement quelques kilomètres de la résidence du gouverneur. Greencliff était coincé entre la lisière nord-est de la ville et les falaises qui la flanquaient.

— On procède à une fouille militaire. Le palais a été fermé pour des raisons de sécurité.

— Qui recherchent-ils ?

— Classé secret-défense, répondit l’autre, agacé. Votre choix ?

Marcross haussa les sourcils en une question muette.

— Makrin Principal est plus près, dit-il.

— Mais il y aura moins de monde à Greencliff, répondit LaRone.

Marcross réfléchit et haussa les épaules.

— Greencliff, annonça-t-il dans le micro.

— Bien reçu. Vous pouvez vous y rendre.

— Merci. (Marcross éteignit et se tourna vers Quiller.) Ça va ?

— Oui, bien sûr, répondit l’intéressé d’une voix d’outre-tombe. J’imagine que vous n’avez pas prêté attention au nom du vaisseau ?

Marcross échangea un regard avec LaRone.

— L’Executor, répondit-il. Pourquoi ?

— Je suppose que les fantassins n’éprouvent pas le besoin de se tenir au courant des nouvelles de la Flotte, reprit Quiller, inspirant lentement. L’Executor est le nouveau vaisseau amiral du seigneur Vador.

LaRone sentit son estomac se serrer. Vador ?

— Que fait-il ici ?

— Il est probablement après le traître, ou l’amie rebelle de Solo, suggéra le pilote, acide. Elle doit être plus importante que nous ne le pensions.

— Il nous a dit qu’ils boucleraient la planète pour elle, commenta LaRone.

— Je pensais qu’il exagérait ! s’exclama Quiller. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais je n’ai aucune envie d’être dans la même ville que Dark Vador. Ni dans le même système solaire !

— Je ne te blâme pas, répondit Marcross d’une voix tendue mais déterminée. Si vous voulez, déposez-moi et filez.

— De quoi parles-tu ? s’étonna LaRone.

— Je pars à la recherche de ce traître. Vous n’êtes pas obligés de rester. Quiller a raison – vous serez plus en sécurité ailleurs.

— Oublie ça. Nous ne nous séparons pas.

— Vous ne me devez rien, insista Marcross.

— Nous le devons aux habitants du secteur Shelsha, rétorqua LaRone. Ce n’est pas parce que la base de BloodScars est partie en fumée que le complot est fini. Il faut terminer le travail.

— Si Vador vous attrape, vous souhaiterez que le BSI vous ait mis la main dessus avant lui. Déposez-moi et partez.

— Merci, maintenant, je me sens vraiment mieux, gronda Quiller.

— En fait, la présence de Vador pourrait tourner à notre avantage, souligna LaRone. Il doit être venu avec ses soldats de choc. Nous n’aurons qu’à nous fondre dans la masse.

Le pilote posa sur lui un regard incrédule.

— Tu plaisantes, hein ? LaRone, nous parlons d’infiltrer le 501e !

— Et alors ? répondit-il, essayant de cacher ses propres doutes. Ils enfilent leurs armures une pièce à la fois, comme nous.

Quiller siffla entre ses dents.

— Tu es fou. Tu sais ça ?

— Il paraît, concéda LaRone.

— Nous voilà d’accord, soupira le pilote. Bien, si Marcross et toi, vous avez décidé d’être dingues, soyons-le tous ensemble. Mais que faisons-nous des trois autres ?

— Bonne question, acquiesça Marcross. Si Vador recherche leur amie, mieux vaut ne pas les lâcher dans la nature compte tenu de ce qu’ils savent sur nous.

— Et ils ne parviendront pas à se fondre au 501e, c’est certain, ajouta Quiller. Mais je doute que nous puissions les garder à bord. Du moins pas sans leur tirer dessus, ce qui nous créerait un tas d’autres problèmes.

— Le principal étant : où doit-on toucher un Wookie pour être sûr de l’abattre, confirma LaRone, qui venait d’avoir une drôle d’idée. Pourquoi ne leur donnerions-nous pas une escorte ?

Les autres eurent la réaction escomptée. Ils en restèrent bouche bée.

— Quiller avait raison, tu es fou, fit Marcross quand il eut recouvré sa voix.

— Peut-être, acquiesça LaRone. Mais si l’on oublie ma santé mentale… pourquoi pas ? Ils seront accompagnés de soldats de choc, ce qui les mettra au-dessus de tout soupçon. Et si nous croisons des hommes de Vador, nous leur dirons qu’ils sont nos informateurs.

— Ou des prisonniers que nous emmenons pour interrogatoire, suggéra Quiller.

— En effet, reconnut-il d’un ton hésitant. Et si le pire devait arriver… le 501e n’aura plus rien à interroger.

— Nous les tuerons avant ? demanda Marcross.

Les fantômes de Teardrop vinrent hanter LaRone.

— Contre le 501e, ils n’auraient aucune chance de s’en tirer. Nous n’aurions pas à le faire.

Quiller grimaça.

— Ils ne marcheront jamais.

— Qui ? s’enquit LaRone. Solo et Luke ou Brightwater et Grave ?

— Aucun !

Il haussa les épaules.

— Attendons d’avoir atterri pour prendre une décision. Peut-être trouverons-nous une meilleure alternative.

 

L’alarme de proximité du vaisseau retentit, tirant Mara du sommeil sans rêve provoqué par la transe guérisseuse de la Force.

Elle était arrivée à Shelkonwa.

Pendant un instant, elle resta allongée sur le lit pliant, pour vérifier sa condition. Elle avait faim et soif, un effet secondaire normal, mais les brûlures et les égratignures avaient entièrement disparu.

Mara se dirigea vers le cockpit, attrapant deux barres de ration et une bouteille d’eau au passage. Elle avait fini la première quand l’ordinateur bipa, et lorsqu’elle tira sur les leviers de l’hyperdrive, le disque de la capitale du secteur Shelsha apparut devant elle, délimité par l’espace étoilé.

Et flottant entre elle et lui, il y avait la dernière chose à laquelle elle s’attendait dans l’univers.

Sa com crachota.

— Chercheur Z-10 en approche, ici le vaisseau impérial Executor, déclara une voix sèche. Identifiez-vous et énoncez la raison de votre présence.

Mara serra les dents. Par les fumées puantes des poubelles du Centre Impérial, que faisait Vador dans ce système ?

— Executor, ici Chercheur Z-10, identité inconnue. Le seigneur Vador se trouve-t-il à bord ?

Il y eut un moment de silence, l’opérateur essayant de comprendre cette réponse inattendue.

— Euh…

— Est-il là ou non ? répéta-t-elle.

— Oui, le seigneur Vador est à bord, répondit-il. L’amiral Bentro est en charge…

— Informez le seigneur Vador que la Main de l’Empereur souhaite lui parler, coupa Mara.

— La… qui ?

— Le seigneur Vador. Maintenant !

Elle n’obtint pas de réponse. Ravalant un juron, Mara tourna son appareil vers le super-destroyer stellaire. Le seigneur sith travaillait sans doute dans sa chambre spéciale, ou bien arpentait-il la passerelle et nul n’osait le déranger.

Mais elle avait une mission à accomplir. D’une manière ou d’une autre, il allait la recevoir.

Elle était presque arrivée dans la zone des défenses intérieures du navire quand le haut-parleur revint à la vie.

— Main de l’Empereur, lança la voix de Vador. C’est un plaisir inattendu.

— Pour moi aussi, répondit-elle, sachant que ni l’un ni l’autre n’en pensaient un traître mot. Seigneur Vador, nous avons à parler.

— Venez à bord, dit-il.

Les défenses furent désactivées et Mara dirigée vers le hangar du capitaine. Une escorte des soldats du 501e l’y attendait. Ils la conduisirent à une salle de conférences.

Vador patientait, tel un nuage d’orage au bout de la table.

— J’ai cru comprendre que vous avez exigé un entretien avec moi, fit-il sans préambule.

— Je m’en excuse, répondit Mara, inclinant la tête en signe d’humilité.

— Il n’y a qu’une seule personne dans l’Empire qui puisse requérir ma présence, et ce n’est pas vous, continua-t-il avec raideur.

Apparemment, il refusait d’accepter ses excuses.

— Alors je vais aller droit au but, dit Mara, qui n’était pas de meilleure humeur. Je suis ici pour faire un travail important et j’ai besoin de m’assurer que vous ne vous mettrez pas en travers de mon chemin.

— Que je ne me mette pas en travers de votre chemin, reprit-il, sa voix chutant d’une octave. Faites attention, Main de l’Empereur.

— Jamais quand il s’agit de trahison, contra-t-elle. Je suis sur la piste…

— Non ! tonna Vador.

Il s’avança vers elle, son manteau flottant derrière lui et sa main cherchant son sabre laser.

— Quoi ? réussit à dire Mara tandis que sa colère s’évaporait devant l’évidence : elle avait un grave problème. Non, je…

Mais il était trop tard. Vador tira son arme et sa lame écarlate apparut dans un grésillement sifflant.

Mara recula d’un pas, attrapant la sienne, mais sans l’allumer. Elle ne voulait pas se battre contre le seigneur sith. Jetant un vif coup d’œil vers la porte, elle fit passer son poids d’une jambe sur l’autre.

Mais Vador dut comprendre qu’elle avait l’intention de se sauver et bloqua l’accès à la porte.

— Doucement, commença la jeune femme. Que représente le gouverneur Choard pour vous, de toute manière ?

Brandissant son sabre laser, Vador trancha la table.

Mara recula d’un pas quand les deux sections s’écroulèrent. Elle était acculée. Il ne lui restait qu’une seule option.

— Vous cherchez les ennuis ? cracha-t-elle, appuyant enfin sur la commande de son arme et la levant devant elle. Eh bien, approchez !

Pour toute réponse, Vador remit la sienne en position d’attaque. Faisant appel à la Force, Mara éteignit les lumières.

Elle n’aurait jamais employé ce genre de truc avec un adversaire normal. Leurs sabres laser ne produisaient pas beaucoup de clarté, suffisamment néanmoins pour ses yeux biologiques.

Le casque de Vador était équipé de senseurs, avec tous les avantages et inconvénients que cela impliquait. Il y avait une chance pour que la seule chose qu’il vît, avant qu’ils ne s’adaptent à la pénombre, soit sa lame.

Elle ne s’était pas trompée. Rugissant, le seigneur sith décrivit un arc horizontal avec son sabre laser, cinquante centimètres sous la lame magenta.

Mara n’était déjà plus là. Seule la Force la maintenait en place. Elle s’était baissée à l’instant où les lumières s’étaient éteintes et avait roulé sous l’une des portions de table.

Allait-il recouvrer son bon sens ?

Soulagée, elle entendit qu’il refermait son sabre. Une seconde plus tard, les ampoules revinrent à la vie.

— Que disiez-vous au sujet du gouverneur Choard ? demanda-t-il d’une voix calme.

Mara sortit de sa cachette, les sens en alerte, redoutant une ruse. Mais Vador avait reculé et son sabre laser était accroché à sa ceinture.

— Choard a recruté des gangs de pirates pour attaquer des cargaisons militaires, répondit-elle, conjurant son arme dans sa main. Il y a quelques jours, il a envoyé le Représailles pour détruire leur base et couvrir ses traces. Ils ont failli me tuer.

— C’aurait été regrettable, commenta-t-il.

Mara ne discerna aucun sarcasme dans son ton, tout en sachant qu’il l’induisait forcément.

— Vos informations recoupent les miennes.

— Vous saviez ? fit-elle, le regardant fixement.

— Depuis peu, l’assura Vador. Mais cela ne m’intéresse pas, ajouta-t-il d’un ton sombre. Quand il a dénoncé son gouverneur, l’administrateur Disra a dit que Leia Organa se trouvait à Makrin City. C’est elle que je cherche.

— Vraiment, observa-t-elle, en pensant qu’il était obsédé par la princesse alderaanienne et la Rébellion. Que fait-elle ici ?

— Disra prétend qu’elle est venue voir certains Rebelles locaux. Il m’assure connaître leurs noms.

— Comme c’est commode. Savez-vous où trouver Disra en ce moment même ?

— Au palais. Il collecte les enregistrements dont nous pourrions avoir besoin.

Ou en détruit d’autres qui l’incrimineraient ?

— Je dois aller en bas aussi vite que possible.

— Qui vous en empêche ?

Mara sentit sa lèvre se retrousser. Même normal, Vador était désagréable.

— Mais, personne, répondit-elle. Bonne chasse.

Elle le salua de la tête et se retourna pour sortir.

— Main de l’Empereur ?

Elle regarda par-dessus son épaule ; son masque lui faisait face.

— Veillez à ne pas être en travers de mon chemin.

 

Le ciel s’était assombri, gris ardoise, brumeux et sans étoiles comme dans toutes les grandes villes. Leia venait de prendre les commandes d’un groupe de Mungras quand Chivkyrie entra dans la cuisine.

— Ils ont commencé, annonça-t-il d’une voix tremblante. Des soldats de choc sont arrivés et ils se déploient dans la cité.

Leia inspira lentement. La réponse du Centre Impérial était enfin arrivée.

— Je comprends, dit-elle.

— Non, je ne crois pas, objecta l’Adarien, regardant autour de lui. On raconte que Dark Vador est ici.

Elle s’y était attendue. Vador prenait tout personnellement, surtout le rôle qu’elle avait joué dans la destruction de l’Étoile Noire.

— Je comprends. Merci d’être venu m’avertir. Vous devriez partir, maintenant.

— À quoi bon ? Nul n’échappe au seigneur Vador.

— Si, répondit fermement Leia. Je suggère que vous essayiez les catacombes. La police les a déjà passées au peigne fin.

Chivkyrie renifla.

— Les soldats de choc n’auront cure de ce que les patrouilleurs auront ou n’auront pas fait.

— Mais ils ne sont pas à votre recherche, lui rappela-t-elle. Je doute que leurs ordres concernent quiconque à part moi. Et de toute manière, vous devez tenter quelque chose.

— Vous avez raison. Pardonnez mon moment de faiblesse.

— Nous en avons tous, rétorqua Leia, se sentant rougir un peu au souvenir de ses récentes batailles contre cette émotion. Il faut seulement veiller à ce qu’ils ne durent pas des heures, voire des jours.

— Ou une vie, ajouta Chivkyrie.

— Nous gagnerons, l’assura-t-elle. Un jour. Je le sais. (Elle se pencha dehors pour s’assurer qu’il n’y avait personne.) Maintenant, partez. Et encore merci pour tout.

L’Adarien étudia son visage pendant un moment, comme pour en fixer les détails dans sa mémoire. Puis il inclina la tête et s’éloigna.

— Allez-vous partir aussi ?

Leia se tourna vers Vicria, qui se tenait près des placards, ses yeux orange brillant plus que de coutume dans la pénombre.

— Pas encore.

— Parce que dans ce cas, ne traînez pas ici. Vous n’avez pas votre place parmi nous – nous le savons tous.

Leia déglutit avec peine.

— Je vous suis d’autant plus reconnaissante pour votre discrétion.

Vicria secoua la tête, l’équivalent d’un haussement d’épaules chez les Mungras.

— Nombre sont venus se cacher ici, mais ils se montraient arrogants, amers et haineux. Peu ont fait preuve d’honneur et de courtoisie comme vous.

Elle s’approcha de Leia, dans l’encadrement de la porte, et leva les yeux vers la fenêtre cassée au troisième étage de l’immeuble d’en face.

— Nous avons été payés au centuple pour notre discrétion, ajouta-t-elle tout bas. Vous serez toujours la bienvenue, Leia Organa.

La jeune femme sentit sa gorge se serrer. Ainsi, ils connaissaient même son identité.

— Vous êtes un peuple honorable, Vicria. Je ferai mon possible pour que vous n’ayez pas à payer le prix de votre générosité.

— Ne vous sacrifiez pas pour nous, répliqua la Mungra. Vous appartenez à une caste bien supérieure.

— Je ne gâcherai pas inutilement le cadeau que vous m’avez fait. Quant à nos castes respectives, je ne considère pas qu’elles reflètent notre valeur en tant qu’êtres vivants et pensants. Elles ne donnent pas la mesure de la loyauté et du courage.

— C’est une drôle de manière de penser, dit Vicria. Mais vous n’êtes pas d’ici. Vous ne partagez pas les idées des Mungras et des Adariens.

— Peut-être pas, répondit Leia. J’ai néanmoins découvert que vouloir la liberté abattait ces barrières.

— Oui, vous avez une drôle de manière de penser. Pourtant vous avez raison : avec tous ces soldats, il est plus sage de rester à l’intérieur.

— Me cacher à découvert, acquiesça-t-elle.

La conversation avait rendu Vicria mal à l’aise, aussi avait-elle changé de sujet. Mais Leia avait planté les graines et peut-être donneraient-elles quelque chose.

— Et puis, je ne peux pas encore partir.

— Pourquoi pas ?

— J’ai encore deux tables à servir.

 

Disra courut les vingt derniers mètres qui le séparaient de son bureau, ouvrit la porte à la volée et se rua sur sa ligne sécurisée.

— C’est Disra, haleta-t-il. Caaldra ?

— Enfin ! répondit celui-ci. Où étiez-vous ? Peu importe. Que font les Impériaux ici ?

— Rien qui ait un rapport avec nous.

Après sa communication interrompue avec le Commodore, Disra avait essayé de rétablir le contact avec la base. Mais il avait échoué. Et il avait pensé que Caaldra était mort.

Ce qui lui avait fait entrevoir plusieurs possibilités. Il disposait déjà de tout ce dont il avait besoin, pourtant la présence de Caaldra lui servirait peut-être. S’il parvenait à l’attirer sur la planète.

— Vous arrivez, je suppose ?

— Je suis en route pour Greencliff. L’imbécile qui contrôle le trafic m’a dit que le palais était fermé.

— Vous n’avez pas demandé à vous poser à Makrin Principal ?

— C’est là qu’il voulait m’envoyer, répondit Caaldra. Mais je l’en ai dissuadé.

Disra fronça les sourcils.

— Pourquoi ? Principal est plus près et plus grand.

— Et il grouille d’Impériaux. Avec les cinquante AT-ST que j’ai dans mes soutes, je ne tiens pas à les voir rôder autour de mon navire.

L’administrateur en resta bouche bée.

— Cinquante quoi ?

— Je vous ai dit que les BloodScars avaient perdu ma cargaison, n’est-ce pas, rétorqua Caaldra, visiblement fier de lui. Eh bien, je l’ai retrouvée.

— Et vous l’avez amenée ici ?

— L’Executor ne m’a pas laissé le loisir de faire demi-tour.

Cinquante AT-ST volés. De mieux en mieux…

— Oubliez les Impériaux et Greencliff, ordonna Disra. Je vais appeler l’Executor et vous faire poser ici.

— Je vous répète que le contrôleur m’a interdit de me diriger vers le palais.

— Parce que le gouverneur Choard a fait fermer la propriété. Mais il peut la rouvrir. Changez votre vecteur d’atterrissage, je me charge du reste.

La com se tut. Disra s’affaissa dans son fauteuil, tressaillant quand son dos mouillé de transpiration appuya contre le tissu trempé de sa chemise. Cinquante AT-ST.

Pas étonnant que Caaldra ait été si bouleversé par leurs disparitions. Avec eux, plus les BloodScars et leurs alliés, ils auraient pu mettre leur plan à exécution.

Du moins si Disra l’avait réellement voulu.

Mais même si cette comédie touchait à sa fin, il lui restait encore un dernier effort à faire.

 

Mara était toujours en colère quand elle remarqua que le vaisseau changeait de cap. Fronçant les sourcils, elle étudia son nouveau vecteur. Un dysfonctionnement ? Ses senseurs n’en détectaient aucun, mais ils n’étaient pas très puissants. L’autre pilote rencontrait peut-être un problème avec son altimètre, évident quand il rentrait dans l’atmosphère.

Puis elle le vit plus clairement et demanda un agrandissement, enfonçant les touches avec rage…

Malgré les lacunes des équipements du Chercheur, elle reconnut sans mal le Happer’s Way.

Elle enclencha la com.

— Executor, j’ai un navire qui modifie son vecteur d’approche en visuel. Il a peut-être de mauvaises intentions.

Connaissant les militaires, elle s’attendait à devoir se battre pour obtenir des informations. Mais le contrôleur n’avait manifestement pas oublié la jeune femme qui voulait parler à Vador – et y avait réussi. Et plus important, qui était sortie vivante de leur entretien.

— Le cargo Happer’s Way a reçu l’autorisation de se poser au palais.

Elle aurait dû s’en douter !

— Je croyais qu’il était fermé ?

— Apparemment, ils font une exception pour lui.

Mara hocha la tête dans la solitude de sa cabine. Ainsi, le gouverneur n’ouvrait sa propriété qu’à Caaldra, qui allait lui livrer les AT-ST juste sous le nez des Impériaux.

— Ordonnez-lui de se poser ailleurs.

— Excusez-moi ? demanda-t-il, stupéfait.

— Donnez-lui l’ordre de se poser à Greencliff, comme convenu au départ.

— Mais le bureau du gouverneur l’a autorisé à atterrir sur sa propriété !

— Le cargo ne dépend pas encore de la juridiction du gouverneur, il est toujours dans l’atmosphère. (Elle hésita, mais l’heure n’était pas aux demi-mesures.) Dites-lui que s’il n’obtempère pas, vous l’abattrez.

Il y eut une pause, et Mara entendit un clic subtil.

— Main de l’Empereur, ici l’amiral Bentro, déclara une voix posée. Je ne peux pas menacer un cargo civil sans raison. Surtout s’il est sous la protection d’un gouverneur de secteur.

— C’est un ordre, Amiral, rétorqua Mara. Code de reconnaissance Hapspir, Barrini, Corbolan, Triaxis.

Un autre silence se fit, bref celui-là.

— Bien reçu. Je vais contacter le seigneur Vador…

— Vous n’avez pas besoin de la permission du seigneur Vador, coupa-t-elle. Et puis nous n’avons pas le temps. Délivrez le message, Amiral.

Elle l’entendit soupirer.

— Compris, répondit-il. Commandant, ordonnez au Happer’s Way d’atterrir à Greencliff.

— Merci, Amiral, ajouta Mara. Ne vous inquiétez pas, le pilote ne prendra pas le risque de se faire descendre. Il croit pouvoir passer entre les mailles de tous nos filets.

— Si vous le dites, fit Bentro, qui ne semblait pas convaincu. Voulez-vous que je lui réserve un comité d’accueil ?

Mara hésita. Toutes les forces impériales sur la planète étaient sous les ordres directs de Vador, et elle n’avait pas l’intention d’attirer son attention deux fois dans la même journée.

— Merci, mais je m’en occupe personnellement.

— Nos senseurs indiquent que le Happer’s Way a repris sa course initiale.

— Je vois ça, confirma Mara. Je vous recontacterai au besoin.

— Bien, Madame, répondit Bentro.

Il ne cacha pas son soulagement. Si elle-même craignait les foudres de Vador, elle pouvait se mettre à sa place, tout amiral qu’il était.

Gardant un œil prudent sur le Happer’s Way, elle entra la séquence d’atterrissage. Caaldra aurait dix minutes d’avance sur elle.

Un instant, elle songea à s’arranger pour arriver juste derrière lui. Mais alors, il la repérerait. Mieux valait le laisser se demander ce qui s’était produit pour qu’on l’empêche d’atterrir au palais.

Mara était impatiente de voir ce qu’il allait faire.