58.

Trace

Pendant que Connor tenait sa rencontre au sommet, Trace dépassait toutes les limites de vitesse pour rejoindre le Cimetière au plus vite. Ses « employeurs » l’avaient convoqué à une réunion d’urgence pour qu’il leur confirme l’implication des déserteurs dans les incendies de Tucson. Ils disposaient de suffisamment de preuves pour attribuer les attaques au Cimetière ; rien ne servait de nier. Ce que les costards-cravates des Citoyens proactifs voulaient savoir, c’était pourquoi Trace ne les avait pas avertis plus tôt. Après tout, c’était entièrement le but de sa mission là-bas : leur faire savoir tout ce qui se tramait sur place. Ils avaient refusé de croire que, comme eux, il n’avait rien vu venir.

— As-tu une idée de la position dans laquelle tu nous mets ? lui avaient-ils demandé. La Brigade des mineurs veut nettoyer cet endroit, et, avec ces agressions sur des civils, nous ne pourrons pas les en empêcher.

— Je croyais que vous les contrôliez.

Les costards-cravates s’étaient hérissés à l’unisson.

— Notre relation avec la Brigade des mineurs est trop complexe pour que ton esprit simpliste de militaire y comprenne quelque chose.

Puis ils lui avaient annoncé qu’ils suspendaient sa mission sur-le-champ.

Mais pour Trace, il ne s’agissait plus d’une mission depuis longtemps. Et l’époque où il jouait dans les deux camps était bel et bien révolue.

Alors, se préparant pour la bataille, il fonça vers le Cimetière tel un surfeur sur un tsunami.

Enfin, au crépuscule, il freina brusquement devant le portail fermé et klaxonna sans relâche jusqu’à ce que les deux gardes de service sortent, alertés par le vacarme. Dès qu’ils virent Trace, ils ouvrirent le portail.

— Bon sang, Trace, tu veux réveiller tout Tucson ?

L’autre adolescent gloussa.

— Y a rien à réveiller à Tucson.

Pauvres nazes, pensa Trace. Ils n’ont aucune idée de ce qui se prépare. Il jeta un coup d’œil aux fusils qu’ils brandissaient mollement, comme s’il s’agissait d’accessoires de mode.

— Vous avez des balles tranquillisantes, là-dedans ? leur demanda-t-il.

— Ouais, fit le premier garde.

— Remplacez-les par ça.

Trace se pencha pour atteindre le siège passager de sa Jeep, puis leur tendit deux boîtes des munitions militaires les plus meurtrières qui soient. Des obus capables d’arracher la tête à un éléphant.

Les deux garçons regardèrent les munitions comme si on venait de leur tendre un nouveau-né qu’ils avaient peur de faire tomber.

— Dépêchez-vous de les charger. Et la prochaine fois que vous voyez quelqu’un approcher de ce portail, tirez, et ne vous arrêtez pas tant qu’il vous reste des balles, vous m’avez compris ?

— Ou… oui, chef, répondit le premier garde.

L’autre se contenta de hocher la tête.

— Pourquoi, chef ?

— Parce que les Frags sont juste derrière moi.