11 – EXAMEN À SCOTLAND YARD
Juve réfléchissait…
Bien qu’il ne fût guère que trois heures de l’après-midi, il avait soigneusement clos les volets de ses fenêtres, rabattu les rideaux, fait la nuit complète dans l’appartement de la rue Bonaparte qu’il habitait depuis de longues années…
Il régnait dans son cabinet de travail une lueur indécise, falote, paisible, qui lui permettait tout à loisir de suivre les volutes bleuâtres de la fumée de sa cigarette – de son éternelle cigarette – tandis que couché sur son divan, les mains croisées derrière la tête, les coudes levés en oreiller, il s’absorbait dans sa rêverie.
— Ou il est fou, monologuait Juve, ou il lui est arrivé quelque chose… Trois heures et demie bientôt… Je ne pourrais plus attendre que le courrier de huit heures… Mais, sapristi de sapristi, quinze jours sans nouvelles !
Juve aspira de profondes bouffées de tabac, se retourna sur son divan, jeta sa cigarette, en alluma une autre, la rejeta encore, puis, sur son séant et les mains posées sur le divan, le corps penché en avant, regardant vaguement et sans le voir le dessin du tapis, il reprit à haute voix :
— Quinze jours sans nouvelles ! non, c’est inimaginable, c’est impossible… Il m’annonçait une lettre, s’il ne me l’a pas écrite c’est que… Ah ! bigre de bigre !
Juve, enfin, se redressa, comme pris d’une inspiration soudaine, il traversa la pièce, alla derrière son bureau, et d’un vigoureux coup de poing, il fit résonner un gong pendu à la muraille…
On eût dit qu’il s’agissait d’une mise en scène bien réglée, qu’en une coulisse mystérieuse, un personnage attendait ce signal pour entrer en scène : le bronze résonnait encore que la porte du cabinet de travail s’ouvrait, et que, sans bruit, Jean, le vieux et fidèle domestique de Juve, faisait son apparition.
— Monsieur m’appelle ?
— Jean ! il n’y avait pas de lettres ce matin pour moi ?…
— Monsieur sait bien que non ; c’est la dixième fois de la journée que monsieur me le demande…
— Cela ne fait rien, Jean. Et ce matin vous êtes bien sûr d’avoir fidèlement remis à la poste le nouveau télégramme que je vous ai donné pour Londres ?…
— Oui, monsieur. Monsieur me l’a aussi demandé…
— Jean, c’est que ce télégramme était pour Fandor, et que je n’ai pas de réponse.
— Dois-je laisser monsieur ? Monsieur veut-il que j’aille…
— Au diable, Jean… au diable…
— C’est bien, monsieur, se contenta de répondre Jean, je m’en vais… Mais la lampe file…
Juve trouva inutile de protester contre cette dernière affirmation. La lampe ne filait nullement, mais Jean ne pouvait souffrir de voir l’extraordinaire façon dont Juve passait ses après-midi…
Allumer une lampe alors qu’il faisait grand jour semblait sacrilège au vieux serviteur, aussi s’autorisant de la tranquillité de Juve, Jean, le plus posément du monde, allait-il ouvrir les rideaux, entrebâiller les volets, puis il souffla la lampe et, de la sorte, ayant, à son idée rétabli la saine ordonnance des choses telles qu’elles devaient être, il s’apprêtait à abandonner Juve à ses réflexions.
Mais comme le vieux Jean, la main sur le bouton de la porte, sortait du cabinet de travail, le maître policier le rappelait :
— Jean, ne va pas au diable…
— Bien, monsieur !…
— Va faire ma valise !…
— Laquelle, monsieur ?…
Juve hésitait une seconde, puis, très net :
— Le numéro 6.
— Le numéro 6 ! Monsieur part pour longtemps ?…
— Je pars chercher du travail… dépêche-toi… Dans une heure il faut que ce soit prêt…
Préparer la valise N° 6, c’était clair, c’était net, cela signifiait que Juve avait l’intention d’entreprendre une de ces périlleuses expéditions dont il était coutumier.
Depuis longtemps, en effet, le policier avait réglé, pour la commodité des ordres, la série de ses bagages sous des numéros différents…
Lorsque Jean préparait la valise « N° 1 », il savait qu’il convenait tout bonnement de disposer les quelques affaires nécessaires à une courte absence. Plus compliquée déjà était la valise « N° 2 », mais si Juve demandait la valise « N° 6 », il convenait, dans les compartiments d’une mallette spéciale, d’enfourner toute la série des fards, des perruques, des fausses barbes, des costumes les plus invraisemblables, la gamme des déguisements complets, en un mot, dont Juve, en merveilleux artiste, usait souvent avec une habileté déconcertante.
Or, tandis que le vieux domestique s’empressait à sa besogne, Juve de son côté ne restait pas inactif.
C’était en souriant qu’il avait vu le manège de son serviteur, éteignant la lampe, ouvrant rideaux et volets : il s’en félicitait, maintenant…
— Cet animal me force à prendre une décision, songeait-il… Bah ! après tout, qu’est-ce que je risque ? Je ne peux pas rester plus longtemps dans l’incertitude ! Et puis le « petit » a peut être besoin de moi…
Le « petit » c’était Fandor…
Le matin même il avait encore envoyé un télégramme pressant à Fandor…
Le silence du journaliste devenait angoissant.
— Le « petit » a reconnu Fantômas, pensait-il, pourvu que Fantômas ne l’ait pas reconnu, lui… Il n’écrit pas, peut-être est-il en danger ? peut-être a-t-il besoin de moi ?… Pardieu, demain matin je serai à Londres…
Dans le cabinet de toilette, le vieux Jean accumulait dans la valise tout ce qui constituait l’équipement compliqué que Juve désignait sous l’étiquette « valise N° 6 ». Dans le bureau, Juve s’occupait, avec un zèle non moindre, à écrire toute une série de lettres sur du papier d’aspect administratif aux en-têtes rébarbatifs : « Préfecture de police », « Services de la Sûreté », « Brigades des Recherches », « Divisions des Anarchistes ».
***
Juve n’était pas marin. Il n’aimait pas exagérément même se trouver sur un bateau par une mer agitée. Bien qu’à l’abri des désagréables effets du tangage et du roulis, Juve avouait franchement préférer au sol mouvant que constitue le pont d’un navire, le sol ferme et sûr d’une route, voire même d’un champ…
Pourtant, comme le Dieppe se trouvait au milieu du détroit, filant à pleine allure vers les côtes anglaises, Juve, la cigarette aux lèvres, allant de bord sur bord, d’avant à l’arrière, semblait d’humeur guillerette.
La traversée, il est vrai, était superbe. La mer, calme comme un lac, avait des reflets de moire, des phosphorescences subites. Au ciel pur, piqueté d’étoiles, la fumée du steamer déroulait un long panache noir que ne brisait aucun vent, qui s’inclinait seulement en raison de la marche rapide qui emportait le navire loin de France.
… Juve était d’excellente humeur, parce qu’il se sentait libre, pour une fois, d’agir exactement comme il lui conviendrait. Le chef de la Sûreté lui avait confirmé que sa présence à Paris n’était pas nécessaire, lui avait volontiers appris que les procès en cours, procès dont Juve, officiellement, devait s’occuper, ne réclamaient pas son activité, même il avait obtenu un congé régulier de plus d’un mois.
— Encore un petit bout de chemin, encore un petit peu de temps et je vais être à Londres, se disait Juve, ah ! si seulement j’étais certain d’y rencontrer Fandor… pauvre petit !… que diable a-t-il pu lui arriver ?… Fandor à Londres… oui, parbleu, mais Fantômas y est aussi… ah ! quelque jour pourtant il faudra bien que j’arrive à arracher le masque de cet épouvantable bandit.
L’âme de Juve était, en effet, à ce point bizarre, qu’au moment même où il venait d’apprendre que la silhouette lugubre de Fantômas se dressait encore à l’horizon, que la lutte allait reprendre avec ses risques possibles, il se félicitait, il s’applaudissait d’avoir encore à exposer sa vie pour une cause qui lui était chère, la cause du Devoir, la cause du Bien…
Et en cela, Juve pensait exactement de la même façon que Fandor…
***
— Vous avez tous remis vos papiers ? oui ? Vous avez rempli les circulaires ? Vos actes de naissance ? vos recommandations et apostilles ? eh bien, alors, au gymnase !… Il faudra vous raser, mon garçon, cette barbe vous fait une étrange figure !… Allons, venez, messieurs !…
L’homme qui tenait ce discours, d’une petite voix sèche et pointue, désagréable à la perfection, incarnait à merveille le type du fonctionnaire.
C’était, d’ailleurs, l’employé modèle, le bureaucrate parfait. Si son esprit d’initiative laissait à désirer, il avait un respect profond des traditions qui suffisait, à lui seul, à lui valoir l’estime de ses chefs, la confiance de ses pairs et le haut emploi qu’il occupait à Scotland Yard, en qualité de président du jury, à voix prépondérante, pour le recrutement et l’acceptation des policemen chargés d’assurer le maintien de l’ordre dans la Capitale anglaise.
On l’appelait mister Chatham ; on s’inclinait en grandes courbettes devant lui, et il en concevait, souvent, beaucoup d’arrogance…
Scotland Yard, d’ailleurs, ressemble peu à la Police française. Il ne s’agit plus là d’une administration telle qu’en conçoit et en complique l’esprit français, d’une administration subdivisée en quantité de bureaux comportant un chef, un sous-chef, un premier expéditionnaire, etc., mais au contraire un rouage administratif précis, net, simple, où tout homme a une fonction bien déterminée, suffisante à employer toute son activité et l’employant de son mieux.
C’est ainsi, par exemple, que les policemen – analogues à nos gardiens de la paix – sont minutieusement choisis, à Londres, à la suite d’épreuves rigoureuses qui permettent de s’assurer, avant leur nomination, de leur capacité.
Or, M. Chatham, ce matin-là, accompagné de deux autres de ses collègues, devait précisément procéder à l’examen de quatre candidats.
Il venait d’examiner soigneusement les titres invoqués par les candidats, il avait vérifié leur état civil, leurs preuves d’honnêteté, maintenant il les conduisait avec ses collègues vers un gymnase où devaient avoir lieu les épreuves pratiques.
M. Chatham, descendu dans les sous-sols de Scotland Yard fit entrer les quatre futurs policemen dans une grande cave aménagée de façon bizarre. Aux murs des agrès de gymnastique, au fond de la salle des barres parallèles, une échelle, une corde lisse, à droite, un tremplin, avec une fosse remplie de liège en copeaux, contre le mur, des cibles.
— Le gymnase, messieurs !…
Et, tout de suite, Chatham ajouta :
— Vous savez, n’est-ce pas, pourquoi tout à l’heure, dans mon cabinet, je vous ai fait distribuer des menottes ? vous êtes priés, au cours de ces exercices pratiques, et à l’improviste, de vous les passer les uns aux autres au commandement… Comme il n’y a que deux places à prendre et que vous êtes quatre… j’imagine que deux d’entre vous seulement arriveront à passer les menottes à leurs camarades… Ce sera une première élimination…
Les quatre candidats inclinaient la tête, souriant, trouvant l’épreuve originale…
— Voyons, poursuivit M. Chatham qui faisait tout par lui-même et paraissait, seulement pour la forme, consulter de temps à autre d’un coup d’œil rapide ses collègues, voyons, passons à l’épreuve des revolvers. Vous savez qu’il convient d’être tireur et bon tireur chez nous ?… Voici des armes, modèle d’ordonnance, prenez-les et, l’un après l’autre, passez devant la cible… Vous d’abord, vous êtes Belge ?
L’un des candidats s’avança, hochant la tête affirmativement…
— Oui, pour une fois, monsieur, tu sais…
L’homme se campa sur la planche et, bien d’aplomb, déchargea sur un carton les six balles de son arme. Deux mouches, trois noires, une balle hors cible…
— Pas trop mal ! fit M. Chatham, indulgent…
Et, prenant un autre revolver, il le tendit au second candidat :
— Vous êtes Français, mon ami ?
— Oui, monsieur…
— Bien. Allez…
Mais l’aspirant policeman, au lieu de tirer, traversait la salle, se dirigeant vers la cible :
— Eh bien ? demanda, surpris, le chef du jury, que faites-vous ?…
— Je cache la mouche…
Le candidat, en effet, retourna sur la plaque de tôle le carton cible. Il revint alors prendre position au fond du stand et là, tranquillement, presque sans prendre le temps de viser, haussant six fois de suite le bras d’un mouvement régulier, il tira…
Les six balles trouèrent le carton, exactement en son centre, se couvrant l’une l’autre, émiettant la mouche, écornant à peine le noir !…
Un tonnerre d’applaudissements saluait cette performance. Pour M. Chatham, bon tireur lui-même, il n’en croyait point ses yeux.
— Dieu gracieux ! murmurait-il, je comprends maintenant les éloges de vos anciens chefs, mon ami, je n’avais jamais vu tireur comme vous… vous recommenceriez ce tour d’adresse ?
— Je recommencerai, monsieur…
— Par curiosité, essayez-le donc…
Le candidat prit des mains même de M. Chatham un second revolver, tendait le bras, pressait la gâchette… Un claquement sec… la cartouche ne partait pas !…
— Tiens… qu’y a-t-il donc ?
Le candidat sourit :
— Excusez-moi, monsieur, fit-il tranquillement, en ouvrant sa main gauche où scintillaient six culots de cuivre, je me suis tout simplement amusé à décharger ce revolver pendant que vous me le passiez, afin de vous montrer mon adresse.
— Quoi ! murmura-t-il, vous avez eu le temps, sans que je m’en aperçoive, de décharger ?…
— Il paraît.
Peut-être le chef du jury aurait-il voulu recommencer l’épreuve, si à ce moment l’un de ses collègues, subitement inspiré, n’avait crié, suivant le signal convenu :
— Menottes !
M. Chatham n’avait pas le temps d’articuler le commandement que le candidat qui venait de l’émerveiller s’était rapproché de lui, lui avait saisi la main droite, l’avait emprisonnée dans une menotte, cependant qu’il emprisonnait dans deux autres poucettes les mains des deux autres membres du jury…
Les candidats n’avaient point encore achevé de ligoter, chacun, un de leurs camarades, qu’à lui seul, le Français avait à l’improviste enchaîné les trois membres du jury.
— Excusez-moi, messieurs, dit-il, d’en agir ainsi avec vous… Mais j’avais, précisément des menottes sur moi… et cela m’amusait de vous montrer que je sais me servir de ces instruments assez rapidement…
Aucun des membres du jury ne protesta…
M. Chatham, comme ses deux collègues, faisait d’ailleurs en ce moment piteuse figure, les mains prises, l’air attrapé…
— Vous êtes extraordinaire, commença M. Chatham…
— Merveilleux, poursuivit l’un de ses collègues.
— Stupéfiant, dit le troisième…
Le candidat, en un tour de main, libéra ses victimes improvisées…
Avec un petit haussement d’épaules modeste, il se contentait d’affirmer :
— Il est parfois utile de savoir agir vite.
Puis, le ton encore plus soumis, il concluait :
— En revanche, messieurs, si, comme policier, je puis prétendre connaître mon métier, et même me targuer d’une certaine habileté, je reconnais qu’en ce qui concerne les exercices de gymnastique, les exercices de pompiers, il me faudra solliciter toute votre indulgence car je n’ai jamais eu l’occasion de m’entraîner…
— Il suffit, déclara M. Chatham, ne vous tourmentez pas de cela, mon ami. Dès maintenant le jury vous accorde l’admission… D’ailleurs nous ne vous soumettrons pas aux exercices qui vous inquiètent, et je vais vous délivrer tout de suite votre brevet…
M. Chatham fouilla dans la serviette remplie de dossiers qu’il portait sous le bras, et tandis que ses deux collègues continuaient à examiner les autres candidats policemen, il se retourna vers l’inconnu qui venait de si brillante façon de lui prouver ses talents :
— Vos certificats, disait-il, vous donnent le nom français de Durand… nous ne pouvons pas admettre, vous le savez, que vous preniez votre service sous un nom véritable, vous ferez donc en sorte de choisir un pseudonyme… Autre chose : dans votre demande d’examen je vois que vous sollicitez d’être exclusivement affecté à Londres… vous êtes sans doute marié ?…
— Non, monsieur…
— Enfin, vous avez des raisons pour désirer rester dans la capitale ?…
— Oui, monsieur…
— Bien. Comme je n’ai pas à vous refuser quoi que ce soit après la brillante façon dont vous venez de satisfaire aux exercices, voulez-vous me désigner vous-même le quartier où il vous plairait d’être affecté ?
Celui qui s’était donné le nom de Durand sembla hésiter quelques minutes.
— Puis-je être incorporé dans les brigades volantes, monsieur ?
— Certes… Mais vous n’ignorez pas que c’est surtout là que se reçoivent les mauvais coups ?
— Je ne les crains pas.
— Que le service y est pénible ?
— Peu m’importe…
— Que la solde n’est pas plus élevée ?…
— Cela me laisse indifférent…
— Vous m’intriguez, dit M. Chatham enfin, et je ne vous comprends pas. Vos certificats émanent des plus hautes autorités françaises, vous êtes à coup sûr très habile, et pourtant vous cherchez un poste peu envié… Quelle est donc votre ambition ?
L’extraordinaire Durand, le plus froidement du monde, répondit :
— Je désire, monsieur, être incorporé dans les brigades volantes parce que j’imagine là, plus qu’ailleurs, avoir occasion de me signaler… Si je pouvais attirer l’attention d’un des membres du Conseil des Cinq… de M. Tom Bob, par exemple…
M. Chatham coupa court :
— Tom Bob, disait-il, a autre chose à faire que de s’occuper des policemen, mon ami… Toutefois, c’est évident, vous pouvez vous signaler dans les brigades volantes, et avancer rapidement…
Suivant l’usage, vous prendrez votre service dans huit jours.
***
Sur le bateau le Sussex, quittant l’Angleterre pour la France, Juve, le jour même où Durand venait d’être engagé parmi les policemen de Londres, avait pris place.
Mais Juve n’était plus d’aussi bonne humeur que lors de sa première traversée.
Juve songeait :
— Qu’est-ce que tout cela veut dire ? j’ai bien retrouvé Nini Guinon, j’ai bien vu le mystérieux petit Jack son fils… Je me suis bien aperçu que lord Duncan était notre ami Ascott, toutes choses que Fandor avait probablement découvertes… même en ce moment, je file cet infecte crapule qui a nom Le Bedeau et qui rentre en France, je ne sais trop pourquoi ; mais, en somme, j’ai complètement échoué dans mes recherches… Tom Bob ? oui, c’est entendu, j’ai acquis la certitude qu’il y avait un Tom Bob, membre du Conseil des Cinq, mais je n’ai pas pu l’approcher, je n’ai même pas pu le voir. La consigne à Scotland Yard semble être de cacher Tom Bob… pourquoi ? que veut dire cette invisibilité d’un détective ? Tom Bob… m’a-t-il fui ? et puis Fandor ?… qu’est devenu Fandor ?…
Ah ! Juve, en d’autres temps, eût été fort joyeux d’avoir réussi en quelques heures à retrouver dans la pègre londonienne des individus aussi intéressants que ceux qu’il avait rencontrés, il se fût applaudi d’avoir rejoint Le Bedeau, de le tenir en filature… mais il avait en ce moment d’autres préoccupations, de graves inquiétudes.
— Fandor, songeait Juve… Fandor a disparu !… À son hôtel on m’a dit qu’il était parti sans même payer sa note. Ailleurs, je n’ai pas pu retrouver sa piste… Mon Dieu… qu’est-ce que tout cela signifie ?… où est le « petit ? », que lui est-il arrivé ?…
Et si le policier était à bord du Sussex, s’il filait Le Bedeau, l’ancien lieutenant de Fantômas, c’était moins à vrai dire pour continuer ses enquêtes relatives au bandit, que dans l’espoir d’apprendre, en pistant l’apache, quelque détail qui pût le renseigner sur la subite disparition de Jérôme Fandor…