10 – AU CONSEIL DES CINQ

— Parbleu !.. autant vaudrait demander à la colonne de Trafalgar de se transporter toute seule sur la tour de Londres !… jamais cette serrure ne sera brillante, pour cette bonne raison qu’elle est couverte de rouille, et qu’il faudrait du temps sec pour la conserver en état… or, quand ce n’est pas la pluie qui tombe, c’est le brouillard ! Bah ! soyons philosophe ; faire cela ou autre chose… et d’abord allumons une bonne pipe… C’est égal, si le sergent me confiait une autre mission, je n’en serais pas fâché… racler cette maudite ferraille avec un vieux couteau, la passer ensuite au papier de verre, la frotter aussi vigoureusement que le gagnant du Derby après sa victoire, et tout cela pour n’obtenir aucun résultat, c’est vraiment décourageant… Enfin, il y en a de plus malheureux que moi…

Le vieux Teddy, l’un des gardiens de la prison d’Old Bailey, la maison d’arrêt où sont détenues toutes les personnes en prévention de délits ou de crimes, monologuait ainsi cet après-midi-là, tout en se préoccupant, – sans entrain d’ailleurs – de faire reluire la grosse serrure d’une porte basse, aussi vermoulue que sa fermeture était rongée par la rouille.

Le vieux Teddy avait raison de se plaindre du mauvais temps.

On était aux premiers jours du mois de mai, et en dépit des promesses du calendrier, le printemps ne s’était pas encore manifesté à Londres par une seule journée claire et joyeuse.

C’était toujours le temps gris, coupé de brume jaune, cependant qu’une humidité moite entretenait le froid et les rhumatismes.

Le cadre dans lequel évoluait le vieux Teddy n’avait rien qui pût atténuer le caractère maussade de la journée.

Des passants allaient et venaient, tous appartenant au personnel de la prison. On se serait cru à cent lieues de tout lieu habité, et nul n’aurait pu se douter que ce temple du silence et du calme était tout proche du Strand, la plus bruyante, l’artère la plus active de la Cité de Londres.

Après avoir allumé sa pipe minutieusement, précautionneusement, après en avoir tiré quelques larges et voluptueuses bouffées, Teddy allait reprendre son travail, c’est-à-dire frotter avec résignation la vieille serrure qui refusait de se départir de sa carapace de rouille, lorsqu’un bruit insolite le fit s’arrêter et se retourner.

Qui étaient ces gens qui entraient ?

— Encore des importuns, assurément, ce n’est pourtant pas l’époque des visites… Mais, c’est qu’ils sont un régiment…

Le vieux Teddy, dans sa mauvaise humeur furieuse, exagérait. Ils étaient trois et non trois mille. Deux messieurs, une dame.

Machinalement, Teddy s’avançait à leur rencontre.

À peine eut-il fait quelques pas dans leur direction qu’il poussa une exclamation :

— Monsieur Shepard, comment vous portez-vous ?

Teddy venait, en effet, de reconnaître le détective qu’il avait si souvent eu l’occasion de rencontrer dans les couloirs d’Old Bailey.

Shepard, avec un sourire aimable, tendit une main robuste au gardien, mais comme celui-ci allait lui poser questions sur questions, d’un geste il l’interrompit.

Shepard avait pris dans sa poche un papier plié en quatre.

C’était un ordre venant de la Chancellerie. Shepard, silencieusement, le tendit à Teddy ; le vieux gardien lut :

« Laissez communiquer le prévenu Garrick avec le détective Shepard et les deux personnes qui l’accompagnent. L’entretien aura lieu dans le parloir, sans témoins. Toutefois deux gardiens se posteront à l’extérieur, devant la porte. »

Poliment, Teddy mit sa pipe dans sa poche, essuya ses mains jaunes de rouille, puis touchant sa casquette :

— Je m’en vais aller faire contresigner votre autorisation au bureau de la sous-direction, nous passerons ensuite au greffe où l’on fera mander le prisonnier, vous l’attendrez au parloir… J’espère que vous n’aurez pas à attendre longtemps…

— Je l’espère aussi.

***

La police anglaise est assurément, sinon mieux organisée que celle des autres nations civilisées, du moins beaucoup mieux considérée, et plus largement payée.

Elle se compose, dans le Royaume-Uni, de deux catégories bien distinctes :

Ce sont tout d’abord les gardiens de la paix qui ont pour fonctions principales de veiller à l’ordre public, d’opérer les arrestations en cas de flagrant délit, de prêter assistance et main-forte aux citoyens qui requièrent leur concours, de faire en réalité œuvre de surveillance.

L’autre partie de la police anglaise, la plus délicate, mais la plus importante, se compose d’un groupe d’hommes que l’on peut comparer aux inspecteurs de la Sûreté.

Ce sont les détectives ou agents en civils qui enquêtent, étudient, examinent, recherchent et sont à même de rendre des services d’autant plus grands à la Société qu’ils bénéficient de l’incognito.

Au-dessus du cadre des détectives se trouve un Conseil supérieur de police comprenant de cinq à sept membres, et composé des meilleurs détectives ayant une spécialité particulière et excellant chacun dans cette spécialité.

Lorsqu’il s’agit d’instruire une affaire mystérieuse, délicate ou complexe, de rechercher un criminel ignoré ou habile, ce conseil se réunit. Les détectives examinent l’affaire et selon les circonstances, ils désignent un ou plusieurs d’entre eux pour prendre en mains la direction des poursuites.

Le choix s’effectue en toute liberté ; il est guidé par les aptitudes respectives de chacun.

Discrets par profession, méfiants par nécessité, les détectives et membres du Conseil des Cinq se connaissent mal entre eux.

Souvent l’un d’eux affecte une personnalité dans la vie ordinaire, que ses collègues ignorent absolument.

***

Cette année-là, le Conseil des Cinq comprenait : Le détective Shepard, homme d’une quarantaine d’années environ, ancien militaire ayant effectué sa carrière en Égypte. Spécialité : les recherches de criminels, les incursions dans la pègre, la surveillance des anarchistes.

Puis un Irlandais nommé French, homme jeune et plein d’entrain, encore loin de la trentaine, et qui, depuis peu dans la police, s’était fait apprécier au Conseil des Cinq, non seulement eu égard à sa perspicacité, mais eu égard également à ce fait qu’il parlait plusieurs langues et possédait une habileté remarquable à se grimer.

Un troisième membre du conseil était un personnage inattendu, un révérend appartenant à l’église officielle gallicane, le révérend William Hope.

Très correct, très honnête d’ailleurs, le révérend William Hope ne profitait jamais de sa qualité d’aumônier des prisons pour obtenir des confessions que l’on aurait faites uniquement au représentant de Dieu.

Lorsqu’il visitait des prisonniers, il ne manquait jamais de leur dire qu’il était aussi détective, à eux de juger s’ils devaient parler ou non, ou s’ils préféraient recevoir la visite d’un prêtre qui n’était que prêtre.

Une femme également appartenait au Conseil des Cinq : c’était Mme Davis.

Enfin le dernier détective faisant partie du Conseil Supérieur n’était autre que le célèbre Tom Bob, connu de réputation dans toute l’Angleterre et ayant, dans ses attributions, la charge considérable de la surveillance secrète générale, de la police internationale et politique.

C’était là le rôle le plus difficile à remplir, c’était aussi le plus important, le mieux considéré.

Tom Bob était non seulement fort apprécié de ses chefs, mais aussi de ses collègues. Il avait une qualité absolument remarquable, la discrétion.

Jamais, même les plus intimes de ses camarades n’avaient rien pu savoir de sa vie privée. On ignorait ses relations, on ne savait pas ce qu’il faisait.

C’était l’agent secret, idéal, rêvé.

Et il avait fallu l’extraordinaire concours de circonstances qui avait amené Shepard à découvrir, lorsqu’il montait à bord du Victoria, que le docteur Garrick n’était autre que son collègue, pour permettre à ce détective de soulever un coin du voile qui dissimulait aux yeux de tous la vie privée de Tom Bob, que ses quatre collaborateurs s’accordaient à considérer comme étant professionnellement le meilleur d’entre eux, et qu’ils auraient accepté volontiers pour chef si la nécessité s’en était présentée.

Conformément au désir même de Tom Bob et d’accord avec le Coroner, l’arrestation du célèbre détective, sous le nom du docteur Garrick, avait été rigoureusement tenue secrète, en ce sens que l’on n’avait pas révélé au public qu’ils ne faisaient qu’un.

— On m’inculpe, avait dit Tom Bob, d’un crime qui ne concerne en somme que le docteur Garrick. Mon arrestation ne devant être que provisoire et ma libération devant survenir dès que l’on aura retrouvé Mme Garrick, j’estime qu’il est inutile de me brûler pour l’avenir.

***

Quelques jours après avoir conduit son prisonnier et collègue à la prison de Old Bailey, Shepard avait sollicité du Coroner l’autorisation d’aller lui rendre visite, avec les autres membres du conseil des Cinq.

Ce n’était pas pour avoir avec Tom Bob une conversation quelconque, mais bien pour s’entretenir avec lui de l’affaire criminelle qui préoccupait le plus à ce moment l’opinion publique, soit en réalité la sienne.

Donc, chose curieuse, ce Tom Bob allait en somme avoir à s’occuper de recherches qui le concernaient ; il allait diriger ces investigations en utilisant ses collègues libres comme lieutenants.

(Ah c’était bien là une de ces situations extraordinaires comme il ne s’en présentait que pour Fantômas.)

***

Le premier mot de Tom Bob en entrant dans le parloir avait été, s’adressant à Shepard :

— Et Françoise Lemercier ?

— Relâchée… libre, répondit le détective…

Tom Bob poussa un profond soupir de soulagement.

Cependant Shepard en quelques rapides paroles lui expliquait que l’inculpation d’infanticide avait été écartée.

La découverte faite par Mme Davis de l’existence du petit Daniel, après le départ de la mère pour le Canada, avait complètement innocenté celle-ci du crime odieux qu’on lui prêtait.

Tranquillisé sur le sort de sa maîtresse, Tom Bob désormais interrogeait anxieusement ses collègues au sujet de Daniel.

Il pressait de questions Mme Davis :

— Avez-vous quelque indice, ma chère amie ? espérez-vous bientôt retrouver cet enfant ?

Mais tandis que Mme Davis jurait à Tom Bob de faire l’impossible pour retrouver l’enfant, Shepard changea brusquement de sujet.

— Tom Bob, déclara-t-il, posant affectueusement sa main sur l’épaule du prisonnier qui semblait, anéanti par sa douleur de père, ne plus songer à sa propre situation, Tom Bob, il faut que nous vous sauvions… nous le voulons…

Le célèbre détective regardait son collègue d’un air égaré mais reconnaissant. Après un silence, Shepard poursuivit, très calme :

— Et il n’y a qu’un moyen pour cela, mon cher Tom, c’est de retrouver votre femme. Fût-elle partie pour le pôle Nord, nous la retrouverons.

Tom Bob hocha la tête, puis lentement, il expliqua :

— Mme Garrick, mes chers amis, est partie avec l’intention de faire croire que j’étais l’auteur de sa disparition.

— Pourquoi ? demanda French…

— Vous êtes jeune et c’est tant mieux pour vous, mais votre question me prouve qu’il faut que je vous dise ce qu’était notre vie privée. Mme Garrick était jalouse, très jalouse de moi. Elle ignorait et ignore encore ma qualité de détective, mais elle n’était pas sans savoir que j’avais une maîtresse, une maîtresse adorée. À maintes reprises, Mme Garrick a essayé de me faire rompre avec elle… Pauvre femme… Elle a juré de se venger, elle se venge et j’ose dire qu’elle est fort adroite, fort habile, puisqu’en somme, rien que par le fait de sa disparition, elle a réussi à faire mettre en prison, sous l’inculpation de l’avoir assassinée, l’homme que moins que tout autre elle aurait dû berner… le détective Tom Bob.

— C’est juste, dit Shepard.

Mme Davis ajouta :

— Les femmes ont une imagination redoutable dès qu’il s’agit de leurs passions.

— Hélas, murmura Tom Bob…

Cependant, il n’était que temps d’agir.

Déjà trois semaines s’étaient écoulées pendant lesquelles Mme Garrick, nullement inquiétée, avait eu le temps d’aller fort loin. Assurément, par les journaux elle avait appris l’arrestation de son mari, si donc elle avait regretté son acte, déploré sa fuite, redouté le châtiment qui menaçait son époux, elle n’aurait eu qu’à paraître, à se montrer, voire même qu’à écrire et toute l’accusation tombait. Si Mme Garrick ne l’avait pas fait, c’est qu’elle ne le voulait pas. Cela compliquait étrangement le rôle des détectives.

Il s’agissait, non pas seulement de retrouver une personne quelconque dont on ignore la résidence, mais bien de découvrir quelqu’un qui se cache.

— Nous la retrouverons… nous la retrouverons, grommela French, les dents serrées.

Toutefois le jeune Irlandais ne s’imaginait pas du tout comment on y parviendrait.

Shepard, méthodique et précis, voulait sérier les questions :

— Voyons, interrogea-t-il, quels sont les pays où vraisemblablement Mme Garrick peut être allée ?…

Tom Bob l’interrompait aussitôt : :

— Ne perdez pas votre temps à vous poser semblable question, le monde est grand, il n’y a rien à faire en envisageant le problème par ce côté…

« Croyez-moi, Shepard, je connais Mme Garrick et je vais vous donner un conseil qui peut-être vous étonnera… c’est pourtant ce conseil qu’il faut suivre, si vous voulez découvrir ma femme, si vous êtes, comme vous l’avez juré, désireux de voir éclater le plus tôt possible mon innocence…

Shepard, sans un mot, sans un geste, était suspendu aux lèvres de Tom Bob, qui poursuivait :

— Nous sommes, nous autres détectives anglais, des policiers fort capables, fort habiles et généralement jugés selon nos propres mérites, c’est-à-dire fort honorablement. Toutefois, nous pouvons bien le reconnaître, car ce n’est pas l’heure de nous faire des compliments, nos capacités n’excèdent pas la limite de la bonne moyenne ; nous remplissons nos rôles avec intelligence et dévouement, nous sommes de bons, d’excellents employés même, nous ne sommes pas des génies…

— Où voulez-vous en venir ? interrogea Shepard qui n’avait pas bronché en entendant ce prélude étrange…

— À ceci, reprit Tom Bob : Pour des raisons que je n’ai pas à vous expliquer, mais que je tiens pour excellentes et bien fondées, j’ai la conviction que seul un homme au monde, eu égard à son habileté, à son talent, à sa valeur, est capable de retrouver Mme Garrick, si toutefois il y consent. Cet homme est un de nos confrères ; un policier qui, depuis de longues années, lentement, peu à peu, par son adresse, son courage, sa logique, son intelligence est arrivé à se créer une situation qui est de première importance. C’est l’homme, qui, négligeant toutes les vétilles professionnelles, qui, rompant avec les traditions, se mettant même en opposition avec ses chefs, avec la justice entière, a déclaré la guerre au plus redoutable criminel qui soit à notre époque, et vous devinez qui je veux dire ? Il s’agit d’un Français, de l’inspecteur de la Sûreté, Juve.

— Juve, s’écria Shepard, est-ce possible que vous teniez cet homme en telle estime…

— Oui, coupa Tom Bob sur un ton qui n’admettait pas de réplique…

— Mais Juve, c’est l’adversaire de Fantômas.

Un sourire amer et énigmatique erra sur les lèvres de Tom Bob. Il sembla qu’il allait reprendre la phrase du jeune détective, mais il se contint et murmura simplement :

— Oui, French, c’est bien cela…

Toutefois Shepard qui, généralement, acceptait sans murmurer les conseils de son collègue et ami, esquissait cette objection :

— Comment Juve pourra-t-il savoir où se trouve Mme Garrick ? quels liens ce policier français peut-il avoir avec la femme de…

Tom Bob encore interrompait son collègue, le menaçait du doigt :

— Shepard, mon ami, déclara-t-il en souriant, il me semble que l’émotion trouble votre esprit au point d’en chasser tout raisonnement… Il ne s’agit pas de découvrir actuellement un lien entre Juve et Mme Garrick ; il s’agit d’aller demander à Juve de précisément le créer, ce lien, pour vous permettre de retrouver ma femme…

— C’est vrai, confessa le détective confus de s’attirer ce reproche.

Mais son visage s’éclairait, une idée subite lui venait à l’esprit :

— Tom Bob, s’écria-t-il…

— Je vous écoute, Shepard…

— Tom Bob, poursuivit en s’animant le détective, il y a quinze jours, alors que des bruits mystérieux couraient, alors que vous veniez de partir à la recherche de Françoise Lemercier, me trouvant dans un bouge du quartier des Docks, j’ai eu l’occasion de surveiller quelques Français de mauvaise réputation. Parmi ceux-ci – de qui d’ailleurs j’ai appris la fuite de votre maîtresse sur le Victoria – se trouvait un individu que la police de Paris nous a signalé comme un redoutable apache : le Bedeau. Or, il me semble que précisément ce soir-là j’ai vu dans le sillage de cet individu un personnage que je n’ai pas identifié alors… Un de mes subordonnés m’a dit depuis que c’était Juve.

— Ah ! dit Tom Bob, vous avez rencontré Juve à Londres ces temps derniers ?

— J’en ai la conviction absolue.

Tom Bob s’abîma dans ses pensées.

Shepard, cependant, prenant bien garde à ne pas troubler la méditation du prisonnier, indiquait à French que le Conseil des Cinq le chargeait de partir le soir même pour Paris où il établirait le contact avec Juve.

L’entreprise convenait parfaitement au tempérament de l’impétueux Irlandais. Elle le passionnait : non seulement il s’agissait de faire triompher le bon droit et de prouver la vérité, mais encore de sauver un collègue, un maître.

Oui, French irait, le cœur plein d’entrain, sur le continent ; il déploierait toute sa subtilité, il exploiterait toutes ses qualités pour obtenir de Juve son aide totale.

— Shepard… Shepard, s’écria French, dont le visage s’illuminait, je vous jure que, Dieu aidant, je retrouverai Mme Garrick, je vous certifie que, de gré ou de force, elle viendra proclamer devant le juge l’innocence de notre ami.

— Dieu vous entende, murmura Tom Bob qui, surmontant son émotion, avait légèrement souri à la vibrante déclaration du benjamin des membres du Conseil des Cinq.

Cependant, la voix harmonieuse de Mme Davis s’élevait sous les voûtes sonores du parloir :

— Vous n’êtes pas frappé par le lien qui existe entre ces affaires ? Accusation du docteur Garrick, oui, mais en même temps, des vestiges humains découverts dans la cave de sa maison, et vol du bébé de Françoise Lemercier… Ce n’est pas tout. Il existe une certaine Nini Guinon qu’on soupçonne d’avoir fait disparaître son enfant. Des rapports en font foi. Elle proteste et produit son enfant. Et en même temps nous avons des raisons de croire que M. Juve s’est transporté à Londres, qu’il s’y intéresse de très près aux agissements d’un certain Bedeau. Et qui est-ce que le Bedeau fréquente ? la bande d’individus louches dont le plus bel ornement est sans contredit la fille Nini Guinon, et l’amant de cette dernière, l’ignoble Beaumôme. Il faut rapprocher ces faits les uns des autres si l’on désire trouver un fil conducteur.

— Et quelle conclusion en tirez-vous ? demanda Tom Bob, soudain pâli.

— Aucune, mon cher ami. Pour le moment du moins. J’ai l’impression que nous sommes des spectateurs arrivés au théâtre à la fin du premier acte. Il faut le temps de comprendre l’action de la pièce.

Shepard, par des hochements de tête, approuva la comparaison de Mme Davis :

— Je crois que c’est très juste ce que vous dites, madame, nous arrivons en effet à la fin du premier acte… ayons soin de ne pas manquer le début du deux.

— … Et songeons surtout à faire qu’au troisième acte la vérité éclate, que le vice soit puni, et la vertu récompensée, ajouta Tom Bob, avec le sourire.

Dans un élan spontané de sincère sympathie, les deux détectives et Mme Davis, cependant si réservée, si froide à son ordinaire, s’étaient levés et, d’un geste sincère, ils étreignaient les mains de leur collègue dont ils comprenaient l’angoisse.

— Je retrouverai Mme Garrick s’écria French avec toute la sincérité de sa jeune âme ardente…

Cependant que Mme Davis concluait, sachant toucher le point le plus sensible du cœur de Tom Bob :

— Et moi je n’aurai de tranquillité qu’une fois le petit Daniel rendu à sa maman…

***

Quelques instants après, le Conseil des Cinq se séparait, solennellement, sans paroles inutiles.

Le pendu de Londres
titlepage.xhtml
Souvestre_Allain_Le_pendu_de_londres_split_000.htm
Souvestre_Allain_Le_pendu_de_londres_split_001.htm
Souvestre_Allain_Le_pendu_de_londres_split_002.htm
Souvestre_Allain_Le_pendu_de_londres_split_003.htm
Souvestre_Allain_Le_pendu_de_londres_split_004.htm
Souvestre_Allain_Le_pendu_de_londres_split_005.htm
Souvestre_Allain_Le_pendu_de_londres_split_006.htm
Souvestre_Allain_Le_pendu_de_londres_split_007.htm
Souvestre_Allain_Le_pendu_de_londres_split_008.htm
Souvestre_Allain_Le_pendu_de_londres_split_009.htm
Souvestre_Allain_Le_pendu_de_londres_split_010.htm
Souvestre_Allain_Le_pendu_de_londres_split_011.htm
Souvestre_Allain_Le_pendu_de_londres_split_012.htm
Souvestre_Allain_Le_pendu_de_londres_split_013.htm
Souvestre_Allain_Le_pendu_de_londres_split_014.htm
Souvestre_Allain_Le_pendu_de_londres_split_015.htm
Souvestre_Allain_Le_pendu_de_londres_split_016.htm
Souvestre_Allain_Le_pendu_de_londres_split_017.htm
Souvestre_Allain_Le_pendu_de_londres_split_018.htm
Souvestre_Allain_Le_pendu_de_londres_split_019.htm
Souvestre_Allain_Le_pendu_de_londres_split_020.htm
Souvestre_Allain_Le_pendu_de_londres_split_021.htm
Souvestre_Allain_Le_pendu_de_londres_split_022.htm
Souvestre_Allain_Le_pendu_de_londres_split_023.htm
Souvestre_Allain_Le_pendu_de_londres_split_024.htm
Souvestre_Allain_Le_pendu_de_londres_split_025.htm
Souvestre_Allain_Le_pendu_de_londres_split_026.htm
Souvestre_Allain_Le_pendu_de_londres_split_027.htm
Souvestre_Allain_Le_pendu_de_londres_split_028.htm
Souvestre_Allain_Le_pendu_de_londres_split_029.htm
Souvestre_Allain_Le_pendu_de_londres_split_030.htm