ERREUR DE TIR

 

C’était le millième jour. Il avait commencé en septembre 1952, et voilà : juin 55. Il avait coché les jours sur un petit bout de papier qu’il gardait dans son portefeuille.

Mille jours qu’il aimait Marilyn Taylor.

Pour la millième fois, il replaça la housse sur sa machine à calculer, ôta ses manchettes en cellophane et ferma les tiroirs de son plan de travail. Il était au bureau, mais en réalité, il était à Hollywood, immergé dans ses fantasmes, noyé dans des délices en CinémaScope. Ce fut par instinct qu’il recouvrit de sa veste ses frêles épaules et posa un panama sur son crâne presque chauve. Par habitude qu’il se dirigea vers l’ascenseur, quitta l’immeuble Lane et descendit dans la moite pénombre du métro. Une horde compacte de salariés le propulsa dans une voiture surchauffée. Les coups de coudes, les grommellements exaspérés et les reproches acerbes le laissèrent de marbre.

Henry Shrivel rêvait.

Mille jours ! Jamais fidélité amoureuse n’avait atteint de tels records, songeait-il, ballotté par le mouvement du train. Penser à Marilyn le mettait en nage.

Deux arrêts plus tard, la foule le tassa au fond de la voiture. Il s’accrocha à une poignée et se replongea dans ses rêveries. Le train atteignait le milieu du pont, lorsque son regard croisa l’affichette qui se trouvait sur sa gauche. Il en resta bouche bée, ses yeux bleu pâle s’agrandirent.

C’était Elle !

Sur un court de tennis, souriant tendrement à la cigarette qu’elle tenait entre deux doigts au galbe parfait. Son regard pénétra Henry jusqu’au tréfonds de son âme.

« Je fume des Charnel, les cigarettes les plus légères et les plus savoureuses. » Signé : Marilyn Taylor, Classic Studios. En ce moment à l’affiche dans Les Frères Karamazov.

Henry la contempla avec adoration. Elle avait des cheveux blonds bouffants ; des yeux de chat, verts, sensuels, qui semblaient l’inviter à partager des plaisirs ébouriffants ; des lèvres écarlates qui appelaient ses baisers.

L’affiche s’arrêtait à l’endroit où la ligne des épaules amorçait son inexorable descente vers la poitrine qui lui avait valu sa célébrité. « La plus généreuse poitrine d’Hollywood » : tel était le titre dont l’avaient couronnée les journalistes. Et qui n’était pas usurpé ! pensa Henry, pendu à la poignée, le regard vague.

Il la regarda durant tout le trajet : fraîche, lisse, belle à tout jamais sur son court de tennis. Les magazines l’avaient dit : Marilyn est une remarquable joueuse de tennis. C’était certainement vrai, cette affiche en était la preuve irréfutable.

Soudain, Henry fut comme foudroyé par un pressentiment. C’était un signe on ne peut plus clair, le présage que ce soir ses efforts allaient être enfin récompensés.

Ce soir il tiendrait Marilyn Taylor dans ses bras.

Il descendit au terminus, grimpa lentement les escaliers et retrouva les bruits de la rue. Il traversa tranquillement les rails du tramway, ignorant un taxi qui faillit le renverser. Il s’éloigna nonchalamment du tumulte, tourna à l’angle du boulevard et s’engagea dans une rue calme et bordée d’arbres. Le millième jour, songeait-il.

Ou — pour être plus précis – la millième nuit.

Il faisait lourd dans l’appartement, qui sentait le chou bouilli et les couches mises à sécher. Henry s’efforça de reprendre pied dans la réalité. Ce soir, il allait jouer pour la dernière fois le rôle du mari dévoué.

Bella était dans la cuisine, en train de gaver le bébé gazouillant. Son visage tiré était en sueur, ses cheveux pendaient lamentablement sur son front et ses tempes. Jamais Marilyn n’offrirait un tel spectacle, jamais ! Pas même dans un appartement comme celui-ci.

« Bonsoir, dit-il.

— Oh, c’est toi ! » Elle leva vers lui un front moite qu’il effleura de ses lèvres avec dégoût. « Tu es en retard. » Tu dis toujours ça, même quand je suis en avance, pensa-t-il.

« Oui, ma chérie. On dîne bientôt ?

— Dès que Lana aura fini de manger, je m’attaque au dîner.

— Oh, ce n’est pas encore prêt ?

— Non, pas encore ! À quoi penses-tu que j’ai passé la journée ? À flemmarder ? Figure-toi que j’ai… »

Henry attendit patiemment qu’elle eut dévidé son lot de lamentations diverses. « Oui, ché… » tenta-t-il de placer, mais elle n’avait pas terminé. « Oui, chérie », répéta-t-il, quand elle eut fini d’exposer son cas.

Il alla dans le salon et aéra la pièce. Il donna un coup de pied dans un petit camion, lança le ballon de Willie dans la salle à manger et ramassa les pièces de puzzle éparpillées sur le tapis.

Enfin, avec un soupir, il s’assit sur le canapé, où il resta quelques instants à essayer de s’abstraire de son environnement. Puis il s’allongea et ferma les yeux. La pièce disparut et il se replongea dans ses rêveries secrètes.

Au début il ne s’agissait que de chimères, de son imagination qui divaguait. Mais mille jours avaient passé. À présent il y croyait pour de bon.

Lorsqu’il fermait les yeux, il était bel et bien dans la chambre de Marilyn Taylor.

« Je suis sur son lit, se disait-il dans sa tête. J’entends le murmure des voilages lorsque la chaude brise de Californie passe à travers les larges portes-fenêtres qui s’ouvrent sur la terrasse surplombant la piscine autour de laquelle de magnifiques starlettes étirent leurs silhouettes dorées. »

Henry Shrivel soupira. Après mille nuits – moins une – de cogitation, il était certain qu’il ne lui restait plus qu’une chose à faire : embrasser Marilyn Taylor. C’était le bouquet final. L’embrasser, rien de plus !

Ensuite…

Il avait vraiment la sensation d’être dans la chambre de Marilyn. Il en connaissait chaque détail, en avait examiné tous les recoins dans les magazines de cinéma. Ceux dont il se moquait lorsque Bella les empilait dans l’appartement, mais qu’il dévorait tout en fronçant le nez dessus.

L’appartement de Marilyn lui était aussi familier que le sien. Les étagères de livres soigneusement choisis dans la bibliothèque lambrissée, le canapé en croissant qui s’étalait devant l’immense cheminée en pierres du salon, la chaîne hi-fi, les tapis moelleux, les chaises, les tables, les lampes. Les chromes et les cuivres de la cuisine devant lesquels Marilyn posait en tablier fantaisie lorsqu’il lui arrivait de confectionner des biscuits. « Marilyn est un remarquable cordon bleu ! » C’était le magazine Fanland qui l’avait dit.

Chaque nuit, pendant mille et une nuits — moins une —, il s’était imaginé dans cette maison, l’avait parcourue de long en large, s’était allongé sur le lit, y avait attendu Marilyn.

« Je suis chez elle, murmura-t-il. Nous venons de disputer un match de tennis. J’ai pris une douche et suis allongé, nu comme un ver, sur son lit. Dans la salle de bains, je l’entends pousser des exclamations de plaisir sous les ruisseaux de bulles qui parcourent son corps bronzé. »

Henry se ratatina sur son canapé. Il y était ! Il percevait les odeurs, les bruits, l’atmosphère.

Et pourquoi pas ? Le temps et l’espace… qu’était-ce en réalité ? Des milieux élastiques que l’on pouvait étirer ou réduire à sa guise. Avec suffisamment de concentration, tout était possible.

« Elle aura bientôt fini de se doucher. Elle s’enveloppera d’une serviette éponge. La même que dans Cadavres sur la plage. Elle sortira de la salle de bains avec grâce et me sourira avec sensualité. « Oh, Henry chéri », roucoulera-t-elle en venant près de moi, sur le lit. »

La scène devenait de plus en plus réelle. Ce soir, il sentirait le lit s’affaisser légèrement sous les formes souples du corps de Marilyn, sentirait ses doigts lui caresser la joue. « Quel joli coquin tu fais », lui dirait-elle. Et il l’entendrait en vrai. En vrai.

Bien sûr, il garderait les yeux clos. Elle le supplierait de l’embrasser, comme les neuf cent quatre-vingt-dix-neuf fois passées. Mais cette fois — cette millième nuit — il attendrait que son énergie mentale soit devenue irrésistible. Alors il poserait ses mains sur ses épaules. L’attirerait vers lui, sentirait sa sublime poitrine s’écraser contre lui. Et l’embrasserait, sentirait les lèvres satinées de Marilyn s’abandonner aux siennes.

« Ensuite j’ouvrirai les yeux et je ne serai plus dans cet appartement. Je serai loin de tout, à Hollywood, avec Marilyn Taylor. En vrai ! Je me serai échappé et elle sera dans mes bras. Soupirant d’extase. Et alors…

— Henry, à table ! »

Sa bulle explosa. Henry Shrivel retomba dans son salon. Il serra les dents et donna un coup de poing dans les coussins. D’où s’éleva un nuage de poussière.

« Merde ! maugréa-t-il. Oh, merde, merde, merde… » Il se redressa et attrapa sur la table basse un magazine de cinéma qu’il ouvrit sur un article consacré à Marilyn. Elle le regardait, rayonnante, un manche d’aspirateur à la main. « Marilyn est une remarquable femme d’intérieur ! » disait la légende. Henry se détendit, sourit. Nul besoin de s’inquiéter, c’était pour ce soir. Oh, bénie soit cette nuit !

Au dîner, il fut presque aimable.

Il tapota la tête de Willie, s’enquit des dernières nouvelles de l’école, et déposa avec une infinie tendresse un baiser sur la joue du bébé. Il ponctua de quelques marmonnements de sympathie les jérémiades de Bella à propos de ses pieds, ses jambes, son dos, ses yeux, ses dents, sa tête et tout ce dont elle avait envie de se plaindre. Il se conduisit exactement comme un soldat à la veille de son départ pour la guerre — vaillant, mais sans forcer la note. Regrettant simplement d’être le seul à le remarquer.

Après le repas, il complimenta Bella sur l’excellence de sa cuisine. Les yeux de son épouse s’étrécirent en une expression soupçonneuse.

« Tu vas bien ?

— Mais oui, parfaitement bien. »

Elle le dévisagea. Il connut un instant de panique. Puis se détendit. Comment pourrait-elle se douter de quoi que ce soit ? Tout cela se passait dans sa tête, où elle n’avait pas accès.

Elle cessa enfin de l’épier. Mais passa le reste de la soirée à lui lancer des coups d’œil inquisiteurs alors qu’assis au salon, ils feuilletaient des magazines de cinéma ou regardaient des séries policières à la télévision.

Toute la soirée, Henry évita délibérément de penser à Marilyn. Il faisait provision de désirs. Assis dans son fauteuil, il fixait la télévision sans la voir, se demandant ce que diraient les voisins lorsqu’ils apprendraient sa disparition.

« Disparu ! Oui, c’est bien ce que j’ai dit. Comme ça ! Nous nous sommes couchés et le lendemain il n’était plus là. Plus de pyjama, plus rien. Aucune trace. Évanoui dans les airs. Personne n’y comprend rien ! »

Henry Shrivel sourit intérieurement.

Bientôt l’heure du coucher.

Le moment approchait. Il s’efforçait de se contrôler mais ne pouvait empêcher son cœur de battre à tout rompre et sa respiration de s’accélérer. En se brossant les dents, il s’aperçut que ses mains tremblaient. Il se raisonna. Ne t’inquiète pas, tu vas atteindre ton but, récolter ce que tu as semé. Tu vas y arriver, mon vieux, tu vas y arriver !

Ses mains tremblaient toujours.

Quand il entra dans la chambre, Bella se mettait au lit. Sa chemise de nuit d’un bleu défraîchi pendait sur son corps décharné. Les lèvres d’Henry frémirent, ses jambes flageolèrent. Il alla rapidement s’asseoir sur le lit.

« Mets le réveil, dit-elle.

— Hein ? Ah, oui. Oui, ma chérie. Tout de suite. » Sa voix était tendue, mal assurée.

« Mais qu’est-ce que tu as ?

— R… oups. » Il déglutit. « Rien. Quelque chose dans la gorge, c’est tout.

— Ah bon. Bonne nuit. »

Il posa un baiser sur sa joue, frissonna et s’affala dans les oreillers. Est-ce que j’ai raison ? se demanda-t-il. Ai-je le droit de les abandonner, elle et les enfants ? Ma faible assurance-vie sera-t-elle suffisante ?

Ses traits se crispèrent. Par tous les saints, il ne s’était pas mis les neurones à l’épreuve pendant si longtemps pour reculer. Pas après neuf cent quatre-vingt-dix-neuf jours et nuits de concentration acharnée. Il était juste qu’il soit récompensé de tant d’efforts.

Il se dit que si les choses tournaient mal, il pourrait toujours prendre le train et revenir d’Hollywood. Mais il était persuadé que Marilyn lui trouverait un contrat. Il pourrait jouer des petits rôles, cela lui permettrait d’envoyer des chèques anonymes à Bella. Bien sûr !

Il sourit, ferma les yeux et contracta ses muscles pour s’évader par la pensée à l’autre bout du pays. Il fut là-bas presque instantanément. Dans la chambre de Marilyn. Il n’avait aucun besoin de faire le tour de la maison cette nuit. Il était dans son lit. Il entendait le murmure des voilages. Dehors, les starlettes riaient autour de la piscine. En Californie, on était seulement en fin de journée. Marilyn poussait de petits cris sous la douche.

« Sors de la douche, cria-t-il.

— Quoi ? » demanda Bella, la bouche pâteuse.

Henry ouvrit brutalement les yeux, le cœur battant. Il retint sa respiration jusqu’à ce que Bella recommence à ronfler. Puis il ferma les paupières et s’envola de nouveau vers Marilyn. Par un immense effort de volonté il se remémora la chambre.

« Sors de la douche », répéta-t-il — intérieurement, cette fois.

Il prêta l’oreille en retenant son souffle. On entendait juste la brise et les rires lointains des starlettes.

Là !

Une porte s’ouvrit. Il entendit très distinctement des pieds nus sur le tapis.

« Henry, mon chéri. »

Ses oreilles ne le trompaient pas ! Il avait bel et bien entendu ! Son cœur battit à tout rompre dans sa poitrine et il ne put empêcher ses dents de claquer. Les pas avançaient sur le tapis. Ses mains tressaillirent. Il faillit hurler lorsque le lit s’affaissa de son côté. Elle était assise près lui ! Quant à lui, il était dans ses petits souliers, submergé par des vagues de chaleur.

Une main lui caressa la joue. Une vraie main, chaude et sensuelle. Henry Shrivel en trembla de tout son corps.

« Quel joli coquin tu fais. »

La voix chaude et engageante de Marilyn le plongeait en plein délire. Elle était là ! Elle le touchait, il entendait sa voix, sentait le parfum de son corps, de ses cheveux. Tous ses sens proclamaient sa présence.

« Embrasse-moi, Henry chéri », supplia-t-elle dans un souffle.

On y était. C’était le test, le moment crucial entre tous. S’il savait se montrer à la hauteur, elle serait à lui pour toujours. Marilyn Taylor serait sienne. Il rassembla chaque parcelle de son énergie en une boule dure, explosive. Banda sa volonté à s’en faire palpiter les veines.

« Embrasse-moi », supplia-t-elle.

Lentement, prudemment, il leva les mains vers elle.

Elles enserrèrent les épaules de Marilyn, l’attirèrent contre lui avec d’infinies précaution. Soudain, elle faillit s’évaporer. Il se concentra davantage. Elle revint. Elle était là, dans toute sa plénitude.

Il sentait sa plantureuse poitrine contre lui. Le parfum trouble de son haleine l’enivrait. Lorsqu’elle posa ses lèvres brûlantes sur les siennes et que ses cheveux de soie cascadèrent sur son visage, il ne put dominer son tremblement. Il l’enlaça. Le peignoir s’ouvrit et elle pressa son corps contre le sien. Le sang de Henry Shrivel ne fit qu’un tour. Il avait réussi !

Il ouvrit les yeux. Surpris, il fronça les sourcils. Ce n’était pas l’après-midi, il faisait nuit noire. Tant pis. Elle était encore là, dans ses bras. Ils s’étreignirent en gémissant de plaisir.

« Mais qu’est-ce qui se passe ? »

La lumière l’aveugla. Il se redressa précipitamment, les yeux agrandis par la panique. Son regard se porta tour à tour sur l’expression ahurie de Marilyn Taylor d’un côté, et sur le visage de Bella, bouche bée, stupéfaite, de l’autre.

« Henry Shrivel ! s’étrangla cette dernière. Qu’est-ce que c’est que ça ?

— Oui ! dit Marilyn. Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? »

Henry retomba sur le dos, les yeux exorbités. La dernière chose qu’il vit avant de tomber en syncope fut le plafond de sa propre chambre.

La Touche Finale
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