CHAPITRE XI : UNE TRANCHE DE CYBERCAKE

3 : 38

Pour ce que j’avais à faire, il me fallait me brancher sur une borne totalcom. Il était naturellement hors de question de la faire de ce côté-ci de la barrière ; toutes étaient prises d’assaut. J’étais donc forcée de pénétrer dans la zone interdite. Je n’ai eu aucune peine à franchir les divers barrages et guet-apens posés par les kropmensen. Le seul individu en uniforme qui a remarqué ma présence s’est contenté de me flatter l’échine d’une main distraite avant de reporter son attention sur la ligne d’horizon. Apparemment, sur cette fichue planète, tout animal de petite taille ne ressemblant à rien de connu était automatiquement catalogué Twonky.

Avant que je quitte mon beau pilote et la petite minette aux yeux en amande, nous avions convenu d’un plan d’action. Kikuko assurait que c’était la seule façon de les tirer du pétrin pour nous permettre d’arriver à temps au seuil transmat. Viper, lui, demeurait sceptique ; sans doute ne me faisait-il pas confiance. Je ne lui en voulais pas, ceci dit : il ne connaissait qu’une infime partie de mes capacités. Et si vous vous dites que je me vante, Usez donc un peu la suite, pour voir.

Le problème suivant qui se posait à moi consistait à trouver un accès direct à l’équivalent local d’un Réseau planétaire. Toujours d’après Kikuko, la couverture informatique de Spirit of America était composée d’une quinzaine de grosses bases de données et de cinq ou six architectures logicielles complexes, que chapeautait un maître-ordinateur géant vieux de plusieurs siècles, auquel on avait adjoint le mois précédent une nouvelle unité centrale ultra-moderne destinée à le remplacer, à terme. Théoriquement, ce proto-Réseau n’était accessible qu’à partir de machines officielles, mais il était toujours possible d’obtenir un canal satellite en se branchant sur une borne totalcom, puis d’utiliser cette liaison tout à fait légale pour entrer dans le système du maître-ordinateur.

Qui se défendrait, bien sûr. Seulement, que pourrait une vieille casserole électronique, même aidée d’un complice plus évolué mais manquant d’expérience, contre une I.A. de la trente-neuvième génération ?

Pas grand-chose, assurément.

3 : 21

La borne se dressait au carrefour d’une grande route et d’un chemin à peine goudronné. À quelques centaines de mètres de là, un monstrueux complexe chimique polluait joyeusement, à grand renfort de nuages de fumée jaunâtre et de boues délétères vomies par de gros tuyaux dans une rivière malchanceuse. J’ai laissé passer deux glisseurs militaires avant de sauter sur la borne et, ne sortant que la prise adéquate pour éviter de me faire repérer au cas où quelqu’un passerait dans le coin, je me suis branchée.

Le code d’accès que m’avait fourni Kikuko m’a ouvert un canal avec la Centrale d’Informations, qui fournissait toutes sortes de renseignements, du temps qu’il faisait aux adresses des bordels. De foutus vicelards, ces Clowns Gris ! Ils cloîtraient leurs femmes à la maison, où ils rentraient à minuit, complètement torchés, non sans avoir lutiné deux ou trois gonzesses en compagnie de leurs collègues de travail. D’après les statistiques, un couple soan se voyait un peu moins d’une demi-heure par jour – les périodes de sommeil ne comptaient pas – et n’échangeait pas moins de sept répliques pendant tout ce temps partagé.

Pas étonnant que Kikuko soit passé dans le camp des pacifistes. À sa place, j’aurais moi aussi détesté cette planète.

Les protections de l’ordinateur-maître n’offraient qu’un obstacle purement théorique. Tout ceci datait de Carl 9000 – ou peut-être même d’avant ! N’importe quel cyberpunk bidouilleur d’Overdrive aurait craqué en moins de deux cette ossature logicielle antédiluvienne. Autant dire que je n’en ai fait qu’une bouchée. Je n’aurais jamais cru que ce serait si facile. Les Clowns Gris avaient en effet la réputation d’être parmi les meilleurs électroniciens du Radian terrien. Encore de l’intox, ai-je songé en investissant le système de gestion. Côté ordinateurs, Spirit of America en était à l’âge de pierre. Il y avait, entre l’outil informatique que j’étais en train de saboter et mon propre système, autant de différence qu’entre une hache de pierre taillée et une torpille-soleil. Leur prétendu nouvel ordinateur n’existait même pas ; on s’était contenté d’ajouter à l’ancien quelques mémoires mortes et une poignée de cartes, pompeusement baptisées « unité centrale ».

Grossièrement, j’ai effectué trois manipulations.

Tout d’abord, j’ai lancé un ordre de repli général à toutes les troupes stationnées sur le pourtour du périmètre interdit. Ordre qui serait annulé, mais d’ici là, ça mettrait suffisamment d’ambiance pour nous permettre de passer.

Ensuite, j’ai réécrit en vitesse quelques ressources, routines et fragments de programmes, histoire de compliquer la situation. Ce n’étaient pas exactement des virus – aucune I.A. n’accepterait d’employer des chaînes de code capables de détruire – mais le résultat final n’en serait pas moins gênant pour les Clowns Gris.

Enfin, j’ai effacé définitivement quelques centaines de logiciels visiblement destinés à un usage militaire. Des copies devaient exister quelque part, mais chaque seconde gagnée comptait. Quand on décide de foutre le bordel, autant aller jusqu’au bout.

J’ai également mené à bien une quatrième opération, sans rapport avec la mission de Viper. J’ai laissé ça et là dans les mémoires que je visitais des messages destinés aux biopuces soanes. Ce n’étaient que des modèles grossiers, le plus souvent dépourvus d’I.A., mais je m’en serais voulu de ne pas les prévenir du sort qu’on leur réservait.

C’était mon combat, et je ne l’aurais laissé à personne d’autre.

3 : 04

Le tout m’avait pris un bon quart d’heure, durant lequel je n’avais guère surveillé les environs. J’étais en train d’étudier l’un des derniers logiciels suspects, pour déterminer si je pouvais le détruire sans risques, quand une main s’est refermée sur ma nuque. J’ai été violemment arrachée à la borne et n’ai eu que le temps de rétracter la connexion que j’avais sortie.

— Qu’est-ce que c’est que cette bestiole ? a rugi le flic qui me tenait.

Son compagnon, un petit type au visage agité de tics, a eu un haussement d’épaules.

— Ben, un Twonky. Ça se voit, non ?

— Pas vraiment. En plus, on aurait dit qu’il était « branchée » sur la borne.

— Branché ?

— Il y avait un fil, une connexion… Non, je le trouve plus.

— T’as rêvé.

— N’empêche qu’il a vraiment un drôle d’aspect, pour un Twonky.

— Son maître doit venir d’Osaka I-XII. Ils ont les Twonkies les plus tordus, là-bas. J’en ai vu un, une fois…

Celui qui me tenait a poussé un cri de douleur. Je venais de lui envoyer une bonne décharge de 380 volts triphasé dans la main droite. Le bras tétanisé, il m’a lâchée. J’ai détalé comme un lapin, priant pour ne pas me faire tirer tel l’animal du même nom.

— Qu’est-ce qui t’arrive ? Il t’a mordu ? a interrogé derrière moi le petit flic.

— Mordu ? Tu parles ! Il m’a envoyé un coup de jus, oui !

— Du courant ? Électrique ? Alors, c’est pas un Twonky !

Tout en continuant à galoper, j’ai sorti un capteur pour suivre leur conversation, qui prenait un tour tout à fait déplaisant.

— Si c’est pas un Twonky, qu’est-ce que c’est ? Il y a eu un silence, puis les deux hommes se sont écriés en même temps :

— La biopuce !…

2 : 12

J’ai beau disposer d’une force colossale, eu égard à ma petite taille, je commençais à être franchement fatiguée de courir. Mais que faire d’autre, quand des centaines de gens vous traquent ?

Les deux flics avaient donné l’alarme immédiatement. Normal. Du coup, l’ordre de rapatriement que j’avais envoyé tombait partiellement à l’eau : les forces présentes dans le secteur où je me trouvais s’étaient en effet mises à ma recherche. Les conversations que j’arrivais à capter m’ont également permis d’apprendre qu’un flot ininterrompu de véhicules déferlait de tous les azimuths en direction de Toyota. Et comme – conséquence probable de mes manipulations – les infosys de régulation du trafic ne fournissaient plus que des données incompréhensibles ou hautement fantaisistes, le foutoir était encore pire que prévu.

Je me suis arrêtée un instant. Dans quarante minutes, mon beau pilote décollerait lui aussi pour gagner la capitale. Si je ne l’avais pas rejoint à ce moment-là, j’étais bonne pour finir mes jours dans ce trou ! Et il était fort probable que cette fin viendrait très vite si on me mettait la main dessus.

J’avais une trouille bleue, mais je ne l’aurais admis pour rien au monde.

2 : 02

Je n’étais plus qu’à un kilomètre environ de l’endroit où Viper et Kikuko m’attendaient à bord de l’hélic, quand j’ai découvert une ferme. Deux grands bâtiments de brique jaune plantés au milieu d’une vaste prairie clôturée où paissaient de petites créatures grises.

Deux cents mètres derrière moi, un arc de cercle menaçant d’uniformes de toute sorte progressait à pas lents. De l’autre côté du petit vallon où se trouvait la ferme, une ligne de silhouettes sombres apparaissait en haut de la colline. J’étais coincée. Cernée. Prise au piège.

Et pas question de me mêler aux animaux parqués dans l’enclos : je ne leur ressemblais absolument pas, bien que nos tailles fussent sensiblement identiques.

Ma bonne humeur et mon optimisme naturels en ont pris un coup. Je commençais à comprendre pourquoi Viper ne voulait pas que je l’accompagne. Les frissons que procure l’aventure ne sont pas tous délicieux, loin de là ! Je réalisais soudain que je détestais avoir peur.

Un homme est sorti sur le seuil d’une porte. Grand, sec, le nez proéminent et le menton en galoche, il n’avait pas du tout le type local. Bizarre…

— Hé, ma ! T’as donné à manger aux Twonkies ? a-t-il lancé en américain, avec un accent à couper au couteau que j’ai identifié comme celui du Middle West vers le XXIIIe siècle.

Une femme d’une soixantaine d’années est apparue, sortant d’une grange.

— Non, Pa, a-t-elle répondu. J’attendais qu’toute c’t’agitation s’soit calmée ! J’y vais tout d’suite.

Elle est retournée dans la grange. L’homme est resté un instant à regarder les petits animaux gris, puis est entré lui aussi.

J’ai aussitôt foncé vers l’enclos. Si ces créatures étaient bien des Twonkies, j’avais peut-être une chance de m’en tirer.

J’ai franchi d’un bond la clôture de barbelés, pour atterrir au milieu des animaux, qui s’éparpillaient déjà. J’ai gargouillé les sonorités qui, dans leur proto-langage, signifiaient que tout allait bien. Puis, quand ils ont été calmés, je me suis connectée avec l’un d’entre eux. Les Twonkies possèdent deux muqueuses sensitives sur l’arrière du crâne, par lesquelles il est possible à une biopuce aussi performante que moi d’entrer en contact pseudopsychique avec eux. J’ignore à quoi elles servent en temps normal.

moi – danger – Twonky – aide

C’était à peu près ce que l’esprit d’un Twonky pouvait appréhender de plus compliqué.

(comment) ??

Au lieu de le lui expliquer, ce qui aurait pris beaucoup trop de temps, j’ai envoyé une impulsion agissant sur le centre cérébral qui régissait le polymorphisme. Quand je me suis déconnectée, quelques instants plus tard, j’avais en face de moi ma fidèle réplique.

Suivant les directives que j’avais implantées dans sa mémoire, le Twonky modifié s’est tourné vers l’un de ses congénères, sur lequel il a effectué la même opération, tandis que je m’occupais d’une petite femelle craintive.

En moins de trois minutes, tous les pensionnaires de l’enclos étaient devenus mes sosies. Parfait. Des centaines d’exemplaires de Ganja lâchés dans la nature ne feraient qu’ajouter à la confusion générale. Grâce à une extension que je ne montre jamais à personne – une question de pudeur – j’ai cisaillé les barbelés, franchi l’ouverture et détalé dans la campagne, mille Twonkies bariolés piaillait derrière moi.

1 : 48

J’ai atteint l’hélic sans le moindre problème. La plupart des Twonkies s’étaient dispersés dans la nature, faisant souffler un vent de panique parmi les rabatteurs qui ne savaient plus où donner de la tête. Je doutais qu’ils réussissent à en attraper ne fût-ce qu’un sur cinq. Ces adorables bestioles avaient un grand besoin de liberté.

Cependant, j’en avais toujours une bonne cinquantaine à mes basques quand j’ai rejoint Viper et Kikuko. Après une brève explication, mon beau pilote a décidé de les embarquer avec nous. Ils pourraient toujours nous permettre de faire diversion, maintenant que j’étais moi aussi repérée.

— Comment les Clowns Gris ont-ils pu apprendre que tu étais sur Spirit ? s’est écriée l’adolescente.

— Faut croire qu’il y a des taupes parmi les Résistants.

Elle a serré les dents, mais n’a pas répliqué. Malgré le désir qu’elle avait de défendre ses amis, elle savait que j’avais raison. Quelqu’un, à un maillon de la chaîne, nous avait balancés. Peu importait qui, d’ailleurs.

Nous avons embarqué les Twonkies, qui ne cessaient de glouglouter de joie, Viper a mis les gaz et l’hélic s’est enlevé dans le ciel du soir.

1 : 04

Nous nous trouvions à un peu moins de trois kilomètres du seuil transmat que nous avions utilisé à l’aller, quand la radio s’est mise à nous menacer, sur une fréquence d’interception réservée aux uniformes. Sourd aux invectives que vomissaient ses écouteurs, Viper a poussé à fond la turbine d’appoint. L’hélic a fait un bond en avant.

Un engin inidentifiable nous a croisés à une vitesse folle, faisant feu de toutes ses armes. Il tirait si mal qu’il devait avoir reçu des instructions en ce sens. Viper a lâché un juron obscène qui a fait ricaner Kikuko. Puis, avisant une surface plane, il a entrepris d’y poser l’hélic.

Nous nous sommes rués hors de l’appareil, au milieu d’une horde de Twonkies surexcités. J’ai sauté sur l’épaule de Viper, me suis connectée et lui ai injecté la route à suivre. Il m’a remerciée d’une caresse sur l’échine avant de m’envoyer me mêler à mes petits camarades.

0 : 45

Le quartier avait été bouclé en un temps record, mais nous avions réussi à nous rapprocher du seuil. De temps à autre, j’opérais une diversion en envoyant l’un des Twonkies mettre un peu d’animation d’un côté ou de l'autre. Ils ne risquaient rien : la plupart des Clowns Gris aimaient trop leurs animaux de compagnie pour leur faire le moindre mal. De plus, toutes les forces engagées dans l’opération devaient avoir reçu des consignes pour me capturer intacte. Ou alors, les Clowns Gris étaient encore plus crétins que le voulait leur réputation.

0 : 27

À force de ruses et de diversions, nous avions fini par atteindre Ventrée du labyrinthe de maisons en ruines où le seuil transmat était dissimulé. Nous nous apprêtions à nous y engager, quand quelqu’un a crié quelque chose derrière nous. Et Viper, ce kropmens, au lieu de filer en vitesse, la tête dans les épaules, s’est retourné pour voir qui l’interpellait.

Le rayon thermique l'a frappé à la jonction de l’épaule et du cou, emportant une partie de celui-ci. Viper s’est effondré comme une masse. Mort ? Inconscient ? Celui des quatre uniformes noirs qui avait tiré a rengainé, l’air satisfait.

— Fin de la cavale, petite Kikuko, a-t-il dit à la jeune fille. Je t’ai retrouvée. Je savais que l’espion repasserait par ici avec toi… Et la biopuce, bien entendu.

— Toujours aussi renseigné, Riyu !

J’ai deviné que Kikuko cherchait à gagner du temps. La tête baissée, j’ai tenté de me comporter comme un véritable Twonky. J’étais fort occupée à fouiner sous un tas d’épluchures moisies, quand l’un de mes « congénères » s’est approché de moi pour me renifler l’arrière-train. Le lui ai décoché un coup de patte et me suis rapprochée d’un bond de l’adolescente. Puis, soudain, je me suis détendue, lui ai arraché son hyperbag et me suis engouffrée dans la ruelle qui menait au salut, suivie par une horde de Twonkies surexcités.

À peine avais-je disparu de la vue de nos agresseurs que je plongeais sous un tas de gravats, essayant de me faire la plus petite possible et donnant à ma peau la couleur du plâtre mouillé. Les Twonkies, croyant à un jeu, se sont camouflés eux aussi, qui en bouche d’incendie, qui en sac de plastique usagé, qui en tas de légumes avariés. La rapidité de leur transformation m’a laissée sur le cul.

Les deux hommes qui s’étaient lancés à ma poursuite m’ont dépassée sans me remarquer.

Je suis revenue sur mes pas, tous mes sens en alerte. Le kropmens qui avait descendu Viper avait réussi à maîtriser Kikuko, mais il n’arrivait pas à lui passer les menottes magnétiques. Le quatrième homme en noir regardait la scène d’un œil égrillard. Quant à mon beau pilote, s’il vivait toujours, c’était par un pur hasard.

Les Twonkies possèdent un langage d’une vingtaine de phonèmes signifiants, j’ai glapi sans hésiter celui qui signifiait à peu près : « En avant toute, les gars, on va leur montrer de quel bois on se chauffe, à ces [ici, un concept tellement injurieux qu’il n’a d’équivalent dans aucune langue humaine] !… »

En un instant, Kikuko s’est retrouvée libre et son agresseur s’est effondré sous une masse grouillante de Twonkies déguisés en Ganja malade. L’autre homme a voulu utiliser son thermique, mais Riyu l’en a dissuadé, tout occupé qu’il était à essayer de se débarrasser des pseudo-biopuces.

Kikuko a fait le reste. Apparemment, le peaceful art était bien plus efficace que le hot aïkido. Elle a mis les deux hommes hors de combat en quelques gestes d’une rapidité inattendue chez un individu non cybernétisé.

Pendant ce temps, j’avais été me rendre compte de l’état de Viper. Pas bien brillant. Mais il avait eu de la chance, dans son malheur : le rayon thermique avait épargné la trachée-artère et cautérisé la blessure, stoppant d’emblée une hémorragie qui aurait pu être mortelle.

— Il est transportable, ai-je annoncé à Kikuko, qui venait aux nouvelles après avoir menotté les deux hommes.

— Parfait. (Elle s’est tournée vers Riyu.) Tu le porteras.

— Pas question.

— Alors, je te tue.

Il lui a jeté un regard de pure haine.

— Je le porterai, a-t-il grondé, résigné.

0 : 09

Nous n’avons vu aucune trace des deux autres uniformes. Sans doute s’étaient-ils égarés dans le dédale des ruelles – à moins que quelqu’un ne leur eût fait un mauvais parti. Quoi qu’il en fût, nous avons tous été soulagés – sauf peut-être Riyu – d’arriver à la maison en ruines où se trouvait le seuil transmat. Même avec cinquante twonkies déchaînés qui ne nous lâchaient pas d’une semelle, ne cessant de babiller et de glouglouter.

J’ai mis le seuil sous tension. Riyu, qui portait toujours le corps inerte de Viper, est passé le premier, aussitôt suivi par Kikuko. Je leur ai emboîté le pas, mais à peine avais-je franchi le seuil que j’ai crié à Ute de le refermer. Pas question de nous retrouver envahis par les Twonkies.

L’un d’eux, toutefois, a quand même eu le temps de passer. Je n’en étais pas sûre, mais il ressemblait bigrement à celui qui, tout à l’heure, m’avait reniflé les fesses.

0 : 03

Nous étions arrivés à destination avec huit minutes d’avance, et l’attente devenait insupportable. Le cœur de Viper faiblissait sans cesse, à la grande joie du dénommé Riyu.

— … Et dire que j’avais tout réglé, se lamentait Ute. Une merveille d’infiltration bancaire. J’avais réussi à sortir de l’argent de Spirit of America – tu te rends compte, Ganja ?

— Pas vraiment, non.

Kikuko, elle réalisait parfaitement ce que cela signifiait.

— Vous autres, les Stelles, a-t-elle commenté, vous êtes les plus fortes dès qu’il y a du pognon en jeu, pas vrai ?

L’Enchâssée a acquiescé.

— Alors, peux-tu nous expliquer d’où tu vas tirer les je ne sais combien de milliards de gigawatts nécessaires à notre transfert ?

— Simple : je vais pomper toute l’énergie de la planète.

Mon regard a rencontré celui de Riyu. Visiblement, il ne comprenant rien à ce qui se passait. Sa belle assurance avait disparu. Ce n’était plus qu’un prisonnier plein de rancœur, prêt à assassiner ses geôliers à la première occasion.

— Plus que trente secondes, a repris Ute. Préparez-vous.

Elle a activé le seuil. Un miroir d’argent impalpable s’est matérialisé dans le cadre rectangulaire. Kikuko a chargé Viper sur ses épaules. Elle déployait un peu sous la charge, car le bougre était costaud, mais moins que je ne l’aurais cru.

— Et lui ? ai-je interrogé en désignant Riyu.

— Il reste ici, a dit l’Enchâssée. À s’occuper de moi… Quinze secondes.

— Tu n’as pas peur qu’il te détruise ?

— Sans moi, il meurt. Dix secondes.

J’ai soudain su que Riyu allait effectuer une dernière tentative pour nous empêcher de quitter Spirit. Il s’était insensiblement déplacé et…

— Ne touche pas à ça ! a rugi Kikuko.

La main de l’homme s’est figé à quelques centimètres d’un interrupteur. Puis elle l'a enfoncé, si vite que personne n’aurait pu l’en empêcher.

Sans résultat apparent.

Un instant plus tard, nous franchissions le seuil.

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