CHAPITRE XX

Le chasseur Tie filait à toute allure au-dessus des frondaisons. L’air moite de Yavin 4 sifflait autour du cockpit et des panneaux solaires. Qorl se souvint du temps où il n’était qu’un aspirant. D’emblée, il s’était fait remarquer comme étant le meilleur pilote de son escadron et le plus attaché à faire respecter la volonté inébranlable de l’Empereur.

Les courants aériens le portaient en douceur, et il se délectait de cette sensation presque oubliée depuis vingt ans. Les vibrations des moteurs ioniques, jointes à son impression de liberté, le faisaient frissonner de joie.

Il tourna la tête pour regarder la couronne verdoyante des arbres massassis qui s’agitaient sur son passage. Difficile de contrôler un vaisseau impérial avec un seul bras, mais il était un pilote de chasse, un des meilleurs. Il avait réussi à se poser sur Yavin 4 malgré les avaries de son appareil et le tir nourri de l’ennemi. Et il avait survécu dans un environnement hostile pendant plus de vingt ans.

À présent, volant au ras des cimes pour éviter de se faire repérer, il sentait ses souvenirs lui revenir en même temps que ses automatismes de vol.

L’Empire est ma famille. Les Rebelles veulent détruire le Nouvel Ordre. Ils doivent être exterminés. EXTERMINÉS.

Il avait un avantage majeur : la surprise. Son attaque semblerait venue de nulle part. Les Rebelles seraient pris au dépourvu. Il s’abattrait sur eux, tirant de tous ses canons. Qorl pulvériserait la base, la réduirait en cendres. Il tuerait tous ceux qui avaient conspiré contre l’Étoile Noire, puis abattu Dark Vador et le Grand Moff Tarkin. Un simple soldat vengerait l’Empire.

Là ! Qorl plissa les yeux pour mieux voir. Au cœur d’une vaste clairière se dressait un temple de pierre : la pyramide où les Rebelles avaient établi leur base.

Le chasseur Tie piqua du nez vers son objectif. Qorl aperçut le fleuve qui traversait la clairière. Sur la rive opposée à celle du temple, il repéra des ruines vraisemblablement inhabitées. Il remarqua un générateur à moitié dissimulé et sut qu’il avait vu juste : cette base était toujours utilisée à des fins militaires.

Alors qu’il approchait du temple, il constata que la clairière servait aussi de piste d’atterrissage, et qu’un vaisseau en forme de disque, avec deux pointes jumelles à l’avant, y était stationné.

Qorl ne reconnut pas immédiatement le navire ni même la série à laquelle il appartenait. Visiblement, c’était un cargo léger, pas une aile X ni un des autres navires de combat rebelles qu’il avait appris à connaître au cours de sa carrière.

Plusieurs personnes sortirent de la pyramide et se précipitèrent vers la piste d’atterrissage. Peut-être couraient-elles à leurs postes. Qorl eut un ricanement méprisant. Il allait s’occuper de ces chiens !

Il appuya sur le commutateur du système de tir de son chasseur. Mais avant qu’il ait pu aligner les cibles dans son viseur, toutes réussirent à monter à bord du vaisseau inconnu. La rampe d’accès se rétracta, et il prépara l’appareil au décollage.

Qorl renonça à tirer sur le cargo, du moins, pour le moment. Les Rebelles devaient conserver d’autres vaisseaux beaucoup plus puissants dans un hangar souterrain. Son premier objectif serait de les empêcher de prendre l’air. Pour cela, il lui suffirait d’endommager les portes.

Il décida que le mieux à faire était de continuer sur sa lancée et de tirer avec ses canons-laser sur la structure principale du temple. Quand il en aurait fini avec lui, le bâtiment serait réduit en poussière ; les Rebelles et leur équipement ne seraient plus qu’un vague souvenir enfoui sous des tonnes de pierre.

Alors il ferait demi-tour et s’occuperait du cargo, avant de concentrer ses tirs sur le générateur. Lorsque son attaque éclair aurait totalement paralysé les Rebelles, il reviendrait une dernière fois au-dessus de la base, et réglerait leur compte à tous ceux qui auraient survécu à son premier passage.

En tout, il lui faudrait quelques minutes pour mettre les Rebelles à genoux.

Qorl verrouilla sa trajectoire sur le sommet du Grand Temple, avec ses meurtrières et ses sculptures couvertes de lierre. Puis il partit en piqué.

De sa main valide, il saisit la manette de tir. À l’instant exact où la base fut dans sa ligne de mire, il pressa le bouton, savourant par anticipation sa victoire. Une expression de triomphe anima ses traits figés…

Et s’évanouit aussitôt. Car rien ne s’était produit.

Qorl appuya frénétiquement sur le bouton. Toujours rien. Le système d’armement ne répondait pas.

Il fit effectuer une boucle à son chasseur, revint vers son objectif et essaya de tirer encore et encore, mais les canons-laser étaient comme morts. Ses yeux étudièrent le tableau de bord. Bizarre. À en croire les cadrans, tout était en parfait état.

De sa main invalide, Qorl boxa les commandes du vaisseau, conscient que ça pouvait arranger les choses. Parfois, avec le vieil équipement impérial, une bonne secousse suffisait à tout remettre en ordre. Mais ce ne fut pas le cas cette fois.

Calant les commandes au creux de son bras gauche, Qorl tâtonna sous son siège et sous le tableau de bord dans l’espoir de trouver le circuit débranché, ou à défaut une astuce qui lui permettrait de faire redémarrer les canons-laser.

Un scintillement attira son regard vers le plancher du cockpit. Tournant la tête, il crut distinguer un mouvement…

Le serpent-cristal se dressa derrière le siège du pilote. Avec un éclat d’arc-en-ciel, la lumière qui filtrait par le cockpit se refléta sur sa tête triangulaire. Qorl, qui avait vu nombre de reptiles semblables au cours de ses vingt années d’exil, comprit immédiatement à quoi il avait affaire.

Poussant un cri étranglé, il tenta de chasser le serpent avec son bras invalide. La créature enfonça ses crocs dans le cuir du gantelet noir, mais ne réussit pas à atteindre la peau.

Qorl agita la main. Il ne voyait rien, mais sentait le poids du reptile sur son bras.

Laissant le vaisseau en autopilotage, il tendit sa main valide pour saisir le serpent derrière la tête. D’un geste vif, il le décrocha et le jeta dans le toboggan de largage. Puis, avec une exclamation de dégoût, il l’éjecta du cockpit. Le serpent disparut dans la vive lumière de l’extérieur.

Qorl lutta pour reprendre le contrôle de son vaisseau désarmé. Les jumeaux avaient dû le saboter pendant les réparations.

Il réussit à se stabiliser, mais avant qu’il puisse prendre une décision sur la suite des événements, les rayons d’un canon-laser ennemi déchirèrent l’air devant lui.

De son bras valide, il tira désespérément sur les commandes. Le cargo rebelle venait de décoller et l’avait pris en chasse comme un oiseau de proie. Visiblement, il avait des armes en bon état… lui.

Qorl fit rugir ses moteurs ioniques et conclut que la meilleure chose à faire pour le moment était de tirer sa révérence.

Au cœur de la jungle, près de la hutte de Qorl, Jacen et Jaina étaient assis côte à côte. Très concentrés, ils unissaient leurs pouvoirs pour voir ce qui se passait au même moment à l’Académie. Ils n’obtenaient que des images floues, de vagues échos… mais ça leur suffisait.

— Il ignorait que nous n’avions pas réparé le système d’armement… Jamais il n’a pensé à me poser la question. J’avais trafiqué les cadrans pour que tout ait l’air normal, dit enfin Jaina. Il peut voler, mais son vaisseau est désarmé.

— Et, à mon avis, le serpent-cristal l’a un peu pris au dépourvu, renchérit Jacen en souriant. Je me demande ce qui lui est arrivé.

Les jumeaux échangèrent un regard satisfait.

— Je suppose que la meilleure chose à faire maintenant est de trouver un moyen de rentrer à l’Académie, poursuivit Jacen en levant la tête vers les frondaisons.

Jaina repoussa les cheveux qui lui tombaient devant les yeux et prit une profonde inspiration.

— Pas de problème, dit-elle en se frottant les mains. Qu’est-ce qu’on attend ?